Chapitre 14 - Mac (1ère partie)

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Mac, 25 ans, New-York

Lorsque je franchis la porte, mon cœur bat à cent à l'heure. Toute la journée, il a fait des montages russes, entre mon stratagème pour revoir Nell au Met, sa colère mêlée de tristesse, son appel téléphonique inespéré, son deal...

Sans compter cette réunion avec l'un des apporteurs d'affaire de mon père qui n'en finissait pas.

J'ai atteint des sommets, puis dévalé des à-pics vertigineux, et je sens qu'avec la soirée qui s'annonce, je ne suis pas encore descendu du wagonnet.

La seule vision de Nell, perchée sur son tabouret, qui attrape avec ses doigts ce qui semble être un sakisuke tofu-sésame noir avec sa sauce cacahuète, sous le regard incrédule et agrandi d'indignation du plus grand chef japonais de New-York, suffit à me faire repartir pour un tour de manège.

Mes yeux accrochent ses gestes, sans pouvoir s'en détacher. Elle me tourne à demi le dos et j'ai une vision panoramique sur ses jambes croisées gainées de noir.

Je crois que c'est la première fois que je vois Nell en robe. A l'époque, autant qu'il m'en souvienne, elle était plutôt jean déchiré, baskets montantes et sweat trop large. Et déjà, habillée comme cela, elle était sexy en diable, grâce à la lueur sauvage qui éclairait ses prunelles.

Mon regard remonte vers son visage à mesure que ses doigts s'approchent de sa bouche.

Ses lèvres... Ses lèvres, putain.

Le piercing qui me faisait fantasmer quelques années plus tôt a disparu mais aujourd'hui, leur caractère ourlé est souligné par un rouge à lèvre cerise qui me fait monter l'eau à la bouche.

Je donnerai tout pour être ce bout de tofu qui disparaît entre elles. Nell se rend-elle compte de l'érotisme de ses gestes ?

Mes pas me poussent dans sa direction. Mon corps répond automatiquement à son appel, comme si nous nous étions quittés la veille, alors que mon cerveau classe toutes les raisons que j'aurais à faire demi-tour.

Rien n'a vraiment changé, en fait...

— Tu es très belle ce soir, Nell.

Elle se retourne vivement et mon estomac reçoit un uppercut quand ses yeux verts se heurtent aux miens.

Une rougeur caractéristique empourpre sa gorge, remonte le long de son cou et enflamme ses pommettes. Est-ce la colère, ou bien ?

Je m'installe sur le tabouret à côté du sien, avec un signe de tête pour le chef. Sourcils froncés de désapprobation, il me tance d'un regard lourd de reproche à la signification limpide : « mais qui est cette fille que vous avez osé introduire dans mon établissement, temple de la discrétion et du raffinement à la japonaise ? »

Cette situation suffit à me détendre un peu et je ravale un sourire. S'il savait... Il devrait déjà être heureux que Nell n'ait rien recraché à ses pieds...

À mes côtés, elle se raidit et mon courage se déballonne. Le chef dépose devant moi la copie conforme de ce que Nell vient d'engloutir alors que la serveuse nous sert du saké.

Nell avale d'un trait le liquide et je lui jette un coup d'œil en coin.

— Tu as déjà goûté ça, non ? C'est bon ? commencé-je d'un ton circonspect.

— Tu veux vraiment parler de la nourriture ? me balance-t-elle abruptement.

Aïe. Elle n'a peut-être plus seize ans, mais elle a gardé toute sa morgue.

Over The Bars (Sous Contrat D'édition Hachette BMR)Where stories live. Discover now