ALLÉGEANCE {Tome 1} Les Murmu...

By ClineNana

10.2K 812 722

Dans un monde où d'étranges Ombres ont réduit à néant la civilisation humaine, Martin Wilson, un jeune Sorcie... More

Avant-Propos
Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Interlude
Chapitre 36
Chapitre 37
Chapitre 38
Chapitre 39
Chapitre 40
Chapitre 41
Chapitre 42
Chapitre 43
Chapitre 44
Le mot de la fin

Chapitre 35

148 13 6
By ClineNana

 Après plus d'une heure et demi de marche, ils arrivèrent enfin devant les imposantes Halles de Bois-aux-Roses. Martin ne put s'empêcher de sourire en montant les imposants escaliers de cette immense bâtisse millénaire. La tête haute, il s'approcha le premier du grand portail orné de sculptures qui lui étaient aujourd'hui mystérieuses. Deux marchandes la guettaient. Les Halles s'animaient bruyamment à chaque Solstice, mais si la journée et le début de soirée était entièrement consacré aux visiteurs et aux clients, passé dix heures, elles leur étaient strictement interdit. Ceux qui avaient le rôle ingrat d'en surveiller les accès étaient tirés au sort chaque soir, et Martin avait eu la malchance une année de grelotter à la porte, ne profitant que des rumeurs de la fête et des friandises qu'on venait lui apporter. Malgré tout, ça restait un bon souvenir.

- Qu'est-ce que la Garde vient faire par ici ? s'agaça l'un des deux marchandes. Quand c'est pas la Milice, c'est vous ! Vous avez rien d'autre à faire un quinze décembre au soir ?!

- Demande à Yolande, Sophie, répliqua Martin avec un sourire, tu verras bien ce qu'elle te répondra.

Sophie Devault, la maraîchère des Halles, fronça les sourcils. Lorsque Martin se montra à la lumière, elle sourit franchement.

- MARTIN ! Mais, qu'est-ce que tu fiches ici ? On ne t'attendait pas !

- Oh non ! C'est pas vrai ! s'extasia Billy Brunel, la marchande de tissu. Martin ! Mais qu'est-ce que t'es beau avec ce manteau !

Les deux marchandes se précipitèrent pour le prendre dans leurs bras. Martin ferma les yeux, appréciant cette marque de tendresse qui autrefois l'aurait certainement rebuté. Il n'avait jamais réalisé à quel point la Corporation des marchands au grand complet avait été une famille pour lui.

- Je peux entrer même si je ne fais plus partit de la maison ? sourit-il avec un air malicieux.

- Mais tu seras toujours le bienvenu ici ! assura Billy en lui pressant les épaules.

- Et ça vous dérange si j'ai ramené quelques personnes ? C'est mon équipe, ajouta-t-il non sans une certaine fierté. Et mes amis...

- Tiens donc ! se moqua Sophie. Alors comme ça notre Martin a réussi à se faire des amis ? Qui l'eut cru ? Allez, entrez ! sourit-elle en leur ouvrant elle-même la porte. Les amis de Martin sont aussi les nôtres ! Et bienvenue chez les marchands !

Valentine retint difficilement un petit cri de joie, et même Étienne sembla moins bougon. Seul Hugo, les bras repliés contre sa poitrine et la tête rentrée entre ses épaules, avait réellement l'air de vouloir être partout, sauf ici. Martin espéra que la bonté des marchands lui rende un tant soit peu le sourire. Il n'était d'ailleurs pas certain qu'avec un père pareil, Hugo ait, une fois dans sa vie, célébré la semaine du Solstice.

À l'intérieur, les Halles étaient méconnaissables. D'immenses tentures représentant des paysages étoilés ornaient les murs, et d'immenses rubans bleus avaient été accrochés aux grandes arcades. Les étales étaient toutes fermées, mais Martin savaient que sous ces paravents tristes se cachaient des rubans et des branches de cèdres.

De la musique et la rumeur d'une conversation s'élevaient au fond de l'édifice. Sans hésiter, Martin s'y précipita en entraînant les autres. Là-bas, une grande table avait été dressée, sur lesquels avaient été disposés de grandes marmites remplies de soupes et de ragoûts, mais aussi – et surtout ! – beaucoup de vin. De l'épine, d'ailleurs, une petite spécialité des Halles qui faisait macérer du vin de mauvaise qualité dans de grandes cuves avec des fruits rouges et de la betterave à sucre pour lui ôter son goût un peu âcre. Il sourit en se rappelant des trop nombreuses fois où il s'était laissé avoir par cette boisson un peu traître.

- MAARRTTTTTTIIIIIIIIINNN !

L'ancien rafleur posa un genou à terre et ouvrit immédiatement les bras pour y recevoir la petite fille qui s'y précipita. Emma serra fort son cou entre ses petits bras, et se mit à pleurer de bonheur.

- C'est le souhait que j'avais fait ! J'ai été exaucé ! T'es venu ! Les Anciens m'ont écoutée !

Il était de tradition pour les enfants de Bois-aux-Roses d'allumer une bougie au début de la semaine du Solstice, et de faire un vœu. Selon la légende, les Anciens entendaient les souhaits, et les exauçaient parfois avant le vingt-et-un décembre. Martin était donc le vœu d'Emma. Pour un peu, il pourrait en pleurer de joie.

- Bah ! Tu vois ? plaisanta-t-il. J'ai reçu un message des Anciens et je suis venu !

La petite fille se recula. Elle fronça les sourcils et ses lèvres s'affaissèrent en une moue boudeuse.

- Mais arrête de te moquer de moi ! s'agaça-t-elle en tapant du pied. Pis pourquoi tu es là ? Tu t'es fais viré parce que t'as fait une bêtise ?

- Mais non ! pouffa Martin. J'ai juste eu le droit de sortir pour la première fête du Solstice, c'est tout !

« Beau mensonge ! » railla sa petite voix inférieure. « Pour un peu tu te convaincrais toi-même ! »

- Oh ! Mais t'as une broderie ! s'extasia Emma en caressant la petite flamme du bout des doigts. Elle est beaucoup trop belle !

Martin retint un frisson d'horreur en repensant à la petite fille qu'il avait sorti des décombres. Une enfant qui n'était guère plus âgée d'Emma. Qui aurait pu être elle. Il dissimula le tremblement de ses mains en l'attirant de nouveau à elle.

- Ça, je te le raconterai peut-être un jour. Mais pas ce soir. Regarde plutôt qui j'ai amené avec moi !

Emma pencha la tête sur le côté, et sourit largement en apercevant Hugo. Elle retint un petit cri et le désigna d'un index impérieux.

- Lui, affirma-t-elle avec force pour que tout le monde l'entende, c'est mon amoureux !

Il y eut des rires attendris, et Martin la relâcha pour qu'elle aille le saluer dignement en déposant une bise sonore sur les joues creuses de son camarade. Hugo lui adressa un regard suspicieux, mais répondit toutefois de bon cœur aux sollicitations de la petite fille.

- T'sais ! Je me suis entraînée ! affirma l'enfant. J'sais dessiner des roses, maintenant ! Mais j'sais faire que ça, faudrait que tu m'apprennes à faire d'autres fleurs !

Martin eut un sourire triste en songeant à l'oiseau qu'Hugo avait acheté pour elle. Nul doute qu'il lui aurait beaucoup plus. S'il n'avait pas été aussi crétin...

- Hé, alors ! On ne salue plus les vieux amis ! se moqua Ali.

Martin éclata de rire. Les deux hommes échangèrent une franche accolade.

- Sérieusement ? souffla Ali si bas que lui seul pu l'entendre. Pourquoi t'es venu ? Je sais bien que tu n'as pas eu de permission !

- Parce que j'ai besoin de ma famille, avoua Martin

Ces quelques mots semblèrent suffirent à Ali qui s'écarta avec un sourire ému. D'un geste de la main, il lui désigna le fond de la tablée. Martin sentit alors des larmes glisser le long de ses joues sans qu'il puisse les retenir. Confortablement installée sur une ribambelle de coussins et emmitouflée sous un châle épais, Yolande le regardait avec tendresse et fierté. Martin se précipita alors à son chevet, le cœur battant à tout rompre. Il ne l'avait jamais vue ainsi, si diminuée. Elle était si maigre. Elle semblait si fragile...

- Me r'garde pas comme si j'vais déjà du vent dans l'crâne, s'agaça la vieille femme en lui prenant la main. J'veillis mon gamin, mais j'peux encore te botter l'train !

Martin rit malgré lui, et dû admettre qu'il était surpris qu'elle ait autant de force. Pour un peu, elle lui aurait brisé les phalanges !

- Tu vas bien ? Ali m'a dit que...

- ... que j'étais mourante, oui ! T'en fais pas, je lui ai déjà rossé les fesses pour ça ! Il est pas encore venu le jour où on me remplacera à la tête des Halles ! J'espère d'ici là te voir nommé Major !

- Alors tu as du temps devant toi, sourit Martin. Je ne suis même pas encore Garde !

- Dépêche-toi quand même, hein ? Il paraît que j'ai de l'âge !

Martin rit malgré lui, un peu rassuré. Si elle était peut-être un peu diminuée physiquement, elle n'avait rien perdu de sa vivacité d'esprit. Toujours aussi rude, et toujours prête à mener la vie dure à tous les marchands.

- Grand-mère, osa-t-il après s'être raclé la gorge. Je te présente Valentine, Hugo et Étienne. Ce sont mes coéquipiers.

- Les pauvres, railla la vieille femme. Quel malheur pour eux d'être tombés sur toi !

D'un geste de la main, Yolande leur demanda d'approcher, ce qu'ils firent sans hésiter.

- Écoutez-moi tous ! tonna la doyenne en se redressant péniblement. Et regardez ! Regardez bien ces visages ! Retenez-les biens, car ce sont les coéquipiers de notre Martin ! Il est de notre famille, et ses amis sont les nôtres !

En retenant un gémissement de douleur, elle se rallongea et sourit largement aux trois Aspirants qui ne savaient où se mettre.

- C'est toujours un grand honneur de recevoir la Garde sous nos voûtes. Soyez les bienvenus. Pour ce jour, et pour toujours !

Il y eut quelques applaudissements qui leur arrachèrent des sourires gênés.

- C'que tu sais mal recevoir ! grogna la matriarche en giflant la main de Martin. Les laisses pas planté là comme des carottes ! Sers-leur donc un verre !

*

Les marchands avaient le sens de la fête, et se montrèrent fidèles à leur réputation. La soirée, après le traditionnel banquet, n'avait été que chants et danses endiablées. Martin, qui n'avait pas valsé depuis longtemps, avait les pieds en feu. Les bottes qu'on lui avait données au Bastion étaient peut-être solides et faites pour les longues courses à pied, mais elles n'étaient clairement pas faites pour danser le jive !

Entre deux danses, Yolande l'avait questionné sur sa vie au sein de la Garde. Heureuse, elle avait fait roulé sa broderie entre le pouce et l'index avec un sourire ému, avant de l'assommer de recommandations.

- J'espère pouvoir te rendre fière, Grand-mère, avait-il soufflé.

- Mais qu'est-ce que tu racontes ? s'était-elle agacé en lui tapotant la joue. J'le suis déjà ! Va danser ! Guillaume te bouffe du regard depuis tout à l'heure !

- Il n'a pas renoncé à l'idée de me séduire, celui-là ? avait soupiré Martin.

- Tu parles ! Il n'arrête pas de parler de toi ! Tout l'temps !

Après une énième sarabande, Martin se laissa retomber sur sa chaise en retira d'un geste vif ses chaussures. Valentine gloussa bruyamment. Il avait réussi à s'extirper des bras de Guillaume qui, profitant de l'ivresse, avait insisté pour avoir un baiser que Martin s'était obstiné à refuser.

- Hé ! Bah alors ! Tu ne nous avais pas dis que tu avais un fiancé, Froissard ?

- Oh ! Tais-toi donc, Val' ! Et retourne te trémousser, la pochtronne !

Valentine avait effectivement le « lever de coude » facile. Emma, qui n'était plus impressionnée par elle, la laissait lui tresser ses longues boucles rousses en une coiffure compliquée. Il fallait dire aussi, qu'il était particulièrement tard pour une petite fille de huit ans.

- En tout cas, sourit la jeune Aspirante, je n'aurai jamais cru dire ça un jour, mais Étienne à l'air de drôlement s'amuser.

Martin pouffa. Il n'aurait jamais soupçonné non plus qu'Étienne soit un si bon danseur. Il avait un sacré jeu de jambes et un très bon déhanché. L'épine lui était visiblement monté à la tête. Cinq jeunes marchandes gloussantes dansaient avec lui à tour de rôle. Martin, qui les connaissait un peu, savait qu'elles ne cherchaient qu'à lui mettre le grappin dessus, ce qui était peine perdue : les Gardes n'avaient pas le droit de se marier durant au moins dix ans pour ne se consacrer qu'à leurs missions. Et Étienne prenait sa fonction très au sérieux !

- Mais, il est passé où, Hugo ? s'inquiéta soudain Martin.

La dernière fois qu'il l'avait vu, il devisait joyeusement avec Ali. Mais ce dernier était en train de chanter la Complainte du pêcheur à tue-tête avec Alex et Charline, et Hugo avait littéralement disparu.

- Y' est sorti, bouda la petite fille. Y' voulait plus danser avec moi.

- Et toi tu devrais peut-être aller au lit, non ? hésita Valentine.

- C'est vrai, l'approuva sévèrement Martin. Tu devrais déjà être couchée !

- Maaaais, protesta la petite, c'est le Sol'tiiiiiice.

- Ce sera le Solstice toute la semaine ! Allez ! Il est grand temps d'aller dormir !

- Je m'en occupe, sourit Valentine d'un air entendu. Comme ça tu auras le temps d'aller discuter avec Hugo, pas vrai ? Et puis, je pense qu'Emma doit savoir où elle habite ! N'est-ce pas, Emma ?

- Bah évidemment ! soupira l'enfant. J'suis pas idiote, hein ?

Martin gloussa, et ouvrit les bras pour que la petite fille vienne s'y glisser. Il la serra avec tendresse en se disant que le Capitaine Ariane avait raison : c'était pour eux qu'il se battait, il ne devait jamais l'oublier.

- Tu seras là demain ? supplia la petite.

- Non, soupira-t-il. Ce n'était que pour ce soir. Mais t'en fais pas, assura-t-il en la serrant un peu plus fort. On va vite se revoir !

- Tu oublieras pas de demander au Major, hein ?

- Promis ! affirma Martin dans un rire. Dès que je le verrais ! Allez, trancha-t-il en la reposant à terre, files te coucher !

Emma bâilla allègrement et se frotta les yeux. Puis, docilement, elle prit la main de Valentine et la guida à travers les Halles. Les marchands vivaient la plupart du temps dans les vieilles maisons qui s'étaient agglutinées tout autour, elles n'en avaient heureusement pas pour longtemps.

Rassemblant son courage, Martin remit ses chaussures avant de partir à la recherche d'Hugo, ne manquant pas d'attraper deux verres d'épine au passage. Il ne tarda pas à le trouver dans un coin de l'immense édifice, pas très loin de l'entrée, derrière les étalages. Il était adossé à un pilastre qui marquait la césure entre la grande travée et ce qui servait aujourd'hui d'arrière-boutique. Il admirait les vitraux qui avaient curieusement résisté aux ravages du temps. Avec ses personnages aux visages tristes et allongés, Martin s'était souvent demandé ce qu'il pouvait bien représenter.

- Qu'est-ce que tu fais là, tout seul ? sourit Martin. Viens danser avec nous ! On allait...

Hugo lui adressa un regard noir pour toute réponse.

- Tu pensais vraiment qu'il suffirait de me saouler pour que j'oublie ce qu'il s'est passer ? Décidément, tu me connais mal !

Après quoi, il retourna ostensiblement à sa contemplation de la verrière, les mains dans les poches et la tête rentrée entre ses épaules. « Au moins, il te parle ! » releva la petite voix intérieure de Martin. C'était finalement assez encourageant, quand bien même son plan tombait à l'eau. Il avait en effet espéré que l'atmosphère festive – et surtout l'alcool – les aide à se rapprocher.

- Moi j'ai besoin d'un verre, avoua-t-il avant de vider le sien d'une traite.

Pour faire bonne mesure, il but le deuxième, puis se laissa tomber à ses côtés dans un grognement. Sa proximité avec Hugo le trouvait. Il sentit le feu lui monter aux joues, et une douce chaleur se répandre de son bas-ventre jusqu'à sa poitrine. « Mais qu'est-ce que je suis en train de faire ? »

Il tremblait, et Hugo n'en menait pas large non plus. Martin sentait bien qu'ils se tenaient en équilibre sur un fil. Un pas de travers et...

- Tu n'as jamais fêté le Solstice, pas vrai ?

- Parce que ça t'intéresse ?

Martin reçu ces mots comme autant de coup de poings. Il les méritait.

- Tu dois me haïr, déglutit-il péniblement. Et tu aurais raison. Je ne sais pas ce qui m'a pris, et je ne me chercherai pas d'excuses. De toute manière, tu ne les accepterais pas.

- Non, en effet. Tu as déjà dit ça. Comment je pourrais te faire confiance ?

Il ne le pouvait pas, en effet. Martin avait déjà fais de belles promesses qu'il avait été incapable de tenir. « Je vous promets de ne pas tout faire foirer cette fois, en tout cas d'essayer » leur avait-il dit après sa misérable tentative de fuite. Et encore une fois, c'était précisément ce qu'il avait fait : il avait « tout foirer. » Il réalisa également qu'il ne s'était pas excusé non plus l'or de leur dernière dispute. Pas vraiment...

Entre eux, il n'y avait que des non-dits, des questions sans réponses, des rancœurs et des peines qu'ils s'étaient – qu'il lui avait – infligé sans autre véritable raison que sa propre bêtise.

- Je sais pas ce qui m'a pris, avoua Martin. Je me suis défoulé sur toi. C'était minable.

Hugo fronça les sourcils, mais ne répondit pas, la tête toujours obstinément tournée vers le vitrail. Martin sentit sa gorge se serrer. Il devinait bien qu'il était en train de le perdre.

- Tu sais, osa-t-il d'une voix étranglée, je t'aime beaucoup, Hugo. Je sais, je ne te l'ai pas montré mais... c'est la vérité. Je tiens beaucoup à toi. J'étais juste stupide. Je croyais, au début, que tu n'étais qu'un petit bourgeois qui ne cherchait qu'une belle carrière dans la Garde. Et puis j'ai appris à te connaître et... je me suis rendu compte que j'avais tort. Je ne pensais pas que tu aies pu souffrir à ce point. En fait, je ne pensais tout simplement pas, et c'est bien mon problème. Je réfléchis pas, et du coup je me comporte comme un imbécile.

Cette fois, Hugo tourna la tête vers lui, ses yeux d'un bleu profond rond comme des billes. Écrasé par la culpabilité, il préféra ignorer le trouble qui opprimait sa poitrine. Tout ce dont il était certain, c'était que pour une fois, il voulait être honnête.

- Le pire dans cette histoire, rit-il amèrement, c'est que je suis content qu'Emma t'apprécie. J'avais juste trop de choses en tête. Je devenais fou. Je m'en suis pris à toi parce que ça m'a semblé facile. Je suis un lâche. Mais ça, tu le sais déjà.

Il déglutit.

- Puisque je suis incapable de tenir mes promesses, je n'en ferai pas. Je veux juste que tu saches que je fais de mon mieux pour ne plus me comporter comme un abruti. Et parfois, j'ai juste besoin qu'un ami me remette à ma place... même s'il faut pour ça qu'on me fasse littéralement manger la poussière, ajouta-t-il dans un rire. Si tu veux bien être cet ami-là, Hugo, je jure que je te suivrais juste dans la gueule d'une Ombre !

Seul le silence lui répondit. Croyant avoir définitivement perdu son amitié, Martin ferma les yeux, et voulu se relever pour s'éloigner. Hugo sembla soudain sortir de sa léthargie et l'attrapa par le poignet.

- Alors, tout va bien ? hésita Hugo.

Sa voix n'avait jamais semblé aussi désespérée. Martin le serra avec plus de force encre. Il était si heureux qu'il pourrait en pleurer.

- Oui, Hugo, tout va bien. Enfin, si tu le veux bien.

Ils se sourirent. Puis, visiblement gênés par la proximité nouvelle qui s'était installée entre eux, il s'éloigna en se raclant la gorge.

- Je ne te demanderai qu'une chose !

- Tout ce que tu voudras !

- Je ne veux pas que tu me regardes comme une victime, assura-t-il avec force. Je ne suis pas une victime, d'accord ? J'ai survécu à mes parents. C'est tout ce qui compte.

Impressionné par sa détermination, Martin lui sourit, avant de poser une main sur son cœur avec déférence.

- Je vous le jure, Petit Prince ! Comptez sur moi pour me montrer toujours aussi désagréable pour vous rappeler que vous n'êtes pas au-dessus du petit peuple !

- Merveilleux, sourit Hugo. Comme ça je garderais les pieds sur terre ! Surtout venait de quelqu'un d'aussi humble et serein que toi !

Martin rit en retour, soulagé de retrouver l'humour grinçant de son camarade. Il lui répondit d'une petite tape sur l'épaule.

- Allez, viens ! On a encore un peu de temps, et de toute façon, on sera capable de rien, demain ! Je t'offre un verre !

- Tiens ! Ça ne te dérange plus d'offrir quelque chose à un petit noble de Haute-Ville ?

- Tu apprendras, Petit Prince, que nous savons être généreux, ici-bas !

Dans un silence confortable, ils remontèrent la grande travée centrale pour regagner l'alcôve où la fête battait son plein. De là où ils se trouvaient, ils pouvaient entendre clairement les hululements d'Ali.

- Oh merde, souffla soudain Hugo en s'arrêtant tout net.

D'un index tremblant, il lui indiqua un pliage qui semblait les observer du haut d'une colonne. Martin frémit. C'était un des oiseaux en papier du Major Bellerin. Le freux déploya ses grandes ailes pour venir délicatement se poser sur l'épaule d'Hugo. L'animal tenait dans son bec une missive que l'Aspirant prit d'une main tremblante.

- On est renvoyé c'est ça ? soupira Martin.

Il trembla. Oh par les Ancêtres, rien qu'à l'idée...

- Non, expira Hugo, soulagé. C'est même le contraire ! Lis ça !

Il lui tendit le pli. Intrigué, Martin s'exécuta, et à son tour, il ne put s'empêcher de pouffer. Il fallait vraiment que le Major ait un sacré culot pour leur écrire une lettre pareille !



Mes très chers et terribles Aspirants,

Vous devez être de sacré imbéciles pour croire que je ne remarquerai pas votre petite escapade. Malgré tout, je dois vous féliciter ! Ça c'est ce que j'appelle « se lâcher un peu. »

Essayez simplement de ne pas avoir l'air trop amorphes demain matin !

Une nuit de plus.

Yann Bellerin Major. »





--------------------------------------------------------------------------

Bonjour  à toutes  et à tous ! 

Nous allons engager la dernière partie du Tome 1 ! 

Alors, ces fêtes du Solstice ?  Vous imaginez ? Un équivalent de Noël  qui dure une semaine entière ! Le rêve, non ? 

Merci de me lire, et merci de me donner vos retours ! Je vous dis à la semaine prochaine et d'ici là, prenez soin de vous ! :)



Continue Reading

You'll Also Like

21.2M 1.2M 128
Élisabeth a tout pour être heureuse.Mais cela n'est qu'apparence. Depuis sa naissance elle baigne dans un milieu prisé jusqu'au jour où elle se retro...
935 186 32
"C'est un gars, qui rencontre un autre gars et puis après il y a de la neige." Si vous lisiez ça, comme résumé, vous auriez envie de lire le livre e...
140K 8.3K 42
Lana a pour ex Mike un criminel qui a détruit sa vie dans sa ville natale. Du jour au lendemain, elle décide de déménager à Manhattan, pour quitter t...
1.4K 165 20
Rien à dire. Des citations simplement des citations. Que ce soit par des gens connus, que j'ai inventés ou encore de tout les mondes que j'adore ! Dr...