Pepperonis for Christmas [TER...

By 1ecrivaine_en_herbee

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Chute après chute, Jaëlle emménage à Grenoble pour son master de psychologie clinique. N'ayant pas pu valider... More

Avant-propos
Prologue
1- A
2- Al
3- All
4- All I
5- All I w
6- All I wa
7- All I wan
8- All I want
9- All I want f
11- All I want for
12- All I want for c
13- All I want for ch
14- All I want for chr
15.1- All I want for chri
15.2- ELIO
16- All I want for chris
17- All I want for christ
18- All I want for christm
19.1- All I want for christma
19.2- ELIO
20- All I want for christmas
21- All I want for christmas i
22- All I want for christmas is
23- All I want for christmas is y
24.1- All I want for Christmas is yo
24.2- ELIO
25- All I want for christmas is you
Epilogue

10- All I want fo

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By 1ecrivaine_en_herbee

J-24 | Dimanche 30 novembre

La vie est vraiment injuste envers ma personne. Moi qui pensais que mon job au café était une bénédiction, finalement, je regrette amèrement ma pensée. Non mais ce déguisement ?! Vraiment ? Je nettoie quelques tables vides et j'essaye de tenir le café en ordre. Ce week-end est le dernier que je passe en formation. Philibert me fait confiance, il me laisse tenir mon rôle entier de serveuse mais il garde toujours un œil sur moi. Avec ma maladresse maladive, je ne peux que comprendre.

- Jaëlle, tu tires la tronche depuis ce matin, me sermonne gentiment Abby, t'es plus mignonne quand tu souris tu sais.
- Même habillée comme ça ?
- Justement, ricane-t-elle, c'est ce qui fait tout ton charme.

Je la fusille du regard et elle éclate de rire. Depuis ce matin, quand mon amie me voit, elle ne peut s'empêcher de se foutre de moi. Demain, nous sommes le premier décembre et mon patron a décidé que le personnel devrait être déguisé pour s'accorder à cette période de fête. L'idée n'est pas si mauvaise. Si les clients aiment voir des serveuses se pavaner en tenue de Noël, grand bien leur fasse. Par contre, je n'étais pas préparée à ce que les vêtements soient inondés de rouge. J'ai freiné des deux pieds quand j'ai découvert la nouvelle en arrivant au boulot plus tôt dans la journée. C'est infâme.

- Mademoiselle, puis-je avoir un autre café s'il-vous-plaît, me hèle un client.
- Bien sûr, je vous l'amène.

Le sourire qu'il me lance me semble étrange : apprécie-t-il ma personne ou est-ce qu'il se moque lui aussi de mon accoutrement ? Je me tourne et le tintement de la clochette sur mon bonnet résonne. Quelques personnes détournent le regard, ne voulant certainement pas me montrer à quel point la situation est hilarante. Je vous rassure mesdames et messieurs, je suis au courant et j'en suis même la victime. Je donne la commande à ma collègue derrière le bar et je m'affale sur celui-ci. Abby est sur un escabeau en train d'accrocher des guirlandes pour permettre à cet endroit d'être davantage dans l'esprit de Noël. Et, moi qui ne supporte pas du tout cet univers, je dois quand même avouer que le rendu est pas trop mal.

Un jeune homme se dirige vers mon amie. Dans mon observation discrète, je le vois l'aborder maladroitement. Je n'arrive pas à distinguer leur échange de façon claire, je devine juste qu'il lui demande son numéro. Abby refuse poliment, souriante et il repart sans insistance. Elle a l'air d'avoir l'habitude. Elle me lance un sourire discret que je lui rends. Quand je vois comment elle est vêtue, tout est clair : elle ressemble à quelque chose comparé à moi. Un costume élégant avec une jupe rouge, un pull blanc, des collants pailletés et un chapeau de Père Noël qui accompagne le tout. Ses longs cheveux blonds s'harmonisent parfaitement avec l'ensemble.

Mon autre collègue me tend le café et je l'amène à la table concernée. Je me prends les pieds dans mes chaussures pointues et je suis sur le point d'embrasser le sol. Finalement, c'est peut-être la seule solution qui s'offre à moi étant donné les circonstances. Peut-être que le patron aurait pitié de moi et qu'il accepterait que je rentre chez moi ? Je remonte mon pantalon vert et noir, dix fois trop grand pour ma corpulence, car j'aimerais éviter de finir le cul à l'air en plein milieu de mon lieu de travail.

Quelle idée de me laisser le déguisement de lutin aussi ?

Le sort s'acharne sur moi. Oui OK, je ne voulais pas prendre le déguisement de mère Noël car le rouge était omniprésent ou encore celui d'Abby vis-à-vis de sa jupe. Mais, est-ce que c'est une raison pour prendre des costumes tout aussi ridicules les uns que les autres ? Je m'approche d'une table, tire une chaise et m'étale de fatigue.

Il est seize heures et à ma grande surprise, le café est loin d'être bondé. Je profite de ce moment de creux pour me poser un peu après cette longue journée. Abby est partie prendre une pause dans la salle de repos, à l'arrière du café. Pendant ce temps, j'en profite pour me pencher sur une feuille que le patron nous a distribuée ce matin. L'endroit s'accorde aux saisons, aux événements, aux moments marquants de chaque mois. Des recettes s'ajoutent à la carte et ce, particulièrement pendant les fêtes de fin d'année. Pour ne pas me sentir ridicule devant les clients s'ils me demandent des conseils, je révise les noms des chocolats chauds - très prisés en cette période - et les particularités de chacun. Je dois être à tout prix opérationnelle et prête à intervenir dès que le moment sera venu. Mon dernier souhait est de me ridiculiser comme j'en ai l'habitude.

Au cours de ma lecture, j'arrive enfin à l'offre de la saison, le "Big Chocolat Chaud Spécial Noël", lorsqu'une musique en fond s'élève dans le café. Évidemment, il fallait la mettre, cette musique kitsch. Les enceintes ont un volume trop élevé à mon goût et également pour le couple attablé plus loin qui me jette des regards interrogateurs, comme si j'y étais pour quelque chose. All I Want For Christmas de Mariah Carey est en train de me dévorer le cerveau. Me voilà bonne pour la chanter durant des heures alors que je déteste cette chanson, sans surprise .

Hier, les gamins ont décidé de décorer le hall de l'immeuble, après avoir déjà envahi tous les étages de leurs dessins. Un sapin doré et blanc s'est installé juste à côté des boites aux lettres, comme si le grand père Noël dans la cour ne suffisait pas. Néanmoins, à mon plus grand bonheur, ils sont restés sur des couleurs softs, sans incruster celle qui représente l'enfer à mes yeux. Je me suis précipitée vers mon appartement, pleine de joie. Les clés en main et prête à ouvrir ma porte, j'ai constaté que mon étage était entièrement décoré de rouge. C'est alors que j'ai compris que ces foutus gosses avaient choisi une couleur particulière pour chaque endroit. Et bien sûr, le rouge est tombé sur moi.

Abby débarque par la porte réservée au personnel, surexcitée et en me coupant dans mes pensées. Elle tient dans ses bras un gros carton. Agacée, elle se retourne néanmoins pour crier à on ne sait qui de baisser le son, avant de revenir vers moi et de me tendre une boîte.

- Le patron offre un calendrier de l'Avent à tout le personnel ! Un thé par jour, regarde.

La musique de fond a assez baissé pour donner une ambiance tamisée, ce qui je dois l'avouer est vraiment chaleureux, en plus des guirlandes accrochées au-dessus du bar. Il ne reste plus qu'à ajouter quelques boules par-ci par-là, de la fausse neige sur la devanture. J'allais proposer mon aide à Abby, chargée de toute la décoration puisqu'il n'y avait presque personne, lorsqu'elle se met à sautiller de partout, visiblement heureuse. Je ris face à son enthousiasme communicatif, qui ressemble étrangement à celui d'Elio pour cette fête, en témoigne le calendrier de l'avent qu'il m'a offert.

Je détaille du regard la boîte qu'elle m'a tendue. Au moins ce n'est pas du chocolat, ou des babioles rouges. Qui plus est, je n'allais pas refuser un cadeau, encore moins si c'était du thé. En tout cas, le présent de Philibert ne me déplaît pas. Au contraire, ça me donne le sourire.

- On pourra en boire un tous les jours à la pause, c'est génial ! s'exclame Abby entre deux respirations.
- Boire du thé tous les jours oui c'est cool, mais dans cette tenue de lutin XXL... je me plains faussement.
- Oh ça va, c'est pas si horrible que ça. C'était soit le lutin XXL ou quoi déjà ?
- Le renne avec un serre-tête avec un seul bois sur les deux.

Nous nous regardons dans le blanc des yeux avant de rire, tentant de deviner qui était le dernier employé à devoir porter ce costume ridicule. Nous continuons de discuter plus que nous ne travaillons, mais peu à peu, les clients viennent s'installer un à un. Je me remets dans ma concentration de ce matin, servant un groupe de collègues semblant faire un afterwork en petit comité. Les commandes s'enchaînent, je dois bien courir dans tous les sens pendant une heure et demie.

Je retourne ensuite derrière le bar prendre cinq minutes de répit, j'ai le temps de boire un verre d'eau quand je sens la présence d'un nouveau client derrière moi. Il ne peut pas aller voir une autre serveuse celui-là ? Je fais demi-tour, prête à lui montrer mon plus beau sourire. A ma plus grande surprise, Elio est assis sur un tabouret et m'observe de haut en bas. Son attention se porte sur la clochette de mon bonnet et un rictus léger apparaît sur son visage. Ma tête chauffe et je veux juste m'éclipser au fond d'une grotte et ne plus jamais en ressortir.

- Je voulais juste te saluer rapidement avant de m'asseoir, commence-t-il, toujours un air moqueur sur le visage.
- Je... Je t'en prie, installe-toi et j'arrive pour prendre ta commande.

Il s'éloigne et je reprends ma respiration, qui avait été coupée jusque-là. Mon Dieu, quel enfer. Abby me donne un coup de coude dans les côtes et je lâche un petit couinement.

- Eh bah dis donc, c'est qui lui ? Tu me caches des choses ?

Elle dit cette phrase sur le ton de l'humour, mais je n'arrive pas à rire : je suis déguisée en lutin bordel ! Niveau crédibilité, on n'est vraiment pas au top. Sans donner de réponse, je prends mon courage à deux mains demain et me dirige vers mon client. Car oui, aujourd'hui, dans ma tête, il n'est qu'un simple client pour mon travail. Un point c'est tout. Je m'emmêle les pinceaux dans mes pensées et fais tout de même en sorte de ne pas me perdre complètement.

- Bonjour, commencé-je, que puis-je faire pour vous ?

Elio est surpris et moi aussi. Simple réflexe de ma part ou est-ce que je suis gênée au point de faire n'importe quoi ? Sûrement un peu des deux. Têtue et ne voulant surtout pas faire marche-arrière - même si tout ça est ridicule - je continue sur ma lancée.

- Je peux repasser dans quelques minutes si vous voulez ?

Purée je m'enfonce.

Il ricane, mais je n'arrive pas à discerner si c'est du malaise ou de l'amusement. En même temps, je fais tout pour rendre cette situation gênante, je ne peux en vouloir qu'à moi-même. Je m'insulte mentalement, priant pour que ça se termine le plus rapidement possible.

- Oh ne vous inquiétez pas, je vais faire mon choix rapidement et vous laisser vaquer à vos occupations.

Moi qui était la seule à le vouvoyer au début, les rôles viennent de s'inverser. Mais aide-moi au lieu de rentrer dans mon stupide jeu !

- Je... Non, allez-y, je ne suis pas pressée.

Elio détache son regard de ma personne, à mon plus grand bonheur. Il observe minutieusement la carte et je tape mes doigts contre mon bras. Mon impatience et mon stress se devinent facilement et je ne peux pas aller à l'encontre de mes émotions. Je détourne le regard et observe des enfants avec leur mère. Ils courent dans tous les sens, respirant la joie de vivre. Ils marquent un arrêt devant le café pour lire l'affichage mis ce matin-même.

"Venez déguster notre chocolat chaud de Noël en avant première et à moitié prix exceptionnellement ce week-end ! Mais pas de panique : votre boisson préférée sera là tout le mois de décembre et n'attend que vous pour être dévorée !".

- Maman, je veux trop qu'on aille boire ce chocolat chaud.
- On viendra le week-end prochain avec papa, c'est promis, répond leur mère.

Cette boisson est énormément garnie : de la chantilly saupoudrée de marshmallows multicolores dans une tasse à l'effigie du Père Noël. Celle-ci est entourée de sablés en forme d'étoiles, de sapins, de bonhommes de pain d'épices, de sucres d'orges... Pour moi, c'est presque un repas entier, un gros goûter qui, apparemment, fait succomber tous les clients goûtant à ce breuvage.

- "Ce" chocolat chaud ? C'est pas un chocolat comme les autres ? s'interroge Elio.
- Oh non, c'est leur stupide truc de Noël là...

Je me fige à la fin de ma réponse et en tournant mon regard vers lui, je comprends mon erreur. Mes mots se sont encore échappés sans que je puisse y faire grand chose.

- Eh bien mademoiselle, reprend-il, je vais vous prendre cette magnifique boisson qui, je l'espère, vous insufflera un peu de magie et vous mettra dans l'ambiance de cette joyeuse période.

Il en fait des tonnes en plus.

Je le fusille du regard, ce qui provoque son hilarité. Agacée, j'avance en direction du comptoir, donne ma commande et me dirige aux toilettes. Ayant besoin de quelques secondes pour souffler, je m'asperge le visage d'eau pour me remettre les idées en place. Le calendrier de l'avent Kinder, l'ambiance festive de Noël, mon déguisement, la décoration de mon étage, ce chocolat chaud... Moi qui reniait absolument tout de cet univers, je me retrouve complètement noyée, sans échappatoire possible. La panique me gagne un peu plus et je serre les dents pour empêcher à tout prix mes larmes de couler. Avec les yeux gonflés et le costume de lutin, les clients pourraient s'enfuir en courant et prévenir la police en disant qu'un individu suspect rôde.

Une main se pose sur mon épaule. En relevant la tête, Abby apparaît dans le miroir, inquiète. Elle me demande si tout va bien et je lui réponds rapidement que je suis juste fatiguée avec le rythme soutenu de ma nouvelle vie professionnelle. Elle ne pose pas d'autres questions - même si l'envie ne lui manque pas - et m'informe juste que ma commande est prête.

Je sors accompagnée de mon amie. C'est au tour de Last Christmas de résonner dans les enceintes et mon rythme cardiaque s'accélère une nouvelle fois. Je récupère le chocolat chaud et l'amène à Elio. Il me sourit mais cette fois-ci, je ne lui rends pas, trop perturbée par mon environnement. Je ne comprends pas réellement les sentiments qui affluent dans ma tête, je suis juste en train de péter un câble, faisant tout simplement une overdose de tout ce que je déteste. Une voix masculine me parle, mais je ne l'entends pas réellement, comme si mon âme se trouvait à des années lumières de mon enveloppe corporelle.

Obnubilée par mon mal intérieur, je n'ai pas senti la présence d'Abby à mes côtés. Comprenant que rien ne va, elle encaisse Elio à ma place. Je prends alors la décision de m'éloigner et de placer mon cerveau en mode automatique : m'occuper des clients et ne penser à rien qui pourrait me rendre malheureuse.

L'horloge affiche dix-huit heures. Il y a une heure, je suis sortie de mon état de panique. Abby a réussi par je ne sais quel miracle, à trouver les mots, me ramenant à la réalité. J'ai pu reprendre le contrôle et sourire de nouveau. Mais, malgré tout, je n'avais pas encore eu le courage de m'approcher d'Elio. Depuis deux heures, il n'a pas bougé, même après sa commande encaissée depuis belle lurette. Et moi, je fais tout pour l'éviter. Je sais qu'il n'a rien fait, d'ailleurs ce n'est pas pour ça que je le fuis. Qu'il soit là ou non, mon craquage émotionnel était prévisible. J'ai juste horriblement honte, une fois de plus et je n'arrive pas à trouver un moyen de l'aborder.

Ma journée vient de se terminer mais je préfère rester affalée dans la salle de repos en me creusant les méninges. Il est hors de question que je quitte ce café sans parler à Elio. Sinon, je suis bonne pour ne pas fermer l'œil de la nuit. Une de mes collègues tape dans son casier et je sursaute, ne l'ayant pas entendu rentrer.

- Ces foutus sablés de Noël auront ma peau. Pourquoi la tête du Père Noël s'est brisée en deux quand je l'ai déposée dans l'assiette merde ?

Elle tourne la tête vers moi et me tend le gâteau.

- Tiens, mange-le avant que je le défigure encore plus.

Et elle s'en va comme si tout était normal. Perplexe, j'observe le Père Noël en question. Il lui manque la partie droite de sa tête mais j'arrive presque à le trouver mignon. Les deux parties cassées en main, j'ai soudain un éclair de génie. Je sors précipitamment de la salle de repos et pose les yeux sur les tables un peu plus loin.

Elio est du genre imperturbable lorsqu'il étudie. J'ai découvert ça pendant la dernière heure de mon service, après avoir bataillé pour qu'il ne me remarque pas quand je l'observais discrètement. L'implication qu'il avait dans ses révisions, à écrire ses fiches, lire avec attention ses dossiers m'a étonné. Elio une tête, vraiment ? Je me suis surprise plus d'une fois à lui jeter des regards, plutôt que de faire attention où je posais le pied. Le parquet s'est dérobé quelques fois sous mes pas, tangible. J'ai accusé ma maladresse, plutôt que mon manque de concentration. Les pensées contradictoires qui m'ont animée me dépassaient : le regarder mais en même temps le fuir. Mon sac sur le dos, je regarde une dernière fois le gâteau avant d'avancer vers lui. Je m'assois à sa table sans un mot et il sursaute. Je me pince les lèvres pour réprimer un sourire et il me fixe. Je pose alors le Père Noël brisé sur ses feuilles. Interloqué, il prend un des morceaux et m'interroge du regard.

- Il allait finir à la poubelle, alors je me suis dit que t'aurais peut-être préféré le manger. Et puis... Je cherchais un prétexte pour venir te parler et m'excuser de mon comportement, avoué-je, tu n'y es pour rien, j'ai juste paniqué et tu t'es trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment. Alors, on pourrait prendre ce Père Noël comme signe de paix ?

Soulagée, j'expire l'air qui n'avait pas quitté mes poumons. Je me sens plus légère d'un coup. A ma grande surprise, il me tend un bout de gâteau. Cette fois-ci, c'est moi qui fronce les sourcils et le questionne du regard.

- Si tu veux une réconciliation, il faut que toi aussi tu manges. Sinon, ça ne peut pas marcher.

Il me prend pour une enfant maintenant. Mais je fais ce qu'il dit et mange. Elio me demande si je veux parler de ma réaction de cet après-midi. Je lui dis que je veux juste oublier et il accepte ma décision. Nous nous regardons longuement dans les yeux, sans aucune gêne. Je suis heureuse de savoir qu'il ne m'en veut pas. Après quelques instants, je le vois sourire. Je suis prête à le lui rendre. Mais, il ne peut pas s'en empêcher. C'est plus fort que lui.

- Je te préférais avec ton costume de lutin...
- Tais-toi, tu veux ? réponds-je du tac au tac, les joues rosies.
- Jamais.

C'est limite s'il ne va pas tirer la langue comme le mioche diabolique.

- T'étais pas si fier la fois où on était en hauteur, lui rappelé-je, j'aurais peut-être dû me balancer pour nous faire tanguer...

Il lève les bras en l'air, la mine offusquée, n'ayant pas l'air assez reconnaissante à ses yeux de l'avoir eu comme guide personnel la dernière fois.

- C'est pas cool d'utiliser les faiblesses des autres alors que je suis si sympa avec toi, s'écrie-t-il, en essuyant une larme imaginaire au coin de l'œil.
- Bien sûr.

Le visage dans ses paumes, appuyé contre la table, il arbore un sourire mi-narquois, mi-amusé. Je dois faire une drôle de tête puisqu'il explose de rire face à ma réaction et me traite de poisson entre deux rires. Bordel j'ai envie de lui foutre un poing dans la gueule. Gentiment bien sûr. Il essaie d'imiter mon expression, la bouche ouverte, l'air choqué et je me mords les lèvres pour éviter de commettre un meurtre. Je pose mes deux mains sur la table, un subit élan de défi.

- Tu galères vraiment à me convaincre que Noël n'est pas une cause perdue à ce que je vois.
- Quoi ? T'as pas aimé mon calendrier de l'Avent et le pain d'épices de la dernière fois, devant un paysage si magnifique et lumineux ?

Il exagère. Je lève les yeux au ciel. Mon égo en prendrait un coup si je lui avouais que ni l'un ni l'autre ne m'avaient réellement déplu. Je feins d'être dégoûtée. Elio a l'air déçu l'espace d'un instant par ses efforts entrepris vainement et il range ses affaires, pensif. Jaelle 1, Elio 0. Le voir douter de ses petites piques, rien qu'un instant m'a donné la sensation d'une victoire.

- Je t'offre une chance.

Il me sonde du regard ne sachant pas où je veux en venir. Je mets mon visage dans mes mains, avec le même sourire qu'il m'a adressé il y a deux minutes. A mon tour.

- Lundi dix-huit heures.

Non loin de cacher sa surprise, ça m'amuse de le voir lever le sourcil face à ma proposition. Déstabilisé, il acquiesce avant de prendre congé le pas léger, un grand sourire aux lèvres. Il s'en va et à ce moment-là, je perds la notion du temps.

Quelques longues minutes s'écoulent, je reste assise droitement pour faire le point sur ce qui vient de se passer. Qu'est-ce que je viens de faire ? Allo ? Moi, inviter Elio ? Mon visage commence soudainement à me brûler. Non, ce n'est qu'un sympathique ami qui a la tendance à me bassiner avec Noël. Je gonfle les joues comme une enfant en fixant la table. Jaelle, reprends toi ! La fois où il m'avait emmenée en vadrouille découvrir Grenoble avait été géniale et passer du temps avec lui me faisait beaucoup de bien, malgré tous ses commentaires taquins et son obsession pour le bonhomme rouge.

Je dois rester un bout de temps bredouille à la table, à essayer d'analyser la situation, en surchauffe. Quelle journée ! Au moins, j'ai épargné les tasses et les assiettes aujourd'hui. Je me rends compte qu'il faut que je rentre quand Philibert passe devant moi, et me demande ce que je fais encore ici alors que mes heures sont terminées. Gênée, je me précipite vers la sortie, me tourmentant encore et encore, comme à mon habitude. Cette partie de ma personnalité m'use vraiment de jour en jour. Je quitte le café exténuée, les pensées en vrac. Mon cerveau dans le brouillard ne comprend toujours pas comment j'ai réussi à passer par autant d'émotions en à peine quelques heures. En franchissant la porte de mon immeuble, je commence à stresser légèrement, me demandant bien ce qu'Elio allait préparer pour notre petit moment à deux.

Et intérieurement, je n'ai qu'une hâte : être lundi.

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