La légende des deux royaumes...

By Miss-Laure

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" Lorsque la Lumière sombrera et que l'Obscurité périra Le doute et la peur apparaitront. En ces... More

Chapitre 1 - Partie 1
Chapitre 1 - Partie 2
Chapitre 2 - Partie 1
Chapitre 2 - Partie 2
Chapitre 3 - Partie 1
Chapitre 3 - Partie 2
Chapitre 3 - Partie 3
Chapitre 4 - Partie 1
Chapitre 4 - Partie 2
Chapitre 5 - Partie 1
Chapitre 5 - Partie 2
Chapitre 6 - Partie 1
Chapitre 6 - Partie 2
Chapitre 7 - Partie 1
Chapitre 7 - Partie 2
Chapitre 8 - Partie 1
Chapitre 8 - Partie 2
Chapitre 9 - Partie 1
Chapitre 9 - Partie 2
Chapitre 10 - Partie 1
Chapitre 10 - Partie 2
Chapitre 11 - Partie 1
Chapitre 11 - partie 2
Chapitre 12 - Partie 1
Chapitre 12 - Partie 2
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15 - Partie 1
Chapitre 15 - Partie 2
Chapitre 16 - Partie 1
Chapitre 16 - Partie 2
Chapitre 17 - Partie 1
Chapitre 17 - Partie 2
Chapitre 18
Chapitre 19 - partie 1
Chapitre 19 - Partie 2
Chapitre 20 - Partie 1
Chapitre 20 - Partie 2
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Épilogue de la 1ère partie
Blabla
Chapitre 1 - Partie 1
Chapitre 1 - Partie 2
Chapitre 2 - Partie 1
Chapitre 2 - Partie 2
Chapitre 3 - Partie 1
Chapitre 3 - Partie 2
Chapitre 4 - Partie 1
Chapitre 4 - Partie 2
Chapitre 5 - Partie 1
Chapitre 5 - Partie 2
Chapitre 6
Chapitre 7 - Partie 1
Chapitre 7 - Partie 2
Chapitre 8 - Partie 1
Chapitre 8 - Partie 2
Chapitre 9 - Partie 1
Chapitre 9 - Partie 2
Chapitre 10 - Partie 1
Chapitre 10 - Partie 2
Nouvelles
C'est parti !
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 21
Epilogue
Blabla de fin

Chapitre 20

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By Miss-Laure

Erid reprenait des forces, toujours allongé sur la couchette de Meij. La cabine était sommaire, mais fonctionnelle. Près d'une légère ouverture vitrée se tenait un bureau avec quelques papiers dessus, à côté duquel se dressait une grande armoire certainement fixée au sol et à la paroi. Il y avait aussi une malle et quelques sièges. Rien de superflu, même pour un roi, ce qui signifiait qu'il devait avoir l'habitude de naviguer.

Erid observait ce lieu avec curiosité, lui qui n'avait pris la mer qu'une seule fois se demandait quel sentiment on pouvait ressentir au milieu d'une vaste étendue maritime avec pour seul horizon une surface bleutée. Son attention revint à quai lorsque son regard s'arrêta sur la princesse rousse. Elle l'attirait, comme la lumière attirait un papillon. Il y avait quelque chose dans ce visage farouche qui l'émouvait, une fragilité enfouie et bien cachée qu'il parvenait toutefois à déceler.

Il savait trop camoufler ses failles pour ne pas comprendre quand quelqu'un en faisait de même. Ces fêlures lui saisissaient les tripes. Il sourit, secoua la tête pour se changer les idées.

Percevant son mouvement, Alhyx tourna le regard vers lui pour voir s'il n'avait besoin de rien. Elle semblait si hésitante derrière ses traits volontaires qu'Erid n'eut pas le cœur à la taquiner comme il le faisait avec tout le monde.

— Pourquoi, toi et ton frère, êtes-vous venus me chercher ?

— Parce que ton ami nous l'a demandé, répondit-elle vivement sur un ton brusque.

— Pourtant, tu n'as pas l'air de faire tout ce qu'on te dit.

— Qu'est-ce que ça peut te faire ? T'es vivant.

— Pardonne-moi, tempéra-t-il d'une voix douce et en souriant. Je ne voulais pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, je souhaitais juste comprendre ce qui t'avait poussé à sauver un inconnu.

Loin de la rassurer, Alhyx semblait hésiter encore plus. Elle n'était pas du genre à se confier, même auprès de ses frères. Meij devait lui tirer les vers du nez, seul Arhys parvenait à ses fins, mais il devait s'armer de patience. Erid sembla comprendre que ça la gênait de se dévoiler et battit en retraite.

— Ne t'en fais pas, si tu ne veux rien me dire, je comprends. Je voulais juste te remercier. Je te suis extrêmement reconnaissant tout comme j'apprécie que tu sois restée à mes côtés.

Pour une fois, Alhyx céda du terrain et détourna le regard. Ils restèrent silencieux quelques instants.

— Pourrait-on monter sur le pont ? finit-il par demander. Je m'inquiète du retour de Géron et sa famille et de Julyne et Luna.

— Pourquoi ? interrogea Alhyx à brûle pourpoint avant de se rendre compte de sa question.

Elle hésita quelques instants avant de reprendre plus hésitante :

— Pourquoi ça t'inquiète ?

— Parce qu'ils sont mes amis, expliqua patiemment Erid, comprenant que pour la princesse guerrière il devait s'agir de notions étrangères. Parce qu'il y a plusieurs enfants et que je m'inquiète pour eux, et parce que Luna est ma fille.

Alhyx lui jeta un regard perçant à la fin de cette phrase et il ne put s'empêcher d'ajouter :

— Ma fille adoptive. Son père était mon meilleur ami et il a été tué par Finwë. Océane... enfin Inwë l'a envoyée à l'abri et je l'ai recueillie et adoptée. Je la considère comme ma véritable fille.

Alhyx garda les sourcils froncés. Elle ne comprenait pas tout mais semblait percevoir combien cela était important pour lui. Elle vint l'aider à se mettre debout et, vacillant un peu au départ, Erid put rapidement avancer seul. Véritable miracle lorsque l'on repensait à son état quelques heures plus tôt.

On lui avait donné de nouveaux vêtements. Aux vues de la qualité et de la taille, il devait s'agir d'habits de Meij. Le pantalon était brun et la chemise, à manches amples, lie de vin, couleurs qu'il n'avait plus portées depuis une éternité. Il croisa son reflet dans un miroir et se sentit étranger à son propre corps. Sa barbe trop longue et ses cheveux hirsutes n'arrangèrent rien au malaise. Avec un lacet de cuir qu'il trouva sur la table, il s'attacha les cheveux sur la nuque, aplatit ses mèches folles.

Les mouvements de ses bras, tirant sur ses muscles encore endoloris, le firent grimacer, pourtant, la douleur n'avait rien en commun avec celle d'avant les soins d'Inwë. Sans elle, il serait mort ou impotent pour le reste de sa vie. Il avança en boitant, avec une raideur dans le genou qu'il ne pouvait presque plus plier. Cependant, à petit pas et sans se plaindre, il continua à marcher seul.

Alhyx le laissa tranquille, personne d'autre qu'elle ne pouvait mieux comprendre ce désir de se débrouiller sans aide. Il grimpa jusqu'au pont, s'agrippa tellement fort à la rambarde qu'il put presque y graver ses empreintes. Ses yeux se plissèrent à la faible lumière du jour qu'il n'avait pas revue depuis longtemps. Il resta un moment sans bouger pour s'adapter et reprendre un peu de forces.

Quand il put enfin ouvrir ses yeux en grand, il balaya les larmes de douleur, de joie et de reconnaissance d'être encore en vie, qui coulaient le long de ses joues et avança jusqu'au bastingage pour s'y accrocher. Il resta un moment à observer les alentours, le regard fermé.

Au loin, il voyait les hommes se battre dans un désordre total. Il entendait les hurlements, les heurts de métal. Pourtant, tout cela semblait chimérique, lui était là, sur un navire, aux côtés d'une ravissante jeune femme et ne risquait pas la moindre des choses. Il leva les yeux au ciel et aperçut la Lune qui rongeait le Soleil un peu plus à chaque minute. Il savait que Lysianna venait de mourir, mais il se demandait ce que pouvait bien signifier cet augure.

Encore une fois, il était à l'écart de toute chose. Et pourtant, cette fois non plus, il ne souhaitait pas intervenir alors que son frère et ses amis se trouvaient là-bas. La guerre n'était pas sa nature.

Cependant, malgré tous ses désirs, il se tourna vers Alhyx, observant son profil. Elle aussi semblait perdue face à cette vision. Mais pour elle il en allait autrement : elle aurait souhaité se retrouver sur le champ de bataille au milieu de cette frénésie guerrière. Sentant le regard d'Erid, elle se tourna vers lui et fit face à un sourire franc et épanoui.

— Quoi ? aboya-t-elle presque.

— C'est juste que je te vois pour la première fois à la lumière du jour, avec le vent qui joue dans tes cheveux comme j'aimerais le faire et je te trouve très belle, badina-t-il comme jamais.

Alhyx rougit, autant d'étonnement que de colère. Elle détourna vivement le visage et s'apprêtait à répliquer vertement, violemment, lorsqu'elle vit son frère arriver avec une troupe disparate autour de lui. Erid, qui les avait également vus arriver, s'avança vers la passerelle, soulagé de voir que tout le monde était en vie. Géron s'avança en premier avec son fils adoptif et un vieil homme qu'il fit assoir pour qu'il reprenne ses esprits. Ensuite vint Mina portant son dernier-né qui, après l'avoir salué, s'approcha de Keiran.

Puis vint Arhys portant Nora et Luna et quand cette dernière l'aperçut, elle bondit presque des bras du géant pour se jeter dans les siens. Il vacilla sous le choc, mais tint bon grâce au léger soutient d'Alhyx qui s'écarta immédiatement après. Erid enserra la petite dans ses bras alors qu'elle glissait la tête dans son cou, lui disant combien il lui avait manqué. Ce fut une véritable bouffée d'air pur pour lui. Rien d'autre n'avait de sens que la fillette qu'il tenait dans ses bras. Il l'embrassa affectueusement sur le front et la câlina avant d'apercevoir Julyne avec le petit Nolann qui s'avançait vers lui en souriant.

— Tu adoptes à nouveau ?

Elle ne dit rien mais le regarda avec tendresse.

— Comment te sens-tu ? questionna-t-il doucement en lui caressant la joue.

— Bien, plus de peur que de mal. Et toi ? Tu as l'air mal en point, Mina m'a raconté...

— Je vais bien, affirma-t-il sous le regard inquisiteur de son ex-compagne. Sérieusement, je vais bien. Je suis vivant et debout, vous êtes ici. Ça va.

Julyne le regarda, attendrie. Erid était du genre à enfouir les choses en lui jusqu'à ce qu'elles éclatent. En attendant ce jour, elle le crut. Elle s'éloigna pour rendre Nolann à ses parents. Le clan s'était rassemblé.

Alyse fit son apparition, à l'écart, intimidée et coupable tandis que Samios s'avança vers Julyne.

— Tout va bien ? s'enquit-il poliment, visiblement soucieux de son bien-être.

Elle hocha la tête en souriant avant de croiser le regard d'Erid qui lui fit les gros yeux, puis un clin d'œil qui ne manqua pas de la faire rire. Alhyx, qui venait de retrouver son frère, ne manqua pas l'échange entre les deux anciens amants et fronça les sourcils. Erid croisa son regard, interrogateur, mais elle se détourna.

Meij fit son apparition à ce moment-là, accompagné de l'un de ses informateurs qu'il avait envoyé discrètement au travers des camps. Il avait la mine tendue, ne laissant pas présager de bonnes nouvelles.

— Je suis content de vous voir sains et saufs, mais je dois vous parler. Si vous l'acceptez, je peux faire emmener les enfants dans ma cabine ?

— Je resterai avec eux, déclara Geosef, comprenant que l'heure était grave.

Il récupéra Garrett, tandis que Keiran, très responsable, en faisait de même avec Nolann. Les deux petites les suivirent et tous se tournèrent vers Meij une fois qu'ils eurent disparus dans la coque du navire.

— D'après mes informations, déclara Meij en sachant bien qu'il n'apportait pas la bonne parole. Finwë est mort. Mais il a réussi à tuer Fenhrir, et Gabriel et Inwë sont assez gravement blessés.

Tout le monde se figea, puis Géron resserra son étreinte sur son épouse. Samios pressa l'épaule de Julyne et Erid resta là, bras ballants.

— Je dois y aller ! Je dois les rejoindre.

— Attendez, l'interrompit Samios. Je sais que vous devez vous inquiéter pour votre frère et votre amie, mais Finwë est mort, nous devons en profiter pour faire plier les Seigneurs. S'ils savent qu'en face, plus personne ne gouverne, ils en profiteront.

— Gabriel et Inwë sont peut-être en train de mourir, je me fiche de tout cela.

— Erid... fit Julyne en venant déposer sa main sur son bras pour l'apaiser un peu. Pour nous aussi, ils sont des proches que nous ne voulons pas voir mourir. Mais Inwë voudrait que nous nous saisissions de cette occasion...

Erid la fixa, ne ployant pas. Finalement, ce fut qui Géron qui prit la parole.

— Je viendrai avec vous, déclara-t-il à Samios. Tous les deux, nous pourrons faire quelque chose.

— Laissez-moi venir aussi, fit Alyse, que tout le monde avait oubliée.

Elle avait le regard hagard, les bras serrés contre sa poitrine. Elle aussi était complètement perdue.

— Êtes-vous certaine de votre décision ?

— Laissez-moi convaincre mon père.

— Très bien, finit par céder Géron avant de se tourner vers sa femme. Va avec Erid, tu veux bien ?

— Je resterai avec les enfants, enchérit Julyne.

Mina hocha la tête

— Mon soigneur va vous accompagner, fit Meij à Erid.

— Quant à moi, déclara Arhys à Samios et Géron en recouvrant son visage avec son voile, je vous suis.

Alhyx se contenta de sortir le tissu, encore maculé du sang d'Erid, de sa ceinture pour en faire de même. Meij sourit mais de dit rien. D'un hochement de tête, il approuva le comportement de son frère et sa sœur et les envoya hors du navire, il avait lui aussi fait son choix depuis longtemps. Et ce choix se nommait Inwë.

Samios et Géron, accompagnés des jumeaux et d'Alyse, entrèrent dans le camp adverse. Peut-être que la rumeur de la mort du roi, la présence des deux guerriers masqués, ou celle de la fille du plus puissant seigneur, fit que personne ne les importuna. Rapidement, ils arrivèrent à la tente de commandement et y pénétrèrent après avoir écarté les gardes à l'entrée. Arhys et Alhyx se postèrent devant cette seule et unique issue.

Tandis que Samios et Géron firent face aux seigneurs, Alyse resta un peu en retrait, comme si elle tentait de se cacher. Alors que l'attention était portée sur les deux hommes, elle remarqua la dépouille de Finwë, sur une table à l'écart, le corps exsangue et pourtant maculé de son propre sang. Etouffant un sanglot, elle s'approcha de lui en tremblant avant de venir caresser sa joue. Personne ne sembla remarquer son manège, tous occupés à se faire face.

— Que venez-vous faire ici ? demanda Bertram, d'un ton présomptueux.

— Nous venons vous voir, au nom d'Inwë et du royaume de Somgysaï pour établir avec vous la fin du conflit, ainsi que votre reddition, déclara Samios sérieusement.

Quelques-uns s'esclaffèrent, d'autres murmurèrent sa traîtrise, certains restèrent silencieux, mais finalement, personne ne sembla le prendre au sérieux.

— Ecoutez, reprit Samios. Nous ne sommes pas là pour reprendre vos terres ou votre fortune. Finwë nous a menés dans une impasse, comme le prouve ce conflit. Pas seulement auprès de Somgysaï, mais également auprès de son propre peuple. Le château est entre leurs mains et ce qu'ils veulent, c'est une personne plus juste envers eux pour les gouverner. Nous pouvons le faire. Je sais que certains d'entre vous sont d'accord avec moi, les autres, il suffit de revoir votre position.

— Et si nous ne sommes pas d'accord ? fit Bertram.

— Alors je crains que cela ne signe votre fin.

Ce n'était pas véritablement une menace d'exécution. Inwë n'irait probablement pas jusqu'à les faire tuer, mais les emprisonner ou plus vraisemblablement les exiler, oui.

— Vous espérez nous effrayer ? lança Bertram en s'approchant d'eux.

Ni Samios ni Géron n'eurent le temps de réagir, que déjà, Alhyx dégainait son sabre pour le pointer sous son nez.

— Vous ne devriez pas sous-estimer ces deux personnes, fit Géron, prenant enfin la parole. J'ai vu de quoi elles étaient capables et croyez-moi, vous ne souhaitez pas le vérifier.

— Papa, ça suffit, finit enfin par intervenir Alyse.

Tout le monde se tourna vers elle, prenant conscience de sa présence. Elle se tenait auprès de Finwë, le visage ravagé par la douleur.

— Ils ont raison. Nous devons passer à autre chose. Finwë nous a fait des promesses que jamais il n'aurait tenu s'il avait été encore en vie. Nous avons été manipulés et nous le savons très bien tous les deux, fit-elle en pleurant. Et ne croyez pas que je me détourne de lui à peine après son trépas... Je l'aime encore de tout mon cœur.

Agacé par ses larmes et sa sensiblerie, Bertram semblait sur le point de réagir mais elle l'en empêcha.

— Ecoutez-moi bien, père. Vous m'avez vendue à lui, avec mon consentement, dans l'espoir d'un peu plus de pouvoir. Acceptez votre défaite comme j'ai accepté la mienne.

Puis elle s'adressa aux autres :

— Nous avons perdu. Vous le savez. Vous devriez limiter la casse. Arrêtez-vous avant que tout vous soit retiré. Ces hommes savent pardonner, alors écoutez-les.

Alors que Bertram allait répliquer, un autre seigneur prit la parole.

— Faîtes-nous part de vos propositions, nous verrons ce que nous aurons à répondre à cela.

Plusieurs l'approuvèrent et Bertram se rembrunit. Toutefois, Alyse vint se placer à ses côtés pour lui signifier que si elle l'avait contrée, elle ne restait pas moins sa fille. Géron fit signe à Alhyx qu'elle pouvait ranger son arme et il se plaça à côté de Samios, prêt à parlementer.

***

De l'autre côté du camp, après que Finwë eut été rapatrié auprès de ses Seigneurs, on en fit de même pour Fenhrir qui reposait désormais aux côtés de son épouse. Elio se tenait proche d'eux, complètement anéanti par la perte quasi simultanée de ses deux parents, le laissant orphelin. Un vide emplissait sa poitrine sans qu'il sache comment le remplir à nouveau. Il se sentait comme un enfant qui se mettait debout pour la première fois, il avait encore besoin de la main de ses parents pour avancer.

Il n'était pas encore un homme et le serait-il un jour sans eux ? Tant de questions qui l'abreuvaient sans qu'il ne songe une seule fois que si ses parents avaient accepté de mourir en ce jour, c'était qu'ils l'avaient senti prêt à assumer ce rôle.

Un peu plus loin, sur deux matelas de fortune, reposaient Inwë et Gabriel. Après s'être assuré que son amant était toujours vivant, la jeune femme observa sa propre blessure en grimaçant.

Les yeux embués de douleur, elle confirma ce qu'elle avait pressenti. Sa blessure était mortelle. Finwë ne l'aurait pas atteinte pour autre chose que la tuer. Elle laissa échapper un rire désabusé qui se transforma en un sanglot étouffé dans sa gorge. Des larmes coulèrent le long de ses joues. Elle avait été à deux doigts de réussir, si tant est que le destin lui avait laissé la moindre chance.

Tout n'était pas terminé, il lui restait des choses à faire. Alors, oubliant la douleur et le chagrin, elle essuya ses joues et s'obligea à ne plus pleurer. Tandis qu'on pénétrait dans la tente, elle se composa un visage serein.

Erid et Mina firent leur entrée, accompagnés par le guérisseur. Grâce à son instinct de mère, Mina se dirigea droit sur Elio pour le serrer contre elle et Erid se précipita sur son frère.

— Ne t'inquiète pas, le rassura immédiatement la jeune femme. J'ai bloqué son état, il ne lui arrivera rien jusqu'à ce que je vienne le guérir.

Erid hocha la tête complètement hébété et la serra contre lui.

— Je suis contente de voir que tu te portes mieux, dit-elle en grimaçant alors qu'il appuyait sur sa blessure.

Mais il ne parut pas s'en rendre compte, ni l'entendre tant il s'inquiétait pour son frère. S'installant près de ce dernier, il l'abandonna à son sort. Le soigneur, en revanche, qui avait vu le premier miracle exécuté sur Erid, comprit rapidement que Gabriel ne risquait rien.

Il s'approcha alors d'Inwë et souleva sa tunique. Il ne dit rien, mais quand il croisa le regard de la Fille de la Lune, ils se comprirent sans mot dire. Pour lui aussi elle était condamnée.

— Pouvez-vous me faire un bandage ?

Il hocha la tête, sortant ce qu'il fallait de sa besace. Alors qu'ils se mirent à l'écart, il lui demanda enfin :

— Vous ne pouvez pas vous guérir, c'est cela ?

La jeune femme approuva.

— Mon don ne peut agir sur ma propre personne. Tout ce que je peux obtenir, c'est un peu de temps et j'en ai désespérément besoin pour finir cette journée.

L'homme sortit un cataplasme qu'il étala sur sa plaie. La mixture était fraiche et douce contre sa blessure. Elle sentit presque instantanément la douleur lancinante s'estompée, endormie.

— Avec ça, vous tiendrez encore un peu plus.

— Merci, apprécia Inwë. Puis-je vous demander votre nom ?

— Solal, se présenta l'homme alors qu'il commençait à la bander.

— Je voudrais vous demander un service, Solal. Déjà, j'aimerais que vous taisiez la gravité de ma blessure pour le moment. Je dois partir un instant, mais quand je reviendrai, si vous pouviez envoyer discrètement quelqu'un chercher ma fille sur le navire de Meij, je vous en serais très reconnaissante.

Le soigneur certifia qu'il le ferait et quand il eut fini de poser son bandage, il redescendit sa tunique pour cacher que, malgré le cataplasme, le sang continuait de s'écouler lentement. La soutenant, il aida Inwë à s'approcher d'Erid.

— Je te promets que je vais le sauver, déclara-t-elle en lui déposant une main sur l'épaule.

Erid sursauta, puis se tourna vers elle, lisant sa conviction dans son regard.

— Il vivra, je m'en suis fait le serment. Mais pour l'heure, Elio a besoin de toi.

Pour la première fois depuis son arrivée, Erid sembla prendre conscience de son environnement et lorsqu'il aperçut Elio dans les bras de Mina aux côtés des corps de ses parents, il avança en boitant vers lui. Il glissa quelques mots à l'oreille du jeune homme, désormais roi. Ce dernier se sépara de Mina pour se tourner vers lui. Celle-ci s'approcha d'Inwë.

— Je dois aller rejoindre les seigneurs, expliqua la Fille de la Lune. Il me faut régler quelques points avec eux avant de revenir ici et soigner Gabriel. Peux-tu rester à son chevet ?

— Samios et Géron s'y sont rendu avec Alyse ainsi qu'Arhys et Alhyx, l'informa son amie.

— Que fait Alyse là-bas ? s'étonna Inwë en chancelant légèrement, soutenue par Solal.

— Elle a pris conscience de ses erreurs, résuma sobrement Mina, préférant taire les circonstances de ce revirement pour le moment.

— Ah...

— Tu es sûre que tu vas bien ? Tu ne devrais pas te reposer un moment ?

— Plus tard, j'aurai tout le temps. Surveille-les, demanda-t-elle en désignant les trois hommes. S'il te plait.

— Très bien. Mais ménage-toi.

Inwë sourit et avec l'aide du soigneur, elle quitta la tente. Une fois dehors, il demanda à deux gardes de la transporter délicatement avant de déclarer :

— Je vais prendre soin de votre ami en attendant votre retour.

— Vous êtes un précieux ami, Solal, déclara-t-elle livide.

— Et vous une femme admirable.

***

Après avoir traversé les deux camps et observé l'arrêt des combats, les soldats blessés attendant des soins, les cadavres rassemblés et amassés, la fébrilité et le désespoir liés, Inwë se jura qu'une seconde journée d'affrontement n'aurait pas lieu. Il n'était pas possible de laisser plus d'hommes payer de leur vie les erreurs et le combat d'une poignée de personnes.

En arrivant non loin de la tente des seigneurs de son royaume, Inwë insista pour qu'on la dépose à terre. Peu importait que des soldats l'aient vue dans cet état de faiblesse, leurs dirigeants ne devaient pas savoir à quel point elle allait mal.

Rassemblant toutes ses forces, elle posa un pied devant elle, puis l'autre, et recommença. Lentement, pas à pas et avec toute sa détermination, elle s'accommoda de la douleur lancinante et arriva jusqu'à la tente état-major.

Elle jeta un regard aux jumeaux avant de prendre une grande inspiration. Lorsqu'elle pénétra sous la toile, la conversation se tut immédiatement et Géron se leva promptement pour venir à ses côtés.

— Si tu veux bien m'aider à m'asseoir, lui murmura-t-elle à l'oreille.

Il avança en lui tenant le bras, puis l'installa à la chaise où il se trouvait quelques instants plus tôt. Elle put enfin s'installer en se crispant et une fois qu'elle eut trouvé la position la moins douloureuse, elle ne bougea plus.

— Pardonnez ma tenue, fit-elle aux hommes autour d'elle qui la scrutaient. Je n'ai pas vraiment eu le temps de me changer, ni de me laver. Mais j'espère que nous pourrons tous passer outre.

Cette dernière phrase eut le mérite de détourner le regard de quelques seigneurs gênés. En effet, Inwë était complètement décoiffée, sa vieille tenue d'entrainement élimée était déchirée par endroit et couvert de sang à d'autres. Elle qui s'était toujours présentée dans des tenues très féminines et coiffée impeccablement, présentait une image sensiblement différente.

— Où en sommes-nous ? demanda-t-elle à Samios, comme si elle savait parfaitement ce qui avait été conclu pour le moment.

— Il semblerait que nous nous soyons mis d'accord sur un traité qui assure à ces hommes de garder leurs terres et à vous, leur loyauté.

— Très bien.

— Nous sommes également arrivés à la conclusion que si l'un d'entre eux vous trahissait, il risquait de finir ses jours en prison, et que si l'un d'entre eux prend les armes contre vous, les autres devraient, par loyauté, vous prêter main forte.

— Bien évidemment. Ajoutez à cela que tout homme accusé de traîtrise se verra jugé sur ses actes. Si des preuves ou des témoignages sont apportés, alors oui, il finira sa vie en prison. Je ne souhaite pas créer un climat de terreur ou de délation, informa Inwë. Mais je veux votre loyauté. Si nous voulons continuer à nous entendre, si vous voulez être écouté, nous ne pouvons faire autrement. Cela vous satisfait-il ?

En haussant un sourcil, elle scruta tous les Seigneurs aux alentours. Elle sentit l'approbation chez une majorité. Chez les autres, l'entente serait plus difficile à venir, mais tant qu'ils ne seraient pas privés de leurs terres, ils resteraient en paix.

Inwë sentit une pointe de douleur la transpercer au niveau de sa blessure. Elle ferma les yeux une seconde, bandant son esprit pour passer outre. Elle n'avait plus beaucoup de temps, il lui fallait accélérer les choses.

— Bien. A présent, parlons d'un autre point avant de ratifier ce traité. J'ai un enfant.

Certains la regardèrent, ébahis, d'autres se mirent à jaser. Elle coupa court à leurs discussions en s'expliquant.

— J'étais enceinte avant d'épouser Finwë. Ma disparition peu de temps après le mariage n'était pas due à un quelconque coup de folie, ni à une tentative désespérée de mettre fin à mes jours, comme j'ai pu l'entendre. La réalité est que je suis partie accouchée et mettre ma fille à l'abri, selon la volonté de Finwë.

Modifier légèrement la réalité ne ferait pas de mal, Inwë ne souhaitait pas expliquer à tout le monde les moindres détails de son pacte avec son défunt époux. Simplifier les choses les rendait plus compréhensible, et peut-être plus acceptables.

— Vous pourrez le demander à Gabriel, c'est lui qui m'a surveillée à l'époque. Et pour ceux qui s'interrogeraient sur la légitimité de ma fille. Il s'agit de l'enfant du frère de Finwë, qui était mon époux.

Là non plus, ce n'était pas tout à fait exact, elle et William n'avaient jamais été mariés. Mais les prochaines années allaient être difficiles pour Luna sans ajouter en plus la bâtardise. En pensant à son enfant, les larmes montèrent aux yeux d'Inwë. Refusant de penser à elle pour le moment, elle la chassa de son esprit pour qu'il reste clair.

— Cela fait d'elle la double héritière au trône, si jamais il m'arrivait malheur. Si une telle chose venait à se produire avant qu'elle atteigne un âge responsable, je veux que l'homme qui est derrière moi, fit-elle en posant la main sur celle de Géron, qui se trouve être mon frère, prenne la régence du Royaume.

Tous les regards convergèrent vers eux deux, cherchant s'il s'agissait de la vérité ou d'une imposture. Malheureusement pour eux, Inwë et Géron avaient hérités de bons nombres de traits communs, ce qui rendit la suspicion moins plausible. La jeune femme sentit la main de son frère se crisper dans la sienne et elle la serra pour le rassurer. Dans l'idéal, elle aurait dû lui demander son autorisation, le prévenir à l'avance, ne pas lui faire un tel cadeau empoisonné, mais elle n'avait plus de temps, plus le choix.

— Dommage que Mordrais ne soit plus là, il aurait pu le certifier, fit-elle sarcastiquement à Samios avant de reprendre. Lorsque ma fille sera en âge de gouverner, je veux qu'elle ait le choix d'accepter le trône ou non. Si elle refuse, alors ce sera au tour de l'héritier le plus proche de gouverner.

En tant que mère, elle voulait donner une échappatoire à Luna, parce qu'elle-même n'aurait pas désiré hériter du trône, mais peut-être que sa fille le voudrait. Elle avait conscience que c'était paradoxal de l'avoir révélée ici, sans désirer pour autant faire d'elle une héritière. La seule chose qu'elle souhaitait en la reconnaissant était de lui donner une identité. Inwë ne voulait pas que sa fille vive comme un secret honteux dissimulé aux yeux de tous, elle voulait lui donner une légitimité dans son existence. C'était un geste d'amour qu'elle lui offrait, à défaut d'une vie à ses côtés.

La Fille de la Lune se redressa en fronçant les sourcils, pour chasser sa tristesse et une nouvelle douleur fulgurante la traversa, se répandant dans tout son corps.

— Accepte, papa, s'empressa de dire Alyse.

Elle vit se père se crisper, hésitant sur la décision à prendre. Mais la douleur était telle, qu'elle saisit l'occasion.

— Si tout le monde est d'accord, je vous propose de signer.

Le tout prit encore un moment, chacun voulant rajouter quelques petites notifications particulières, qu'Inwë, son frère et Samios acceptèrent ou non. Elle fut la dernière à griffer le papier et elle l'accueillit comme un soulagement intense. Elle demanda à son ami de l'aider à se lever et elle sortit le plus dignement possible de la tente, son frère et les jumeaux les suivant.

Chaque parcelle de son corps était tiraillée par la souffrance, chaque pas était un supplice. L'air frais la soulagea une seconde avant que tout se mette à vaciller autour elle. La jeune femme eut à peine le temps de voir que la Lune avait rongé encore un peu plus le Soleil avant de s'effondrer.

Arhys fut le plus prompte. Il la rattrapant avant qu'elle ne tombe à terre et la porta dans ses bras. Géron s'approcha d'eux et quand il remarqua la tunique couverte de sang, il la releva et s'aperçut qu'elle portait un bandage lui aussi imbibé. Il regarda les autres, inquiet.

— Sa blessure est plus grave qu'elle a voulu nous le montrer. Il faut faire vite, les pressa-t-il avant de partir d'un pas précipité.

***

Sous la tente des défunts reine et roi de Somgysaï, Mina aidait le soigneur à nettoyer la blessure de Gabriel et lui donner une potion censée le tonifier pour préserver ses maigres forces le temps qu'Inwë revienne.

Erid se tenait assis aux côtés d'Elio dans le coin opposé et lui murmurait des paroles réconfortantes. Parfois le jeune homme réagissait, mais il semblait surtout absent, écoutant vaguement son ami. Seul le son de sa voix paraissait l'ancrer dans le réel. Erid l'épaulait du mieux qu'il pouvait. Il connaissait cette situation pour l'avoir vécue, il comprenait ce qu'il vivait et savait que pour le moment, l'unique chose dont il avait besoin, c'était de ne pas se retrouver seul.

Elio était un jeune homme qu'il avait vu naître alors que lui-même n'était pas un homme. Il avait partagé chaque moment de son enfance, que William fut là ou non. Il avait été touché par le petit prince et passé énormément de temps en sa compagnie, il l'avait vu grandir pour se transformer en l'homme qu'il devenait en ce moment même. Elio était son ami, sa famille et le voir si ravagé lui brisait le cœur, effaçait sa propre peine et lui faisait presque oublier son inquiétude pour son frère.

Arhys fit irruption dans la tente à cet instant, portant Inwë dans ses bras, Géron et Samios à sa suite, Alhyx fermant la marche. Erid se releva difficilement. Elio, à ses côtés, sortait de sa torpeur et s'avança vers eux.

— Que s'est-il passé ?

— Elle s'est effondrée à peine sortie de l'entretien avec les seigneurs.

Solal, qui s'était absenté quelques secondes lors de leur arrivée, intervint.

— Allongez-la aux côtés de Gabriel et écartez-vous tous, sauf vous et vous, ordonna-t-il en désignant Géron et Mina.

Lui, parce qu'il était son frère et elle parce qu'elle l'avait précieusement aidé pour Gabriel.

Arhys vint déposer délicatement la Fille de la Lune sur la paillasse aux côtés de Gabriel. Géron s'assit près de la tête de sa sœur tandis que Mina s'activait aux côtés de Solal, relevant la tunique de son amie. Elio, bras ballants, fut éloigné par Erid qui retourna l'assoir dans leur coin. Arhys et Alhyx se défirent de leurs voiles masquant leur visage. Elle s'approcha de lui et il passa un bras autour de l'épaule de sa sœur, l'attirant contre lui.

Au bout d'un moment, alors que Mina et Solal s'activaient autour d'elle, Inwë finit par rouvrir les yeux. Elle sentit tout d'abord le corps de Gabriel près du sien, brûlant, et elle perçut enfin le regard de son frère au-dessus de sa tête, inquiet. Elle tenta de lui sourire, sans grande réussite.

— Je suis désolée, croassa-t-elle. Je crains que tu ne doives assumer tes nouvelles responsabilités un peu plus tôt que prévu...

— Ne dis pas de bêtises, tenta de sourire Géron voulant paraître assuré alors qu'il ne l'était pas du tout. Tu vas guérir.

Inwë le fixa sans répondre avant de tourner la tête. Quand elle croisa le regard d'Erid, son visage s'adoucit.

— Je vais pouvoir tenir ma promesse.

Erid fronça les sourcils et quand il comprit ce à quoi elle faisait référence, il voulut la retenir, en vain. D'un mouvement vif qui surprit tout le monde, elle attrapa la main de Gabriel et roula sur son torse. Avant que quiconque ait pu l'en empêcher, une douce lumière les enveloppa. Inwë s'y glissa et se laissa guider par son don. Elle sombra elle aussi dans cet étrange sommeil qui emprisonnait Gabriel.

Bientôt, le vide l'envahit, elle se retrouva seule dans une immensité obscure. Au bout d'une éternité, un bruit se fit entendre, et un autre, et encore un... comme le relent des vagues s'écrasant sur les galets.

Elle connaissait ce son, elle devait s'en approcher. A peine eut-elle fait un pas que le décor vint à elle, comme aspiré.

Elle se trouvait sur la plage qu'Erid lui avait fait découvrir avant de quitter la Forêt des Songes. Le ciel était gris et le vent soufflait, emmêlant ses cheveux, déposant un embrun iodé contre sa peau. Elle se sentait légère, une douce robe bleu pâle flottait sur son corps. Elle n'avait pas froid, ne sentait pas le vent sur elle. Elle était si... vivante.

La plage était déserte. Seul un homme était assis sur un tronc d'arbre poli par la mer. Inwë s'avança vers lui, en souriant lorsqu'elle le reconnu. Elle s'assit à califourchon sur une branche, dévoilant ses fines jambes et les fit se balancer de chaque côté. Alors qu'elle faisait face à son profil, elle observa son nez droit, sa mâchoire carrée, ses lèvres ourlées, sa barbe qui dévorait ses joues. Il se tourna vers elle et ses cheveux volèrent devant son visage, cachant un instant ses yeux cyans. Il passa sa main dans sa chevelure, révélant ses traits durs mais qui lui semblaient désormais si doux.

— Je t'avais dit que je viendrais te sauver, lui glissa-t-elle à voix basse et pourtant, malgré le vent, il l'entendit.

Gabriel lui fit pleinement face avant de l'attirer à lui et la serrer contre son torse dur et fort. Inwë se pelotonna contre lui avec toute sa détresse. Leur dernière étreinte, songea-t-elle en s'accrochant désespérément à lui. Ils n'avaient pas besoin de mots, l'un comme l'autre savait à quoi s'attendre. Lorsque Gabriel s'écarta, le vent tomba et l'air iodé disparu. La Fille de la Lune regarda autour d'eux et découvrit qu'ils se trouvaient dans ses jardins, assis sur le banc au pied du saule pleureur et de l'étang. Il la regarda longuement, lui disant tout sans prononcer un mot. Les yeux d'Inwë se voilèrent de larmes. Gabriel attrapa son visage entre ses deux mains et, caressant ses pommettes avec ses pouces, il vint l'embrasser tendrement, en y mettant toute son âme. Il embrassa ses paupières, comme s'il ne voulait plus voir de tristesse dans ses yeux. Puis il la regarda une dernière fois, gravant son image dans son esprit. On pouvait lire dans son regard toute la tendresse qu'il lui portait. Petit à petit, il disparut jusqu'à ce qu'il ne reste plus aucune trace de lui.

Inwë se laissa aller au chagrin. Repliant ses jambes contre elle, enfouissant la tête dans ses genoux, elle ferma les yeux pour oublier. Tout cela était injuste. Pourquoi devait-elle mourir à présent ? Pourquoi, alors que sa vengeance prenait fin ? Qu'elle pouvait enfin être aux côté de sa fille et Gabriel.

Elle sentit une étreinte se resserrer autour d'elle, une odeur familière surgissant de son enfance et cette voix... Cette voix qui lui murmurait de douces paroles. Quand elle releva la tête, elle se retrouva dans la maison de ses parents, sur son lit et Grand'ma Nora la berçait dans ses bras. De la voir face à elle, apaisant son chagrin, irradia tout son être d'une chaleur qui, ne dissipant pas sa tristesse, la rendait moins étouffante.

— Oh Grand'ma, fit-elle en resserrant ses bras sur elle.

— Ma douce, ma toute petite, la berça sa grand-mère en lui caressant le dos. Je suis tellement désolée... Si tu savais, mon enfant, comme je m'en veux de t'avoir donné cette vie-là.

— Oh non, Grand'ma, avoua Inwë mettant pour la première fois des mots sur les émotions qu'elle ressentait depuis quelques semaines déjà. Tu m'as donné de grands bonheurs, des bonheurs que je n'aurais jamais pu connaître sans tes actions. Mais c'est tellement injuste, ajouta-t-elle en s'écartant pour essuyer rageusement ses joues ravagées de larmes. Je ne voulais pas partir maintenant ! Je ne connaîtrai jamais la joie de voir grandir ma fille.

La vieille Fille de la Lune, qui pleurait également, lui lança un sourire mystérieux.

— Ça mon enfant, ce n'est pas encore certain. Viens voir.

Elle la guida jusqu'à la fenêtre de la chambre qu'elle ouvrit en grand et laissa sa petite fille s'avancer pour regarder au dehors.

— Vois ce qui va arriver, ma fille...

Inwë ne se trouvait non pas face au paysage des Plaines, mais plutôt face à l'avenir de sa propre fille. Elle vit Luna grandir, devenir une femme. Elle vit ce que son destin lui promettait et se tourna vers Grand'ma Nora bouleversée.

— Je me suis dit que son avenir en valait la peine, voilà pourquoi j'ai fait tout cela, confessa la vieille femme.

— Alors il y a une chance pour que je ne sorte pas complètement de sa vie, fit Inwë, émue au possible.

— Pour cela, il te reste une chose à faire, déclara Nora. Vas, je t'attendrai pour te guider...

Inwë se sentit à nouveau aspirée et se retrouva à nouveau dans l'étendue obscure. La douleur envahit à nouveau son corps et elle entendit des voix au-dessus d'elle. Dans un effort surhumain, elle ouvrit les yeux. Il faisait presque noir. L'éclipse devait être presque totale, mais elle aperçut quand même son frère toujours au-dessus de sa tête.

— Bonjour beau blond, fit-elle d'une voix si enrouée qu'elle en était presque éteinte.

Elle lui offrit un mince sourire et vit la peine dans son visage.

— Je ne dois pas être très jolie à voir... Je suis désolée de t'avoir mis dans cette situation, mais j'ai confiance en toi et je sais que tu feras un bon régent si tu t'entoures bien. Et ta famille le mérite.

Elle ferma les yeux et reprit son souffle. Géron vint poser son front contre le sien. Il resta ainsi un moment et elle sentit ses larmes tomber sur ses joues.

— Je le ferai avec grand honneur. Je t'aime.

Elle l'entendit éclater en sanglots mais ne put le consoler. Elle sentit Mina se lever et le prendre dans ses bras. Elle tâtonna jusqu'à la main de Gabriel, toujours endormi qu'elle serra dans la sienne pour se donner de la force. Elle rouvrit courageusement les yeux et tourna la tête pour apercevoir que tout le monde était présent. Luna était arrivée en compagnie de Julyne qui la gardait contre elle, mais aussi Meij qui se tenait près des jumeaux. Elle le fixa un instant, comme pour lui transmettre sa reconnaissance. Il inclina la tête en souriant.

Erid s'avança vers elle alors qu'une nouvelle quinte de toux la secoua. Solal lui releva la tête jusqu'à ce que ça passe.

— Tu as vu, j'ai tenu ma promesse, déclara-t-elle dans un murmure.

— Espèce d'idiote.

Il caressa sa joue. Elle rit presque avant d'ajouter :

— Veille sur Gabriel et Elio... Ils auront besoin de toi, je crois.

— Compte sur moi, princesse.

Alors que Julyne se posta à côté de Géron et Mina, elle observa les trois personnes qui avaient fait le plus de choses pour elle, avec une abnégation totale. Elle aurait voulu leur dire tellement de choses, mais elle resta silencieuse. Une quinte de toux plus violente que les autres secoua son corps. Quand elle put enfin respirer calmement, elle se tourna vers Elio, qui la fixait, blanc comme un linge.

— Viens là, lui demanda-t-elle. Et prends Luna avec toi.

Tel un pantin, le jeune homme se leva, récupéra la petite qui se blottit contre lui et s'agenouilla devant elle.

— Tu vas mourir ? demanda Luna dont les larmes perlaient au coin de ses yeux.

Tout cela était trop pour elle qui n'était encore qu'une enfant. Inwë se montra aussi forte qu'elle put pour la rassurer.

— Je suis désolée, ma chérie. Vraiment désolée. Mais je te promets que je serai toujours présente pour toi, je ne t'abandonnerai jamais. Toi et moi on a un lien spécial, tu verras.

La fillette hocha la tête sans vraiment comprendre tout ce qui se déroulait. Inwë se tourna vers Elio.

— Essaie d'être heureux, veux-tu ? N'oublie pas de vivre. Ta vie commence aujourd'hui, pense à toi...

Alors qu'elle ne parvenait pas à dire à autre chose, elle abandonna son plaidoyer. Elle tendit sa main et il la saisit. Se tournant comme elle put, elle lâcha celle de Gabriel, pour la poser contre sa fille. Dans un effort ultime, alors que la vie la quittait, elle déversa son pouvoir en eux. Elio bascula en arrière, emportant Luna avec lui, qui reposa sur son torse.

Les bras d'Inwë retombèrent le long de son flan, les dernières étincelles de vie s'échappant de son corps, elle vit Grand'ma Nora qui lui tendait les mains, l'invitant à la rejoindre. Derrière elle, se tenaient Lysianna et les précédentes Filles de la Lune et du Soleil. En bout de ligne, entre Ninnië et Lyssa elle-même, elle reconnut ce regard vert qu'elle connaissait si bien. Son cœur s'emballa une dernière fois et elle ferma les yeux, le visage serein et un sourire aux lèvres.


______________

Avant de souhaiter ma mort ou de me dire tout un tas d'horreur, veuillez attendre le chapitre de la semaine prochaine pour vous faire un avis définitif (je dis pas que ça sera plus réjouissant avec le dernier chapitre, mais peut-être que vous aurez pas complètement envie de me maudire).

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