Encore un

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Il passait, je le sentais à travers l'essence. Le monde changeait et moi aussi, d'une certaine façon. J'étais là, dans cette immense forêt, à attendre ton retour. Ma maison, mon lieu de naissance, je finissais doucement par m'y enraciner, me liant lentement à ce tout. Mes pensées comme seule famille, je contemplais ces envies qui passaient. Tu m'avais laissé là, à l'abandon, traînant ma patience et ma certitude que l'on se retrouverait. En attendant ce moment, je me nourrissais de cette presque solitude, je grandissais. Je devenais le combustible de ces flammes. Mon intelligence se développait, je commençais à comprendre le sens du rôle que j'incarnais. La noirceur me gagnait, bientôt mes mains perdraient de leur blanc. Mes jambes finiraient par se délier, quittant la terre où j'apprendrais à marcher. Comme une seconde vie dont je n'étais jamais partie, il serait temps de refaire surface dans la tienne. Là où tu ne t'y attendrai pas, me pensant mort depuis ce tant, je t'apporterais ce qu'il te manque. Ces nouvelles règles devraient te convenir. Celles d'un jeu auquel je comptais sortir victorieux. Tu jouerais, autant qu'il le faudrait. Tu retrouverais ces sensations d'antan. Nous danserons en ronde, où l'eau perlée créerait une multitude d'étoiles suivant notre mouvement. Nous continuerons d'avancer jusque-là. Devant ce puits, main dans la main, nous nous élancerons corps et âme. Sans fond, la chute ne viendra pas. Pourtant, tu la chercheras comme rédemption. Quand ton salut viendra-t-il ? Quand remarqueront-ils qu'à force de t'accrocher, tes doigts finiront par s'écorcher ? Je te serrerais de toutes mes forces, protégeant ton corps frêle de cette armure invisible. Tu prendras les armes et sembleras te battre sans adversaire. Aux regards de ces autres, un spectacle solitaire, tu te donneras comme un clown, te contorsionnant du mieux que tu le pourras pour me quitter. Jetant désespérément tes poings vers l'avant, tu espèreras m'atteindre, mais tu ne feras que brasser l'air. Je resserrerai toujours plus mon étreinte, rendant toute action presque impossible. A bout de forces tu lâcheras prise et te retournera, ce qui t'arrêtera net. Découvrant avec stupeur ce nouvel aspect. Face à ce reflet, tu reculeras d'un pas. Je te sourirais, me présentant une énième fois, te remémorant ces souvenirs d'avant. Tes pupilles se dilateront, trembleront, tandis que les ronces couleront le long de tes jambes. Derrière moi, la forêt poussera elle aussi, se complexifiera. Tes yeux resteront fixés dessus, ton corps se pétrifiera, finissant enseveli sous cette masse. Je ne te demanderais rien d'autre que de passer cette porte et de me rejoindre à nouveau. Tu le pourras, mais qu'en sera-t-il de ta volonté ? Nous pourrions faire connaissance, cette fois encore, afin de retourner vagabonder entre ces arbres... Quoi qu'il en soit, je n'abandonnerai pas. Et toi ? 

Incomplet - Recueil d'HistoiresWhere stories live. Discover now