P.d.v. de Mously
J'avais commis une bêtise, oui. Une énorme bêtise mais à l'époque, je ne me rendais pas compte de combien étaient graves les choses.
Ma petite cervelle était bien trop jeune et assez brouillée pour interpréter quoi que ce soit.
En fait, c'était ça le problème de notre couple: nous nous aimions certes, mais tous les deux étions immatures.
Bachir n'était pas mauvais, oh non, il était même tout le contraire. Il n'avait juste pas la capacité de combiner l'école et la vie de couple et il s'y prenait vraiment mal. Le sang chaud, il était très impulsif et quand la colère le frappait, il pouvait faire n'importe quoi et malheureusement, on avait cette fâcheuse attitude en commun.
Ce jour là, il m'avait giflé par colère et pour me venger, j'ai couché avec son amie et pour cette même colère.
Mais tout juste après il a regretté avoir levé la main sur moi et moi de l'avoir trompé.
Je faisais certes semblant d'être naturelle avec lui mais ça se sentait à des kilomètres que quelque chose n'allait pas avec moi.
Bachir l'avait deviné et pensant que c'était dû à la gifle, il a commencé à réellement s'en vouloir et donc à rapidement changer.
Il devenait plus attentionné, plus tendre, plus présent et ne ratais jamais d'occasion pour s'excuser d'avoir levé la main sur moi.
Il dépensait tout son argent de poche pour m'offrir des petits cadeaux et semblait sincèrement affecté par mon changement brusque, et moi, ça me tuait à petit feu, chaque jour un peu plus.
Latifa est finalement intervenue car mon mari ne cessant de le harceler d'appels et de messages pour lui demander de me parler, ou parfois, juste des conseils pour se faire pardonner et cette dernière avait fini par me convoquer chez elle.
Elle a réussi à me convaincre d'être plus zen, car dans le cas contraire, je risquais de me trahir moi-même et Bachir pouvait alors deviner ce qu'il s'est passé, d'autant plus qu'Aliou aussi avait mis les distances entre nous. On se fuyait presque mutuellement et finalement, il s'y est mis avec Bachir: c'est alors que j'ai mis plus d'effort pour tout oublier et recommencer même si cet épisode me hantait toujours et représentait ma plus grande honte.
J'avais décidé de me racheter auprès de mon homme en devenant une meilleure épouse pour lui et comme chacun de nous deux cherchait à satisfaire l'autre, ça nous avait rapproché et ressoudés davantage.
Nous profitions ensemble de ses vacances comme le couple de jeunes que nous étions et avec nos enfants: c'était juste magnifique. Notre mariage avait pris un sens tout juste à ce moment et nous avions entrepris un nouveau départ et du bon pieds: nous étions heureux, ensemble, très heureux et plus amoureux.
Et le temps passait, et on s'aimait encore plus et j'avais presque tout oublié.
Seulement, tout cela était bien trop beau pour être vrai. Ce bonheur était certe immense, mais n'était pas fait pour durer.
Ce qui m'attendait, m'avait bien surpris car si à cet époque, on m'avait dit que j'allais sous peu subir à la fois la trahison de ma meilleure amie et l'abandon de mon mari, je n'y aurais pas cru. Pas une seconde.
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P.d.v. de Souadou
Encore une fois, me voilà réveillée bien avant que mon alarme ne sonne.
Je n'ai pas fermé l'œil la nuit, encore une fois, à cause des révélations de mon mari:... impuissant. Il est impuissant.
Je me surprend à lancer un petit sourire sarcastique: un impuissant!
Primo, je ne l'aime pas. Deuxièmement, il me fait peur au même titre que son père qu'il m'a décrit tel qu'un monstre, et voilà que pour couronner le tout, il me sort qu'il est impuissant!
"Ana yom ak takk diabar?"
Voilà ce que dirait ma petite sœur, de sûr, avec sa langue pendue!
Qu'est-ce qu'il en a eu de la chance lui, d'être tombé sur moi au lieu d'elle. Moi qui n'ai même pas le cran de croiser ses yeux, aujourd'hui, voilà que pèse sur moi un lourd secret: le fils du célèbre député et potentiel futur candidat à la présidentielle est impuissant: un sacré scoop !
Je me surprend à sourire à nouveau, non que je me moque de lui, bien au contraire; je compatis sincèrement à sa douleur, je suis psy et j'en ai rencontré des patients travaillés par ce même problème, qui leur ronge de l'intérieur et les affectes profondément. Dieu sait que je suis même tentée de rester avec lui, le soutenir et l'aider car il est mon mari mais là, je suis quelque peu perdue. Depuis hier, des tas de questions raisonnent dans ma tête, les une après les autres.
Est-ce par hasard que Diamila m'aie choisi pour son neveu car elle connait mon caractère de fille discrète et soumise, chose qu'elle m'a toujours reproché.
Savait-elle pour sa maladie?
A t-elle fait exprès de me lier à lui?
Si oui, l'a t-elle fait pour lui ou contre moi?
Comment se fait-il que Jules soit impuissant alors qu'il est veuf et que sa femme est morte en donnant naissance à son enfant?
Est-il impuissant ou bien est-ce juste une excuse face à ce mariage dont je suis sûr, ne l'enchante guère?
Si oui, c'est arrivé depuis quand?
Avant son premier mariage? Dans ce cas, qui était le père du bébé que portait sa femme?
Après ce mariage? Alors comment est-ce arrivé ?
Dois-je rester? Ou partir?
Si je décidais de partir, son père me laissera t-il faire?
Seulement quelques jours de mariage et me voilà à essayer de surmonter mon premier problème de couple.
J'étais toujours allongée, dos à la porte quand j'entends cette dernière s'ouvrir brusquement. Par réflexe, j'ai sursauté pour tomber sur Jules, accompagné de tante Latifah, sa mère.
Celle-ci me lance un beau sourire, similaire à celui de sa sœur Diamila et je me redresse aussitôt pour m'asseoir, le lui rendant.
-Bonjour maman!
Ai-je dit, mon regard ayant brièvement rencontré celui de son fils qui est allé directement se réfugier dans la salle de bain. Il n'a jamais partagé ce lit avec moi. La nuit, il met son pijama, prends une couette et sort pour ne revenir que le matin pour se changer...enfin, c'est ça sa rituelle, ces deux jours qu'on a eu à partager.
-Ma chérie! Tu es réveillée?
Me demande sa mère en venant prendre place à côté de moi.
-Deux jours depuis que tu es là et tu n'es jamais sortie de cette chambre Souadou, lolou ça ne se fait pas, chérie!
-Désolée maman!
Souris-je embarrassée.
-Je te comprends! Tu m'as l'air très timide!
Sourit-elle avant de regarder derrière elle, comme pour voir si quelqu'un nous entendait pour me chuchoter presque:
-En fait, je pense que Jules t'as laissé assez de temps comme ça, tu ne trouve pas? Deux jours c'est bien suffisant, non?
-Suffisant? Pour?
Demandé-je les sourcils froncés.
-Tu sais très bien de quoi je parle! J'ai appelé ta badiene Souadou et aussi toutes mes amies, belles-sœurs et cousines pour la cérémonie de demain.
-Quelle cérémonie?
-Le mbakhal khana!
Je ne comprends pas, le mbakhal? Ce ne serait pas cette petite fête qu'on organise le jour suivant la nuit de noce?
-M...mbakhal...
-OK! Je vais être plus explicite: je veux que ce soir, Jules et toi passez à l'acte...
Je n'ai pas écouté le reste, je me contentais de fixer la porte de la salle de bain, espérant que Jules sorte et mette les choses au clair.
Il m'a lui-même dit qu'il était impuissant. Sa mère n'est-elle pas au courant?
Putain mane je risque de perdre la tête! C'est quoi ce bordel! Et en plus elle me parle de cérémonie de je ne sais quoi, leegui que va t-elle exhiber à la présence de ses invités? Quoi?
-J'ai confiance en toi ma chérie! Allez je te laisse.
Me sort-elle en se levant pour sortir de la pièce sous mon regard perdu.
Je suis restée sur place, incapable de bouger pendant au moins une bonne dizaine de minutes avant que Jules ne se pointe.
Que suis-je fichu faire maintenant?
Mon cœur s'emballe et se serre et j'ai l'impression que je ne vais pas tarder à vomir comme à chaque fois que je suis stressée.
Dans quoi Diamila m'a t-elle embarquée ? C'est quoi cette dinguerie?
Sans m'adresser un regard, le visage toujours ferme, ce qui me surprend d'ailleurs car Jules a quelque peu changé par rapport à cette soirée où il m'annonçait sa maladie.
Je me souviens que ce soir là, nous avons bel et bien échangé quelques mots au sujet de ma famille, il en a même sourit et presque rit, mais depuis, c'est comme si on l'avait métamorphosé, c'est limite comme s'il me fuyait.
Il est bizarre, sa mère est bizarre, son père est bizarre.
Je le fixe s'engouffrer dans le dressing d'où il sort habillé d'une chemise blanche fourré dans un pantalon bleu sombre.
Il se met devant le miroir pour mettre les boutons et se peigner la barbes et sans prendre le temps de réfléchir, je lui sors:
-Jules, je veux que tu me libères!
Il n'a pas l'air surpris par ma requête.
Sa seule réaction a été d'arrêter de se peigner pendant quelques secondes avant de reprendre comme si de rien n'était.
-Souleymane Diop yaw lay wakhal,mayma sama bat!
Il se tourne alors vers moi, la face crispée et le poing serré. Je sens mon cœur battre encore plus vite, surtout quand il se trouve tout juste face à moi.
Je lève alors la tête pour rencontrer son regard colérique.
-Répète ce que tu viens de dire, Souadou.
Je garde le regard accroché au sien, le rythme des battements de mon cœur devenant de plus en plus irrégulier.
Je sens dès lors mes larmes couler le long de ma joue et c'était comme un signal pour lui de s'asseoir à côté de mes jambes, sur le lit.
Je l'entends respirer bruyamment, la tête entre les mains pendant au moins une minute: cet air dépité qu'il avait m'a inspiré une once de pitié qui m'a poussé à regretter aussi vite mes mots.
-Ta...ta mère est là à s'emballer pour notre nuit de noce, ne sait-elle pas que tu es malade?
Ai-je repris rapidement. Il ne dit rien alors je reprends:
-Jules, en moins de trois jours de mariage, je stress comme c'est pas permis. Depuis mon arrivée ici, je ne cesse de réfléchir et d'avoir peur. Je...je sais que je ne me suis pas mariée avec toi parce que je le voulais mais je suis tout de même ta femme et je te jure, Souleymane que j'aurai tout fait pour te soutenir, t'aider mais....
-ET JE T'AI DIT QUE J'AVAIS BESOIN DE TON AIDE OU DE TA PITIÉ SOUADOU?
Crie t-il en se levant brusquement, augmentant les battements de mon cœurs, mon corps entier tremblotant.
-JE TE CROYAIS DIFFÉRENTE, OUI, DIFFÉRENTE. MAIS FINALEMENT VOUS ETES TOUTES PAREILLES! VOUS PENSEZ TOUTES QUE LA VIE ENTIERE TOURNE AUTOUR DU SEXE!
POUR UNE HISTOIRE DE QUEUE, J'AI L'IMPRESSION D'AVOIR PERDU MA VIE TOUTE ENTIERE!
Je le regarde, apeurée, donner un coup de poing au mur avec un fort grognement comme pour dissiper sa colère.
Il me regarde puis vint se rasseoir et prendre ma main dans les siennes pour dire d'une manière assez rapide:
-J..je suis désolé, je ne voulais pas te faire peur, mais comprends-moi Souadou! Souadou, il n'y a qu'une infime partie de mon entourage qui est au courant de mon problème et ça me rend la vie déjà impossible, alors imagine si tout le monde était au courant, imagine!
Pour une raison que j'ignore, j'ai confiance en toi et je sais, Souadou, je sais que tu ne diras jamais rien à personne concernant cette histoire. J'aurai tellement voulu que tu restes avec moi mais je sais que ce serait trop te demander et je ne veux pas être égoïste. Tu es jeune et belle et mérite un homme qui saurait te rendre heureuse, je suis d'accord. Mais je t'en prie, reste avec moi, juste encore quelques temps.
Un divorce aussi précipité susciterait le doute que mon ex épouse avait déjà soulevé et...je t'en prie, juste quelques temps !
-Mais il y a ta mère qui me parle de...
-Cette cérémonie aura bien lieu et si c'est pour ton honneur que tu t'inquiète, je saurai gérer la situation. Un drap tâché de sang, c'est tout ce qu'il faudra pour nous honorer tous les deux et ils l'auront, Souadou, ils l'auront! Fais-moi confiance, tu veux?
Je hoche la tête, gagnée par la pitié que je ressens pour lui.
J'ai cet envie de l'aider même si il y a pleines de choses bizarre et des non dits et tant de mystères autour de lui qui m'effrayent.
Comment se fait-il que sa femme aie pu susciter des doutes le concernant? Voudrait-il dire que l'enfant qu'elle portait n'était pas de lui?
Je ne comprends pas.
-Maintenant prépares-toi, j'ai des amis qui ne vont pas tarder à venir. Ils passent la journée à la maison pour te rencontrer.
-D'accord!
Lui dis-je en me levant pour au moins pouvoir me réfugier dans la salle de bain, un peu loin de lui et il me retient, voyant que je tremblais toujours:
-Souadou, je ne suis pas un monstre, je t'en prie n'aie pas peur de moi.
-J'ai pas peur de toi!
Ai-je repris me convainquant par un petit sourire pour lui qu'il me rend par un hochement de tête.
Une heure plutard, nous étions, lui et moi, assis côte à côte, ma main dans la sienne et ma tête posée sur son épaule, entourés de ses amis.
Nous nous efforcions à nous présenter comme un jeune couple de nouveau marié, pas très amoureux peut être vu que tout le monde savait que notre mariage était arrangé, mais juste comme deux jeunes gens qui apprenaient à se connaitre et à s'aimer. Pas de bisou, pas de câlin ni de regards amoureux: nous avons juste été naturel et ça a marché car apparemment l'assemblée n'a trouvé rien de bizarre dans notre couple.
Dans la pièce, il y avait Birama, le seul que je connaissais à part lui, deux autre hommes; Mohamed et Gaby et une jeune femme nommée Tima.
Cette dernière n'a pas une seule fois manqué d'occasion de me critiquer.
Figurez-vous qu'elle s'est permise de me donner des recettes pour prendre du poids allant même jusqu'à me suggérer de faire du squat.
J'ai pas une seule fois répondu aux pics de cette idiote dont Birama s'est chargé de remettre à sa place aussi discrètement qu'elle me clashait.
Birama est très drôle et le courant est très vite passé entre nous.
Il arrive facilement à me faire rire, avec ses blagues à la con: c'est le plus bavard du groupe et apparemment, le plus proche de Jules.
Cette petite rencontre a eu le don de me faire changer les idées et même d'oublier un tant sois peu mes soucis.
Ils sont restés jusqu'à la tombée de la nuit et après les avoir raccompagnés, je suis remontée prendre une douche, consulter mon portable où j'ai trouvé des appels en absence de tous les membres de ma famille. Mdr...depuis que je suis ici, il ne se passe pas une journée sans que mes frères, ma sœur ou mon père ne me passent un coup de fil, sauf Máel qui semble avoir des soucis et se contente juste de m'envoyer des messages pour me demander si j'allais bien: je pense que je dois lui rendre visite car il semble toujours affecté par ses problèmes avec Zina.
Je m'appretais ensuite à me préparer pour descendre prendre le dîner avec tout le monde comme me l'a suggéré ma belle-mère mais avant que je ne sortes, la bonne m'a apporté mon repas.
Jules étant sorti avec Birama car ils devaient régler je ne sais quoi et avec mon beau-père qui je n'ai toujours pas encore eu la chance de rencontrer étant donné qu'il est toujours en voyage d'affaire, on a décidé de manger séparément m'a expliqué Rama.
J'ai alors mangé avec beaucoup plus d'appétit que ces derniers jours car plus fixée sur ce qu'il en est de mon mariage avec Jules.
Toutefois, je reste anxieuse à l'idée qu'il pourrait avoir concernant la dite cérémonie de demain: il faut d'abord qu'on parle de ça me suis-je dit en m'installant sur le lit, décidée à l'attendre.
Seulement, je me suis sentie tellement fatiguée par la suite que je me suis endormie sans même avoir eu à me changer.
*****
Les chants d'une femme me tirent du sommeil profond dans lequel j'étais plongé.
Des mains semblent me masser le corps et d'autres voix chantent en chœur pour accompagner celle qui m'a réveillée.
C'est quoi ce cirque?
Je peine à correctement ouvrir les yeux, le corps encore engourdi.
Mon cerveau n'arrive pas à interpréter ce qui se produit autour de moi.
J'ouvre carrément les yeux et me réveille de plus plus en plus.
Je regarde autour de moi et suis comme paralysée sur mon lit.
J'arrive alors à mieux disserner tous ces visages intrus qui envahissent ma chambre: ma tante, Djamila, ma belle mère et bien d'autres femmes.
Elles semblent joyeuses mais pourquoi?
Je les regarde, danser et chanter mes louanges, j'ai l'impression d'être dans une comédie et une comédie tout sauf drôle surtout avec cette douleur qui me lacère l'entre-jambe.
J'espère juste que ce n'est pas ce que je pense et que ce sang sur le drap n'est pas le mien.