Chapitre 8 - Nell (2ème partie)

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Nell, 24 ans, New-York

C'est éreintée et le cœur prêt à exploser que je franchis enfin la porte de l'appartement. La nuit est tombée depuis longtemps. Le salon est plongé dans la pénombre, seulement éclairé par la lueur tremblotante de la télé. Depuis l'entrée, je distingue la nuque de Tanner, affalé dans le canapé, et ses longues jambes allongées sur la table basse.

La chaleur rougit mes joues tandis que j'ôte mon manteau et frotte mes mains l'une contre l'autre pour chasser le froid.

— Tanner ?

Seul un grognement me répond.

Je me dirige vers le canapé et me laisse tomber aux côtés de mon colocataire. Il ne tourne pas la tête vers moi, apparemment absorbé par ce qui se déroule à la télévision. 

Mes yeux se posent distraitement sur l'écran au moment où des zombies se jettent sur une pauvre femme avec force borborygmes.

— Jayla est dans le coin ? interrogé-je en détournant le regard, dégoûtée par les litres d'hémoglobine qui jaillissent du cou de la fille.

J'ai eu mon compte de scènes sanglantes ces derniers temps.

— Nan. Elle est partie en trombe. Un de ses potes l'a appelée à l'aide, son ordi avait planté. Le gars était en panique au téléphone. Je crois même l'avoir entendu chialer, le mec...

Je me fige sur le canapé, et lance un regard en biais au profil de Tanner, qui ne m'a pas accordé la moindre attention depuis le début de notre échange.

— Ok...

Monsieur Lewis semble de mauvaise humeur ce soir et je sais parfaitement pourquoi. J'ai réussi à éviter LA conversation depuis mon évanouissement. À l'hôpital, je n'ai pas eu besoin de mentir en prétextant être fatiguée. Et ce matin, j'ai bavassé non-stop à propos de Luke dans la voiture jusqu'à ce que Tanner me dépose à la gare routière.

Mais là, il va m'être impossible d'échapper aux questions. Je sens d'ici la bouilloire Lewis commencer à monter en pression et dans deux secondes, il va se mettre à siffler.

Je pourrais tout simplement aller m'enfermer dans ma chambre, mais ce soir je n'ai pas envie d'être seule. Je n'ai pas envie non plus d'être soumise à un interrogatoire de Tanner en mode ami inquiet.

Alors la seule méthode que je connaisse pour échapper aux questions est...

Sans plus réfléchir, je me tourne franchement vers Tanner et fourre mon visage contre son cou, une main posée sur son torse. Je sens la contraction de ses pectoraux sous mes doigts. Ses muscles sont fermes, dessinés par des années de pratique sportive intensive. Je connais bien son corps et il est parfait. Dur là où il le faut, doux et tendre à d'autres endroits.

— Si on est seuls..., murmuré-je entre deux baisers déposés sous son oreille, on pourrait en profiter, non ?

Mon souffle caresse sa peau, de la pointe de la langue je savoure sa saveur légèrement salée. Il sent le gel douche genre « fraicheur énergisante pour les hommes, les vrais ».

Il ne me repousse pas franchement, mais ce n'est pas non plus l'enthousiasme délirant. En fait, il se contente de pousser un nouveau grognement, les yeux rivés sur l'écran.

— Tu as le nez gelé, Nell. Je préférerais qu'on parle...

Bordel ! Il baragouine à propos de mon nez alors que je suis en train de lui faire des trucs réprimés par la morale !

Je redouble d'ardeur, parcours de mes lèvres la veine qui palpite sous l'épiderme musqué. Mon autre main frôle sa cuisse, s'y pose et s'y attarde.

— Et là, susurré-je, c'est assez chaud pour toi ?

Il ne réagit pas, même si je sens son cœur s'accélérer sous ma paume posée sur son torse.

J'y suis. Et je sais exactement ce qu'il aime.

D'un mouvement fluide, je me juche sur ses genoux, à califourchon sur lui et j'imprime un léger mouvement de bassin alors que mes mains s'insinuent sous son sweat. Je me penche pour chercher sa bouche.

Il sursaute et détourne la tête pour éviter mon baiser. Son front se plisse de contrariété.

— Bordel, Nell ! Tes mains aussi sont gelées !

J'accentue lascivement mon mouvement.

— Ne t'inquiète pas, elles vont vite se réchauffer, roucoulé-je de ma voix la plus sexy.

Elle doit grincer comme les roues d'un vieux chariot ma voix la plus sexy car Tanner me jette un regard noir avant de saisir mes hanches et de les immobiliser.

— Ça suffit, Nell. Je n'ai aucune envie de faire ça maintenant. Par contre, je veux qu'on parle de ce qu'il s'est passé hier...

Non, non, non ! Tout, mais pas ça !

Désespérée, je joue mon va-tout. Ma main glisse entre nous et vient caresser la bosse que je sens durcir contre moi et qui dément le refus de Tanner.

— Tu n'as pas envie ? On dirait que Popol n'est pas du même avis que toi...

Au lieu de recueillir le rire que j'attendais, les doigts de Tanner enserrent durement mon poignet et éloignent ma main de lui. Ses prunelles brillent et la lueur bleutée de la télévision qu'elles reflètent ne suffit pas à dissimuler l'irritation qui les animent.

— D'abord, ma bite ne s'appelle pas Popol mais The Rock...

— The Rock ? répété-je, abasourdie.

— Ouais, continue-t-il, imperturbable. Comme l'acteur. The Rock. Et jusqu'à preuve du contraire, ce n'est pas encore elle qui dirige ma vie, mais plutôt ce que j'ai là, insiste-t-il en tapotant son front. Je veux savoir pourquoi hier soir, tu as prononcé le pedigree complet de notre nouveau patron, second prénom compris, avant de tomber dans les pommes et de finir à l'hosto.

Je dégage brutalement mon poignet et descends de ses genoux avant de me réfugier à l'autre bout du canapé.

— Je n'ai aucune envie de parler de ça, asséné-je d'un air buté.

Tanner me fixe un long moment, avant de hocher la tête. Il se lève brusquement et se dirige vers l'entrée.

Je le suis des yeux par-dessus le dossier du canapé et me tords le cou pour observer sa progression. Je ne vois plus que son bras lorsqu'il enfile son manteau.

—Tu vas où ?

La clé tourne dans la serrure.

— Je descends au chinois du coin chercher à manger. Je te ramène comme d'hab. Nems et porc au curry.

Il s'arrête un instant, avant de reprendre dans un soupir aux accents de lassitude et de colère mêlées.

— Nell, quand tu es comme ça... Quand tu te fermes aux gens qui t'aiment... Tu... Je te jure... Tu me ferais sortir de mes gonds.

La porte se referme dans un claquement et je me retrouve seule, avec un goût amer dans la bouche. 

***

Aie... On dirait que le sex-appeal de Nell s'est fait la malle...

Décidément, sa vie part en vrille, sur tous les plans. Et quelque chose me dit que ce n'est que le début ! 

Bonne lecture, 

Lind 

Over The Bars (Sous Contrat D'édition Hachette BMR)Where stories live. Discover now