Chapitre 12 - Nell (2ème partie)

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Nell, 16 ans, Hartfalls

Macsen s'appuie contre la cuisinière, toujours protégé par une obscurité complaisante. Le paquet de café pend au bout de son bras.

— Je ne voulais pas me montrer maladroit, ou te blesser Nell. Je voulais juste te dire que j'étais désolé...

Mes digues rompent et l'émotion me submerge brusquement, mélange complexe de rancœur, de sentiment d'injustice et de colère, que je ne peux  diriger que contre celui qui se trouve en face de moi.

— Et pourquoi tu t'excuserais ? répliqué-je, incapable de juguler mon agressivité.

Il ne fait pas un geste, mais sa posture se raidit encore. Comme s'il s'apprêtait à affronter la violence des vents d'une tempête. Et justement, elle se déchaîne en moi.

— Voyons... Résumons..., débuté-je, avec un calme trompeur. Mon crétin de frère s'est acoquiné avec une bande de fils à papa désœuvrés, sans doute trop heureux qu'ils s'intéressent à lui, alors qu'ils ne l'avaient jamais calculé avant qu'il arrête le lycée... Et parmi ces abrutis se trouvait notamment ton cher cousin et capitaine vénéré de l'équipe de football de la Hartfalls High School, Andrew James...

— Nell...

— Et donc, continué-je entre mes mâchoires de plus en plus serrées, voilà qu'un soir les nouveaux copains de mon frère le convainquent que ça serait super marrant de monter une sorte de virée punitive contre son ancien patron, Turner, celui qui l'avait embauché pour l'été dans sa concession automobile, mais qui n'avait pas voulu le garder après.

Je reprends une grande inspiration, car parler sans oxygène, c'est compliqué, mais cela ralentit à peine mon débit.

— Les soi-disant potes de Luke se sont servis de sa rancœur... Tout ça pourquoi ? Parce qu'en réalité, Turner a refusé de réparer discrètement la caisse vendue à Andrew James et qu'il a planté dans une autre voiture, en commettant un petit délit de fuite en passant. Pourtant tu le sais, Mac, on ne refuse rien à un James...

Macsen s'avance d'un pas hésitant dans ma direction. Je continue ma démonstration, emporté par ma hargne.

— Et mon abruti de frère ne s'est même pas douté que si les fils à papa lui tournaient autour, ce n'était pas par pure amitié, mais uniquement parce qu'il connaissait la concession, et supposaient-ils les systèmes d'alarme, comme sa poche. Et parce qu'il faisait un excellent bouc émissaire... Donc un soir, toute cette joyeuse bande picole un peu trop et les voilà partis, munis de battes de base-ball pour la concession. C'était quoi l'idée racontée à Luke ? Détruire quelques caisses, pour se venger, et éventuellement piquer un peu de fric ?

— Nell...

Macsen se recule à nouveau vers la cuisinière comme s'il avait compris que je dois aller jusqu'au bout, maintenant que la machine est lancée. De toute façon, à part mettre le feu aux poudres et répéter mon nom comme un perroquet, il sait faire quoi ?

— Sauf qu'une fois sur place, après qu'ils ont balancé des coups de batte un peu partout, bousillé quelques pare-brises et saccagé les bureaux, le patron s'est pointé...

Ma voix tremble, dérape dans les aigus. Je ne contrôle plus rien. C'est comme si Mac, avec sa sollicitude et ses excuses impromptues, avait ouvert les vannes de toute la rancœur accumulée. Rancœur contre tous ceux qui m'ont abandonnée, volontairement ou non. Mon père qui a disparu avant même ma naissance, ma mère qui est présente sans l'être, Luke qui se retrouve enfermé à des kilomètres de moi...

— À partir de là, les versions divergent, continué-je d'un ton de plus en plus sarcastique. Tout ce que l'on sait, c'est que quelqu'un a sorti une arme et tiré sur le concessionnaire... Et tout ce que moi je sais, malgré ce que prétendent James et sa clique, c'est que Luke n'a jamais possédé d'arme !

Over The Bars (Sous Contrat D'édition Hachette BMR)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant