Self Love // HEMMINGS

By PreetLalji

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Isabela s'estime très bas. Elle ne vaut rien, et ne vaudra jamais rien. A quelques semaines de son départ pou... More

Prologue.
Chapitre 1.
Chapitre 2.
Chapitre 3.
Chapitre 4.
Chapitre 5.
Chapitre 6.
Chapitre 7.
Chapitre 8.
Chapitre 9.
Chapitre 10.
Chapitre 11.
Chapitre 12.
Chapitre 13.
NDA
Chapitre 14.
Chapitre 15.
Chapitre 16.
Chapitre 17.
Chapitre 18.
Chapitre 19.
Chapitre 21.
Chapitre 22.
Chapitre 23.
Chapitre 24.
Chapitre 25.
Epilogue
MERCI.

Chapitre 20.

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By PreetLalji

"J'te pose la question en tant que ta gynéco mais aussi parce que je te connais depuis toujours mais... t'as un copain Isabela ?"

Isabela regarda la médecin, puis sa mère à tour de rôle. Aujourd'hui, c'était le jour de tous les rendez-vous médicaux – comme Mme. Marquez le disait si bien, il valait mieux détecter un problème ici, plutôt qu'elle ne s'en rende compte lorsqu'elle serait à l'autre bout du monde. Donc juste trois jours depuis le retour de sa génitrice à Cape Town, elles avaient vu tous les spécialistes : le dentiste, l'ophtalmologue, le médecin généraliste, et pour finir, la gynécologue. Docteur Dinara. Elle avait mis au monde la jeune Murton par césarienne et de ce fait, elles se connaissaient depuis toujours, d'où la question qu'elle lui avait posé. Et Isabela hésitait grandement à répondre car elle n'avait pas dit à sa mère pour Luke. Pourtant elle aurait bien pu, dans sa famille il n'y avait pas de tabou. Sa mère avait grandi dans une famille très religieuse et traditionnelle, et dans sa maison à elle, on ne parlait jamais de ses amours, de ses sentiments, de ses envies. Quand elle eut ses filles, elle décida que ce ne serait pas la même chose dans sa famille, car le silence était un puissant destructeur. Elle les avait élevées dans l'espoir qu'elles n'auraient jamais peur de venir vers elle pour lui confier quoique ce soit.

Mais Isabela, elle, était un cas à part.

Si elle était déjà secrète de nature, elle l'était encore plus avec sa mère. Leurs conversations n'allaient jamais trop en profondeur car certains sujets n'osaient pas être abordés. C'était qu'Isabela avait toujours eu l'impression que tout ce qui se passait dans sa vie était totalement insignifiant aux yeux d'une personne aussi extraordinaire que sa mère. Comment une femme comme elle, dont la vie ressemblait à ces success stories dont on entendait toujours parler, pouvait en avoir quelque chose à faire de l'existence médiocre de sa fille ? Bien entendu, son résonnement n'avait pas de sens car Sofia voyait en ces filles ses plus belles réussites. Elle ne leur demandait pas de suivre son parcours car elles avaient le choix de pouvoir vivre la vie qu'elles souhaitaient. Alors elle se ferait toujours un plaisir d'être la personne à laquelle ses filles se confieraient sans peur.

"Si j'ai... quelqu'un, qu'est-ce que ça impliquerait ? Demanda Isabela à la médecin.

La cinquantenaire sourit, regardant la fille et la mère.

- J'pense que ta mère t'as déjà briefé sur le sujet mais avoir un mec ça implique avoir des relations sexuelles et le sexe c'est cool mais tu sais ce qui ne l'est pas ? Les MST. Pire même, t'as la grossesse dont tu n'as absolument pas envie.

Isabela hocha la tête, ce qui fit rire Dr. Dinara. Ayant donné naissance à la jeune Murton, elle était certainement la seule personne hors de sa famille qui la connaissait si bien. Et elle avait vu, lorsqu'elle avait posé sa première question à la brune, qu'elle lui cachait quelque chose. Isabela ne rougissait jamais à ses rendez-vous chez la gynécologue, n'étant d'ordinaire pas du tout embarrassée à l'idée de parler de son intimité. M'enfin, c'était le cas car elle n'avait jamais rien à dire dessus. Elle vivait sa vie de célibataire éternelle sans avoir à s'inquiéter de quoique ce soit qui venait avec le fait de s'engager dans une histoire d'amour. Mais cette fois-ci, la médecin l'avait vue prendre feu au moment même où, par protocole, elle lui avait demandé si elle était sexuellement active.

- Donc la pilule c'est pour maintenant ou tu préfères voir ça en Australie ?

- Hein ?

Madame Marquez se tourna vers sa fille, haussant un sourcil. Celle-ci évita le regard de sa génitrice, se sentant soudain mise sous les feux des projecteurs. Elle ferma les yeux et prit son souffle, avant de glisser à sa gynécologue :

- On attendra l'Australie, pour l'instant je lui dis non.

Elle n'avait pas besoin de la regarder pour savoir qu'en ce moment précis sa mère lui faisait les gros yeux. Elle chercha de l'aide auprès de Dr. Dinara mais celle-ci ne put que lui répondre par un sourire désolé car si il y avait quelqu'un qui devait dire à Sofia Marquez que sa fille était en couple depuis peu c'était Isabela et personne d'autre. Elle soupira, sentant qu'avoir gardé une telle chose secret à sa mère n'allait pas lui plaire, mais il était trop tard pour rebrousser chemin.

- Euh... Je, enfin...

La brune s'arrêta, se grattant la tête.

- J'ai un copain, lâcha-t-elle dans un souffle.

- Oui bah ça je l'ai compris, répliqua la quarantenaire.

Isabela se pinça les lèvres.

- C'est Luke.

Sa mère ne répondit pas de suite, se contentant juste d'hocher la tête. En ce moment précis, il était impossible de déchiffrer sa réaction et de comprendre exactement ce qu'elle pensait. Au contraire de sa fille, il était nettement plus compliqué de lire ses expressions faciales et de ne serait-ce qu'émettre une théorie sur ce qui se passait dans sa tête. Son métier d'avocat l'obligeait, Madame Marquez était impassible. Un silence pesant prit place dans le bureau de la médecin. Isabela n'osa pas croiser le regard de sa mère, ni même celui de Dr. Dinara qui les observait, elle aussi gênée par cette étrange dynamique entre la fille et la mère. Enfin, vu son métier, elle avait l'habitude de ce genre de scénario mais cela ne retirait pas moins la nature désagréable de la situation. Elle se râcla la gorge après avoir jeté coup d'œil à l'horloge accrochée sur le mur entre deux posters illustrant l'appareil reproducteur féminin.

- Bref, mesdames ça m'a fait plaisir de vous revoir mais mon prochain rendez-vous m'attend, déclara-t-elle. Isabela, bonne chance pour tes études et je te souhaite le meilleur. Surtout n'oublie pas qu'il faut se protéger parce que...

- Les MST ce n'est pas cool, je sais. Merci encore Doc'."

Elle sourit à la femme en blouse blanche qui l'invita dans une accolade. Elle la prit dans ses bras, se disant que c'était la dernière fois qu'elle la verrait avant un bon bout de temps. Elle y était déjà, dans cette période des "dernières fois avant...", ce qui ne la fit que sentir de plus bel que son départ était proche, beaucoup plus qu'elle ne le pensait. Elle mit fin à l'accolade et dit un dernier au revoir à Dr. Dinara avant de prendre le chemin vers la voiture de sa mère. Celle-ci n'avait pas dit un mot depuis qu'Isabela lui avait annoncé qu'elle sortait avec Luke. Elle s'attendait à une certaine réaction de sa mère, sachant qu'elle n'aimait pas trop être laissée hors de la confidence. Donc elle savait déjà que cela n'aurait pas plu qu'elle lui annonce cela chez la gynécologue, au lieu de lui en parler avant. Après tout, elle avait eu trois jours pour en parler à sa mère, mais elle ne l'avait pas fait.

Le trajet se fit dans le silence si ce n'était que la musique qui venait de la radio. Mais même un son pop comme celui qui jouait alors sur les ondes d'une radio locale était loin de dissiper le froid qu'il y avait entre Isabela et sa mère. Elle était tout à fait consciente que cela était entièrement de sa faute. Et Isabela s'en sentait affreusement mal.

"Ça ne fait pas longtemps pour... elle tenta.

Elle vit les mains de sa mère serrer le volant avant de relâcher la pression. La voiture s'arrêta au feu rouge et sans détourner son regard de la route, la quarantenaire parla pour la première fois depuis qu'elles avaient quitté le cabinet de Dr. Dinara :

- Ton père le sait ?

Elle secoua négativement la tête.

- T'es la première à le savoir dans la famille. Mais comme j'ai dit, ça ne fait pas longtemps.

Elle entendit un rire s'échapper des lèvres de sa mère, ce qui la surprit.

- Queredita, eres enamorada de este chico depuis que vous vous connaissez, ça se voit.

- Je ne suis pas amoureuse.

Sa génitrice secoua la tête, un sourire en coin sur les lèvres.

- Je suis vexée que ça t'ait pris trois ans avant que tu me le dises enfin.

Isabela se redressa sur le siège, se tournant vers sa mère.

- Remarque, il y a trois ans je ne le savais pas qu'il me plaisait.

- C'est pour ça que je suis vexée. Parce que moi je l'ai su, ça se voyait comme le charactère de cochon de ta sœur, explicita la quarantenaire. Mais tu ne m'en as jamais parlé. Il a fallu qu'on se retrouve à parler de ta potentielle vie sexuelle pour que je le sache. Tu te rends compte Isa ?

Elle ne répondit pas, pensive. Elle savait très bien que son refus de se confier à sa mère était l'un des sujets de conflits fréquents entre elles. Isabela était la seule de sa fratrie à rester dans son mutisme, même si chez les Murton-Marquez la coutume était à la confiance totale en sa famille. Le fait qu'elle refusait constamment de leur parler de sa vie donnait l'impression qu'elle n'avait pas confiance en les personnes qui étaient probablement les moins enclin à la juger. La voiture s'arrêta dans le parking du supermarché non loin de leur maison, mais au lieu de descendre, la mère d'Isabela se contenta juste de détacher sa ceinture et de regarder sa fille. Elle ne pouvait pas continuer cette conversation une fois rentrée chez elles, elle devait absolument en parler là maintenant.

- Tu ne te confies jamais et ça toujours été comme ça, mais c'est ok, on s'y fait avec le temps et puis je peux toujours te voir et comprendre si quelque chose ne va pas. Mais le problème Isabela, c'est que tu pars bientôt et quand tu ne seras plus là...

Elle s'arrêta. La brune leva timidement les yeux vers sa mère et comprit qu'elle réprimait ses larmes. Elle se mordit la lèvre, se sentant affreusement mal de faire pleurer la personne qu'elle aimait le plus au monde, mais elle était incapable de dire un mot. Tout ce qu'elle pourrait dire ne ferait qu'empirer la situation.

- Si todo se pasa mal, no puedo estar contigo.

Elle resta muette, se contentant juste de détourner son regard vers la vitre du côté passager. Sa mère avait raison, si tout se passait mal, elle ne pourrait pas être là. Et toute sa vie, sa présence avait réussi à l'apaiser sans même qu'elle ait à expliquer ce qui n'allait pas. Même quand la raison de son mal-être était sa relation explosive avec sa génitrice, Isabela arrivait toujours à trouver le réconfort auprès d'elle.

- Je ne pourrai plus te voir et deviner que t'es pas bien, que tu ne t'aimes pas, que tu ne te vois pas comme je te vois, reprit sa mère.

Isabela se tourna vers elle, choquée. Choquée d'apprendre que sa mère était au courant de ses démons, de ce contre quoi elle se battait depuis toujours. Elle pensait que personne dans sa famille ne s'était aperçue de son estime de soi qui était plus bas que terre, pourtant il semblerait qu'une personne l'ait remarqué. Et elle ne savait pas comment y réagir. Devait-elle être... elle ne savait pas. Les pensées se bousculaient dans sa tête. Mais une partie d'elle était blessée, car elle se disait que si sa mère savait qu'elle n'allait pas bien, pourquoi n'avait-elle rien fait pour l'aider, pourquoi était-elle partie au moment où elle aurait dû être au centre de l'attention ?

- Pourquoi t'es partie voir Imelda cet été ? Lâcha-t-elle. Pourquoi, hein ? J'veux dire, t'as d'autres occasions, pourquoi quand ce sont mes derniers moments à la maison ?

Isabela ne se retenait plus. Elle était déchirée entre ce sentiment horrible de savoir que sa mère était mal et ce sentiment d'abandon qui la hantait depuis que toute sa famille l'avait laissée en plan au moment le plus important de sa vie.

- T'as posé la même question à ton père, dis ? Répliqua la quarantenaire. Ça pose pas problème que lui aussi il soit parti voir sa fiancée plutôt que d'être restée avec toi ?

- C'est pas ça le soucis Maman, je te parle à toi. Quand Imelda allait partir t'as passé tout l'été avec elle. Moi ? Tu t'es cassée avec Rosie le lendemain de ma remise de diplôme. Si tu savais tout ce temps que je ne m'aime pas, pourquoi tu es partie quand j'aurais eu besoin de toi ?

Les larmes lui étaient montées aux yeux. Elle avait la mâchoire serrée – elle n'avait jamais été aussi ouverte avec sa mère, ironiquement.

- T'allais venir avec nous, se justifia alors Sofia. Mais depuis que la boîte est en faillite je n'ai pas pu payer pour toi. C'était...

- Quoi ? Je t'écoute.

- Isabela, ¡deja!

La jeune fille soupira, essuyant ses larmes du revers de la main. Un silence s'immisça entre elles. Les seuls bruits venaient de l'extérieur. Chacune se renferma dans ses pensées. Isabela en voulait atrocement à sa mère. Ces dernières semaines elle avait pensé que le problème était elle, qu'elle ne valait pas la peine que sa famille essaye de la retenir, que de toute façon ils s'en foutaient tous, que son absence ne changerait rien à leur vie. Elle s'était rendue fautive de tout ce qui n'allait pas dans sa vie, comme si cela avait du sens. C'était qu'Isabela avait du mal à se dire que les personnes qu'elle aimait le plus seraient capables de lui faire du mal – intentionnellement ou pas. Mais cette fois-ci, elle se rendait compte que non, ce n'était pas de sa faute. Elle n'avait rien fait pour pousser sa famille à s'en aller au lieu de passer ses derniers instants avec elle au Cap. Et ce qui la déchirait le plus, était de savoir que personne n'avait une excuse valable à lui donner.

- Je suis désolée.

Elle entendit la voix de sa mère mais n'y répondit pas. Elle n'était pas sûre que c'était les mots qu'elle voulait entendre.

- La vérité Isa, c'est que...

Elle marqua une pause. Sofia n'avait pas pour habitude de reconnaitre ses torts, c'était probablement cela qui lui avait coûté son mariage. Elle avait bien trop longtemps ignoré les conséquences de ses actions sur les personnes qu'elle aimait, et c'était sans doute son plus grand défaut. Ayant perdu l'amour de sa vie, elle s'était remise en question, elle avait travaillé sur sa personne, mais se rendre compte qu'elle n'avait su améliorer sa relation avec sa fille lui donnait l'impression d'avoir raté quelque chose, quelque part.

- Je ne sais pas comment faire quand ma fille ne va pas bien, avoua-t-elle. En fait, je n'ai jamais su. Mais j'essaye, sauf que la seconde d'après je fais ce qu'il faut pas et ça n'arrange pas mon cas. Alors, pour être honnête, queridita, il n'y a rien qui me fasse plus mal que de savoir que je n'arrive pas à réparer les choses entre nous.

Isabela resta silencieuse, pesant les mots qu'elle venait d'entendre. Après de longues secondes de silence, elle regarda enfin sa mère dans les yeux. Elle avait l'impression de voir son reflet – elles se ressemblaient d'ordinaire beaucoup, mais cela ressortait d'avantage quand elle aperçut ce qu'elle ressentait se refléter sur le visage de sa mère.

- Mais j'essaye, reprit-elle, d'être... meilleure. Et je suis désolée de toujours tout foutre en l'air avec toi. Je ne veux pas que tu partes en te disant que personne ici ne veuille te retenir, parce que quand tu ne seras plus là, ce ne sera plus pareil. Eres el sol en nuestras vidas mi hija, y sin ti, no hay luz.

Le soleil de leurs vies. La brune entendait ces mots pour la première fois, ignorant totalement qu'elle était cette exacte même chose dans la vie de tant d'autres. Le soleil de Luke, de ses sœurs, de son père. Elle ignorait que son sourire rendait son entourage heureux, que son rire donnait foi en la vie, que sa présence en apaisait plus d'un. Mais lorsque sa mère lui dit cela, elle eut ce qu'elle avait toujours voulu avoir : le sentiment d'être aimée autant qu'elle aimait.

- C'est ok, Mama.

Elle accompagna ses mots d'un sourire, les larmes perlant sur ses joues. Mais celles-ci ne venaient pas de la colère qu'elle ressentait, mais de tout l'amour qui la saisissait à cette instant précis.

- Je t'aime."

Elles prononcèrent ces mots en même temps et, séchant grossièrement leurs larmes, elles se prirent dans les bras. Isabela serra sa mère fort, se sentant bizarre maintenant qu'elle avait tout dit, qu'elle avait lâché tout ce qu'elle ressentait. C'était que si on gardait certaines bêtes trop longtemps en cage, elles risquaient de faire des ravages.




Rosanna Daisy Murton, ou Rosie comme tout le monde l'appelait, n'avait pas plus de cinq ans lorsque ses parents avaient divorcé. A l'exception près des quatre jours une semaine sur deux qu'elle passait chez son père, elle avait pratiquement toujours vécu entourée de femmes. Et les femmes de sa vie n'étaient pas des moindres : les sœurs Murton étaient admirées pour ce lien entre elles qui ne se retrouvait dans aucune autre fratrie. Elles et leur mère formaient comme leur propre tribu que Rosie qualifiait elle-même de " iconique". Mais depuis qu'elle était retournée de Toronto, la vie à la maison était, pour ainsi dire, différente. Certainement car il y avait deux garçons qui vivaient avec elles maintenant. Enfin, temporairement, certes, mais l'adolescente en n'était pas moins chamboulée.

Elle avait beau habitée en bord de mer, elle n'avait pas pour autant l'habitude de voir des mecs torses nus déambuler devant elle. Le fait qu'ils étaient en couple la dérangeait dès qu'elle se surprenait à dévisager l'un des deux Apollons qui cohabitaient avec elle. Et cet accent australien ? ça n'arrangeait rien. Elle y était habituée vu qu'au moins une fois par semaine Michael Clifford squattait sa maison, mais de la bouche d'Ashton et de Calum, ça sonnait différent. Elle était dans cette phase où la gente masculine la fascinait plus qu'autre chose – sa liste de celebrity crush était d'une longueur extraordinaire. Et parce qu'elle était définitivement intimidée par ces jeunes hommes, elle s'était montrée très distante avec eux depuis qu'ils avaient fait connaissance. C'était son mécanisme de défense, car elle n'était pas en mesure de gérer l'humiliation que ce serait pour elle que d'avoir le béguin pour le meilleur ami gay de sa sœur ou pire, le petit-ami de celui-ci.

Ainsi, lorsqu'Ashton Irwin s'assit sur le canapé à côté d'elle alors qu'elle regardait sa série, elle n'osa pas le regarder. Mais ce n'était pas chose facile, parce que le bouclé était bavard et il était incapable de rester à côté de quelqu'un sans lui parler :

"Tu regardes quoi ? Lui demanda-t-il.

Ashton venait de se lever de sa sieste. Isabela et sa mère n'était toujours pas de retour de leur journée de rendez-vous médicaux et Calum, comme à son habitude, dormait comme une loque. Alors il s'était naturellement retrouvé en la compagnie de la petite sœur d'Isabela.

- Degrassi, répondit-elle sans le regarder.

- Oh, à mon époque Drake jouait dedans.

Rosie se tourna vers lui, haussant un sourcil.

- T'as genre huit ans de plus que moi, pourquoi tu parles comme si t'avais trente ans ?

Dure, pensa Ashton. Il se gratta la nuque, gêné – sa tentative de faire la discussion n'avait pas l'air d'aller bien loin.

- Donc... c'est qui ton personnage préféré ? Essaya-t-il.

La jeune fille haussa les épaules.

- Le beau gosse là, dit-elle en pointant l'écran.

Ashton hocha la tête, regardant l'écran. Il avait beaucoup de difficulté à briser la glace avec la sœur de sa meilleure amie. Au contraire d'Isabela, elle était beaucoup moins douce, et loin de lui l'intention de la juger, mais elle donnait clairement la vibe d'une diva. Ceci dit il avait toujours été du genre à voir le meilleur chez les gens alors même si ces débuts n'étaient pas concluants, il espérait que d'ici la fin de son séjour il parviendrait à au moins la faire sourire. Il soupira, s'affalant sur sa place, tout en prenant garde à rester à une certaine distance de la brune. Il lui jeta un rapide coup d'œil – même physiquement elle ne ressemblait en rien à Isabela. En dehors de la couleur de cheveux, elle n'avait rien en rapport à son ainée. Ashton trouvait cela étonnant, car sur la photo qu'il avait vu d'elle enfant chez leur père, elle ressemblait à sa sœur. Mais en grandissant elle avait changé : ses cheveux lisses, sa peau pâle, son nez droit, tout chez elle pourrait le faire penser qu'elle était d'une autre famille.

- Devinez qui est à moitié myope ?

Il sursauta en entendant la voix de sa meilleure amie. Il se leva en la voyant accompagnée de sa mère à l'entrée. Elles, par contre, elles étaient définitivement parentés. Il les salua, et prit Isabela dans ses bras.

- Comme ça t'es myope ? Lui demanda-t-il en la relâchant.

- A moitié, elle précisa. Mais j'aurai besoin de lunettes d'après l'ophtalmo.

Ashton poussa un "oooh" s'imaginant la brune avec une paire de lunettes sur le visage, et il lui donna une tape dans la main, comme pour lui dire bienvenue dans le club des personnes avec une vision pourrie. Enfin, ce n'était pas le cas de la brune, ses yeux voyaient encore très bien sans aide, au contraire d'Ashton qui vivait sa vie en étant pratiquement aveugle étant donné qu'il refusait catégoriquement de porter ses verres en public. Rosie, sans bouger de sa place, se tourna vers sa mère qui buvait de l'eau.

- C'était comment tous les rendez-vous ?

Isabela et sa mère échangèrent un regard. Il n'y avait pas plus de cinq minutes elles étaient en pleurs dans la voiture, mais elles semblaient être d'accord qu'elles garderaient toute cette discussion entre elles. Alors Sofia regarda la benjamine, un petit sourire sur les lèvres :

- Bien, elle répondit.

Isabela approuva en hochant de la tête. Elles se regardèrent encore une fois. Sa mère lui porta un regard insistant, comme si elle s'attendait à ce qu'elle ajoute autre chose mais la brune ne comprit pas de suite où sa génitrice voulait en venir. Sofia roula des yeux, et à cet instant Isabela réussit à faire le lien dans sa tête. Elle passa sa langue sur ses lèvres, et se gratta la tête. Elle se râcla la gorge, portant son attention à sa petite sœur. Celle-ci regarda son ainée, confuse.

- Ouais j'ai un truc à te dire, elle déclara.

Elle jeta un rapide coup d'œil à Ashton qui assistait à la scène sans lui non plus comprendre ce qui se passait. Enfin, il avait compris que quelque chose s'était passé dans cette journée, en-dehors du moment où elle avait su qu'elle était myope à moitié. Mais il ne saisit pas de suite ce que c'était, jusqu'à ce qu'Isabela continua de parler :

- Tu vois c'est qui Luke ?

Et là il comprit. Isabela avait probablement dit à sa mère qu'elle était en couple. Il sourit, regardant lui aussi Rosie. Celle-ci reposa sa tête sur sa main, l'air nonchalant.

- Bah oui, c'est le plus beau de tes potes, lâcha-t-elle.

Ashton lui lança un regard dubitatif que la gamine de treize ans capta mais elle n'y répondit pas. Au fond d'elle cependant, elle reconnaissait qu'Ashton était probablement le plus beau garçon qu'elle n'ait jamais vu, même si Calum n'était pas très loin derrière non plus. Mais en surface elle se contenta d'ignorer le bouclé, et de porter toute son attention à sa sœur.

- Il est trop vieux pour toi, lança Isabela, et il en couple...

Rosie fronça les sourcils, ne comprenant pas en quoi cela la concernait. Elle connaissait bien Luke pour cette année qu'il avait pratiquement passé chez elles, mais sa vie amoureuse était définitivement le cadet de ses soucis.

- Avec moi, ajouta sa sœur.

Cela lui prit quelques secondes à réceptionner l'information qu'on venait de lui transmettre. Mais quand elle conçut ce qu'Isabela venait de lui annoncer, elle ne cacha pas sa surprise. Ça lui paraissait sensé et insensé en même temps. Luke et sa sœur avait toujours eu une relation bizarre – même pire que bizarre, elle était toujours inconfortable quand ils étaient ensemble. Elle était jeune, mais cette tension ne lui avait pas échappé et ça la dégoûtait presque par moment (à l'époque, elle ne savait pas ce que c'était que d'être en proie à des hormones). Mais sa sœur, en couple ? C'était une première.

- Donc t'es plus la soltera éternelle ? Demanda-t-elle.

Isabela secoua négativement la tête, un air suffisant sur le visage. Elle en doutait toujours, mais il semblerait qu'elle n'était plus l'éternelle célibataire de la famille et là-dessus, on ne pourrait plus l'embêter. Elle était parvenue à casser 18 ans de célibat, comme si elle avait été maudite tout ce temps-là et qu'elle avait réussi à lever la malédiction.

- Imelda le sait ?

- Non, mais faudra bien que je lui dise.

Rosie rit, et regarda sa sœur :

- Elle va grave être jalouse parce que ton mec est genre, wow, en comparaison au sien.

- Rosanna ! La réprimanda sa mère.

- C'est vrai ! No hate pour Ethan mais Luke quand même c'est un dix.

- Amen ma sœur, approuva Ashton.

Isabela lui octroya une tape dans le bras, ce qui le fit glousser.

- J'dois le dire à Papa aussi et ça je stresse.

Rosie fit les gros yeux, hochant la tête. Leur père avait du mal avec le concept de ses filles en couple avec une personne. C'était que ça voulait dire qu'elles grandissaient, et pour Robert Murton elles seraient toujours les gamines qu'elles avaient été à une époque.

- C'est bien qu'il aime déjà Luke en général mais même ça... elle exprima son doute.

Isabela acquiesça, son père risquait certainement à prendre du temps pour digérer la nouvelle. Mais en y réfléchissant, il n'y pouvait rien. Isabela était majeure et vaccinée depuis pratiquement six mois alors elle était tout à fait en droit de vivre sa vie comme elle l'entendait. Et elle voulait rester positive : son père finirait bien par s'y faire. Mais elle n'y était toujours pas : elle attendrait son retour pour le lui dire en personne.

- Bref, Isabela la soltera est morte et Imelda et toi vous me devez des excuses parce que j'ai quand même trouvé un trésor."

Rosie roula des yeux, alors que sa sœur lui administra une petite tape derrière la tête avant de prendre le chemin de sa chambre.


Elle posa ses affaires sur son bureau et se jeta sur son lit, exhalant un souffle qu'elle avait l'impression d'avoir retenu trop longtemps. Ses yeux se dirigèrent vers le plafond de sa chambre alors que son esprit s'éparpillait. Cette journée avait été... quelque chose, pour en dire le moins. Depuis le retour de sa mère et de sa sœur, Isabela avait l'impression que son quotidien avait pris un autre tournant. C'était comme si on avait sectionné son été en deux, et qu'elle venait d'entamer cette deuxième partie où les personnes qui l'entouraient n'étaient plus les mêmes, et les jours qui lui restaient avant son grand départ s'écoulaient beaucoup plus vite.

Il y avait à peine quelques jours, elle s'était réveillée avec l'amour de sa vie dans son lit. Elle avait posé son regard sur cet ange qui dormait à ses côtés et s'était demandé si la vie qu'elle vivait était bien la sienne. Depuis qu'elle était enfant, Isabela avait toujours été un cas à part. Elle ne se sentait pas forcément comme tel, mais les gens n'hésitaient pas à lui faire la remarque. Que ce fussent ses camarades de classe qui lui disaient qu'elle était bizarre, ou ces personnes qui ne pouvaient se retenir de la comparer à sa sœur ainée – les autres avaient toujours eu cette tendance à lui faire remarquer qu'elle n'était pas exactement ce qu'on attendait d'elle. Mais enfant, elle avait vite mis sous le tapis les commentaires des autres. Elle vivait juste sa vie et elle aurait souhaité ne pas changer cela. Juste vivre, et ignorer le bruit. Mais le problème c'était qu'en grandissant, Isabela eut de moins en moins de facilité à juste faire la sourde oreille. Elle prenait conscience du monde dans lequel elle vivait, de la compétition constante, qu'on la formatait pour qu'elle soit sensible aux jugements des autres, à la pression qu'on pouvait lui mettre. C'était à elle d'être belle, intelligente, ne pas être d'un foyer brisé, satisfaire tout le monde. Et c'était probablement à cet instant qu'Isabela avait sombré dans cette boucle où elle se croyait pas assez ça ou trop ci.

Lorsqu'Isabela arrêta de vivre pour elle, elle avait perdu son amour de soi.

Et un été, juste comme ça, les étoiles s'étaient alignées. Elle avait cru perdre sa famille, alors elle s'en trouva une nouvelle, et elle s'était dite qu'elle ne pouvait pas être aimée, alors on l'avait fait se sentir aimée. Quand elle y réfléchissait, elle avait encore du chemin à faire. Mais c'était déjà bien qu'elle eut ce moment d'éveil. Si Ashton ne lui avait jamais demandé si elle s'aimait, elle n'aurait probablement pas pris conscience du problème.

Et maintenant qu'elle était allongée dans son lit à penser sa vie, à explorer l'Univers qu'était son incroyable esprit, Isabela eut envie de pleurer. Mais cette fois-ci, ce n'étaient pas ses démons qui la rendaient mal, mais sa propre conscience qui la rendait fière. Fière du progrès qu'elle avait fait pour voir la vie différemment.

Pour enfin vivre pour elle-même.

C'était comme si elle avait sorti sa tête de l'eau, et qu'elle avait été touchée par un rayon éblouissant. Si il y avait encore trois ans il n'y avait que Luke qui était en mesure de la faire se sentir aimée, elle voyait enfin l'amour qu'avaient Ashton, Calum, sa mère, ses sœurs et certainement son père pour elle. Et être aimée par les personnes les plus importantes de sa vie lui faisait le même effet qu'une bouffée d'air frais.

"Hey, elle entendit.

Elle redescendit sur Terre et leva les yeux vers son interlocuteur. Ashton lui lança un sourire, et il s'allongea à ses côtés. A son tour, il fixa le plafond de la chambre de sa meilleure amie.

- Hey, elle répondit.

Un doux rire glissa d'entre les lèvres du bouclé.

- Tu as des choses à me raconter ?

Elle soupira. Sans vraiment lui répondre, elle se rapprocha de lui et posa sa tête sur son torse. Le jeune homme gloussa, passant son bras autour du corps de la brune. Ils restèrent là silencieux. Un rayon de soleil avait traversé les rideaux pour doucement embrasser leurs visages, comme si le ciel voulait montrer combien il appréciait leur amitié. Isabela sourit sans vraiment savoir pourquoi, et enfin, elle brisa le silence :

- J'te l'ai jamais dit Ash, mais tu sais que je t'aime ?

Ashton releva légèrement la tête pour regarder cette tête brune qui reposait sur son torse. Il sentit son cœur s'emballer, et gloussa comme il le faisait à chaque fois qu'il était heureux.

- Je sais, il souffla. Toi et moi on est un duo légendaire.

Isabela rit à sa remarque, et lui aussi. Son rire sonnait encore mieux lorsqu'elle l'entendait comme ça. Elle trouva sa bizarre – dans la même journée, elle avait dit "je t'aime" deux fois, à deux des personnes qui l'avaient le plus marquée. Celle qui lui avait donné vie et qu'elle n'avait jamais cessé d'admirer, et celui qui lui avait rappelé combien il était important pour elle de retrouver son estime de soi. Ce n'était pas dans ses habitudes de faire une chose pareille, ces mots peinaient en général à sortir de sa bouche. Elle ne les disait jamais en pleine conscience. Mais aujourd'hui, elle l'avait fait. Et deux fois encore. Comme quoi, cette journée avait réellement quelque chose de spécial.

- Avec ma mère on a discuté aujourd'hui."

_________________________________________
Hey ! Déjà bonne année, et je vous souhaite qu'il vous arrive que des choses positives en 2020 ❤ Big love sur vous *vous fais un bisou sur le front*
C'est mon premier update de cette année et pour être honnête j'y ai travaillé sur deux semaines à peu près. En théorie j'aurais dû réviser pour mes partiels mais honnêtement j'ai bien fait d'écrire parce que si ça n'avait pas été le cas je pense que je serais devenue folle avec toutes ces révisions 😩

Anyway ! Chapitre 20, il n'en reste plus que 10 avant la fin de la fiction. Il est différent de ce que j'ai écrit dernièrement, pas juste dans le contenu mais aussi parce qu'il est relativement moins long. Le chapitre précédent faisait quand même 9000+ mots lol alors que celui là est de 5300 mots. Le truc c'est que je ne fais pas forcément attention à la taille des chapitres quand je les écris, j'ai juste une idée de ce que je veux raconter et des fois ça fait 3000 mots et des fois je vous écris la Bible :')
Et je me disais du coup si vous préfériez que les chapitres soient plus courts ? c'est vrai qu'à ce stade-là c'est un peu tard pour vous poser la question mais si c'est le cas, j'essayerai de ne pas vous écrire l'Encyclopédie pour la suite haha

Mais breeef, dites-moi ce que vous en pensez ! C'est le premier chapitre où la mère et la sœur d'Isabela sont réellement présentes et pour la suite je pense qu'elles seront des personnages "principaux" du coup j'espère que pour l'instant vous les aimez bien 😅

Enfin, j'aimerais encore vous remercier de vos lectures ! Ça fait plaisir de savoir que mon travail puisse intéresser qui que ce soit alors un gros gros merci 💕

P.S. : j'ai mis Ashton en média parce qu'il mérite que du love et que je l'aime voilà voilà ❤❤

Sur ce, au prochain chapitre ! Xx :)

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