Chapitre 01

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– Aram !!


La canne fendit l'air et claqua avec un bruit mat à l'arrière de mes cuisses, m'arrachant un couinement de douleur.

– Aram, petite vermine, tu as vu l'état de la salle de bain ?! je t'avais demandé de t'en occuper hier, je dois te le demander combien de fois ? caquetait d'une voix aiguë ma grand-mère.

Une main massant mes cuisses nues sous mon short, je me tournais vers la vielle femme.

Ma', enfoncée dans son fauteuil, devant la télé, m'assassinait du regard derrière les verres de ses lunettes.
Dans sa main fripée, sa canne de bambou, qui lui servait plus à me battre qu'à marcher sur ses soi-disant faibles jambes — pourtant bien en forme quand il s'agissait de me courser dans la maison avec une pantoufle.

– Je vais m'en occuper tout de suite, je marmonne tout bas en déposant mon sac que je n'avais même pas eu le temps d'ôter en rentrant du travail.

Inutile de lui expliquer que je n'avais pas pu m'en occuper hier, étant-donné que j'avais travaillé toute la journée jusqu'à deux heures du matin.
Cette vielle bique ne retenait rien de toute façon. Je me devais d'être à son entière disposition h24 un point c'est tout.

Je récupérais les produits de nettoyage dans la cuisine avant de me rendre dans la salle de bain.
Ma' grommelant toujours derrière mon dos.

Je ne pouvais même pas avoir un moment de repos avec cette harpie. Je travaillais encore ce soir, et j'avais compté sur un rare petit intermédiaire entre mes deux jobs, pour rattraper mon sommeil de la veille.

En ouvrant la lucarne de la salle de bain pour aérer la pièce, je calculais le temps que me prendra le nettoyage, et combien de temps il me restera pour dormir.

Il faisait encore plus chaud dans la petite salle de bain que dans le reste de l'appartement.

Elle était située directement face au soleil, et en ce mois de juillet, il valait mieux ne pas rester plus longtemps qu'une simple douche dans la petite pièce chauffée comme un four.

Le ventilateur qui tournait dans le salon n'était même pas une option pour moi.
Je retirais mon t-shirt et attachais mes boucles brunes dans une petite queue de cheval, avant de me mettre au travail.

C'est à quatre patte dans la baignoire, récurant le calcaire à m'en décrocher les bras, après avoir fini de faire briller toute la pièce, que je remarquais, malheureusement trop tard, la présence du chien.

– NON !! CHIPO !!! je criais inutilement en me redressant.

Le clébard, un Yorkshire moche comme un cul, qui n'écoutait que Ma', avait déjà commencé à chier sur le tapis de la salle de bain.
Toujours accroupi, il me regardait avec condescendance en continuant son affaire.

– Espèce de... grinçais-je.

Et la fin de l'insulte se perdit dans la claque que je lui asséna, le faisant glapir avant de prendre la fuite.

Je réalisais que j'avais merdé quand j'entendis la vielle se lever de son fauteuil.

Lâchant mon éponge, je me recroquevillais dans un coin de la baignoire en essuyant la sueur sur mon front.

Et je serrais les dents quand la porte claqua violemment contre le mur.

───⊙────────


Dos au miroir, contorsionné de façon à voir ce que je faisais, j'appliquais, du mieux que je pus, une dernière couche de pommade sur mes bleus nouvellement acquis.

J'en profitais pour observer mon dos, marqué de cicatrices anciennes et nouvelles.
Bleu, vert, jaune, rose... se superposaient les une sur les autres jusqu'à parfois créer des croûtes qui, à peine guéries, se rouvraient encore sous les nouveaux coups.

– Crétin, pestais-je entre mes dents.

Je l'avais cherché celle-là. Je savais bien que dans cette maison, mon statut était plus bas que celui d'un chien. Le chien lui-même le savait. C'est pourquoi il ne me respectait pas et venait souvent faire ses besoins dans ma chambre, comme pour marquer son territoire.
Puis, toucher au clébard de Ma', c'était comme toucher la mort.

Je posais un pansement au coin de ma mâchoire, que la canne n'avait pas épargnée malgré le mal que je m'étais donné à protéger mon visage.

Mes yeux, vert poison comme disait Ma', bavaient de haine et de frustration, alors qu'ils me jugeaient à travers le miroir.

J'avais les yeux de ma connasse de mère.

Ma' disait qu'elle s'était barrée juste après m'avoir donnée naissance, dix-neuf ans plus tôt. Laissant mon père, le fils de Ma', seul, avec un mioche sur les bras. Et que c'était à cause de ça que mon père s'était suicidé et que Ma' avait dû s'occuper de moi. L'enfant qui avait tué son fils unique.

Elle disait que je devais être reconnaissant, avec tous les malheurs qui me suivaient, qu'elle eut bien voulu m'élever à la place des deux incapables qui me servaient de parents.

Évidement, je ne croyais pas en tout ce que disait Ma', elle était capable de raconter n'importe quoi pour ne pas dire quelle avait juste besoin d'un nouvel esclave pour remplacer son fils mort — mon avis que le père s'était suicidé parce que lui aussi en avait marre de nettoyer la salle de bain —, mais dans tout les cas, avec aucune maman à l'horizon, la vielle avait bien raison sur un point : ma mère était une connasse. Et je n'en pensais pas moins de mon père.

Les griffes du chien grattèrent à la porte, que j'avais cet fois-ci pris soin de correctement fermer.

Chipo, voulait entrer pour continuer à me faire des crasses.

Pour calmer mes envies de meurtre, je me répétais comme un mantra les raisons pour lesquelles je n'avais toujours pas fuis ce trou à rat :

Un toit au-dessus de ma tête, de la nourriture dans mon assiette, et la promesse d'une vie meilleure lorsque j'aurais enfin économisé assez avec mes petits boulots pour me payer mon propre appartement, loin de la vielle et son sale cabot.

L'esprit plus serein et les bobos soignés, je me tournais enfin vers la baignoire — éclaboussée de mon sang, alors que j'avais à peine fini de la récurer — et attrapais de nouveau l'éponge avant de recommencer à frotter.










The worm in the wolf's belly [MxM]Onde as histórias ganham vida. Descobre agora