1 : "Miroir magique, qui est la plus laide?" 1/2

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Le brouhaha de la salle de classe rendait les esprits sourds aux paroles pleines de sagesse de l'enseignant. Car il était absolument évident que de discuter des dernières ruptures de stars ou de la nouvelle collection hiver de Dior étaient plus importants et davantage instructif que de pendre nos oreilles devant un homme ayant une licence, un master et un doctorat en histoire. Je savais que notre génération était perdue mais j'étais surtout persuadé que si nous voulions sauver l'humanité il fallait d'abord apporter secours à nos esprits et notre intelligence. Lorsque Matt Simmons avait lancé sa boulette de papier pleine de bave sur le bureau de M. Bonaventure, j'ai expiré ma dernière chance de voir le monde préservé de la stupidité.

– Et maintenant, quelqu'un peut me donner la date de l'abolition de l'esclavage ? Fit le professeur avant de se retourner en remettant ses lunettes glissantes de sueur et d'inquiétude sur son nez.

J'allais lever la main pour donner la réponse mais l'enseignant pointa sa règle à droite et quand je tournais la tête, mon regard tomba sur Clarisse Stephen, une jeune fille timide et toute tremblante qui osait lever la main pour la première fois depuis les deux premières semaines de cours.

– C'est le 27 Avril 1848, il avait déjà été évoqué environ cent ans auparavant mais ceci est la date officielle.

J'attendais que la classe réagisse de façon stupide à son intelligence et l'insulte de fayotte mais ils étaient trop occupés à chahuter pour offrir leur ignorance au monde scolaire. C'était la première fois que j'entendais sa voix et mon étonnement l'avait mise si mal à l'aise qu'elle avait détourné les yeux face à moi.

La sonnerie retentit à cet instant et Matt se rua sur moi, sa brochure pour l'inscription dans l'équipe de football en main et remit sur le tapis une discussion que j'essayais d'éviter depuis la fin de l'été :

– Mon pote, faudrait vraiment que tu t'inscrives avec moi, rien qu'à deux on pourrait remporter tous les matchs de cette année.

– Le football est un sport d'équipe, pas de binôme.

– Bah... On ferait une équipe à deux ! Les autres c'est des chiffe-molle, l'année dernière ils ont presque tout perdu. T'es une bête Ben, tu pourrais leur foncer dedans pendant que moi je marque des buts !

– Normal, la gloire aux lâches...

Mais il n'avait pas entendu ma réplique car son ami Joe était arrivé et l'avait entraîné avec lui dans le couloir.

Je n'aimais pas Matt. Mais nos mères étaient amies... Sans doute une incompréhension de plus dans l'univers.

Au moment de me lever pour quitter la classe, Clarisse fut bousculée par une grande brune qui en profita pour renverser ses livres avec ses ongles peinturlurés et trop longs pour un cours de chimie en bon et due forme. Clarisse se pencha aussitôt pour tout ramasser en remontant ses grandes lunettes entre ses yeux. La brune repartit en arrière et souffla dans l'oreille de la faible fille qui ressentit un frisson lui parcourir le dos et esquissa une expression de terreur. Puis en passant devant moi, la « connasse » glissa un papier blanc dans mon col de t-shirt avec un sourire narquois. Une fois qu'elle fut partie au bout du couloir et que Clarisse avait prit le couloir opposé je dépliais le bout de papier : « Devoirs ensemble et plus si affinité – 068 777 865 – »

Ce n'était pas ce genre de demande romantique qu'un garçon de 14 ans aurait pu imaginer.

Pendant tout le chemin du retour je repensais à Clarisse, et à l'instant où elle avait vaincu sa peur de l'inconnu pour donner la bonne réponse devant une classe juge du mieux qu'elle était capable alors qu'ils accomplissaient chaque jour le pire.

The PunishKid (En cours)Where stories live. Discover now