La légende des deux royaumes...

By Miss-Laure

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" Lorsque la Lumière sombrera et que l'Obscurité périra Le doute et la peur apparaitront. En ces... More

Chapitre 1 - Partie 1
Chapitre 1 - Partie 2
Chapitre 2 - Partie 1
Chapitre 2 - Partie 2
Chapitre 3 - Partie 1
Chapitre 3 - Partie 2
Chapitre 3 - Partie 3
Chapitre 4 - Partie 1
Chapitre 4 - Partie 2
Chapitre 5 - Partie 1
Chapitre 5 - Partie 2
Chapitre 6 - Partie 1
Chapitre 6 - Partie 2
Chapitre 7 - Partie 1
Chapitre 7 - Partie 2
Chapitre 8 - Partie 1
Chapitre 8 - Partie 2
Chapitre 9 - Partie 1
Chapitre 9 - Partie 2
Chapitre 10 - Partie 1
Chapitre 10 - Partie 2
Chapitre 11 - Partie 1
Chapitre 11 - partie 2
Chapitre 12 - Partie 1
Chapitre 12 - Partie 2
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15 - Partie 1
Chapitre 15 - Partie 2
Chapitre 16 - Partie 1
Chapitre 16 - Partie 2
Chapitre 17 - Partie 1
Chapitre 17 - Partie 2
Chapitre 18
Chapitre 19 - partie 1
Chapitre 19 - Partie 2
Chapitre 20 - Partie 1
Chapitre 20 - Partie 2
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Épilogue de la 1ère partie
Blabla
Chapitre 1 - Partie 1
Chapitre 1 - Partie 2
Chapitre 2 - Partie 1
Chapitre 2 - Partie 2
Chapitre 3 - Partie 1
Chapitre 3 - Partie 2
Chapitre 4 - Partie 1
Chapitre 4 - Partie 2
Chapitre 5 - Partie 1
Chapitre 5 - Partie 2
Chapitre 6
Chapitre 7 - Partie 1
Chapitre 7 - Partie 2
Chapitre 8 - Partie 1
Chapitre 8 - Partie 2
Chapitre 9 - Partie 1
Chapitre 9 - Partie 2
Chapitre 10 - Partie 1
Chapitre 10 - Partie 2
Nouvelles
C'est parti !
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Epilogue
Blabla de fin

Chapitre 18

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By Miss-Laure

Allongé sur la couche de Meij, Erid se trouvait dans un état plus que catastrophique. La cabine la plus grande du navire contenait six personnes et menaçait d'exploser. Solal, le Soigneur s'affairait autour du blessé pour voir ce qu'il aurait à traiter en premier. Non loin de lui se tenait Elio, attendant avec inquiétude son verdict. Arhys faisait un compte rendu à Meij, tous deux légèrement à l'écart, et lançait de fréquents regards en direction de l'homme alité et surtout de sa sœur.

Alhyx, et c'était une grande première, fixait intensément Erid, assise dans le fauteuil de son frère. Comme si, en ne le lâchant pas des yeux, elle s'assurait qu'il ne lui arrive rien. Comme si, en ne rompant pas le contact, Erid survivrait. Elio ignorait la raison de cet élan d'humanité et pourquoi il s'était cristallisé en son ami. Meij et Arhys semblaient également inquiets, car si le blessé venait à mourir, la jeune femme le prendrait très mal et s'enfoncerait un peu plus dans son autarcie.

Pour elle, une telle question ne se posait pas. Il vivrait. Alhyx ne supportait pas que quelque chose échappe à son contrôle ou à sa volonté et la mort était l'essence même de ce qui l'effrayait.

Elle était hors de contrôle. Chaque décès avait enfermé un peu plus la jeune femme dans sa colère. Erid venait de pénétrer avec force dans son cercle restreint. L'effet avait été immédiat lorsqu'elle l'avait vu sur cette table de torture, si près du trépas et s'accrochant pourtant désespérément à la vie. Ce n'était pas parce qu'il s'agissait de lui en particulier, mais plutôt son essence, sa souffrance dont il portait physiquement les stigmates qu'elle-même enfouissait dans son âme depuis si longtemps.

Elle était aussi ravagée intérieurement que lui extérieurement. Elle s'était retrouvée mise à nue face à cet homme blessé, comme face à un miroir. Le sauver, lui, revenait à s'empêcher, elle, de sombrer dans la folie. En cet instant, leurs sorts étaient intimement liés.

Solal, le soigneur, un homme d'une quarantaine d'années à la chevelure complètement grise, longue et nattée qui lui retombait sous les omoplates, avait le visage buriné par le soleil et des rides prononcées aux coins de ses yeux lorsqu'il se concentrait. Elio avait reconnu en lui l'homme que Meij avait consulté lorsqu'il lui avait fait son plaidoyer pour ne pas qu'il parte.

En plus d'être le soigneur du roi, il devait être un personnage proche de lui. Il avait les mêmes iris presque translucides que Meij et les jumeaux et Elio ne put s'empêcher de se demander s'il faisait également partie de leur famille. Le reste de ses traits ne leur ressemblait pas. Il avait un visage dur que sa barbe atténuait.

On sentait qu'il était efficace et talentueux, qu'il faisait tout pour que ses patients survivent et que lorsqu'il devait prendre des décisions difficiles, il le faisait rapidement et sans regret.

Il se tourna enfin vers Meij, le regard fermé, mais sûr.

— Il a de la chance d'être encore en vie. Il a une volonté d'acier, je dois bien lui reconnaître ça. Mais dans quel état... Son genou gauche est irrécupérable, la gangrène a commencé son œuvre. Rien n'est gagné, je préfère vous l'annoncer. Je vais devoir l'amputer.

— NON ! s'exclamèrent en même temps Elio et Alhyx.

Le jeune homme s'avança vers le soigneur, comme pour le convaincre de l'empêcher d'agir. Alhyx, elle, même si elle ne se leva pas de son siège, se redressa comme pour donner du corps à sa négation.

— Vous ne toucherez pas à sa jambe, menaça Alhyx.

— Ecoute... commença Arhys en s'approchant d'elle.

— Non. Tu ne me feras pas changer d'avis. Sa jambe restera sur son corps.

Elle était debout, face à son frère qui la dépassait d'une tête et qui semblait deux fois plus large qu'elle. Pourtant elle ne recula pas d'un pouce dans sa conviction, au contraire. Elle savait pourtant que face à la gangrène, il n'y avait pas d'autre solution, mais sa réaction était primaire, instinctive.

— Attendez, fit Elio au soigneur. Je connais quelqu'un qui pourra peut-être faire quelque chose pour lui. Est-ce que vous consentirez à lui donner une chance si je la ramène ?

Alhyx et ses frères se figèrent en attendant l'avis de l'homme. Bien qu'ils soient de sang royal, pas un ne sembla vouloir jouer de sa supériorité sur lui. Son avis était important.

— Faites très vite, finit par déclarer celui-ci. Je le tiendrai en vie aussi longtemps que possible. Mais si vous ne revenez pas à temps, je ferai ce qui me semblera nécessaire.

La posture d'Alhyx se détendit et la tension redescendit d'un cran. Meij et Arhys se mirent à respirer de nouveau.

— Allez-y, lui déclara simplement la jeune femme.

Elio acquiesça et s'avança vers elle pour lui murmurer :

— Et vous, veillez sur lui. Je compte sur vous.

Ils scellèrent leur pacte d'un regard et le jeune homme se précipita vers la sortie. Alhyx s'approcha d'Erid et se tint près de lui, tel un molosse protégeant son maître.

Inwë approchait du camp, la dépouille de Lysianna étendue sur le cheval qu'elle tenait par la bride. Encore une chose pratique que cette dernière avait pensée, songea-t-elle avant de chasser cette idée morbide. A vrai dire, la mort de la Fille du Soleil l'éprouvait plus qu'elle ne l'eut imaginé. Lysianna et elle n'avaient jamais été vraiment proches, ne partageaient pas la même vision de la vie et pourtant... pourtant une part d'elle-même s'était éteinte avec elle.

Fille du Soleil et Fille de la Lune étaient liées et désormais, elle comprenait à quel point. Même si l'héritage de Lysianna reposait en son sein, l'équilibre semblait rompu. Elle ne pouvait l'expliquer, c'était juste la sensation d'être bancale.

En arrivant au camp, elle aperçut Elio au loin qui la repéra à son tour et courut jusqu'à elle. Ses entrailles se serrèrent, elle vacilla légèrement. Par la Lune, qu'allait-elle lui dire ? Comment annonçait-on à un fils que sa mère bien-aimée venait de mourir ? Comment pouvait-elle faire pour que son ami souffre le moins possible ? C'était impossible. Elle eut de la peine pour lui. La peine la plus sincère qu'elle n'eut jamais ressenti pour autrui depuis une éternité.

— Je te cherchais partout, fit Elio en reprenant son souffle. Erid a été ramené, mais il est dans un sale état. Il se trouve sur le bateau de Meij et on veut l'amputer.

Inwë, qui ne s'était pas attendue à ça, mit un temps avant de réagir.

— Qu... Quoi ?

— Erid est sur le bateau de Meij et il ne va pas bien. On va l'amputer si tu ne vas pas le soigner maintenant. J'ai croisé Gabriel et il y est en t'attendant et... Ça va, tu es toute pâle ?

Inwë était figée, hagarde, le teint cireux et des cernes bleuâtres sous ses yeux. Sa tenue était froissée et sa main ne voulait pas lâcher la bride du cheval, comme pour se raccrocher à quelque chose. Il remarqua un corps enroulé dans une cape.

— Que s'est-il passé ? Qui est sur le cheval ?

— C'est... commença-t-elle les larmes aux yeux. Lysianna.

Le jeune homme se figea en un instant. Puis son visage se décomposa, il tourna vers elle son regard effaré et se précipita vers le cheval, soulevant la cape pour voir le visage de la défunte. A la vue de sa mère, il flancha. Inwë vint le soutenir alors que le jeune homme s'effondrait, en larmes. Elle le tourna pour le serrer contre elle et absorber une partie de sa peine, laissant elle aussi couler les larmes le long de ses joues.

— Je suis désolée, finit-elle par dire d'une voix enrouée. Je n'ai rien pu faire pour la sauver.

— Comment est-elle morte ?

Inwë se contracta, hésitante. Elle ne voulait pas lui cacher la cause de son décès, mais pouvait-elle le lui dire maintenant ? Elio sentit qu'elle tergiversait.

— Dis-le-moi. Comment est-elle morte ?

— Elle s'est ôtée la vie.

C'était dur pour lui, mais que pouvait-elle ajouter d'autre ? « Elle s'est sacrifiée car ainsi, elle pense que tu vas vivre. » Impensable. Intolérable.

Elio s'écarta vivement d'elle et la dévisagea. Ses larmes cessèrent de couler tandis qu'il cherchait à lire dans le visage de son amie qu'elle se trompait. Mais il ne trouva rien qui allait en ce sens.

— Pourquoi ? demanda-t-il enfin d'une voix sans émotion.

— Parce qu'elle l'a vu.

Elle qui détestait cette phrase, l'utilisa pour la première fois en la comprenant enfin. Il était parfois trop difficile d'avouer la véritable raison. Le visage d'Elio se fit distant, c'était la première fois qu'elle le voyait ainsi et elle en fut bouleversée. Pas Elio, songea-t-elle ne souhaitant pas qu'il devienne à son tour une créature dysfonctionnelle, masquant ses émotions.

— Elle t'aimait plus que tout. Elle était désolée de t'abandonner, mais elle devait le faire pour nous tous. Elle pensait faire le bien pour vaincre Finwë.

Alors qu'elle s'approchait de lui, le jeune Prince recula, emmenant la monture avec lui.

— Va soigner Erid. Je dois rejoindre mon père.

— Elio...

Le jeune homme se radoucit un peu, la laissant le toucher.

— Vas-y. je ne veux pas que quelqu'un d'autre meurt.

— Et toi...

— Je vais survivre, ne t'en fais pas. Je veux juste voir mon père.

Il se contint à nouveau, s'empêchant certainement de pleurer. Inwë lui caressa la joue tendrement.

— Elle t'aimait plus que tout. Elle n'a cessé de me le dire.

Le jeune Prince hocha la tête, tentant tant bien que mal de refouler sa peine et s'écarta d'elle à regret pour rejoindre la tente de son père. Inwë le regarda s'éloigner avant que l'urgence de la situation se rappelle à elle.

Erid.

Elle se mit à courir jusqu'au bateau de Meij, grimpa à bord avant d'être conduite auprès du blessé. Meij et les jumeaux étaient là, en train de discuter avec véhémence. Un autre homme, un peu plus âgé, certainement le guérisseur, se tenait non loin avec le nez en sang.

Inwë se jeta dans les bras de Gabriel qui se trouvait là également, profitant un instant de son étreinte rassurante et douce. Elle reprit ainsi un peu de force, sous le regard curieux de Meij et de sa famille. Elle embrassa rapidement son amant avant de se détourner de lui et faire face à Erid.

Il était blafard, son genou sentait la mort pour la guérisseuse qu'elle était et le reste de son corps n'était pas beau à voir. Son cœur se contracta et elle serra les dents devant son état et se pencha sur lui, prenant sur elle de ne rien montrer de son inquiétude. Apposant les mains sur son torse, elle ferma les yeux un instant, le temps d'analyser son état. En les rouvrant, elle croisa le regard de son ami.

— Salut bel étranger, dit-elle tout doucement avec un sourire attendri. Ils ne t'ont pas loupé, on dirait. Désolée d'avoir tant tardé, mais je te promets de te rendre ta gueule d'amour en état, ça serait trop dommage de ne plus en profiter.

Erid réagit un instant, comme s'il voulait sourire sans le pouvoir. Inwë l'apaisa un peu et se tourna vers tout le monde.

— Je vais pouvoir le soigner.

Elle surprit un regard soulagé chez Alhyx et remarqua le sang sur sa main. Ainsi, c'était elle qui avait frappé le guérisseur... étrange. Mais avant de se consacrer à son ami qui avait besoin de toute son attention, elle se tourna vers Gabriel.

— Je te promets de prendre soin de lui, mais peux-tu me rendre un service ? Lysianna est morte et j'ai peur qu'Elio fasse une bêtise, tu ne pourrais pas veiller sur lui ?

La nouvelle de la mort de la Fille du Soleil fut accueillie par un lourd silence choqué de la part de tout le monde. Comprenant pourquoi elle avait l'air si épuisée, Gabriel approuva. Il l'embrassa et s'éloigna. Peut-être était-ce dû au discours de Lysianna, à la détresse d'Elio, l'état d'Erid, à propre fatigue ou à un désir plus profond mais Inwë se tourna vers Gabriel.

— Je t'aime.

Lentement, il se tourna vers elle, sous le regard spectateur des autres personnes dans la pièce. Il s'avança vers elle souplement et l'embrassa comme pour sceller une empreinte en elle. Pas besoin de mots, elle comprit que Gabriel lui signifiait qu'il acceptait son cadeau et lui avouait également l'étendue de son amour. La laissant chancelante, il repartit comme il était venu et, sur le seuil de la porte, il déclara de sa voix douce et chaude :

— Sauve mon frère.

Inwë sourit dans son dos et se tourna vers son ami, lui faisant un clin d'œil dont il était habituellement expert avant de se pencher sur lui, presque jusqu'à s'allonger. Elle ferma les yeux et entra en contact avec son don.

Elle s'était préparée à lutter. Habituellement, lorsqu'elle soignait des personnes grandement blessées, s'introduire en elles était nettement plus compliqué que pour une simple coupure. Mais cette fois-ci, ce fut comme si une immense route se dégageait devant elle, bien droite, bien plate et sans encombres. Elle pénétra en son ami plus facilement qu'elle ne l'eut jamais fait jusqu'alors. Elle songea que la différence, désormais, était qu'elle abritait en elle l'héritage de la Fille du Soleil en plus de celui de la Lune et cela changeait tout. C'était comme si, pour la première fois, elle agissait avec la totalité de ses capacités alors qu'avant, elle ne le faisait qu'avec la moitié.

Se concentrant sur son ami, elle rouvrit les yeux et s'aperçut qu'il se portait déjà un peu mieux. Son teint avait repris des couleurs et son visage semblait moins gonflé, on reconnaissait dorénavant ses traits. Sur son torse dévêtu, les coupures se refermaient, gardant toutefois une légère boursouflure. L'infection quittait son corps, elle sentait sa température revenir à la normale.

Cependant, il restait à Inwë à s'occuper de ses doigts disloqués avant son genou. Le soigneur aurait pu le faire, si l'état d'Erid avait été un peu meilleur et le risque de le plonger dans l'inconscience moins élever. Cela aurait été trop risqué aux vues de ses blessures et de son infection, il ne se serait probablement jamais réveillé.

La jeune femme caressa le visage de son ami et il ouvrit les yeux à son tour.

— Je vais m'occuper de tes mains, mais ça va faire mal, expliqua-t-elle. Ceci dit, je crois que je peux tenter quelque chose de nouveau, tu es prêt ?

Erid acquiesça d'un mouvement de tête, encore trop faible pour parler et Inwë se saisit de sa première main. Ce n'était pas son don qui lui avait appris à remettre en place des os, mais sa grand'ma Nora. Avec des mouvements sûrs et experts, elle replaça le premier doigt, Erid se crispa, mais à l'instant même où la douleur se pointa, elle disparut, Inwë l'absorba. Un second doigt et la même chose se produisit. Il regarda Inwë s'occuper du troisième doigt et encore une fois, il sentit la douleur refluer. Son amie finit sa main avant d'attraper la seconde et de faire de même. Elle plia ensuite chacun de ses doigts pour vérifier qu'ils fonctionnaient normalement.

Erid se rendit compte à ce moment que même dans son genou il ne sentait presque rien, alors qu'il pouvait apercevoir son os à nu.

— Arrête-ça, réussit-il à articuler d'une voix moins rauque que ce à quoi il s'était attendu.

Même ceci, elle lui avait guéri. Mais Inwë ne l'écouta pas, alors, utilisant ses maigres forces, il lui saisit le bras.

— Tu vas t'épuiser, insista-t-il. J'ai souffert pendant des jours, ce ne sont pas quelques instants de plus qui me tueront.

— Si. Quelques minutes de plus et tu mourais... Alors laisse-moi faire ça pour toi. J'étais là, je t'ai vu souffrir et être torturé et je n'ai rien pu faire...

Elle avait les yeux pleins de larmes et la culpabilité lui voûtait les épaules.

— Tu as fait ce que tu as pu. Arrêtes ça tout de suite.

Elle essuya ses larmes et se ressaisit sous le regard de Meij et des siens, encore ébahis d'un tel miracle.

— J'étais inquiète pour toi.

— Et ça me touche.

— Mais je n'arrêterai pas de canaliser ta douleur tant que je n'aurai pas fini.

— Tête de mule... Ton crâne est plus dur qu'une pierre.

— Tu préfères peut-être l'amputation, déclara-t-elle en désignant vaguement le soigneur d'un signe de tête.

En se tournant vers lui, Erid aperçut les quatre personnes qui tentaient de reprendre contenance. Le premier, un homme grisonnant, deux autres hommes, dont l'un immense et l'autre assez grand également, encadraient une femme rousse habillée en guerrière. Elle avait la mine farouche mais attirante à se damner. En observant ses trais, il la revit au-dessus de lui, alors qu'il était encore sur la table de torture.

— C'est vous qui m'avez sauvé, n'est-ce pas ?

Alhyx écarquilla les yeux comme si elle était étonnée qu'il lui prête attention et s'adresse à elle, puis hocha la tête rapidement.

— Merci.

Arhys vint se placer derrière elle et lui posant la main sur l'épaule, déclara :

— Nous sommes heureux de vous voir en bonne santé.

— Je te présente le roi Meij, son frère Arhys et sa sœur Alhyx.

Il fit un vague hochement de tête.

— Il va falloir que quelqu'un lui soutienne le buste pour ne pas qu'il bouge. Ça va être douloureux quand même, informa-t-elle son ami qui hocha bravement la tête.

Sans plus vraiment étonner personne, mais au plus grand ravissement d'Erid, ce fut Alhyx qui s'approcha. Inwë lui lança un bref sourire.

— Agrippez-le bien, déclara-t-elle alors que la guerrière rousse plaquait ses mains sur le haut du torse d'Erid. Tu es prêt ?

Il hocha la tête en serrant les dents et Inwë se concentra. Elle saisit son mollet d'une main et, de l'autre, renfonça l'os pour qu'il se repositionne bien. La douleur lui vrilla la tête et elle hurla en même temps qu'Erid. Alhyx enfonça ses paumes sur son ami pour le retenir et ce dernier ne put s'empêcher de lui saisir les poignets de toutes ses forces, mais elle ne bougea pas. Ensuite, plaçant sa main sur la plaie, Inwë ferma les yeux et laissa son don œuvrer pour reconstruire et ressouder l'os, les tendons, les muscles et les chairs. Ce fut une lutte acharnée. Plus que tout le reste. Elle était partie d'un genou ou presque plus rien n'existait et l'avait reconstruit.

Vacillante, elle finit par s'asseoir sur la banquette à son tour et sentit deux mains la soutenir dans le dos. En rouvrant les yeux, elle se rendit compte qu'il s'agissait de Meij. Erid arrêta de trembler, mais son teint était redevenu cireux et de grosses gouttes de sueur perlaient le long de son front. Ils se regardèrent tous les deux sans rien dire et quand Alhyx voulut s'écarter, Erid garda un de ses poignets dans sa main, resserrant même son étreinte.

— Restez... s'il vous plaît.

Alhyx lança un regard perdu à son frère aîné, comme si elle ne savait pas comment réagir face à une telle demande. Ce qui devait probablement être le cas. Jamais on ne lui avait appris à se montrer compatissante auprès de quiconque. Meij lui sourit et même Arhys consentit à lui apporter le fauteuil pour qu'elle puisse s'asseoir à ses côtés. Finalement, elle se rencogna dans le siège, le bras ballant, toujours raccroché à Erid.

Inwë mit quelques instants à se ressaisir et rapidement, la tête cessa de lui tourner. Meij s'approcha d'elle avec une petite collation qu'elle accepta avec plaisir.

Solal, qui s'était absenté quelques instants pour nettoyer son nez ensanglanté, revint avec des pots emplis de soins. La Fille de la Lune lui expliqua rapidement ce dont Erid avait besoin mais ne s'appesantit pas sur le sujet, il savait visiblement très bien ce qu'il faisait. Meij, qui attendait qu'Inwë finisse de manger pour l'interroger, ne put s'empêcher de la presser.

— Ce qui vient de se passer est extraordinaire ! C'est incroyable de vous avoir vu faire une telle chose.

— Merci. Je peux m'occuper de votre gorge, déclara-t-elle à Alhyx.

Il restait la trace de son altercation avec Kaarl, mais la blessure restait superficielle. Elle refusa d'un simple signe de tête et Inwë n'insista pas.

— Je voulais vous remercier pour votre secours. Sans vous, je pense que mon ami n'aurait pu survivre. Je croyais pourtant que vous refusiez d'intervenir dans le conflit.

— Il semblerait qu'Elio ait trouvé les mots justes pour convaincre mon frère et ma sœur, s'amusa Meij. En réalité, je ne pouvais vous refuser cela. Je vous apprécie, Inwë. Vous êtes franche et forte, je respecte cela. Vous avez pris des risques pour nous avertir de ce que tramait votre époux, vous m'avez drôlement impressionné ce soir-là. Sans compter qu'il fallait lâcher les bêtes, plaisanta-t-il en désignant les jumeaux avant de reprendre sérieusement. Je ne peux agir autrement qu'en roi en dehors de ce navire. En revanche, je tiens à m'investir personnellement. Elio nous a dit que votre fille se trouvait ici.

— Comment ça ? s'écria Erid en essayant de se relever.

Mais Alhyx fut plus prompte que lui. Elle se redressa et le repoussa brusquement du plat de la main pour qu'il s'allonge à nouveau sur la couchette.

— Pas bouger, ordonna-t-elle d'un ton bourru.

Erid écarquilla les yeux mais ne moufta pas. Inwë aurait presque pu éclater de rire si Meij ne lui avait pas rappelé sa fille.

— Luna et Julyne sont là. Elles n'ont pas eu le choix, mais je les ai mises en sécurité dans mes appartements avec Mina et les enfants. Samios les a rejoints.

— Vous pourriez peut-être les ramener ici, proposa Meij.

— Êtes-vous sûr de vouloir le faire ?

Mais comme Meij ne répondit pas, se contentant de son air entendu, elle ajouta :

— Très bien, mais je ne peux vous accompagner. Il faut que je retrouve Elio et Gabriel.

— Où sont-ils ? ne put s'empêcher de demander Erid tout en veillant à ne pas bouger d'un pouce.

— Lysianna est morte.

Erid en fut ému, cela se lut sur son visage. Il n'avait jamais semblé proche de la reine de Somgysaï aux yeux d'Inwë. Cependant, Lysianna avait fait partie de sa vie pendant plus de vingt ans, ils étaient liés dans leur histoire. Il aimait son fils presque comme s'il était le sien, il était ami avec son époux. La nouvelle lui poignardait le cœur, il en resta pantelant.

Finalement, ce fut Arhys qui prit la parole, rompant le silence.

— Je vais aller récupérer votre famille.

Il ne se tourna pas vers sa sœur, comprenant que cette fois, cette unique fois, elle ne le suivrait pas.

— Merci. Avez-vous déjà rencontré Géron ? questionna Inwë tandis qu'il hochait positivement la tête. Alors emmenez-le avec vous. Il s'agit de mon frère et sa famille est là-bas également.

Les yeux d'Arhys brillèrent, puis il s'éloigna. Cependant, sa sœur l'interpella avant qu'il ne soit trop loin.

— Reviens-moi vivant.

— Je ne t'abandonnerai jamais.

Alhyx parut satisfaite et elle se rassit dans son fauteuil. Erid lui avait lâché la main, prostré de son côté. Le soigneur s'affairait sur son torse et Meij observait la scène avec sa bienveillance naturelle. Inwë s'approcha de son ami et se pencha vers lui.

— Je vais y aller et les retrouver, déclara-t-elle doucement, comme à un enfant.

— Lysianna était la dernière personne que j'aurais pu imaginer mourir...

— Reprends-toi. Luna va arriver bientôt et elle aura besoin de toi.

A la mention de sa fille adoptive, Erid se ressaisit un peu.

— Tu as raison.

Inwë se pencha vers lui, embrassa sa joue et se redressa sous le regard incompréhensif d'Alhyx qui trouvait leur relation étrange. Pour elle, seuls ses frères comptaient parce qu'ils étaient de son sang et plus particulièrement son jumeau, parce qu'il formait la seconde moitié d'elle-même. Elle ne comprenait pas l'amitié ou l'attachement, parce qu'il s'agissait de notions qu'on ne lui avait jamais expliquées. Et, lorsque ses parents étaient morts, la douleur ressentie avait été si forte qu'elle refusait dorénavant d'éprouver la moindre chose qui s'en approchait. Du moins s'en convainquait-elle et y parvenait-elle la plupart du temps.

Inwë salua une nouvelle fois Meij et quitta le navire à son tour en songeant qu'une drôle de créature venait de s'attacher à son ami...

***

Finwë et ses seigneurs s'étaient rassemblés dans la tente de commandement. Un silence écrasant pesait sur tous les membres de l'assemblée, le roi fulminait dans ses pensées et ses hommes le regardaient aller et venir en attendant le moment où il exploserait.

Finwë exultait de rage de s'être fait berner par sa femme, par Gabriel, par son peuple. Lui qui avait passé toutes ses années à maîtriser la moindre chose, ne maîtrisait plus rien. Mais cela ne durerait pas longtemps, il allait reprendre le contrôle des évènements, il allait faire payer à tous ceux qui l'avaient trahis. Pas un n'en réchapperait.

Un homme, un de ses espions, entra dans la tente et lui glissa quelques mots à l'oreille avant de ressortir. Un sourire naquit sur les lèvres de Finwë. Il savait par où il allait commencer. Il se tourna enfin vers ses Seigneurs et c'est avec une voix calme qu'il affirma :

— Nous allons faire parvenir un message à Fenhrir. Nous allons lui réclamer la Tulya Mortë.

— Vous êtes fou ! s'exclama Bertram, le père d'Alyse, couvrant les remarques surprises des autres seigneurs.

— Non je ne suis pas fou ! Ils méritent tous de mourir pour leur trahison et si quelqu'un d'autre à quelque chose à ajouter, il pourrait bien lui arriver la même chose, suis-je clair ?

Autour de lui, un silence de mort s'installa, tous le regardaient avec inquiétude. Finwë se ressaisit et ce fut sur un ton calme qu'il expliqua son plan.

— Lysianna vient de mourir, c'est le moment de s'en prendre à son époux. Il est la tête pensante de leur armée, s'il meurt, ses hommes ne seront plus dirigés correctement et nous les vaincrons facilement. Tout ce que vous aurez à faire, c'est de lancer vos troupes sur les siennes. Ensuite je m'occuperai de ce traitre de Gabriel et de ma chère épouse. Une fois ceci fait, nous récupèrerons Süryell à ces maudits paysans et nous les exécuterons en prévention de toute envie de recommencer. Et pour finir, nous irons voir Meij et nous lui demanderons pourquoi n'a-t-il pas voulu signer le traité et pourquoi est-il resté à quai au milieu des bateaux de Fenhrir. Quelqu'un trouve quelque chose à redire à mon plan ?

Personne ne réagit une fois de plus.

— Très bien, alors qu'on aille me chercher un messager !

***

Elio conduisit le corps de sa mère, toujours recouvert de la cape d'Inwë, jusqu'à son peuple. On le regarda traverser le camp, le visage ravagé et l'air déterminé. Tous comprirent instantanément que quelque chose n'allait pas, mais personne n'interrompit sa route. Il ne l'aurait pas toléré. Il repéra la tente royale et s'approcha d'elle. Il accrocha mécaniquement les rênes du cheval et récupéra le plus délicatement possible le corps sans vie de sa mère. Il n'était pas fort, pourtant, il parvint à la porter contre lui sans problème.

Lorsqu'Elio pénétra sous la tente, son père s'entretenait avec ses conseillers avant la bataille, déjà vêtu de son armure de cuir et de métal. Quand ils aperçurent le Prince, tous se turent. Puis Fenhrir demanda à tout le monde de sortir et s'approcha de son fils. Il récupéra la dépouille qu'il plaça délicatement sur la table centrale.

Son visage était pâle, la douleur marquait le moindre de ses plis, chaque parcelle de sa peau. Il écarta une mèche de cheveux du visage de son épouse et se mit à pleurer. Brutalement. Il s'agenouilla et glissa son visage dans le cou de son épouse, enroula sa main dans ses cheveux. Il pleura sa femme avec une telle détresse, une telle sincérité que le visage d'Elio se détendit instantanément, perdant toute sa fureur. Il se pencha sur son père et pleura avec lui.

Fenhrir venait de perdre l'amour de sa vie. Pourtant il savait, avait toujours su, que ce jour précis arriverait. Sa femme ne lui avait jamais caché aucune de ses visions et tous deux prenaient la décision de l'accomplir. Et cette fois-ci encore, ils avaient accepté le sacrifice parce qu'au bout de tout, Elio vivait heureux, épanoui, père de famille et mari aimant. Et plus que tout, il accomplirait le plus grand miracle depuis Ninnië et Lyssa.

Mais la mort de Lysianna lui brisait le cœur. Voir son corps sans vie était au-delà de toute souffrance. Mais il devait se ressaisir, tout n'était pas fini. Alors il se releva, se tourna vers son enfant devenu homme et le serra contre lui, dans une étreinte désespérée.

Elio s'effondra dans les bras de son père. Malgré tout, malgré ces derniers mois, il n'était encore qu'un enfant qui venait de perdre sa mère. Peu importait l'âge que l'on pouvait avoir, lorsque cela arrivait, on redevenait l'être que l'on était à cinq ans et dont l'univers tournait autour de cette femme merveilleuse, la mère. Fenhrir absorba son chagrin en même temps qu'il taisait le sien.

Un homme interrompit leurs embrassades pour délivrer un message à Fenhrir.

— Finwë nous a fait parvenir l'information suivante : il désire la Tulya Mortë.

Le roi s'écarta de son fils et ne dit rien pendant un instant, le regard grave. Elio regarda son père, priant pour qu'il refuse. La Tulya Mortë était un terme en langue ancienne pour une tradition archaïque. Les deux leaders d'un conflit, ici les deux rois, s'affrontaient arme en main en même temps que leurs armées. Autrefois, le vainqueur emportait le conflit, à présent, non. C'était juste une vieille tradition absurde, un tour de force. Pourquoi Finwë avait-il lancé une telle idée ? Elio ne le comprenait pas, cette tradition avait disparu en même temps que la langue ancienne s'était éteinte. Peut-être était-il tout simplement persuadé de vaincre et ainsi assoir son pouvoir un peu plus. Une chose était certaine, il ne voulait pas voir son père combattre.

Pourtant, ce dernier accepta. Le messager partit transmettre l'information à Finwë, tandis que le jeune Prince tentait de convaincre son père de changer d'avis.

— Ne t'inquiète pas, fils, déclara Fenhrir en posant une main sur l'épaule d'Elio. Tout ira bien et tout se déroulera comme il se doit. Ne te fais pas de soucis pour moi, c'est l'apanage des parents de s'en faire pour leurs enfants, et non l'inverse. Alors quoi qu'il arrive, tu dois me jurer de me prendre soin de toi.

— Papa...

— Elio, mon fils. Tu dois me faire confiance, quoi qu'il puisse arriver. Je ne me défilerai pas et Finwë paiera, de ma main ou de celle d'un autre. Tu dois bien le comprendre.

Elio hocha la tête, voyant ce que son père disait, ce qui ne l'empêchait pas de s'inquiéter.

— Je ne veux pas te perdre.

— Tu ne me perdras jamais. Je serai toujours une part de toi et je veillerai sans cesse sur toi. Tu es ma plus grande fierté et ma plus belle réussite, déclara-t-il en prenant son fils dans ses bras.

Puis il s'écarta avant d'attacher son épée autour de sa taille. Il regarda une dernière fois son fils avec un air triste avant de quitter la tente, laissant Elio seul avec la dépouille de sa mère. Il s'effondra au sol, en pleurs. Il était trop jeune et sa nature à l'opposé de celle qu'il fallait pour supporter stoïquement ce qui lui arrivait. Comment pouvait-il rester là à attendre qu'on lui rapporte la victoire ou la défaite de son père ?

Il sentit une main se poser sur son épaule et des murmures de paroles réconfortantes. Gabriel. Apparition inattendue pour le jeune homme, cependant, il s'accrocha à lui désespérément. Séchant peu à peu sa tristesse et ses larmes, il se releva avec une volonté nouvelle.

— Je vais y aller.

— Je ne pense pas que ce soit une bonne idée.

— Ma mère vient de mourir et mon père risque à son tour de perdre la vie. Il n'y a pas un seul autre endroit où je devrais être si ce n'est à ses côtés.

Gabriel approuva. Il comprenait le désir, légitime, du jeune Prince. Et surtout il savait qu'Elio ne changerait pas d'avis.

— Tu restes à mes côtés. Et tu ne bouges pas tant que je ne t'en ai pas donné l'autorisation. Quoiqu'il arrive. Est-ce que c'est clair ?

Elio approuva d'un hochement de tête absent. Il n'était déjà plus avec lui.

***

En sortant de la tente, Fenhrir reprit une bouffée d'air, afficha son air impassible et confiant. Rien ne devait effrayer ses hommes, pas même ce qui allait se passer. La bataille était sur le point de débuter, il faudrait à ses troupes tout le courage nécessaire. Il passa en revue quelques bataillons, comme le voulait la tradition. Etrange comme son éducation rude et pleine de coutumes refaisait surface en un tel moment. Mais il ne s'en appesantit pas. Il donna ses dernières consignes, puis leva les yeux au ciel. Un regard pour sa femme, vers le Soleil.

Il fronça les sourcils, un bout d'ombre de Lune dévorait l'un de ses côtés. La fin d'une époque était annoncée, bientôt une nouvelle naîtrait. Il sourit et se dirigea vers le lieu de son combat. Bientôt, toute cette histoire serait finie, mais à quel prix ?

Un cercle de curieux s'était déjà formé un peu plus loin, avec Finwë en son centre. Résolu, Fenhrir avança. Il perça la foule qui le regarda passer silencieux.

— Votre épouse n'est pas présente ? s'enquit Finwë.

Peu importe comment il avait appris qu'elle n'était plus, rien ne pouvait ébranler Fenhrir.

— La vôtre non plus ?

Finwë perdit un peu de sa superbe, pas longtemps, mais suffisamment pour que son adversaire le remarque.

— Elle doit savoir ce qui l'attend et se cache, dans toute sa faiblesse.

— Vous n'avez rien compris. Quoiqu'il arrive, vous avez perdu. Votre épouse a le peuple à ses côtés, ainsi que votre homme de confiance. Ils étaient les deux seules personnes importantes pour vous, je me trompe ? continua Fenhrir de sa voix excessivement chaude et basse, emplie d'une compassion qui enrageait Finwë. Même si vous gagnez cette bataille, vous perdre tout. Vous serez seul, comme vous l'avez été toute votre vie. N'est-ce pas ce que vous redoutez le plus ?

— Vous savez ce que je ferai ? Je les achèverai de ma propre main, après m'être occupé de vous !

Il était proprement furieux et Fenhrir eut un sourire désabusé. Jamais rien de bon ne sortirait de cet homme. Emmuré dans sa solitude, il était devenu un despote avec une volonté et une intelligence tout à fait disposées à sa réussite. La trahison de son épouse et de son fidèle ami l'avait définitivement enfermé dans ses travers.

Au loin, des cornes retentirent et de grands éclats de voix se firent entendre. Le sol trembla presque sous les pas des soldats qui se faisaient face en s'affrontant. Puis, le fracas des armes, assourdissant, tambourina aux oreilles de Fenhrir.

Ils dégainèrent chacun à leur tour et Finwë chargea. Avec une souplesse déconcertante, il attaqua rapidement. Sans mal, Fenhrir para. Tel le marteau sur l'enclume, le premier frappa le second. Fenhrir était un roc, son éducation de guerrier à la dure faisait de lui un adversaire redoutable et peu impressionnable.

Mais Finwë était un virtuose. Pour tous, il s'agissait de sa première démonstration en public. Depuis longtemps, il ne se salissait plus les mains, cependant il avait continué de s'entrainer chaque jour durant plusieurs heures. Son corps était fait pour le combat, chaque articulation connaissait la pression exercée sur elle, chaque muscle se tendait à la perfection. Seul ou avec Gabriel, Finwë s'était entraîné sans relâche. Et plus le temps passait, plus le marteau frappait l'enclume, cherchant à la briser.

Lorsque Gabriel et Elio arrivèrent aux abords du combat, ayant contourné les affrontements des deux armées, les deux rois s'affrontaient depuis un moment déjà. En s'approchant, personne ne fit attention à eux et ils purent apercevoir la sueur et la concentration sur leurs visages.

Elio ne quitta pas Fenhrir des yeux, frissonnant à chaque coup donné, sursautant à chaque coup reçu. C'était un vrai calvaire pour lui de voir son père recevoir l'assaut de Finwë, qui était partout à la fois.

Fenhrir supportait vaillamment les coups, mais il savait pourtant qu'il n'en réchapperait pas. Impossible pour lui de vaincre un tel homme, ils n'étaient pas au même niveau. Il pouvait résister un moment, pour l'épuiser le plus possible. Il s'y employa, mais bientôt ses muscles et son corps se mirent à crier au supplice, son souffle se fit plus rare. Mais il tint bon, encore et encore. Et encore. Finwë ne l'avait pas atteint, pas une seule fois, et il en tirait une certaine fierté.

Il sentit quand son corps le lâcha et il lança un dernier regard au Soleil un peu plus rongé par la Lune. Il tomba à genoux et sentit le froid glacé de la lame de Finwë lui perforer le cou. L'image de Lysianna plus radieuse que jamais l'accueillit à bras ouverts.

Gabriel avait su dès le début que Fenhrir n'en ressortirait pas vainqueur, pas avec sa façon de combattre face à Finwë. Pourtant, quand il tomba au sol, son regard se ferma et il ressentit une grande tristesse. Fenhrir était un homme bon, droit et honnête et il l'appréciait beaucoup. Il avait été un homme qui lui ressemblait énormément dans son tempérament.

Il entendit Elio hurler à ses côtés et n'eut pas le temps de se tourner vers lui que déjà le jeune homme se précipitait sur le corps de son père. Elio tomba à genoux face à la dépouille paternelle. Son visage semblait serein et apaisé et pourtant, cela n'empêcha pas sa tristesse et sa rage de s'accroitre. Fou de colère, il se saisit de son épée et se releva.

Finwë se mit à rire face à cette vision. Elio n'avait aucune chance face à lui.

— Pousses-toi de là, gamin, déclara-t-il à peine essoufflé. Il s'agit d'une Tulya Mortë. Tu n'as rien à faire là.

— Si, déclara le jeune homme. Je suis Elio, fils de Lysianna et Fenhrir, nouveau Roi de Somgysaï. Tu as réclamé cette tradition stupide, tu dois m'affronter, lâcha-t-il les yeux embués à force de vouloir contrôler ses sentiments.

— Ainsi tu te dévoiles enfin... Alors soit. Puisque tu l'as décidé, affrontons-nous.

Et avec un rictus mauvais, il chargea.

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