Chapitre 35

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 Après plus d'une heure et demi de marche, ils arrivèrent enfin devant les imposantes Halles de Bois-aux-Roses. Martin ne put s'empêcher de sourire en montant les imposants escaliers de cette immense bâtisse millénaire. La tête haute, il s'approcha le premier du grand portail orné de sculptures qui lui étaient aujourd'hui mystérieuses. Deux marchandes la guettaient. Les Halles s'animaient bruyamment à chaque Solstice, mais si la journée et le début de soirée était entièrement consacré aux visiteurs et aux clients, passé dix heures, elles leur étaient strictement interdit. Ceux qui avaient le rôle ingrat d'en surveiller les accès étaient tirés au sort chaque soir, et Martin avait eu la malchance une année de grelotter à la porte, ne profitant que des rumeurs de la fête et des friandises qu'on venait lui apporter. Malgré tout, ça restait un bon souvenir.

- Qu'est-ce que la Garde vient faire par ici ? s'agaça l'un des deux marchandes. Quand c'est pas la Milice, c'est vous ! Vous avez rien d'autre à faire un quinze décembre au soir ?!

- Demande à Yolande, Sophie, répliqua Martin avec un sourire, tu verras bien ce qu'elle te répondra.

Sophie Devault, la maraîchère des Halles, fronça les sourcils. Lorsque Martin se montra à la lumière, elle sourit franchement.

- MARTIN ! Mais, qu'est-ce que tu fiches ici ? On ne t'attendait pas !

- Oh non ! C'est pas vrai ! s'extasia Billy Brunel, la marchande de tissu. Martin ! Mais qu'est-ce que t'es beau avec ce manteau !

Les deux marchandes se précipitèrent pour le prendre dans leurs bras. Martin ferma les yeux, appréciant cette marque de tendresse qui autrefois l'aurait certainement rebuté. Il n'avait jamais réalisé à quel point la Corporation des marchands au grand complet avait été une famille pour lui.

- Je peux entrer même si je ne fais plus partit de la maison ? sourit-il avec un air malicieux.

- Mais tu seras toujours le bienvenu ici ! assura Billy en lui pressant les épaules.

- Et ça vous dérange si j'ai ramené quelques personnes ? C'est mon équipe, ajouta-t-il non sans une certaine fierté. Et mes amis...

- Tiens donc ! se moqua Sophie. Alors comme ça notre Martin a réussi à se faire des amis ? Qui l'eut cru ? Allez, entrez ! sourit-elle en leur ouvrant elle-même la porte. Les amis de Martin sont aussi les nôtres ! Et bienvenue chez les marchands !

Valentine retint difficilement un petit cri de joie, et même Étienne sembla moins bougon. Seul Hugo, les bras repliés contre sa poitrine et la tête rentrée entre ses épaules, avait réellement l'air de vouloir être partout, sauf ici. Martin espéra que la bonté des marchands lui rende un tant soit peu le sourire. Il n'était d'ailleurs pas certain qu'avec un père pareil, Hugo ait, une fois dans sa vie, célébré la semaine du Solstice.

À l'intérieur, les Halles étaient méconnaissables. D'immenses tentures représentant des paysages étoilés ornaient les murs, et d'immenses rubans bleus avaient été accrochés aux grandes arcades. Les étales étaient toutes fermées, mais Martin savaient que sous ces paravents tristes se cachaient des rubans et des branches de cèdres.

De la musique et la rumeur d'une conversation s'élevaient au fond de l'édifice. Sans hésiter, Martin s'y précipita en entraînant les autres. Là-bas, une grande table avait été dressée, sur lesquels avaient été disposés de grandes marmites remplies de soupes et de ragoûts, mais aussi – et surtout ! – beaucoup de vin. De l'épine, d'ailleurs, une petite spécialité des Halles qui faisait macérer du vin de mauvaise qualité dans de grandes cuves avec des fruits rouges et de la betterave à sucre pour lui ôter son goût un peu âcre. Il sourit en se rappelant des trop nombreuses fois où il s'était laissé avoir par cette boisson un peu traître.

ALLÉGEANCE {Tome 1} Les Murmures du BastionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant