Nous arrivâmes le matin à Teiji, le soleil n'était pleinement levé que depuis deux heures.
Hoseok m'avait adressé un bonne nuit avant d'aller se coucher le second soir, et il avait arrêté de complètement m'ignorer pendant la dernière partie du voyage, mais je savais que nous allions devoir discuter une fois rentrés.
Nous y étions presque. Nous avions déposé Namjoon, Taehyung et le jeune Jungkook en centre ville pour qu'ils puissent aller à l'Épiphanie un peu avant l'ouverture et nous n'étions plus très loin de la ferme.
Quand cette dernière apparut au loin, Daejin sembla se détendre et laissa s'étirer un sourire sur son visage.
- Ne le prenez pas mal les enfants, j'aime voyager avec vous, mais je suis quand même content de rentrer à la maison et que tout ça soit derrière nous.
Je le comprenais, j'étais aussi heureux de pouvoir aller de l'avant sans être sans arrêt ramené en arrière par la vision de Bongsoo enfermé ou torturé par des soldats de la Nation du Feu.
Je n'avais pas retrouvé mon frère, je m'en étais libéré, et même si j'étais triste que les choses ne se soient pas mieux terminées entre nous, je n'étais plus accablé.
Nous descendîmes de la charrette et tout le monde aida un peu au déchargement et à l'entretien des roues et des chevautruches, Madame Jung sortant même de la maison pour venir nous étreindre tous les quatre chacun notre tour et mettre la main à la pâte.
Une heure plus tard, nous étions tous assis autour de la table.
Je comptais m'expliquer durant le repas du soir, mais j'avais oublié un léger détail.
Léger détail nommé Minjee, qui était actuellement en train de nous servir à manger et qui ne savait rien du tout des révélations que j'avais fait malgré moi aux autres.
Sauf que la première fois, je n'avais pas eu à trouver comment aborder le sujet, j'avais juste suivi le mouvement et essayé de me justifier.
Tout le monde me jetait de petits regard à la dérobée, attendant probablement que je parle mais ne voulant pas commencer devant Madame Jung.
Le message était clair, c'était à moi de le faire, et personne ne m'aiderait.
Je me raclai la gorge et lorgnant sur mon assiette et reposai ma cuillère, la gorge momentanément trop serrée pour avaler ma soupe.
Je me donnai un peu de courage en me disant qu'après cela, je serais définitivement débarrassé de tous les mensonges dans lesquels je m'étais emmêlé depuis ma fuite d'Okara.
- Minjee ? demandai-je d'une petite voix.
La mère de famille se tourna vers moi et sembla remarquer la drôle d'ambiance qui planait sur la table. Elle pinça les lèvres avant de répondre :
- Vous n'avez pas réussi c'est ça ? Je n'osais pas demander...
- Si, il est libre maintenant et tout s'est bien passé. Mais il ne veut plus jamais me revoir.
Un rire nerveux m'échappa et je jetai rapidement un coup d'œil à Jimin pour me donner du courage. Ce dernier m'a dressa un léger sourire d'encouragement.
- Pourquoi ? s'enquit Madame Jung.
- Parce que je suis un maître du feu.
Il y eut quelques secondes de flottement et tout le monde arrêta de manger.
Jimin avança doucement sa main vers moi et ses doigts effleurèrent les miens.
Quand j'eus repris mon souffle correctement, je commençai à raconter toute l'histoire.
Comment j'avais malheureusement découvert que j'avais une maîtrise à un âge incroyablement tardif à force de la refouler inconsciemment, la mort de ma mère, ma fuite, mon arrivée ici, les raisons qui m'avaient poussé à mentir...
Pour ces dernières, je me tournai tout particulièrement vers Hoseok qui écoutait attentivement entre sa mère et son cousin.
- Je suis vraiment désolé, je n'avais connu jusqu'ici que des gens qui détestaient les maîtres du feu, et je me sentais tellement coupable pour ce que j'avais fait... Pour moi c'était inconcevable qu'on m'accepte. Que des gens aussi biens que vous m'acceptent...
Le jeune homme secoua la tête, le regard triste.
- Le principal c'est que tu aies fini par te sentir assez à l'aise avec nous pour tout nous dire, arrête de t'excuser.
J'acquiesçai et soupirai silencieusement de soulagement lorsque l'aîné de la famille releva la tête vers moi et m'adressa un sourire.
- Et bois ta soupe aussi, ajouta-t-il, c'est pas bon quand c'est froid.
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Namjoon n'allait sûrement pas tarder à rentrer de chez Taehyung où Jungkook s'était installé, et Jimin et moi l'attendions dans le salon.
Daejin était allé se coucher tôt avec sa femme pour récupérer du voyage et Hoseok ne dormait probablement pas encore, mais il était dans sa chambre à l'autre bout de la maison.
Nous avions donc le champ parfaitement libre pour laisser tomber quelques règles de pudeur.
J'étais à moitié allongé sur le canapé depuis que Jimin m'avait fait tomber en arrière pour se servir de moi comme d'un futon et il m'embrassait doucement depuis une minute, nos ventres montant et descendant à l'unisson au rythme de nos respirations.
Il arrêta d'explorer mes lèvres une seconde et se releva pour planter ses yeux plissés en demi lune dans les miens.
- Tu sais Yoongi... Ta maîtrise du feu peut être vraiment sexy.
Mes yeux s'agrandirent d'eux même. J'avais maintenant l'habitude que Jimin se montre un peu plus direct dans ses mots mais je n'aurais pas cru l'entendre dire une chose pareille un jour.
- Pardon ?
- Quand Bongsoo a levé la main sur moi, expliqua-t-il en posant le menton sur sa main, ajoutant un peu de poids sur mon épaule.
Je passai doucement le pouce sur sa lèvre, fonçant légèrement les sourcils en voyant à nouveau la petite marque qui y persistait.
J'avais vu rouge immédiatement, dès que Bongsoo s'était permis de le toucher.
Je n'avais jamais été comme ça avec personne, je n'avais jamais eu personne à protéger, personne que j'aime assez pour avoir envie de le défendre. Les seules personnes de mon entourage jusqu'à présent ne voulaient pas de mon aide, ou alors faisait de moi la victime de leur mauvaise humeur.
- J'étais en colère...
- Je t'avais encore jamais vu en colère.
Je ne comprenais pas trop ce que la rage pouvait avoir de sexy. Alors j'essayai une seconde d'imaginer nos rôles inversés et Jimin bondissant sur Bongsoo pour me défendre.
Bon, d'accord, ça faisait sans doute son petit effet.
Je laissai échapper un souffle amusé et le serrai contre moi comme une peluche, enfouissant mon nez dans ses cheveux en ignorant ses protestations. Bien sûr que non, je ne l'étouffais pas.
- Je t'aime.
Cette fois-ci il força sur mes bras pour que je le relâche et il se redressa juste devant moi visage.
Il ne dit rien, se contentant juste de me fixer.
- Qu'est-ce qu'il y a ? finis-je par demander.
Il se mordit légèrement la lèvre, mais l'intensité de son regard ne faiblit pas d'un iota.
- Moi aussi. Et je veux pas te perdre Yoongi...
J'allais lui demander ce qu'il entendait par là, et puis je me souvins de notre conversation dans la tente et mes sourcils se froncèrent d'eux même.
- Je ne vais pas partir, je te l'ai dit...
- Je sais. Je sais bien que tu n'iras pas, mais entre ton frère, ton père, ta maîtrise du feu, les gens de ton ancien village,...
Il prit une courte inspiration, remarquant qu'il était en train de se laisser emporter par ses émotions.
- On est en temps de guerre, il y a tellement de choses qui peuvent arriver, des choses qu'on ne soupçonne pas. Je veux pas... Je veux pas revivre ça...
Évidemment, quand la vie vous avait tout arraché comme à Jimin, lui refaire confiance était délicat. Je comprenais ses angoisses, mais je ne pouvais pas y faire grand chose.
J'allais essayer de dire quelque chose lorsque ses lèvres s'écrasèrent à nouveau sur les miennes, plus pressantes.
Je laissai échapper un soupir lorsque tout son corps se colla contre le mien d'une façon beaucoup moins innocente que tout à l'heure.
Il maltraitait mes lèvres sans pitié et ses mains commencèrent à explorer mon corps.
J'attrapai ses poignets pour l'empêcher de descendre trop bas et me faire perdre ma concentration, il fallait que je lui dise quelque chose.
Je parvins à rompre notre baiser à regrets et l'écartai légèrement.
Son visage haletant et ses yeux larmoyants et voilés manquèrent de me faire baisser les bras, mais je ne pouvais pas le laisser faire...
- Jimin... Pas comme ça...
- On peut aller dans ta chambre si tu veux, ou dans la mienne.
Ses quelques larmes devinrent dizaines et il perdit le fil de sa phrase, me confortant dans mes résolutions.
- Je veux pas qu'on le fasse parce que tu as peur. Ou... Parce qu'il te manque.
Jimin laissa retomber son front sur ma poitrine et cessa de bouger, pleurant juste silencieusement dans mes bras.
Je ne voulais pas qu'il oublie totalement Younghyun, et il le savait, mais je ne voulais pas non plus qu'il s'offre à moi en étant chamboulé à ce point. Je ne voulais pas qu'il puisse regretter quoi que ce soit plus tard.
Je voulais bien aller plus loin et l'aider à penser ses blessures de cette manière, mais pas avec un Jimin émotionnellement fragile comme il l'était maintenant.
- Tu m'avais dit que tu me parlerais de lui... murmurai-je en lui caressant le dos. Tu veux le faire maintenant ?
Le jeune maître de l'eau hocha la tête contre moi et se redressa légèrement, me permettant de presque m'asseoir devant lui sans pour autant se détacher de moi.
- Comment vous vous êtes rencontrés ?
Jimin passa le dos de ses mains contre ses yeux humides et renifla légèrement.
- Sa mère était une guérisseuse renommée dans la tribu, un jour elle a soigné la mienne et j'ai attendu avec lui dans la salle d'attente.
Jimin eut un sourire triste au milieu de ses larmes.
- Il paraît que je lui ai plu tout de suite, moi je l'ai laissé bataillé quelques années. On était jeunes et je n'avais que mon apprentissage en tête alors j'évitais les distractions.
J'imaginai Jimin en jeune élève modèle, apprenant aux côtés de Jinyoung, se désintéressant de tous les prétendants qui lui tournaient autour et qu'il devait pourtant attirer comme des mouches.
Je passai ma main dans ses cheveux pour le ramener contre mon épaule et il attrapa l'autre entre ses doigts.
- Il n'avait pas de maîtrise et pourtant c'était une personne très forte, autant physiquement que mentalement, il l'a toujours été beaucoup plus que moi. Avant même de l'aimer, je lui faisais une confiance aveugle. Je lui ai confié ma mère, ma sœur et mes frères sans hésitation ce jour là...
Il s'arrêta, tremblant légèrement, et je serrai doucement sa main dans la mienne.
Il continua à parler pendant un long moment, ses reniflements achevant de se calmer. Il passa à des détails de plus en plus infimes, me raconta des anectodes sur son enfance, sa famille, sa vie.
Parfois une larme silencieuse s'échappait à nouveau, parfois il s'arrêtait et se taisait pendant un long moment avant de reprendre. Parfois, il me posait quelques questions, me poussant à raconter un peu à mon tour.
Une fois ou deux il laissa échapper un rire, et un sourire triste ornait son visage quand il eut terminé.
- Merci Yoongi.
- Pour quoi ?
- Pour un paquet de choses, mais surtout pour ne pas me demander d'oublier pour aller de l'avant comme d'autres ont pu le faire.
Je serrai légèrement les mâchoires, agacé par ces personnes sans même les connaître.
- Les autres sont des imbéciles.
- C'est bien connu, plaisanta Jimin, seul le grand Sim Yoongi a le privilège de disposer d'un cerveau.
Je ris bêtement une seconde, me laissant emporter par le maître de l'eau, mais mon hilarité retomba bien vite.
- Ce nom...
- Tu préférerais Min ?
- Certainement pas, gromelai-je, je n'ai pas envie de m'associer avec un type pareil. Mais pas sûr que la famille Sim soit vraiment appropriée non plus vu que ma mère m'a renié avant de mourir et que mon frère semble suivre le mouvement.
Jimin continua de jouer avec mes doigts quelques secondes avant de venir déposer un léger baiser sur le haut de ma joue, presque sur ma tempe, près de mon oreille où il souffla quelques mots.
- Si tu veux utiliser Park, je peux te le prêter.
Son grand sourire me contamina à nouveau et je secouai la tête, faisant mine d'être exaspéré par ses bêtises.
- Ou Jung, ajouta-t-il, je suis sûr que tante Minjee se ferait un plaisir de t'adopter.
- Sûrement, mais pour le moment, je serai Yoongi tout court.
Je relevai nos mains liées pour pouvoir les observer.
- Mais j'avoue que j'aime bien la sonorité de Park Yoongi, j'y songerai.
Le maître de l'eau rougit à vue d'œil et me donna une petite tape sur le dessus de la tête, me traitant affectueusement d'imbécile.
Il avait le droit de suggérer des choses mais pas moi ?
Je le renversai sur le canapé et nous retrouvâmes nos positions de tout à l'heure, à ceci près que c'était maintenant moi qui écrasait Jimin, la tête posée sur son ventre.
J'allais enrouler mes bras autour de sa taille mais mon élan d'affection fut brusquement coupé par la porte d'entrée qui s'ouvrit avec un peu trop de force pour une arrivée à cette heure tardive.
Je lâchai immédiatement Jimin qui se tourna vers son cousin, tout comme moi.
- Nam ! s'exclama le maître de l'eau en se levant précipitamment, m'envoyant pratiquement valser sur le canapé.
Il était trempé et avait le visage tout sale, comme s'il s'était frotté la peau avec du charbon ou de la terre.
Jimin l'attrapa tout de suite par les épaules et l'examina sous tous les angles, inquiets.
Namjoon le rassura d'un petit signe de main, secouant doucement la tête.
- J'ai rien, t'en fais pas pour moi.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? demandai-je en me levant à mon tour.
Les yeux du maître de la terre se voilèrent une seconde et il prit le temps de refermer la porte avant de répondre, semblant chercher ses mots. Il bougeait son corps avec difficulté, comme s'il était plein de courbatures.
Quand il se retourna vers nous, l'air grave, il soupira.
- L'Épiphanie a brûlé.