Double Ancrage || Soukoku

By CrazyWanheda

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De leur passé commun dans la Mafia en tant que partenaires indissociables, à leur statut d'ennemis au sein de... More

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Centre-ville de Yokohama. 20h45.

Dazai Osamu sifflotait dans les rues animées de la ville, appréciant la brise singulière de ce début d'automne. La journée avait été rude. Passée entre la formation continue d'Atsushi, le bruit des paquets de bonbons froissés de Ranpo et les piaillements d'excitation de Naomi au moindre mouvement de Tanizaki, Dazai été épuisé.

La foule autour de lui paraissait bien moins bruyante que les bureaux de l'Agence. Il ne sortait que rarement en centre-ville depuis qu'il avait quitté la Mafia. Avant, il avait l'habitude de venir ici avec Odasaku et Ango pour se changer les idées, ou encore Chûya, lors de certaines missions. Le souvenir de ces instants lui pinça le cœur autant qu'il le lui réchauffa. Il était douloureux d'y repenser, pour autant c'était une vie dont il ne voudrait jamais se débarrasser.

Mais malgré cette ambiance douce et agréable, Dazai ne se sentait pas complètement à l'aise. Une présence lui pesait dans le dos. Il en était persuadé, ses sens de mafieux étaient en alerte mais il continua de marcher, attendant le moment propice pour lancer l'attaque. Qui que ce soit son futur assaillant, il ne le laisserait pas porter le premier coup.

Il se rendit intentionnellement dans une ruelle sombre et éloignée, afin d'épargner le futur spectacle aux locaux encore en promenade dans les environs. Il avança suffisamment pour que le bruit ambiant de la ville ne soit plus qu'un son étouffé, mais ne manqua pas d'entendre le claquement des talons qui traînait derrière lui. Sûrement une femme.

Las de marcher et considérant s'être assez éloigné, Dazai se retourna vivement, non sans manquer de dégainer le revolver qui traîner dans la poche de sa veste au passage. Il savait que l'Agence avait une politique anti-arme à feu mais ce dernier n'était là que pour assurer la sécurité du détective. Par respect pour Fukuzawa et les principes d'Odasaku, Dazai ne s'en servait plus pour tuer, mais blesser et seulement dans le cas où c'était nécessaire pour sa survie, ou celle de ses camarades.

Il s'attendait à tomber sur le visage froid et calculateur d'une femme assez sûre d'elle pour suivre un inconnu au milieu d'une ruelle étroite et délabrée. Mais, au contraire, c'est une expression tendue et légèrement apeurée qu'il découvrit. L'étrangère avait une peau lisse et sans défaut, des yeux grands et sombres, et des cheveux blonds cendrés. Elle était sûrement européenne. Allemande ou peut-être Française.

Il s'apaisa.

- Je peux vous aider ? demanda-t-il.

- Non. Enfin, je ... Veuillez m'excuser, c'est juste que ... Je vous ai pris pour quelqu'un d'autre. Je suis désolée.

- Ne vous excusez pas, ce n'est rien.

- En réalité ... Vous ressemblez beaucoup à mon ancien compagnon.

- Oh ? J'espère que vous vous êtes séparé en bons termes, sinon j'ai sûrement du souci à me faire, plaisanta-t-il.

- Il ... Il est décédé, il y a quelques mois.

Dazai se figea sous la surprise. Il aurait mieux fallu qu'il se taise sur ce point.

- Je vous prie de me pardonner, fit-il en baissant la tête.

- Ce n'est rien. Vous ne pouviez pas savoir.

La jeune femme lui offrit un sourire triste et fit un pas en arrière dans l'idée de faire demi-tour.

- Vraiment désolée de vous avoir dérangé, s'excusa-t-elle à nouveau.

- Aucun problème, Mademoiselle ...

- Marguerite. Marguerite Yourcenar.

- Enchanté.

Et avant même que la jolie française ait pu l'en empêcher, Dazai déposait sa main sur son bras dans un geste aussi réconfortant que respectueux. Et à l'instar de ce détective un peu farfelu ou encore du légendaire Fyodor Dostoevsky, la jeune Marguerite Yourcenar n'était pas en mesure de contrôler ses capacités surnaturelles.

Son pouvoir appelé « Les mémoires d'Hadrien », s'activa à l'instant même où les doigts de Dazai entrèrent en contact avec la peau découverte de son bras. Et opéra toute sa magie noire sur le cerveau du détective.

***

Deux jours plus tard...

Locaux de la Mafia Portuaire. 09h58.

- Mori ! Depuis quand est-ce que je dois passer par tes chiens de garde pour pouvoir te parler ? s'énerva Fukuzawa en mettant un premier pied dans le bureau de son ancien protégé.

- Mon loup d'argent préféré ! Que me vaut l'honneur de ta visite ?

- Tu te fiches de moi ? J'essaye de te joindre depuis quarante-huit heures ! Mais impossible de t'avoir !

- Tu me flattes, Monsieur le directeur d'Agence. J'ignorais que je te manquais à ce point.

Loin d'être amusé par les allusions douteuses du parrain, Fukuzawa vint plaquer ses mains sur le bureau du plus haut placé de la Mafia, sans même avoir à se soucier des conséquences.

- Qu'est-ce que ton petit manipulateur de gravité a fait à mon employé ? voulut-il savoir.

- Ça dépend, j'imagine. On parle des faits d'il y a quatre ans ou de ceux de la semaine dernière ? Parce que la réponse peut-être très différente dans ce cas. Tu sais, ils ne se sont pas toujours détestés.

- Épargne-moi tes réflexions, je suis très sérieux.

Face à la mine froncée de son ex-garde du corps, Mori reprit son sérieux et se leva de son siège pour être la hauteur de son interlocuteur.

- De quoi est-ce que tu parles ? l'interrogea-t-il.

- ... Attends. Pourquoi tu n'as vraiment pas l'air d'être au courant ?

- Peut-être, parce que je ne le suis pas. Tu veux bien me dire ce qu'il se passe ?

Fukuzawa se redressa et fixa Mori, comme à la recherche d'une trace de mensonge sur son visage. En vain. Quoi qu'il se passait le parrain n'était clairement pas au courant.

- Est-ce que Chûya Nakahara pourrait faire quelque chose contre Dazai, sans que tu ne le lui aies expressément demandé ? chercha à savoir le directeur d'Agence.

- Non. Chûya est quelqu'un d'impulsif, mais il ne ferait jamais rien à Dazai qui irait te conduire jusque dans mon bureau. Tu comptes m'expliquer ou pas ?

- Dazai est revenu au boulot avant-hier et ... il était un peu ... différent.

- Comment ça « différent » ?

- Il l'avait complètement oublié.

- Oublier qui ?

- Chûya.

***

Atsushi plaqua une main sur son front, en se demandant ce qui leur avait pris d'emmener Dazai à cette rencontre. Fukuzawa pensait peut-être alors que ce serait une preuve des faits si jamais Mori ou Chûya venait à nier. Mais en attendant que leur directeur sorte de son entretien, lui et Kenji se retrouvaient à devoir gérer leur collègue suicidaire, devant les locaux de la Mafia.

- On peut me rappeler ce qu'on fiche ici ? demanda Dazai en donnant un coup de pied dans un cailloux.

- On attend que le patron sorte de son rendez-vous avec le parrain, répondit Atsushi.

- Ils sont sûrement en train de s'entretuer à l'heure qu'il est. Peut-être que l'un d'eux est même déjà mort.

- Ça ne devrait sûrement plus être long, le rassura le tigre-garou.

Ajoutez à cette situation compliquée, le sifflement joyeux de Kenji, et la scène était des plus ironique.

Cependant, sa petite mélodie improvisée ne suffit pas à masquer le grondement d'un moteur. Et la seconde suivante, un motard faisait son entrée en trombe devant la base. Ils n'eurent pas besoin d'attendre que le conducteur retire son casque pour savoir qu'il s'agissait de Chûya Nakahara.

Atsushi se tendit instantanément. Bon sang, comment allait-il gérer ça ?

- Foutue momie ambulante ! s'énerva le petit mafieux. Je savais que ça ne pouvait être que toi ! Mori ne m'aurait jamais rappelé en urgence pour autre chose que ta sale tête de maquereau ! Qu'est-ce que tu as fait encore ?

Avant que Chûya ne puisse s'approcher plus, Atsushi se mit entre lui et Dazai.

- Monsieur Nakahara, quel plaisir de vous revoir, lança le jeune détective avec une forte nervosité. Ça faisait longtemps.

- Hors de mon chemin, le tigre. J'ai une asperge à étrangler.

- Non, arrêtez, il...

Trop tard. Atsushi sentit la présence de Dazai sans dos, probablement fier et souriant.

- Ah, alors c'est vous le fameux Chûya Nakahara, lança ce dernier. Enchanté, moi, c'est Dazai Osamu, ancien capitaine de la Mafia Portuaire.

Chûya observa la main poliment tendue de son ex-coéquipier, les sourcils froncés sous la perplexité. Il se tourna vers Atsushi, en prenant soin d'ignorer Dazai.

- C'est quoi cette mauvaise blague ? demanda-t-il.

- Euh ... Monsieur Dazai ? Et si vous alliez vérifier la porte de derrière ? Peut-être que le patron est sorti par-là, ce serait idiot de le manquer.

Dazai était amnésique mais pas stupide, il savait que ce n'était qu'une excuse pour l'éloigner. Pour autant, il n'avait aucune réelle raison de rester à attendre ici. Et il s'ennuyait.

- Très bien, concéda-t-il. Ravi de vous avoir rencontré.

Il gratifia Chûya d'un clin d'œil dont lui seul avait le secret, et d'un sourire ravageur qui ne manqua de faire honteusement rougir l'intéressé.

- Mais qu'est-ce que c'est que cette mascarade ??? s'énerva Chûya, une fois Dazai éloigné.

- C'est une assez longue histoire, fit Atsushi en se grattant la nuque.

- Non, pas du tout, rétorqua Kenji et son manque de subtilité. Elle n'est pas longue puisqu'on n'en connait pas tous les détails.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- Eh bien, on ne sait pas exactement ce qu'il s'est passé, reprit Atsushi. Mais lorsque Monsieur Dazai est arrivé au boulot hier matin, il vous avait ... complètement oublié.

Chûya sentit son cœur se briser, à l'image de ce jour où Dazai avait quitté la Mafia. Il porta sa main à sa poitrine comme si cela pouvait en apaiser la douleur. Le karma continuait donc de s'acharner sur lui, rappelant toute l'importance que cet abruti de suicidaire gardait dans sa vie, malgré le fait qu'il l'ait abandonné. Et à présent, oublié. Vie de merde.

- Oublié ? Juste moi ?

- De ce qu'on en sait, oui, répondit Atsushi. Juste vous.

- Mais comment ?

- On pense qu'il a été attaqué par un détenteur de pouvoir qui affecterait la mémoire. Mais c'est tout ce qu'on ...

- Non, je veux dire ... Comment est-ce que vous avez découvert qu'il m'avait oublié, moi ?

Atsushi et Kenji échangèrent un regard gêné.

- Monsieur Dazai a une photo de vous deux sur son bureau, expliqua le petit blond. Datant d'il y a six ans, alors que vous étiez encore dans la Mafia, ensemble.

Chûya savait parfaitement de quelle photo il s'agissait. C'était la seule qui existait d'eux. Il avait passé ces quatre dernières années à la rechercher pour pouvoir la brûler, après le départ de Dazai. Et à présent, il apprenait que c'était cet enfoiré qui l'avait emporté ? Pourquoi ? Quel plaisir avait-il à jouer les nostalgiques de cette façon, alors qu'il n'avait pas hésité à l'abandonner aux griffes de la Mafia ?

- En arrivant à l'Agence ce matin-là, poursuivit Atsushi, il a demandé d'où sortait cette photo et qui vous étiez.

- On a d'abord cru qu'il plaisantait, expliqua Kenji. Alors on a simplement répondu qu'il était idiot de faire comme s'il pouvait oublier son ancien partenaire.

- Et ? demanda Chûya.

Atsushi se mit à rougir et passa une main dans ses cheveux.

- Euh ... Il a simplement répondu qu'il ne se souvenait pas de vous, répliqua ce dernier.

- Ah non, pas exactement, corrigea Kenji. En fait, il a dit qu'avec un visage comme le vôtre, il se souviendrait forcément de vous. Et qu'à moins que vous ne l'ayez éconduit, vous auriez même très certainement couché ensemble.

Le tigre-garou plaqua une nouvelle fois sa main sur son front en soupirant d'exaspération. Il allait sérieusement falloir apprendre à Kenji à filtrer ses pensées.

Le visage de Chûya se crispa en une grimace mêlée d'un dégoût factice et d'une gêne évidente.

- Le fait est, reprit Atsushi, que c'est après plusieurs de ce genre de ... réflexions, qu'on a compris que cela n'avait rien d'une plaisanterie.

La réalité de la situation frappa Chûya de plein fouet et il fit de son mieux pour déglutir sans montrer toute la douleur que cela lui causait.

- Comment vous avez fait pour rattraper les choses ? voulut-il savoir.

- On lui a fait croire que c'est nous lui avions fait une blague, expliqua Kenji. Et que cette photo n'était qu'un montage. Lui, en tant que capitaine de la Mafia, face à vous, celui qui lui a succédé après son départ. Une sorte de ... passation de pouvoir façon Photoshop.

- Whouah ... soupira Chûya.

Il glissa ses doigts tremblants dans ses cheveux, en essayant d'assimiler toutes les informations qui venaient de lui être confiées.

- J'imagine que ce détenteur de pouvoir est un bienfaiteur dans le fond, fit-il dans un sourire faux. M'effacer de sa mémoire était sans doute la chose dont Dazai rêvait le plus en ce monde. Pas besoin d'en faire toute une histoire.

Et alors Chûya eut juste le temps de leur tourner le dos, avant que les larmes contenues dans ses yeux ne se mettent à s'écouler le long de ses joues.

***

Une semaine plus tard...

Le Lupin. 21h32.

C'était la cinquième soirée de la semaine que Chûya passait au bar le plus fréquenté de Yokohama, tout en se sentant terriblement seul. L'alcool miteux comme de haut de gammes, n'était pas la meilleure des compagnies quand il ne faisait que lui embuait l'esprit jusqu'à ce qu'il voie encore plus clairement le visage de Dazai que lorsqu'il était sobre.

Mais ce soir-là était celui de trop. La simple vue du liquide ambrée qui luisait dans son verre lui donnait envie de vomir. Il était assis sur le tabouret de ce bar depuis une heure et demi et n'avait toujours pas bu la moindre goutte.

Il se sentait engourdi, vide de toutes émotions. Plus aucune larme n'habitait son corps. Il n'était pourtant pas du genre à pleurer, mais l'idée qu'il ait disparu à jamais de la vie de Dazai le rendait bien plus malheureux qu'il n'aurait pu l'imaginer.

Sans pouvoir s'y accrocher physiquement, ce brun suicidaire et insupportable restait sa source de vie, le pilier qui l'empêcher de s'effondrer. Mais Chûya, n'était plus rien. Dix jours auparavant encore, il faisait partie de l'existence de Dazai, en tant que souvenir seulement, peut-être, mais au moins il était encore là. À présent, il n'était plus qu'un vague visage ancré sur une photographie qu'il pensait être un photomontage et qu'il avait sûrement déjà foutu à la poubelle. La seule trace de leur passé commun, envolée à cause d'une putain d'amnésie sortie de nulle part.

- La place est prise ?

Chûya releva vivement la tête et se sentit rougir en découvrant les yeux de Dazai rivés sur lui, la main posée sur la chaise à ses côtés.

- Non, répondit-il simplement.

Il n'avait aucune envie que Dazai s'approche de lui, mais il ne pouvait décemment pas lui demander de sortir de ce bar à coup d'insultes bien placées comme il l'aurait fait avant. Alors il laissa ce détective ingérable dont il était complètement fou se placer à ses côtés, tout en s'efforçant de garder les yeux rivés sur son verre.

- Écoute ... Je suis désolé.

Chûya s'étonna de la douceur avec laquelle Dazai venait de s'exprimer. Il s'était excusé. L'homme qu'il avait connu ne lui aurait jamais formulé la moindre excuse, pour quoi que ce soit. Nouvelle preuve irréfutable que leur passé commun avait été enrayé de son esprit. De quoi donner davantage le tournis au jeune mafieux pourtant toujours sobre.

- Pour quoi ?

- Pour ne pas me souvenir de toi.

Perplexe, Chûya fronça les sourcils. D'après, Atsushi et Kenji, ils lui avaient fait croire que lui et Dazai n'avaient jamais eu le moindre rapport, si ce n'est celui indirect d'avoir été son soi-disant successeur en tant que capitaine de la Mafia.

- Comment est-ce que tu ... ?

- Mes collègues m'ont tout raconté. Ils se sentaient mal de me voir reprendre ma vie comme si de rien n'était. Ils ne sont pas très fiers d'avoir menti, mais sur le moment, ils pensaient que c'était la meilleure chose à faire. Mais vis-à-vis de toi, ça n'était pas correct.

- Je m'en fiche.

C'était sans doute un peu trop sec, mais il ne supportait pas la présence de ce Dazai qui ne le connaissait même pas. Il avait toujours ce même sourire en coin qu'il mourrait d'envie d'embrasser, ce même regard brûlant qui le faisait fondre, la même voix charmeuse qui le faisait rêver. Et pourtant, ce n'était plus vraiment Dazai.

- Alors, pourquoi est-ce que tu es là ? demanda le brun. À vouloir te plonger dans l'alcool ?

- Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, mon verre est encore plein. Et je n'en suis qu'à mon premier.

- Cette semaine ? Ou juste ce soir ?

- Bordel mais qu'est-ce que ça peut te faire ?

Sous une forte pression qu'il ne se sentait même pas exercer, le verre de Chûya explosa entre ses mains, éraflant ses gants et ses paumes de petites coupures.

- Eh merde, soupira-t-il tandis que le whisky s'écoulait contre le bois du bar.

- Laissez, je m'en occupe, déclara le barman.

Dazai lui offrit un signe de tête reconnaissant, comme s'il le connaissait. Ce qui était sans doute le cas, étant donné qu'il avait passé toute son adolescence ici en compagnie d'Odasaku et d'Ango. Raison pour laquelle le gérant proposait d'aider Chûya, plutôt que de le faire sortir du bar à coups de pieds.

Dazai prit ses mains entre les siennes et commença à le débarrasser de ses gants, pour venir retirer les quelques morceaux de verres incrustés dans sa peau. Sa minutie écœurait Chûya.

- Je n'ai pas besoin de toi, déclara-t-il en essayant de dégager ses mains.

- Je suis désolé, répéta-t-il simplement. De te faire souffrir.

- Je ne souffre pas.

Le détective n'insista pas et poursuivit ses soins après que le barman lui ait apporté du désinfectant, des compresses et un bandage.

- Est-ce que ça a toujours été comme ça entre nous ? demanda Dazai.

- C'est-à-dire ?

- Aussi froid et ... impersonnel. J'ai cru comprendre que nous avions été partenaires. Le plus grand duo que la pègre n'ait jamais connu.

- C'est du passé, déclara Chûya. Ou de la fiction. Tout dépend de si on se place de mon point de vue ou du tien.

- On dirait que tu me reproches ma perte de mémoire. Comme si je l'avais cherché ...

- Peut-être que c'est le cas.

Dazai releva ses yeux de la main blessé du plus petit pour se concentrer sur son visage. Chûya lui, baissa la tête, en prenant conscience de la manière dont il peinait à contenir ses émotions.

- Qu'est-ce qui s'est passé, Chûya ?

- ... Tu es parti. Tu t'es insinué jusque dans mes putains de veines, jusqu'à te rendre indispensable et à l'instant même où je n'imaginais plus ma vie sans toi, tu m'as abandonné aux mains de l'organisation criminelle la plus dangereuses du pays ! Tu as choisi de t'en aller et de me rayer de tes contacts, alors oui : peut-être bien que tu as voulu tout ce qui arrive en ce moment ! Peut-être que ton cerveau, dont personne n'a jamais réussi à comprendre le foutu fonctionnement, a souhaité m'effacer et te débarrasser de ta pseudo culpabilité une bonne fois pour toute !

Épuisé après avoir laissé exploser toutes ses émotions, Chûya regretta immédiatement de s'être laissé importer. Il allait avoir l'air faible et il détestait ça.

- ... Je suis désolé, répliqua simplement Dazai.

- Bordel, arrête de t'excuser !

- Qu'est-ce que tu attends de moi, Chûya ? Je t'ai fait du mal ! Je n'ai pas besoin de retrouver la mémoire pour m'en rendre compte ! Et à moins que tu ne m'aies fait la pire crasse de ma vie, je suis certain que tu ne méritais pas ce que je t'ai fait subir. À ce stade de notre situation, te présenter mes excuses, c'est tout ce que je peux faire.

- Je n'en veux pas.

- Merde, pourquoi est-ce que tu le prends comme ça ? S'il ne s'agit que de la fin d'un partenariat de travail, pourquoi tu ... ?

- J'étais amoureux de toi !

Chûya laissa échapper un rire nerveux après que cette déclaration eut enfin passé ses lèvres. L'avoir reconnu lui permettait de se sentir plus léger, néanmoins, c'était libérer plus de place à la douleur que Dazai lui causait par sa simple présence.

- Et dire qu'il m'aura fallu six ans en ta compagnie, quatre ans de séparation et une amnésie pour pouvoir te l'avouer. C'est tellement plus facile de le dire maintenant que je suis sûre de ne pas entendre ton petit rire mesquin me répon...

Et en effet. Loin de se moquer de cette déclaration, Dazai prit vivement le visage de Chûya en coupe et l'embrassa avec passion. Le fait qu'ils se trouvaient dans un lieu public les obligeaient à se contenir, à rester dans l'acceptable, mais dieu savait combien ils rêvaient d'être seuls à cet instant précis.

C'était un baiser tendre et léger, au contraire de leur caractère enflammé, mais cela n'en restait pas moins merveilleux.

Dazai, taquin, mordilla la lèvre de Chûya, avant de la libérer. Le visage en feu suite à cet élan d'affection inopiné, le petit mafieux se sentit brûlant, tandis que Dazai plaquait son front contre le sien.

- À défaut de t'avoir rendu heureux par le passé, j'aurais au moins pu t'offrir ça.

Chûya resta figé, tremblant sous les effets de cet incroyable instant qu'il venait de partager. Il avait rêvé de ce baiser des années durant, et Dazai venait de lui donner. Mais au contraire de ses espérances, cela ne marquait pas le début d'une relation, mais plutôt la fin de ce qu'il restait encore du Double Noir. C'est-à-dire : rien.

Et cela acheva de lui faire du mal.

- Tu m'auras donc rendu fou, jusqu'au bout, soupira Chûya.

- Peut-être que je n'ai pas fini de le faire.

Le roux osa relever ses yeux vers son ex-coéquipier, le cœur battant face à ce visage qu'il aimait tant.

- J'aimerais beaucoup réapprendre à te connaître, déclara Dazai.

- Pour qu'on se redéteste comme avant ?

- Si c'est ce que tu veux, pourquoi pas ?

Chûya osa lâcher un rire, tandis que son camarade achevait enfin de soigner sa blessure en enroulant le bandage blanc autour de sa main.

- Mais j'aurais plutôt tendance à croire qu'on pourrait bien s'entendre si on faisait les efforts nécessaires. On a l'air d'avoir pas mal de points communs.

Il désigna le fameux bandage et à sa manière un peu loufoque, ceci parvient à apaiser un peu l'atmosphère. Peut-être que l'avenir qu'il envisageait et dans lequel ils se redécouvraient tous les deux, était possible. Chûya n'était pas contre l'idée de le découvrir.

- Je ferais mieux de rentrer, déclara ce dernier en grimaçant à la douleur de sa main.

- Je peux te raccompagner ?

Avant même que Chûya ne puisse répondre, Dazai s'empressa de rajouter :

- En tout bien tout honneur, évidemment.

- Le Dazai que j'ai connu n'aurait jamais dit une chose pareille.

- Si tu préfères que je flirte avec toi, ça me va très bien aussi, tu sais ?

Le roux se sentit rougir à nouveau et frappa l'épaule de son ancien partenaire.

Ils quittèrent le bar, le sourire aux lèvres, une vision éclaircie et plutôt prometteuse ce que pourrait être le futur. Ils marchèrent quelques mètres dans la fraîcheur du soir, un silence réconfortant autour d'eux ...

... que la sonnerie de portable de Chûya vint briser.

- Merde, c'est Akutagawa. Je dois répondre.

Il décrocha, déjà inquiet de la mauvaise nouvelle que le jeune capitaine pourrait avoir à lui annoncer.

- Allô ?

- Alors ? roucoula la voix d'Akutagawa. Toi et Dazai, hein ?

- De quoi est-ce que tu parles ?

- Oh, sérieusement ! Tu aurais quand même pu m'en parler !

- Mais de quoi ?

- Du fait que vous ressentiez quelque chose l'un pour l'autre.

Chûya se figea et commença à observer les environs à la recherche du manteau noir et singulier de son collègue dans la pénombre.

- Est-ce que tu nous espionnes ? demanda le roux.

- Ah, parce que vous êtes ensemble en ce moment ? Eh bien, je constate que Dazai n'a pas perdu de temps. À peine a-t-il retrouvé la mémoire qu'il se jette sur toi.

- ... Comment ça « retrouver la mémoire » ?

Chûya reporta son attention sur le maquereau suicidaire qui se trouvait en face de lui et fronça les sourcils face à son air faussement coupable évident et le petit sourire insupportable qui plissait les coins de sa bouche.

- Oui, répliqua Akutagawa comme une évidence. Il a retrouvé sa mémoire dans la matinée. Il ne t'a rien dit ?

- Non, il ne m'a rien dit du tout, hacha Chûya sans lâcher Dazai des yeux. Et puis d'ailleurs, comment est-ce que tu es au courant de ça ?

- C'est Atsushi qui me l'a dit.

- Atsushi ? Et c'est de ma vie amoureuse que tu t'occupes ?

- Je ne vois pas le rapport.

- Ça viendra.

Chûya raccrocha, laissant Akutagawa réfléchir à sa dernière phrase. Il avait une momie ambulante à massacrer, là, tout de suite. Et face au regard noir du plus petit, Dazai comprit qu'il était en assez mauvaise posture.

- Attends ma limace, je peux t'expliquer, fit-il sans se départir de son sourire.

- Est-ce que tu te fous de moi ??? Tu as retrouvé la mémoire depuis des heures, mais tu as continué de jouer les amnésiques ???

- J'étais venu au Lupin pour te le dire. Mais quand je t'ai vu comme ça, esseulé et déprimé, j'ai eu peur que tu te renfermes.

- Je n'étais pas déprimé !

Dazai le regarda et attendit que Chûya réalise tout seul qu'il se mentait à lui-même. Ce dernier soupira, face à sa propre incrédulité.

- Tu n'avais pas à jouer avec mes sentiments comme tu l'as fait, déclara-il.

- Désolé, Chûya, mais c'était la seule façon de te faire réagir.

- À propos de quoi ? Merde, tu t'es fichu de moi ! Tu m'as embrassé !

- Et je risque de recommencer dans cinq secondes si tu ne te décides pas à me laisser parler.

Chûya envisagea presque de continuer à s'énerver pour que Dazai mette sa menace à exécution. Mais par fierté, il se retint.

- Marguerite Yourcenar, lança le brun. C'est le nom de la femme qui m'a fait perdre la mémoire. Elle est venue à l'Agence pour tout nous expliquer après avoir reconnu ma photo dans un article de presse concernant une affaire de casse que j'ai résolu la semaine dernière. C'est une jeune française dont le pouvoir ne s'est déclenché qu'il y a quelques mois. Elle ne le maitrise pas encore très bien, ni n'a réellement conscience de ce qu'il implique, si ce n'est que tous ceux qui rentre en contact physique avec elle perdent leurs souvenirs. Seulement, cela semble être temporaire. C'est sans doute exponentiel au temps que dure le contact.

Le mafieux écouta attentivement, tout en essayant d'assimiler le fait qu'il s'était une nouvelle fois fait berner par le maquereau. L'humiliation faisait battre le sang jusque dans ses oreilles, l'obligeant à se concentrer plus que de raison pour comprendre où Dazai voulait en venir. Il s'autorisa à poser une question.

- Pourquoi moi ? Pourquoi n'as-tu oublié que moi ?

Dazai se laissa aller à sourire triste, tout en glissant sa main droite dans le cou de son ancien partenaire. Chûya tressaillit, mais n'alla pas jusqu'à se dégager.

- Le pouvoir de cette femme s'est déclenché à la mort de son mari, alors atteint d'une forme précoce d'Alzheimer. Une douleur qui se traduit jusque dans son don : ses victimes oublient alors la personne qu'elles aiment le plus en ce monde.

Chûya écarquilla les yeux et essaya de déceler une trace de moquerie ou de pur mensonge dans le regard de Dazai. En vain. Ce crétin semblait sincère, ce qui n'aida en rien le petit roux à se détendre.

- Arrête de te ficher de moi, furent les seuls mots qu'il réussit à prononcer.

- Je ne plaisante pas Chûya, c'est très sérieux. J'ai vécu cette dernière semaine sans avoir la moindre idée de qui tu étais et maintenant que j'ai retrouvé la mémoire, je peux t'assurer sur ma propre tombe que ces jours ont été les plus vides de ma vie.

Le détective passa sa main de libre autour de la taille de son compagnon et le rapprocha de lui.

- Je ne veux pas oublier la douleur du coup de poing que tu m'as donné en guise de bonjour lors de notre première rencontre, ni la chaleur de ta paume contre la mienne lorsque nous avons vaincu Rimbaud et encore moins, la manière dont tu t'énerves contre moi chaque fois que je te taquine. Je ne veux pas oublier ces soirées passées au Lupin avec toi, ces missions que nous avons remportées ensemble, ces années entières que nous avons vécues côte à côte.

Dazai glissa le pouce de sa main droite sur la joue de Chûya, sans se départir de son sourire.

- Je ne veux plus jamais oublier ce visage qui a le fâcheux talent de me faire rêver. Je refuse que l'on t'efface à nouveau de ma mémoire. J'en ai besoin pour ne pas perdre la face, pour ne pas ...

Mais Chûya ne tint plus. Et à l'instar de cette satanée machine à bousiller les bandages, un peu plus tôt, il le coupa dans son discours. Il se mit sur la pointe des pieds sans même se soucier de cette différence de taille qui le faisait tant complexer, et l'embrassa comme si ses derniers mots étaient la plus délicieuses des saveurs.

Dazai, ravi de cette initiative, plaqua le plus petit contre son torse, se souciant peu du monde qui les entourait. En dehors de cela, de cette sensation de plénitude qu'ils étaient les seuls à pouvoir s'offrir mutuellement, tout était oubliable.

À bout de souffle, ils détachèrent l'un de l'autre, les jours rougies.

- Je n'ai pas menti, dit Dazai. Je veux réapprendre à te connaître.

- Ça me semble faisable, mais je t'interdis de te moquer à nouveau de moi comme ça, le menaça Chûya d'un air peu convaincant.

- Et risquer de ne plus t'entendre me hurler ton amour au milieu d'un bar rempli de monde ? Tu rêves, ma limace.

- Bon sang, et dire que si Akutagawa ne m'avait pas téléphoné pour avoir des détails croustillants, tu serais sans doute encore en train de jouer la comédie.

- En parlant d'Akutagawa : comment a-t-il su que j'avais retrouvé la mémoire ?

- Atsushi le lui a dit.

Le Double Noir se regarda et cela suffit à leur donner l'idée la plus sournoise du monde. Peut-être que la jeune Marguerite Yourcenar accepterait d'user de son pouvoir sur le jeune et aigri capitaine de la Mafia. Allez savoir si ce ne serait pas le visage du petit tigre-garou qui s'effacerait de sa mémoire.

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