— Tu te décideras à rester dans mon camp un jour ?
Navinn dévisage la jeune fille avec un regard malin. Sereine, Kia repose sa tasse de thé sur la table basse sans répondre.
— Tu viens, tu repars, tu reviens, tu repars. Pas que ça me dérange, hein. Mais tu pourrais t'installer ici, tu sais ?
Depuis toutes les fois qu'elle rend visite au jeune dictateur, il essaie de la recruter. Elle refuse à chaque fois et aujourd'hui ne risque pas de faire pas exception à la règle : Kia restera à jamais une Briseuse.
Son amant lui a permis de rendre visite à son jeune ami autant de fois qu'elle voulait. Maintenant, Kia est fixée. Elle se l'est promis, elle va passer à l'action, c'en est fini d'hésiter. Solal est son véritable chef, la cause qu'il défend a toujours été la plus juste. Il est temps de réveiller Navinn et de le ramener sur le droit chemin, son jugement approche.
Comme d'habitude, Kia refuse la proposition du garçon d'un hochement de tête dédaigneux mais cette fois, le poids rassurant de la seringue dans sa poche lui rappelle que ces pourparlers stériles touchent bientôt à leur fin. Bientôt, Navinn ne pourra plus faire autre chose que rejoindre leur camp, le bon camp.
— Tu ne comprends donc pas que c'est moi qui vais gagner ? insiste le jeune dictateur.
Rien n'est moins sûr, rétorque silencieusement Kia.
— Tout n'est pas encore joué, rappelle-t-elle.
Navinn plisse les yeux, moqueur. La jeune fille n'y prête pas attention.
Cet enfant n'a jamais témoigné beaucoup de faiblesses et cela a la fâcheuse tendance de le faire se sentir invulnérable. Il pense qu'il a tout pour gagner, cela l'aveugle. La seule faiblesse qu'il a laissé paraître est en passe de le perdre. La trahison de Kia sera retentissante.
Pauvre garçon, il ne sait pas d'où il va tomber. Mais c'est pour son bien. Sa grande sœur est prête à tout pour lui. Qu'il chante la victoire autant qu'il veut, aussi longtemps qu'il croit la détenir. Un jour, il suppliera Kia d'intégrer les rangs des Briseurs, et ce jour-là approche à grands pas !
Moqueur, le jeune dictateur hoche les épaules. Il sous-estime la force de son adversaire, cela lui causera beaucoup de tort. Puis il détourne le regard et annonce, mine de rien :
— On a bientôt fini d'assembler notre lanceur. Je peux te le montrer, si tu veux ?
Le coup est porté en plein dans la poitrine de la jeune fille, qui cesse aussitôt de réfléchir à ses sombres dessins. Navinn la regarde du coin de l'œil, ne pouvant réprimer un sourire satisfait par son petit effet.
— Mais alors... balbutie Kia.
— Oui, la devance le garçon, les yeux pétillants d'une excitation tout à fait sincère. Dans quelques heures, le Cœur de pierre ne sera plus qu'un lointain souvenir !