— T'es bien amochée ! s'exclame Live.
Glaëlle fait la grimace tandis que la jeune fille passe du gel sur ses blessures. En effet, son entraînement avec Ange a été particulièrement rude, reconnaît-elle. Le stratège accélère le rythme au fil de ses sessions. Aujourd'hui, il a tant malmené son élève qu'il l'a envoyée à l'infirmerie. Comme Live venait y faire un tour et que les médecins étaient occupés ailleurs, elle s'est gentiment proposé pour la soigner.
Bien qu'elle soit jeune, c'est cette fillette qui s'est débrouillée pour fabriquer sa jambe en métal quand elle a perdu celle de chair dans une altercation avec des brigands, au début de l'année. Elle a quelques notions en médecine et surtout, elle fait toujours tout dans la bonne humeur. La rouquine l'aime bien, cette petite bout en train.
— Je ne fais pas le poids, regrette Glaëlle en baissant la tête. Ange m'envoie toujours au tapis. Alors qu'en plus, il retient ses coups !
Arrêtant son soin, la fillette lève ses fins yeux bruns vers la tireuse.
— Ne dis pas ça, la sermonne-t-elle. Tu as juste besoin d'entraînement. Et puis tu sais, Ange est un soldat hors pair. Il donnait même du fil à retordre à Gunther, le capitaine des soldats ! Mais c'est bien qu'il t'entraîne, ça va te faire progresser. Comme ça, tu seras prête pour ta prochaine bataille !
La rouquine lève les yeux sur le front couvert de mèches noires de la fillette. La prochaine bataille, hein ?
Glaëlle est une cause perdue, Ange se fatigue pour rien, se désespère-t-elle. Elle ne veut pas se battre, elle l'a assez répété. Elle aimerait qu'il la laisse tranquille et qu'il fasse des choses plus utiles au lieu de perdre son temps à l'entraîner. Le temps est une denrée précieuse, il ne doit pas la gaspiller.
Pourtant, Ange s'entête. Il tient à leur accord. Elle est immunisée, l'une des meilleures tireuses des Briseurs et est gagnée par une force bestiale quand elle doit se battre. Elle est raisonnable et saura se protéger mieux que les autres durant la bataille. Le stratège ne veut pas abandonner ce précieux élément. Et pour ne pas faciliter les choses, depuis que les autres sont au courant de leur marché, ils la suivent avec intérêt.
C'est étrange. Au lieu de critiquer sa décision, ils l'ont tous encouragée. Kia, Solal et Isaac se sont montrés très compréhensifs. Savent-ils à quel point cela fait peur de voir la mort en face, eux-aussi ? s'est-elle demandé. Toujours est-il que Glaëlle se sent redevable.
C'est d'ailleurs ce qui la fait tenir. Et c'est parce qu'elle tient qu'elle doit s'entraîner plus dur. Elle accuse les coups et fait de son mieux pour s'améliorer, elle a besoin d'étoffer ses forces pour sa prochaine bataille. Parce qu'elle veut s'en sortir vivante, de celle-là, coûte que coûte !
— Je vais redoubler d'efforts, jure-t-elle.
C'est toujours mieux que de se morfondre. Quitte à aller se battre, autant savoir se défendre.
— Et puis je battrai Ange ! insiste-t-elle pour se donner du courage. Je vais lui montrer qu'il ne s'est pas démené pour rien. Comme ça, après, je pourrai vaincre n'importe qui !
Elle serre les poings, décidée. C'est une bonne résolution ! se félicite-t-elle.
Des ridules se creusent au coin des yeux de Live. Tandis que la soigneuse rattrape son bras pour poursuivre les soins, elle la regarde de biais. C'est une fillette espiègle, Glaëlle voit de la moquerie dans son attitude.
— Tu en doutes ? se vexe la tireuse.
— Pas du tout ! lui assure Live en souriant plus largement. Je suis certaine que tu vas réussir à le battre ! C'est juste qu'il n'aime pas les gens qui parlent comme toi.
Glaëlle lève les yeux au ciel.
— Je m'en fiche pas mal.
Cette fois, Live éclate de rire. Dans son élan, elle appuie trop fort sur le bleu de Glaëlle qui gémit. Ça a pour effet d'à peu près calmer la fillette.
— Désolée, s'excuse-t-elle, les yeux brillant d'espièglerie. T'es amusante, à te vexer pour rien. Ange se moquerait encore plus de toi pour ça !
Glaëlle soupire, elle ne tient pas à s'attarder sur le sujet.
— Il fait la tête à tous ceux qui ont un peu trop de caractère, confie Live en repassant la main sur le bras de sa patiente. Mais je crois qu'au fond, il les aime bien quand même.