Prologue

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"La lucidité est la blessure la plus près du soleil." René Char

" René Char

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 Ça le dévorait de l'intérieur.

Il le sentait, au fond de ses entrailles, à la surface de son épiderme. Ça partait du dedans, et peu à peu, ça le rongeait.

Il ne savait pas quelle heure il était, quel jour encore moins. Les rideaux étaient fermés depuis si longtemps. Mais en lui, ça ne cessait de grandir et de s'épanouir, ça grouillait sous la peau, il en avait des sueurs froides. Il le sentait, ça venait du cœur, du ventre, ça fourmillait dans ses veines, et ça s'attaquait à la surface.

Ce mal qui le rongeait, il ne l'identifiait pas. Ses yeux fermés, comme cousus sur son visage, refusaient de s'ouvrir afin de constater les dégâts. S'il les rouvrait un jour, il ne savait pas dans quel état il retrouverait son corps. Si peut-être il verrait que, recroquevillé là depuis des semaines, son organisme avait fini par moisir vivant.

C'était comme un millier de minuscules insectes sous sa peau. Vers la surface, ça ressemblait à de la végétation qui s'épanouissait, un tissu de lichen à même l'épiderme. Il ne voyait pas, il n'y avait que la sensation, qui ne partait jamais, et il ne dormait presque plus. Ça devait faire des jours, et bientôt cela ferait des mois. Des mois qu'il n'avait pas rouvert les yeux. Des semaines, que son corps hurlait. Lui criait de se lever, de faire quelque chose, de le débarrasser de ces maux en lui. Sur son lit – il le pensait du moins, mais oui, il devait s'agir de son lit, où d'autre serait-il allé s'effondrer ? - sur son lit donc, étendu ou en boule, il ne sentait même plus ses muscles. Il aurait été bien incapable de décrire la position exacte dans laquelle il se trouvait. Peut-être même que dans certaines parties de son corps le sang avait cessé de circuler. Peut-être que ces parties là étaient déjà entièrement dévorées, noircies par ce mal qui partait de l'intérieur, peut-être qu'il n'en restait que des os, il ne savait pas. Son corps était plus lourd qu'une pierre, plus pesant que le métal. Et sûrement que lorsqu'il en mourrait enfin, la marque de sa silhouette resterait à jamais creusée dans le matelas.

Et ça grouillait encore. Il aurait aimé que tout ça se termine. Que les minuscules pattes d'insectes qui couraient dans ses bras s'immobilisent. Que les lianes qui se tressaient à l'intérieur de son torse se dénouent. Que les algues de ses pieds enfin s'assèchent. Ou bientôt, il se perdrait dans le décor là où la nature reprenait ses droits.

L'heure, le jour, tout ça s'était effacé depuis si longtemps. Ses paupières résolument fermées, il n'était même plus sûr de savoir comment il était arrivé là, il en oubliait jusqu'à son nom.

Oui, son nom, tiens, d'ailleurs, c'était quoi déjà ?

Quelques fois, il essayait de faire tourner à nouveau sa cervelle. Machine défaillante elle aussi, épuisée d'une activité stagnante, comme l'eau d'une mare qu'on a laissée pourrir. Les insectes qui y pullulaient bourdonnaient tant qu'il ne s'entendait plus penser. Quand il avait de la force, tout de même, il essayait de réfléchir. De repenser à sa vie, à qui il était vraiment. C'était quoi, son nom, déjà ?

𝑳𝒆 𝑻𝒉𝒆́𝒂̂𝒕𝒓𝒆 𝒅𝒆𝒔 𝑴𝒆𝒄𝒉𝒂𝒏𝒊𝒄𝒂𝒍𝒔 ༄ 𝐌𝐢𝐧𝐬𝐮𝐧𝐠Hikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin