Chapitre 7 - Nell

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≥ Shadow of The Day – Linkin Park

Nell, 16 ans, Harfalls

Mon cœur n'est pas plus léger lorsque je retrouve les couloirs interminables du lycée, écouteurs à nouveau vissés sur les oreilles. Je ne veux pas de la compassion ou de l'aide de Reyes. Je veux juste que tout redevienne comme avant. Quand ce n'était pas idéal, mais que c'était mieux.

La porte des toilettes des filles s'ouvre brutalement sur mon passage et déverse un flot de nanas sous mon nez. J'imagine que les gloussements se sont brusquement stoppés à ma vue, ou au contraire ont redoublé. Mais cela, aidée par la voix puissante de Beth dans mes oreilles, je peux le gérer.

Ce qui me fait sursauter stupidement, ce ne sont pas les rires de dinde que je n'entends pas, mais le regard que je croise sans pouvoir l'éviter.

Paige.

Ma meilleure amie.

Mon estomac se serre, mais cette fois, ce n'est plus sous l'effet de la faim.

Paige.

Mon ex-meilleure amie.

Celle avec qui j'ai à peu près tout partagé depuis le jardin d'enfant. On s'est vautrées ensemble dans les bacs à sable, on s'est pris des gamelles en tentant des figures avec les skates piqués à nos frères. On a ri à en perdre le souffle devant des vidéos débiles de chats. J'ai dormi chez elle quand ma mère disparaissait parfois des jours entiers et que Luke devait travailler tard. Je connais sa vie, sa famille, ses peurs, ses rêves et elle peut en dire autant à mon sujet.

Alors je refuse de baisser les yeux. Pas devant elle. J'entrevois vaguement les bouches de ses nouvelles copines s'agiter mais je suis trop fascinée par la rougeur qui gagne le visage un peu rond de Paige, jusqu'à enflammer ses joues.

Ses cheveux, autrefois entremêlés d'acajou, sont devenus uniformément blonds, et raides comme des baguettes. Les multiples anneaux qui traversaient ses oreilles ont été remplacés par des boucles d'oreille sages et ses lèvres brillent d'une touche de gloss rose poudré.

Bravo Paige, tu as parfaitement réussi ton entrée dans l'autre monde pendant qu'on me claquait violemment la porte à la gueule.

Sa voisine, cheveux bruns et frange trop longue, lui file un coup de coude avant de ricaner à son oreille. En retour, Paige tente d'esquisser un sourire, mais y arrive bien mal. Je la connais trop bien pour ne pas deviner son trouble.

La fille brune s'avance, tout en conservant une distance de sécurité. Les poings sur les hanches, elle me dévisage avec hostilité. Je peux lire sur ses lèvres quand elle s'adresse à moi.

— Qu'est-ce que t'as à mater ma copine comme ça ? T'es vraiment pas nette ! Dégage du passage !

Je soutiens quelques secondes son regard, puis secoue la tête, avant de continuer mon chemin.

La rage me fait serrer les poings et monter des larmes piquantes d'impuissance et de frustration aux yeux.

Je ne peux pas, je ne dois pas réagir.

Déjà tout à l'heure, en cours, j'ai failli franchir la limite.

S'il n'avait pas été là...

Je pousse un peu trop fort la porte qui donne sur l'arrière du bâtiment. Une petite pluie fine a remplacé les gouttes froides et cinglantes de la matinée. Je sors le bonnet fourré au fond de ma poche et en recouvre mes cheveux. Le bitume de la cour désertée brille, recouvert d'une fine pellicule d'eau, mais ça et là des flaques plus profondes m'obligent à les contourner.

Over The Bars (Sous Contrat D'édition Hachette BMR)Where stories live. Discover now