Lorsque la Guerre des Sœurs ne fut guère plus qu'une légende oubliée, Yengo se surprit à rêver de changement. Il était quelque peu las des Mines du Vallon et des autres repères des magiciens, aussi beaux et enchanteurs soient-ils. Ses réflexions l'enchaînèrent dans des eaux profondes de l'âme, où la raison se perd et devient très vite folie.

Ce fut par une journée pluvieuse, aussi sombre et monotone que son état d'esprit, que Yengo se décida enfin à entreprendre son dernier voyage. Sans avoir averti qui que ce soit, il assembla ses affaires et partit comme il en avait l'habitude faire une promenade après le déjeuner. Les cavaliers qu'il croisa le saluèrent avec respect, avec crainte aussi, car il n'était pour eux qu'un savant mystérieux, un combattant esseulé qui finissait sa vie dans son bureau à gratter le papier. Yengo songea avec mélancolie que ses quelques et rares amis lui manqueraient, tout de même, et qu'ils seraient bien tristes en lisant sa lettre d'adieux. Mais ils étaient des cavaliers gris, après tout, et bien vite ils passeraient à autre chose.

Lorsqu'il dépassa le porche du petit bâtiment au bout de l'aile droite, Yengo entendit un sanglot. Etouffé, mais bien réel. Il hésita ; Yengo aimait beaucoup les enfants, mais il était aussi très pressé. Finalement, il tourna à l'angle et tomba nez à nez avec un gamin qui ne devait pas avoir plus de dix ans.

Il était plutôt maigrichon, avec une peau mate et des cheveux étonnement clairs, coupés très courts. Ses yeux gris étaient remplis de larmes, qu'il s'empressa d'essuyer d'un geste rageur quand il vit qu'un adulte l'avait surpris en train de pleurer.

— Je ne pleure pas, déclara-t-il d'emblée avec un air de défi dans ses prunelles couleur orage.

Yengo tergiversa quelques secondes, puis s'assit en face de lui sur le sol de terre battue.

— C'est un drôle de nom que tu as, Je-ne-pleure-pas. Le mien est Yengo.

Le gamin ouvrit de grands yeux étonnés, et se rattrapa bien vite.

— Pardonnez mon impolitesse, maître Yengo. Je m'appelle Halteko.

— Bien, rétorqua le savant avec un sourire. Et que fais-tu seul ici, Halteko ?

— J'attends.

— Et qu'attends-tu ?

Halteko haussa les épaules.

— Qu'il soit plus fâché.

— Qui donc ?

Son départ oublié, Yengo se laissa emporter par sa vive curiosité. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas eu l'occasion de discuter avec un jeune apprenti, et celui-ci était particulièrement intéressant. Yengo devinait en lui un esprit aiguisé, et un très grand potentiel.

— Mon mentor. J'ai fait un truc, il a pas aimé, et maintenant il me déteste.

La fin de sa phrase se perdit dans un murmure, et de nouvelles larmes vinrent remplirent ses yeux.

— Je veux pas qu'il me déteste...

Yengo leva les yeux vers le ciel nuageux, puis les abaissa vers Halteko.

— Hé, bonhomme. Tout le monde fait des erreurs, et je suis sûr que ton mentor en a déjà fait aussi. S'il était en colère, c'était surtout parce qu'il était inquiet. Il veut le mieux pour toi. Alors excuse-toi et, surtout, apprends de ton erreur. Oui, apprends de ton erreur Halteko, car c'est cela qui est le plus important pour lui.

— Vous pensez ?

— Mais oui. Ton mentor ne pourra jamais te détester, Halteko. Il sera en colère parfois, inquiet, souvent. Mais peu importe ce que tu feras, il aura toujours de la place dans son cœur pour la fierté. Rends-le fier, Halteko. Tu peux faire ça pour moi ?

Elements Tome 2 : L'Echo du PasséDonde viven las historias. Descúbrelo ahora