- Vous écoutez Radio Trafic Info, il est 14h. Tout de suite les infos.
Elle arrêta la voiture avant de souffler longuement. Dehors, le paysage était chatoyant, les arbres se drapaient de leurs couleurs d'automne, du rouge, du jaune, du marron. Une effusion de couleurs s'étendait devant elle. Sur les côtés de la route, des champs à perte de vue, tous verts avec des pâquerettes. Elle surplombait un petit village de campagne dans le sud de la France, village où elle n'était pas revenue depuis deux ans déjà. Une boule au ventre ne la quittait pas à l'idée de revenir. Elle n'avait pas vraiment rompu le contact avec ses amis qui habitaient encore ici mais elle ne les avait pas revus pour autant. Une fois la voiture remise en route, elle s'engagea sur la route sinueuse qui descendait au village.
Elle passa devant les petits commerces et le marché bien animé puis fila droit à la maison de ses parents. En arrivant, elle ne vit pas leurs véhicules. Le cœur un peu lourd, elle sortit de la voiture et souleva le nain de jardin sous lequel était caché la clé de secours. Elle l'inséra dans la serrure et la tourna. Pour rien, la porte n'était pas verrouillée. Prudemment, elle pénétra chez elle.
- Ania, Emmanuelle, Joséphine Dumanoir?
Son cœur loupa un battement pendant qu'elle se tournait vers le salon. Dans l'encadrement de la porte se tenait son frère Scott, un grand brun de vingt-trois ans aux yeux verts. Il devait faire un bon mètre quatre-vingt-cinq et elle admit intérieurement que, pendant ces deux ans où ils ne s'étaient pas vu, il avait pris en muscle. Abandonnant ses clés et son sac à main sur le sol, elle lui sauta dans les bras. Ils tournèrent sur eux-mêmes pendant un moment. Il la serrait fort, comme si il avait peur qu'elle se volatilise. La tête dans son cou, elle retenait ses larmes, même si partir avait été son choix, il lui avait terriblement manqué. Il la reposa au sol avant de la lâcha et elle recula de quelques pas.
- Tu as changé, remarqua-t-il. Tu sembles ... Différente. Je ne parle pas seulement de ta coupe de cheveux, mais tu sembles plus forte, différente.
La jeune fille esquissa un léger sourire.
- Je dois vraiment avoir changé pour que tu répètes deux fois que je suis différente, Scott.
Il grimaça. Elle secoua la tête pour essayer de cacher son amusement. Ses cheveux châtains étaient coupés au niveau de ses épaules et ils étaient légèrement ondulés, à son grand bonheur.
- Je pensais qu'il n'y avait personne, dit-elle en essayant de s'excuser pour l'intrusion. Je n'ai pas vu ta voiture dehors, ni ta moto.
- Ma moto est dans le garage et ma voiture est chez Greg, problème de bougie je crois, répondit-il.
Greg était le garagiste du village et un ami de longue date de la famille Dumanoir.Quand les parents d'Ania avaient enfin décidés d'arrêter de courir le monde pour leur boulot, ils avaient décidé de s'installer ici. Alors que Greg, sa femme et ses deux adorables marmots étaient venus leur rendre visite, ils avaient appris que le garagiste du village partait à la retraite. Ni une ni deux, Greg avait décidé de racheter l'affaire et de s'installer ici. Claire, sa femme, ne trouva rien à redire. Elle était heureuse que son mari travaille enfin à son compte. De plus, le village lui plaisait et il y avait une grande ville à moins de vingt minutes. Ania se souvenait que quand ses parents partaient pour plus d'une demi-journée - ce qui était quasiment toujours le cas - ils lui demandaient de garder les enfants. Ce qu'elle faisait toujours avec grande joie.
- Où sont tout le monde ? demanda Ania en récupérant ses affaires.
- Papa est en Irlande pour le boulot, répondit-il d'un ton las, et maman est à Paris, pour un défilé. Rebecca est au lycée et Chris est en haut, il a la gastro. Je crois qu'il dort.
- Il a réellement la gastro, sourit-elle, ou bien il avait un contrôle qu'il n'avait pas révisé ?
Scott éclata de rire. Il était vrai que leur frère avait souvent fait le coup à leurs parents de faire semblant d'être malade le jour d'un contrôle pour échapper à la mauvaise note. Depuis le temps, ses parents avaient l'habitude.
- Non, il est vraiment pas bien. Et c'est pas beau à voir, ronchonna-t-il. Je te laisse volontiers le rôle de garde malade.
- Ah non, tu es trop bon dans ce rôle ! C'était toujours toi qui t'occupais de moi quand j'étais malade, lui rappela-t-elle.
Il sourit à ces souvenirs.
- Tu veux de l'aide pour sortir tes affaires de la voiture ?
- Je veux bien, répondit-elle dans un grand sourire.
Ils sortirent dans la cour pour récupérer ses affaires. De retour dans la maison, ils gravirent les escaliers. A l'étage se trouvaient toutes les sept chambres et les cinq salles de bains de la maison. Arrivée en haut des escaliers, Ania tourna à droite où se trouvait les quatre chambres des « enfants ». Chris et Scott étaient d'un côté, Rebecca et elle de l'autre. Entre chaque chambre se trouvait une salle de bain, les filles en partageaient une, et Scott partageait la sienne avec Chris. Ils s'avancèrent vers la chambre d'Ania. Scott ouvrit la porte. Elle n'avait pas changée, les murs étaient dans les tons de beiges avec des bandes prunes, tout comme les rideaux. Quelqu'un avait fait le lit, les draps étaient beiges. La grande penderie n'avait pas bougé, comme la commode sur laquelle reposaient des trophées et des médailles. Scott jeta un regard attendri à sa sœur quand il remarqua que son regard s'était stoppé sur la commode.
- Tu sais que Rebecca les a dépoussiérées toutes les deux semaines. Elle est toujours aussi fière de toi.
- Elle avait le courage de dépoussiérer tout ça ? S'étonna-t-elle.
- Oui, et elle l'a toujours fait depuis que tu es partie, me confirma-t-il.
Elle resta stupéfaite devant la patience de sa sœur. Depuis qu'elle avait commencé les arts martiaux à l'âge de cinq ans, elle en avait aujourd'hui vingt-et-un, elle n'avait jamais vraiment fait attention à ses récompenses. Si elle gagnait tant mieux, si elle perdait, cela voulait dire qu'elle devait encore s'améliorer. Comme la famille Dumanoir était du genre à déménager souvent, les trophées avaient souvent fini dans des cartons qu'on ne déballait pas. Ania entendit du mouvement dans le couloir. Elle sortit de sa chambre et tomba sur son petit frère. Chris venait d'entrer au lycée, comme Rebecca, C'était des faux jumeaux et leurs seuls points communs étaient leurs yeux marron clair et leurs cheveux bruns. Chris devait être en pleine poussée de croissance car Ania avait encore l'impression qu'il avait grandi depuis les dernières photos que lui avait envoyé Scott. Il devait faire sa taille, environ un mètre soixante-dix et sa forte ossature était assortie à la musculature qui allait avec. Malgré sa carrure de rugbyman, il était nageur, et plutôt bon d'ailleurs. Ses cheveux étaient tout ébouriffés et son teint était vraiment pâle. Cependant, quand il aperçut sa sœur aînée, ses yeux pétillèrent et il s'avança vers elle. Avant de s'arrêter net, de peur de la contaminer. Elle lui sourit et le prit quand même dans mes bras, gastro ou pas, elle comptait bien embrasser son petit frère. Enfin, plus si petit que ça.
- Ania ! S'écria-t-il, je suis tellement heureux que tu sois rentrée !
- Je suis contente aussi d'être rentrée, dit-elle en s'éloignant de lui. Alors comme ça, tu es malade ?
- Oui, il y a une épidémie de gastro au lycée. Je m'étonne que Rebecca ne l'ait pas encore attrapé.
Leur petite sœur était frêle d'apparence et avait eu beaucoup de soucis de santé. C'est à cause de ça que leurs parents avaient décidé de se poser enfin pour permettre à Rebecca de se remettre de sa maladie. Aujourd'hui, elle va mieux, et elle recommence à vivre comme une adolescente de son âge, sans avoir à se préoccuper d'un quelconque problème de santé.
- Personnellement, dit Scott, je préfère largement qu'elle n'attrape pas la gastro. Elle est suffisamment mince comme ça, elle perdrait un os si elle l'attrapait.
Ania esquissa un sourire à cause de l'humour si particulier, mais pourtant réaliste de son frère.
- A quelle heure finit-elle ? demanda Ania.
- Normalement, elle finit à 18h, répondit Chris, mais elle va rentrer à 15h avec Clémence. Disons qu'elle peut se permettre de louper le cours d'anglais.
La jeune fille sourit. La fratrie parlait très bien l'anglais. Chris et Rebecca apprenaient encore l'espagnol et l'allemand, mais Scott et Ania étaient trilingues. Avoir vécu dans différents pays les avait beaucoup aidés. Ils parlaient couramment l'anglais et l'allemand, et avaient de solides bases en espagnol et en polonais. Ania avait pour projet d'apprendre le russe et Scott l'italien. Elle avait commencé, mais il aurait fallu qu'elle aille en Russie pour se perfectionner. Ils s'étaient promis d'apprendre à l'autre la langue qui lui manquait, chose qu'ils n'avaient jamais réussi à faire.
- Elle sait que je suis arrivée ? demanda Ania.
- Non, dit Chris, je ne lui ai pas dit. Et toi ?
- Non plus, répondit Scott. On pensait que t'arriverais en début de soirée et pas en début d'après-midi. Elle voulait te préparer à manger.
- Flûte ! râla la jeune fille. Je ne voulais pas qu'elle se donne du boulot pour rien.
- Elle aime cuisiner, la rassura Scott. Et ça lui faisait plaisir de te faire à manger.
- Si tu le dis, maugréa-t-elle.
- Tu es toujours ronchon à ce que je vois, rigola l'aîné.
Avant qu'elle puisse riposter, quelqu'un sonna à l'entrée. Tirant la langue à ses deux frères qui rigolaient, Ania descendit les escaliers en courant, et ouvrit la porte.
- Alors c'est vrai, tu es vraiment revenue ?
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Et ainsi se conclut le premier chapitre de Feel's Hurricane. J'ai beaucoup hésité avant de le poster donc n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez.