Chapitre 7

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- Je peux savoir ce que tu as fais comme conneries, Martin Wilson, pour être convoqué par un officier de la Garde, en personne ?

Ali Haddad ne prenait même pas la peine de dissimuler sa colère, et du reste, il était bien légitime qu'il soit inquiet ! Les Halles fonctionnaient comme une véritable confrérie où chacun avait un rôle à jouer dans un équilibre précaire entre la contrebande et la légalité. Il arrivait souvent qu'Ali revende sous le manteau des pièces informatiques à des personnes peu recommandables contre une belle liasse d'assignat, et Martin faisait partie de cette équation ! On lui faisait confiance, et Ali en premier lieu puisqu'il était son associé ! Il lui revendait en priorité l'électronique Ancien, et Ali le payait un bon prix ! Aussi, Martin connaissait toutes ses petites fraudes, et pas seulement ! Il avait vu les transactions illicites, l'argent blanchi, la marchandise dissimulée pour échapper aux impôts...

La force publique s'était jusque-là accommodée de ce système avec quelques pots-de-vin savamment distribués, mais si la Garde commençait à vouloir fourrer son nez dans les affaires des marchands...

- Rassure-toi, maugréa Martin, sourcils froncés. Je ne parlerai à personne de l'argent que tu détournes ni de ce que tu revends ! Ça restera un petit secret entre toi et moi !

- Arrête ! s'agaça Ali en passant une main dans ce qui lui restait de cheveux. Tu sais très bien que ce n'est pas pour ça que je m'inquiète !

Le jeune rafleur haussa un sourcil, avant de porter une nouvelle fois une vieille tasse de café à ses lèvres. La chaleur qui se diffusait de la faïence ébréchée lui faisait le plus grand bien, il devait l'admettre. Dans le confortable bric-à-brac que composait l'arrière-boutique d'Ali, Martin se sentait protégé, en sécurité dans cette forêt de câbles et au milieu de tous ces étranges appareils bourdonnant. Ces antiques écrans qui affichaient en permanence des lignes de code formaient un bouclier face au monde extérieur. En un sens, Martin comprenait l'obsession d'Ali pour la technologie de l'Ancien Monde. Elle avait quelque chose de profondément rassurant...

- T'en fais pas pour moi. Je me débrouille. Je me suis toujours débrouillé, asséna-t-il amèrement.

- C'est vrai, admit tristement Ali. Mais tu n'es peut-être pas obligé de tout affronter tout seul pour une fois ! Tu pourrais aussi nous laisser t'aider !

- Et vous mettre en danger, toi et Yolande ? railla Martin. Hors de question !

- Tu pourrais aussi quitter la ville, remarqua Ali.

- J'ai pas l'intention de fuir, assura Martin en haussant un sourcil. Si la Garde veut me voir, alors j'irai.

- Mais...

- Tu sais très bien qu'on ne peut pas leur échapper ! D'autant plus quand ça vient de la Commanderie en personne, lâcha-t-il dans un rire sinistre.

Par acquit de conscience, Ali se saisit de la missive et relut le nom qui avait été apposé en bas. « Major Yann Bellerin. »

- Tu as dû faire quelque chose de grave, soupira Ali en se servant une seconde tasse de café. Ils ne se seraient pas donné la peine, sinon. Un Cadet s'en serait occupé. Un Caporal à la limite...

Martin déglutit péniblement. Lui, savait très bien pourquoi. C'était sans doute cette « Valentine Obara ». Elle avait probablement fait un rapport sur lui où elle le décrivait comme un Sorcier dangereux incapable, de se contrôler ! Et il ne pouvait pas lui donner tort !

Dans un coin de la pièce, Emma était en train de démonter un vieil appareil électronique que Martin avait retrouvé dans la carcasse d'une voiture. L'expertise d'Ali avait établi qu'il s'agissait d'un très vieux modèle d'autoradio. « Et d'ailleurs, pas de la dernière génération », avait-il ri avant de le donner à Emma, estimant qu'il n'en tirerait rien. La petite fille avait commencé à se faire la main dessus, écoutant scrupuleusement les conseils de l'ingénieur.

ALLÉGEANCE {Tome 1} Les Murmures du BastionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant