PDV Matia :
J'ouvre la portière du transporteur une fois celui-ci éteint. Liam et moi claquons les portes à l'unisson. Je baisse les yeux vers ma montre digitale et envoie un message à Yanis, le meneur de la résistance de ce secteur.
C'est impressionnant de voir à quel point nous, les jeunes, nous sommes rapidement organisés en groupes pour survivre. Comme quoi l'urgence fait changer les gens. C'est dans ces moments là qu'on rencontre la vraie nature de l'Homme à nu, démuni face à une situation inconnue.
Je baisse les yeux vers la montre à mon poignet, tapote un rapide message du bout des doigts pour Yanis, le chef de la résistance du secteur, puis fais signe à Liam de me suivre.
"On est arrivés p'tite sœur", dis-je à Cassie par la même occasion.
Je vérifie que mon acolyte me suit bien puis m'engage dans une ruelle adjacente à la notre. Nous longeons les mur des habitations jusqu'à arriver devant un immense bâtiment à première vue abandonné.
"Bien reçu", me répond une petite voix dans mon esprit.
- Pourquoi tu t'arrêtes ?, murmure Liam juste derrière moi.
Je lui fais signe de se taire et balaie la façade du regard. Liam se penche devant moi et je soupire d'exaspération.
- On fout quoi devant la piscine du périmètre ?, chuchote-t-il à nouveau.
Je lui lance un regard noir. Il lève les yeux au ciel et fini par s'adosser au mur.
Une notification apparaît sur ma montre : "3 ; 1 ; 3".
Je tire Liam par le poignet et l'entraîne derrière moi vers la porte de service sur le côté du bâtiment. Une fois devant j'exécute le code indiqué par Yanis.
Trois coups. Une pause. Un coup. Une pause. Trois coups. On attend.
Liam retire son poignet que j'avais oublié de relâcher. Je coule un discret regard vers lui. Il regarde autour de nous et évite mon regard. Je réprime un soupir et fixe la porte.
Un cliquetis retentit et la porte s'ouvre sur Yanis tout sourire. Il nous fait signe de ne pas faire un bruit et nous fait entrer à sa suite.
La premiere fois que je suis venu ici j'avais cru à une blague. En effet, à marcher dans ce long couloir on pourrait penser qu'à part Yanis il n'y avait personne d'autre. Pas un bruit, pas âme qui vive.
Mais nous nous arrêtons devant une porte coupe feu, notre hôte appuie sur le mur et une petite tablette apparaît dans un miroitement, il tapote un code et ce même miroitement se reproduit sur la lourde porte, soudain un murmure de foule se fait entendre derrière celle-ci.
J'aperçois Liam du coin de l'oeil sur le point de faire un commentaire mais je l'arrête d'un geste et lui demande d'attendre d'un regard.
Yanis pousse la grosse porte, libérant un peu plus le murmure de la foule, et nous nous engouffrons à l'intérieur.
À peine a-t-il réactivé le mécanisme de camouflage que nous nous donnons une bonne accolade.
- Ça fait plaisir de te revoir Matia !, me dit Yanis de sa voix rauque.
- Plaisir partagé mec !, je lui réponds le sourire aux lèvres, je te présente Liam, un... allié de notre résistance, dis-je en butant légèrement sur ma phrase.
- Salut, lui dis Liam en lui serrant énergiquement la main, dis voir cette technologie la c'est de vous ? Je ne la connaissais pas, ni même de chez WorldCenter, demande-t-il en désignant le système de triple camouflage auquel j'avais déjà eu affaire à ma première visite.
- Ouais on a un p'tit génie des gadgets chez nous, cette petite merveille offre un camouflage visuel, auditif et thermique ! En gros on est invisibles, t'as plusieurs balises comme celle-ci disposées autour du bâtiments, c'est pour ça qu'on évite de faire du bruit en dehors de l'enceinte, explique Yanis d'un ton fier.
Liam hoche la tête subjugué par l'ingéniosité du dispositif. Je ricane tout bas amusé par son regard impressionné.
- Bon à part ça t'as bien reçu mes messages ?, lui demandé-je.
Il hoche la tête et nous fait signe de le suivre. Nous entrons dans ce qui fût un jour les vestiaires de la piscine. Les rangées de casiers ont été poussées contre les murs ou déplacées je ne sais où pour libérer un large espace d'entraînement assez imposant. Des jeunes de tous âges sont repartis en petits groupes et s'adonnent à des exercices physiques en tous genres.
- J'ai bien compris ta requête et j'ai essayé de rassembler le maximum de volontaires. Mais en général les gens sont peu enclins à ce qu'on trifouille le cerveau, me dit Yanis.
J'embrasse la foule du regard en me demandant comment je vais bien pouvoir m'organiser avec autant de personnes tout seul.
- Si c'est Matia qui trifouille il y a rien à craindre, commente Liam derrière moi.
Yanis ne peut s'empêcher de rire et je sens mon visage s'embraser. Je lui lance un regard noir.
- Quoi c'était un compliment !, se défent-il.
Je soupire. Et Yanis nous entraîne dans un couloir de service jouxtant les douches communes de l'endroit. Nous arrivons directement dans ce qui a été un jour berceau de joie et de rire, de sueur et d'efforts de centaines de gens chaque jours. Les anciens bassins ont été vidés pour faire place à des tentes et autres matelas disséminés par-ci par-là.
- On vous a assigné une tente au fond par-là, dit-il en désignant le coin au bout de la piscine vide.
Rien que l'idée de devoir dormir dans le même espace exiguë que Liam me donne des frissons.
- On mange par groupe dans l'ancienne cafétéria de la piscine et couvre feu à 23h pour allumer le camouflage au dessus de la zone de dortoirs mais ça tu le sais déjà Mat', me sourit Yanis.
Je ris et Liam détourne les yeux. Nous retournons dans l'espace dédié aux entrainements et Yanis m'explique qu'il y a une vingtaine de volontaires. Je vais devoir les tester un par un pour vérifier qu'ils sont réceptifs.
- Bon et bien..., je tape dans mes mains pour attirer l'attention du petit groupe de jeunes devant moi, Salut ! Moi c'est Matia et voici Liam, vous me connaissez déjà sûrement et vous savez aussi pourquoi vous êtes ici...
Dans mon discours j'essaie d'énumérer le planning des prochains jours, essayant de les rassurer, assurant que ce ne sera pas facile. Je ne sais pas qui j'essaie de convaincre, eux ou moi ? Quoi qu'il en soit ça va être compliqué.
PDV Tyler :
Je termine mon assiette sans grand appétit assis sur ma couchette. Une fois fini je la repose sur mon plateau vide et dépose ce dernier près de la porte. Fermée à clé. Je m'allonge sur mon lit et rabas mes bras sous ma tête en fermant les yeux.
La résistance est en ébullition. Tout le monde est sur le pont pour préparer le grand final, comme dit Cassie. A chaque fois qu'elle me raconte sa journée et qu'elle digresse vers les détails de leur plan je suis obligé de l'arrêter.
Moins j'en sais, plus c'est sûr. On ne sait pas avec certitude si je suis libéré de l'emprise de mon père. La seule chose que nous savons c'est le jour du départ, dans trois semaines. C'est le délais le plus acceptable que les Psychos se sont laissés pour passer à l'action.
Quelqun'un toque à la porte, me sortant de mes pensées. C'est drôle, toquer alors que je n'ai même pas la clé.
- Ouais ?, je dis histoire d'inviter la personne à entrer.
On entend le tableau digital émettre des bips à répétition puis le cliquetis du verrou se déverrouiller. La porte s'ouvre sur Cassie qui me sourit d'un air fatigué. Elle vient me voir tous les soirs depuis que je suis rentré, et à chaque fois repart après la même question.
- Hey, elle me dit en s'asseyant près de moi.
Ses cheveux roux sont encore plus long qu'avant, descendants en cascade sur ses épaules et sa poitrine. Elle m'embrasse avec délicatesse et m'observe de ses yeux vairons avec son éternel air inquiet.
- Hey, ça va ? Je lui demande.
- Ça avance bien, Noëlie m'est d'un grand secours. Cette gosse est incroyable, et incroyablement flippante, elle fait en esquivant légèrement ma question.
- Elle tient toujours autant à venir avec nous ?
Cassie hoche la tête en se pelotonnant dans mes bras. Je m'adosse au mur, caressant distraitement son bras.
- J'arrête pas de me dire qu'elle a une idée derrière la tête. Et puis d'un côté qu'elle serait une grosse force en plus.
- On y est pas encore, je chuchote en glissant mes doigts dans ses cheveux.
Nous restons comme ça encore un moment. Le silence nous enveloppe tel une couverture. Pas besoin de parler. Nous sommes ensemble dans ce cauchemars qui prendra bientôt fin.
- Tu es sûr de ne pas vouloir remonter avec nous ? Cassie chuchote alors d'une petite voix suppliante, déchirant notre mince silence. Je pourrais t'effacer la mémoire s'il le faut vraiment, avant de partir.
- Pour la millième fois, tu ne sais pas si il sera capable de retrouver toutes les infos dans ma tête, je réponds.
Elle se redresse légèrement pour me regarder de ses magnifiques yeux bicolores.
- Tu nous manques là-haut, tu me manques, elle m'avoue à nouveau comme hier et le jour d'avant.
Je lui souris tendrement. L'embrasse avec douceur avant de murmurer dans un souffle.
- Encore trois semaines Cassie, trois semaine et ce sera fini.
Pdv Cassie :
Je verrouille la porte de Tyler derrière moi en soupirant et repars lentement vers les étages supérieurs.
Quand la porte de l'ascenseur s'ouvre je m'engage dans le couloir pour rejoindre les autres à la salle de contrôle pour une énième réunion d'organisation.
J'entre sans toquer, mauvaise habitude que j'ai récupéré de Joshua qui est d'ailleurs installé avec Lyze et Marine à la grande table. Ambre discute avec Hugo devant une carte du secteur F affichée sur le grand écran. Noëlie est assise seule au bout de la table. A l'écart. Observant tout le monde d'un regard neutre.
- Bon j'ai encore tenté il ne veut rien entendre, il est toujours persuadé que c'est dangereux de lui faire part du plan, dis-je en m'asseyant moi aussi à la grande table de réunion.
-C'est pas plus mal, commente Ambre qui s'était tournée vers moi avec Hugo, je suis d'accord avec lui on ne connait pas les capacités exactes de ce psycho et Tyler ne s'en rappelle pas. Et même si tu lui as déjà exposé le plan, il a choisi de ne pas suivre l'évolution et les détails et ça se respecte et c'est meme une bonne stratégie.
Je soupire sachant pertinemment qu'elle a raison. Mais je ne peux m'empêcher de vouloir Tyler avec nous. Les décisions doivent lui revenir autant qu'à nous si ce n'est plus.
- Bref, Hugo ça donne quoi ?, demandé-je pour changer de sujet.
- Alors, Ambre repars demain avec Josh' pour entraîner quelques personnes chez eux. Lyze va se charger de continuer à entraîner les métamorphes...
- Caméléons, le coupa Josh'.
Hugo soupire en levant les yeux au ciel.
- Les caméléons, merci pour cette remarque pertinente. À part ça je suis toujours en contact avec la résistance du C, mais nous n'avons toujours pas réussit à contacter les secteurs M et S.
Je hoche la tête, assimilant les infos. Je me tourne vers Lyze.
- Lyze tu t'en sors maintenant avec la formation de mirages ?, lui demandé-je.
- Tu imagines pas les progrès qu'on a fait ! Tu te souviens quand Josh' disait qu'il ne pouvait modifier que des choses qui avaient déjà une forme physique ?, me demande-t-elle toute excitée.
J'ai à peine hoché la tête que Josh' prend la parole.
- Maintenant on arrive à faire onduler l'air et à modifier des atomes quelconques sans même qu'ils n'aient une organisation d'origine particulière !
Et pour allier paroles et actions il fixe le centre de la table vide. L'air semble onduler une demie seconde. Et, là où auparavant il n'y avait rien, se trouve à présent une radio WorldCenter plus vraie que nature.
- Vous. Êtes. Géniaux ! Dis-je impressionnée.
Au moins un truc qui avance, commente conscience d'humeur pessimiste.
- Par contre faut vraiment avoir une image précise en-tête, dit Lyze en rigolant.
Josh' tire la langue face à sa remarque qu'eux seuls semblent comprendre.
- Oui mais ça nous donne un avantage énorme ! Rien que pour passer des caméras de sécurité sans êtres vus !, fit remarquer Marine.
Je hoche vivement la tête. Réfléchissant à d'autres points à soulever.
- Au sujet de la résistance du C tu peux développer Hugo ?, demandé-je.
Il m'explique alors qu'ils ne sont qu'une petite cinquantaine dont la plupart sont des enfants. Le peu de jeunes adultes parmis eux sont motivés à nous aider et s'entraînent actuellement avec les deux psychos de leur groupe. Deux psychos. Des chanceux comme nous.
- D'accord, tu les tiendras bien au courant de l'avancement de la situation. Pour nous, je pense que dans la semaine prochaine nous devrons faire une sortie dans un camp WC en petit groupe pour aller leur voler du matériel. Comme Ambre et son groupe font, dis-je en désignant l'intéressée.
Je regarde mes amis un petit moment, leurs yeux sont fixés sur moi comme si j'étais la réponse à tous nos problèmes. Sans même s'en rendre compte il reposent tous leurs espoirs de survie sur ma simple personne en ce moment même.
- On va y arriver. J'en suis certaine.
Absolument pas !, me crie conscience en exprimant son incertitude grandissante.
Ils me regardent. Je les regarde. Nous nous regardons. Le silence est lourd de sens. Tous le monde essaie de garde la tête haute mais au fond la peur empeste dans la pièce.
- J'ai confiance en nous. On va récupérer notre monde.