Il faut que je trouve où ils font leurs combats. Parce que je me doute bien qu'ils ne les font pas dans la rue. Peut-être qu'ils ont une salle en dehors de la ville ? Un lieu abandonné ou quelque chose comme ça je pense. Je réfléchis à un potentiel lieu mais le seul endroit qui me vient est la base militaire abandonnée au nord de la ville. Ça m'étonnerait que ce soit là- bas. Beaucoup trop voyant. N'ayant rien de mieux à faire je décide tout de même de m'y rendre. Je monte sur ma moto et pars en direction de la base.
Après une dizaine de minutes de marche, j'arrive et comme je le pensais l'ambiance est digne d'un film d'horreur. Il fait nuit, mais il y a peu de nuages laissant filtrer la lumière de la lune. Je me tiens devant l'immense bâtiment, sinistre et abandonné. Comme je m'y attendais il n'y a personne, qu'est-ce qu'il m'a pris de venir ici ? Comme s'ils allaient se mettre dans un endroit aussi voyant. La base est proche d'une petite forêt dans laquelle les militaires s'entraînaient. Je n'ai pas particulièrement peur malgré le décor qui m'entoure alors j'avance vers la grande porte métallique du bâtiment principal. Il y a en tout quatre bâtiments.
Le premier est le bâtiment principal, c'est le plus grand qui servait de réfectoire, de bureaux pour les officiers supérieurs et il contenait quelques salles pour entreposer les armes. Le second bâtiment est le dortoir des soldats, c'est le plus petit des quatre blocs. Le troisième bâtiment est une sorte de gymnase qui servait aux soldats pour l'entraînement. Et enfin le dernier bloc est le hangar à véhicules où comme son nom l'indique, il y avait les avions et les voitures militaires.
La base a fermé car elle est trop éloignée des grandes villes et des autres bases. De plus ils avaient peu de travail dans la région qui est assez calme. Détruire les blocs était une perte de temps et d'argent alors ils les ont laissés mais maintenant c'est complètement différent de quand j'étais venue la dernière fois. Je ne suis venue ici qu'une seule fois avec papa qui avait une affaire à régler. La base était pleine de vie, des soldats couraient dans tous les sens, on entendait les généraux hurler leurs ordres à travers la foule de personnes devant eux. Maintenant, la nature a repris ses droits et des plantes ont poussé à travers le béton. L'endroit paraît vide et mort.
Je m'avance vers les dortoirs après avoir traversé le bâtiment principal qui, comme je le pensais, était vide. Je pousse la petite porte des dortoirs et hésite à entrer. Ce bâtiment-ci est très différent des autres il a servi pendant la grande guerre des loups. Mon regard se vide, cet endroit a une signification particulière pour tous les loups mais surtout pour ceux qui sont comme moi. Un long couloir s'offre à moi avec de chaque côté 5 portes puis en face de moi se trouve l'escalier. Je fais les quelques pas qui me séparent de la première porte et pose ma main sur la poignée.
Je ne sais pas exactement pourquoi mon instinct me pousse à venir explorer cet endroit parce que les combats de boxe n'y seront évidemment pas. Cependant même si tout à été rénové après la guerre, j'ai encore l'impression d'entendre la douleur des prisonniers, le son des outils. Je sens la terreur, l'abandon, le sang. Je vois les traces sur les murs du passage de centaines de loups, tués au profit des autres. Une nausée me prend mais je la réprime et pousse la première porte.
Des lits, rien de particulier, simplement des lits. Je le savais, c'est un dortoir, plus ce que c'était avant. Je continue mon exploration de porte en porte jusqu'à l'escalier que je gravis en quelques secondes. De même, cinq portes de chaque côté d'un long couloir. Au bout de ce couloir au lieu de trouver l'escalier il y a aussi une porte. Cette fois-ci je ne prends pas le temps de faire chaque salle et pars directement à la porte du fond. J'ai le pressentiment qu'elle est différente, mais en quoi je ne sais pas. Je pose ma main sur la poignée et l'abaisse doucement, pas rassurée par le sentiment de mal-être qui a pris possession de moi.
La porte émet un grincement avant de s'ouvrir lentement devant moi. Je recule de quelques pas, prête à toute éventualité mais rien ne se passe. Malgré la pénombre qui règne je vois clairement que c'est un débarras. Un simple débarras, mon cœur se remet à battre à un rythme normal. J'observe une seconde ce qu'il s'y trouve, rien de bien intéressant, de l'équipement militaire en piteux état et quelques cartons. J'allais partir quand l'un d'eux attire mon attention. Il est en dessous de la pile mais l'inscription : "D'origine" y est inscrite.
Je sors tant bien que mal le carton sans faire tomber tous les autres et l'ouvre délicatement. Je comprends vite à quoi l'inscription fait référence, dans la boîte des dizaines de papiers très abîmés. Ce doit être les restes de la guerre. Peut-être que quand ils ont récupéré le bâtiment, il restait quelques objets et en l'occurrence ces papiers. J'en prends délicatement dans mes mains. Parmi les feuilles certaines sont complètement illisibles. Mais j'arrive finalement à en trouver une en meilleur état : "Pensionnaires du deuxième étage".
Je ne sais pas tout sur cet endroit mais si j'en crois ce que papa m'a raconté, ils enfermaient provisoirement les prisonniers au deuxième étage. Et ils en finissaient au premier. Le terme "pensionnaire" n'est donc pas le plus approprié. Je continue de fouiller dans les papiers et tombe sur des lettres. Des lettres des prisonniers. J'en regarde quelques-unes avant d'en trouver une plus lisible:
"Ma chère Amélie,
Si je t'écris aujourd'hui ce n'est malheureusement pas pour te donner de bonnes nouvelles. Je pense d'ailleurs que cette lettre est la dernière que je pourrai t'envoyer. L'espoir ici n'est plus permis, les cris, les pleurs, le bruit incessant des pas. Jamais je ne pourrai les oublier, même si je sortais un jour, je ne vivrais plus jamais comme avant. Je sais que la mort est proche, elle est partout autour de moi, de nous. Aujourd'hui je suis nostalgique, je me souviens de ce jour, il y 6 ans quand je t'ai vue pour la première fois. Tu étais belle, comme je jour, plus rayonnante que le soleil. C'est ce que j'aurais pu dire mais tu étais tellement plus que ça. Toi, ton sourire, ta bonne humeur, tes petites colères et ta tête le matin quand tu me souhaitais une bonne journée, c'est tout ça qui m'a sorti de ma torpeur, des ténèbres qui m'entouraient. Tu m'as sauvé la vie alors que je n'avais rien à faire dans la tienne. Tu m'as aimé comme j'étais, chéri quand j'allais mal, et malheureusement je sais que tu vas me pleurer quand je ne serai plus là. Je t'aime tellement, si tu savais à quel point, et je me sens terriblement mal de te laisser ainsi. Je n'ai même pas été capable de réaliser ton rêve, fonder une famille avec toi. Il y aurait eu une autre personne dans ma vie que j'aurais aimé au moins autant que toi et ce petit bonhomme ou cette adorable jeune fille t'aurait appelée maman. Je suis pitoyable dans ce cachot, faible et affamé mais je vois ton sourire dans mes rêves et c'est bien la seule chose qui m'empêche de devenir fou. Tout cela est bientôt terminé, je le sais, je le sens. Une nouvelle ère commencera et je compte sur toi pour vivre pour nous deux. Prends soin de la meute, tu es leur Luna et bientôt leur Alpha alors sois forte et fais-leur oublier cette stupide guerre. N'oublie jamais que je serai toujours avec toi, dans ton cœur et je vivrai à travers tes yeux. Trouve une autre personne qui méritera ton amour, réalise ton rêve avec elle et tu feras de moi le plus heureux des hommes. Rien ne peut me faire plus plaisir que de voir la femme que j'aime épanouie. N'ai pas peur, tu seras la plus parfaite des mamans et la plus adorable des femmes, n'en doute jamais. Nous nous reverrons un jour j'en suis persuadé, alors ne perds pas espoir, et retrouvons-nous dans quelques années au milieu des anges. Je ne sais pas si cette lettre te parviendra mais je l'espère de tout cœur. S'il y a une dernière chose que je peux te dire avant de partir alors sache que je t'aime comme jamais je n'ai aimé personne. Je t'aimais, à l'instant ou je t'ai vue. Je t'aimerai, pour toujours et à jamais. Tu es mon cœur, mon âme, mon oxygène et par-dessus tout, tu étais ma raison de vivre.
Je t'aime,
William Carter.
Une larme dévale lentement ma joue, j'ai l'impression de sentir tout l'amour de cet homme imprimé sur le papier. Pourquoi, pourquoi la vie est-elle si injuste ? Jamais sa femme n'a reçu cette lettre. Elle devait l'attendre, sans perdre espoir, le cœur brisé. Et quand il est mort.... Je n'ose même pas imaginer sa souffrance. Elle a dû mourir quelques temps plus tard de chagrin.
- Quelle mort horrible, Je chuchote prise d'un frisson.
Je regarde une nouvelle fois la lettre plus en détail. Avec elle, il y à un autre papier, plus altéré par le temps mais toujours en état. Je le déplie délicatement et mes larmes recommencent à couler. Un dessin, celui d'une femme magnifique aux traits fins. D'une précision hors norme, on croirait presque qu'elle est vivante. Il ne l'a jamais oubliée, pas une seule fois son visage n'a quitté ses pensées. Elle était comme ancrée dans sa chair et dans son âme. Ce sourire étincelant qu'elle porte sur le dessin la fait paraître tellement joyeuse alors qu'elle devait le pleurer. Un dernier hommage je suppose.
C'est ça le lien d'âme-sœur ? Voir le visage de son/sa conjointe jusqu'à ses derniers instants. Ça fait peur mais c'est une telle preuve d'amour... Je regarde à nouveau la lettre et je tombe sur le nom de l'homme, William Carter pourquoi ce nom me dit quelque chose ? Sa femme s'appelle Amélie, Amélie Carter... Je réfléchis quelques secondes avant que mon cerveau ne trouve la solution. Amélie Carter est le nom qui était inscrit sur la tombe que nous avons découverte avec Kelly. Incroyable... Je récupère la lettre et la mets dans ma poche.
J'irai demain la déposer sur sa tombe, après tout, elle lui revient de droit. Je me relève et sort du bâtiment. À l'instant où mon corps n'y est plus, mon cœur accélère. Je fais immédiatement quelques pas en arrière et me cache derrière la grande porte. Des pas, légers, calmes. Il est seul, et il marche tranquillement au milieu de l'allée. Il ne m'a pas vue, ni entendue. Je me demande ce qu'il fait là...
J'attends qu'il ait dépassé mon bâtiment pour passer ma tête hors de ma cachette et l'observer. Il est grand, vêtu d'un simple t-shirt rouge laissant deviner sa musculature et d'un pantalon gris. Ses cheveux blonds cendrés coupés assez court et ses yeux en amande noirs comme l'encre lui donnent un air charmeur et bagarreur. Intéressant... Peut-être qu'il peut me conduire jusqu'aux combats illégaux. Il n'a pas l'air d'être un loup mais sa démarche est presque féline, il ne fait pas de bruit et donne l'impression de voler.
Je sors de ma cachette et vais, sans faire de bruit, dans l'allée derrière lui. Je tape légèrement le sol de façon à ce qu'il me remarque et commence à marcher vers une destination aléatoire d'un air naturel et détendu. Comme je le pensais il se retourne prêt à se défendre au moindre mouvement suspect. Je suis presque sûre qu'il a les infos qu'il me faut. Sa carrure ne trompe pas, c'est celle d'un combattant. Je lui lance un regard plein d'incompréhension pour lui faire croire que je ne sais pas ce qu'il se passe. Puis passe tranquillement à côté de lui, qui est arrêté.
- Qui es-tu ? Il demande d'une voix grave et neutre en se retournant vers moi.
- Une simple passante à la recherche d'un divertissement. Je réponds sur le même ton.
- Un divertissement ?
- Oui, quelque chose pour m'occuper et me défouler... Vous n'avez pas une idée ? Je demande en faisant un sourire innocent.
- Je ne pense pas que ce genre de pratiques soient faites pour toi gamine. Rentre chez toi.
- Je peux faire quelque chose pour vous convaincre de ma bonne volonté ?
Il lève un sourcil amusé tout en continuant de me fixer. Je n'ai pas perdu mon grand sourire, ce qui semble beaucoup l'amuser.
- Très bien, alors montre-moi ce que tu sais faire.
Je me place tranquillement face à lui en position de combat. Il se met en position de défense et je m'élance sur lui. Je feinte un coup de poing venant de la droite et le frappe au visage de ma main gauche. Il recule de quelques pas en se redressant légèrement.
- Pas mal, je dois dire que je t'ai sous-estimée. Tu peux venir mais que ce soit clair, ce ne sera pas aussi facile de leur mettre des coups là-bas.
Je souris de plus belle. J'ai gagné, je vais pouvoir accéder au combats illégaux. Il commence à marcher m'intimant de le suivre, ce que je fais d'un pas léger qui le fais sourire. Je pense qu'on va bien s'entendre lui et moi.
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Fin du chapitre 26, bientôt la découverte du monde des combats illégaux pour Emy.
Bisous à tous et à la semaine prochaine ! <3