La légende des deux royaumes...

By Miss-Laure

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" Lorsque la Lumière sombrera et que l'Obscurité périra Le doute et la peur apparaitront. En ces... More

Chapitre 1 - Partie 1
Chapitre 1 - Partie 2
Chapitre 2 - Partie 1
Chapitre 2 - Partie 2
Chapitre 3 - Partie 1
Chapitre 3 - Partie 2
Chapitre 3 - Partie 3
Chapitre 4 - Partie 1
Chapitre 4 - Partie 2
Chapitre 5 - Partie 1
Chapitre 5 - Partie 2
Chapitre 6 - Partie 1
Chapitre 6 - Partie 2
Chapitre 7 - Partie 1
Chapitre 7 - Partie 2
Chapitre 8 - Partie 1
Chapitre 8 - Partie 2
Chapitre 9 - Partie 1
Chapitre 9 - Partie 2
Chapitre 10 - Partie 1
Chapitre 10 - Partie 2
Chapitre 11 - Partie 1
Chapitre 11 - partie 2
Chapitre 12 - Partie 1
Chapitre 12 - Partie 2
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15 - Partie 1
Chapitre 15 - Partie 2
Chapitre 16 - Partie 1
Chapitre 16 - Partie 2
Chapitre 17 - Partie 1
Chapitre 17 - Partie 2
Chapitre 18
Chapitre 19 - partie 1
Chapitre 19 - Partie 2
Chapitre 20 - Partie 1
Chapitre 20 - Partie 2
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Épilogue de la 1ère partie
Blabla
Chapitre 1 - Partie 1
Chapitre 1 - Partie 2
Chapitre 2 - Partie 1
Chapitre 2 - Partie 2
Chapitre 3 - Partie 1
Chapitre 3 - Partie 2
Chapitre 4 - Partie 1
Chapitre 4 - Partie 2
Chapitre 5 - Partie 1
Chapitre 5 - Partie 2
Chapitre 6
Chapitre 7 - Partie 1
Chapitre 7 - Partie 2
Chapitre 8 - Partie 1
Chapitre 8 - Partie 2
Chapitre 9 - Partie 1
Chapitre 9 - Partie 2
Chapitre 10 - Partie 1
Chapitre 10 - Partie 2
Nouvelles
C'est parti !
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Epilogue
Blabla de fin

Chapitre 17

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By Miss-Laure

Géron regardait les gardes arriver avec appréhension. Toutes ses pensées se tournaient vers sa famille. Sa femme qu'il aimait plus que tout, ses trois fils et sa fille qui étaient toute sa vie. Oui, il était terrorisé à l'idée de se battre et risquer de mourir. Il pria la Lune de toute son âme pour vivre et vieillir auprès d'eux.

Il n'entendit pas les gardes demander aux amis d'Elio de déposer leurs armes, il n'entendit pas la provocation du plus grand, il ne vit pas les gardes se tendre et les deux guerriers voilés passer à l'attaque. Mais il les vit se battre, songeant que finalement, il aurait une chance de survivre, puis il sentit Elio lui prendre le bras. Et ce fut avec une dernière pensée pour sa femme qu'il se lança dans le combat.

Alhyx fut la première à attaquer. Lorsque les gardes comprirent qu'elle et son frère ne déposeraient pas les armes, ils avaient dégainé leurs épées. Les jumeaux s'étaient mis dos à dos, dans une position maintes fois répétées et ils avaient attendu. Finalement, sentant qu'un des soldats allait céder et passer à l'action, Alhyx craqua la première et, se jetant sur lui, elle trancha l'air de son sabre.

Ignorant pour quelle raison absurde ces hommes ne portaient pas de gants de protection, elle lui trancha les doigts. Ceux-ci tombèrent au sol en même temps que l'épée tandis que l'homme hurla de douleur, saisissant sa paume ensanglantée, abandonnant son bouclier. Arhys passa à l'action à son tour, tandis qu'elle tranchait la gorge de son adversaire qui s'effondra au sol dans un étranglement peu ragoûtant. Il s'opposa à l'homme prêt à attaquer sa sœur, parant l'attaque d'un simple mouvement du bras.

De sa main libre, il se saisit du poignet de l'homme en face de lui et d'un geste souple, le fit pivoter et remonta son bras jusqu'à ce que sa main touche l'épaule. L'homme qui avait lâché son arme depuis un moment, ressentit un craquement sinistre avant qu'une fulgurante douleur lui saisisse le corps entier. Puis la douleur cessa, il s'effondra à terre. Mort. Sans un regard pour lui, Arhys se lança à nouveau dans la mêlée.

C'est à cet instant que Géron, Elio et les villageois réagirent. Ils s'élancèrent dans un cri, détournant l'attention des soldats. Les jumeaux en profitèrent pour en faucher quelques-uns. Seulement la moitié se détourna d'eux pour contrer l'attaque qui venait, mais ce ne fut pas un souci pour ces guerriers surentrainés.

Se remettant dos à dos quelques instants, les jumeaux repartirent à l'attaque. On aurait dit une danse sanguinaire, morbide. L'un passait dans le dos d'un garde, le frappant par derrière et l'autre l'achevait par devant. Attaquant un homme, Alhyx sentit dans le changement de posture de son frère qu'un soldat s'approchait d'elle et tandis que son jumeau achevait son adversaire d'un coup de lame plantée en plein visage, elle se tourna avec le sien pour qu'il fasse bouclier. Son collègue le tua, ne parvenant pas à stopper son coup à temps.

Elle lâcha l'homme avec dégoût avant de pencher la tête pour observer le second soldat qui ne comprenait pas ce qui venait de se passer. Elle s'avança vers lui et lui trancha la gorge. Se tournant vers son frère, elle lança sa dague dans la poitrine de l'homme qu'il immobilisait, ce qui permit à Arhys d'achever un soldat blessé qu'il avait mis à terre quelques instants plus tôt et qui tentait, vainement, de se relever arme au poing.

Géron avait vu s'éloigner Elio lors d'une rixe et même si la plupart d'entre eux affrontaient à deux leurs adversaires, il n'en était rien pour lui. Il se défendait vaillamment. Il connaissait des techniques et s'était souvent battu dans sa jeunesse. Si bien qu'il se trouvait à armes égales avec son adversaire, mais ne parvenait pas à le dominer. Reculant d'un pas, il trébucha sur quelque chose. Ou plutôt sur quelqu'un. Un villageois, un homme qu'il avait croisé bon nombre de fois sans réellement le connaître, il savait pourtant qu'il était père de famille. Se ressaisissant au dernier moment, il réussit à ne pas tomber et para l'attaque du soldat, mais celui-ci balança un coup de bouclier qui l'assomma à moitié.

Il s'effondra contre un mur et tenta sans succès de se remettre en garde. Il vit le coup sans rien pouvoir faire. Il ferma les yeux, songea à sa famille et... rien ne se passa.

Le plus petit des deux guerriers voilés venait de retourner le soldat, l'obligeant à lui faire face, puis de deux mouvements experts, lui enfonça sa lame sous l'aisselle et le garde s'effondra au sol, dévoilant au passage le visage du sauveur de Géron. Ce dernier put apercevoir un visage plus jeune que le sien et surtout, surprise pour lui, féminin. Ce guerrier fabuleux était une femme.

Lorsqu'elle lâcha un juron, plongeant son regard froid, bestial et surtout inquiétant, Géron détourna les yeux. Cependant, du coin de l'œil, il la vit rattacher son pan de voile ballant et camoufler à nouveau son visage, puis retourner auprès de l'autre guerrier masqué. Il regarda autour de lui. Les combats avaient cessés. Plus aucun garde n'était en vie.

La femme rengaina son arme après l'avoir essuyée sur le pantalon d'un soldat à terre. Quatre rebelles étaient tombés également et cela attrista Géron, même s'il savait que c'était inéluctable.

Elio s'approcha de lui rapidement, il n'avait rien et s'enquit de son état. Il le rassura et ils se dirigèrent vers les deux guerriers. L'homme donnait un ordre à un autre rebelle, il lui intimait de ramener plus de personnes en ce lieu. Ensuite, il demanda aux autres de déplacer les cadavres, qu'aucune trace de combat ne subsiste.

Géron mémorisa tous ces précieux conseils. Comme tous les hommes autour de lui, il était effrayé, cependant, il prit sur lui. Après tout, il était celui qui les avait attirés dans cette histoire, avec sa sœur.

Mais avant, il s'approcha de la guerrière pour la remercier de lui avoir sauvé la vie. Quand elle retourna son visage caché vers lui, il aperçut une trace de sang au-dessus de son sourcil gauche et comme il avançait le bras vers elle, elle recula.

— Ne vous inquiétez pas. Vous avez juste un peu de sang là, voilà, ajouta-t-il en l'enlevant d'un coup de pouce.

Elle resta figée sans rien dire.

— Merci, grogna-t-elle finalement.

Géron lui sourit alors qu'Elio se tournait vers lui.

— Nous devons y aller. Je t'en conjure, fais attention !

— Toi aussi. Bien que je ne doute pas que tu sois entre de bonnes mains.

Elio approuva et reprit la route avec les guerriers, se fondant dans l'obscurité. Géron les regarda partir, puis, quand il ne les distingua plus, il se tourna vers les autres, prêts à l'action désormais.

La progression dans les rues de la cité fut rapide. Au travers de ruelles mal éclairées, avançant dans ce labyrinthe dont il connaissait les moindres recoins, Elio guidait les deux guerriers. Lorsqu'un obstacle leur barrait la route, les jumeaux dégainaient leurs sabres et ouvraient le passage. Ils ne montraient aucune hésitation, aucune pitié. Les gardes sur leur route tombaient comme les feuilles à l'automne. Elio ne se posait pas de question, Sauver Erid devait être sa seule pensée.

Ils arrivèrent jusqu'à la cordonnerie de Géron et Mina. La devanture avait été mise à sac. Il ne put s'empêcher de s'inquiéter pour eux. Sous le regard intrigué des deux guerriers, il pénétra à l'intérieur et, après une rapide fouille dans la demeure complètement retournée, il comprit qu'ils avaient dû fuir avec Inwë. Du moins l'espérait-il. Aucune trace de sang ne venait à prouver qu'il y avait eu un combat.

Les jumeaux l'avaient suivi. Il leur fit signe que tout allait bien avant de redescendre et de contourner la cordonnerie pour ouvrir la porte qui menait aux jardins de la Reine.

Ils remontèrent jusqu'au palais. Cependant, Elio ne passa pas par les appartements d'Inwë, le chemin était plus court s'ils empruntaient l'entrée des invités. Deux soldats montaient la garde. Chaque jumeau en bâillonna un, l'attirant en arrière pour ne les relâcher qu'une fois mort. Elio grimaça quand il vit les guerriers les mettre dans un cagibi, ne laissant pas de trace de leur forfait. Il espérait qu'Erid fut encore en vie pour que tout ceci n'ait pas été exécuté en vain. Elio allait de l'avant, les rapprochant de plus en plus des geôles.

Arrivés au détour du couloir, Alhyx jeta un bref coup d'œil.

— Ils sont sept, sauf s'il y en a qui ne sont pas dans la pièce. Ce sera un jeu d'enfant.

— Alhyx et moi allons neutraliser les gardes, fit Arhys. Elio, vous allez vous rendre sans vous arrêter jusqu'aux cellules. Allez libérer votre ami tandis que nous nettoierons la place. Si nous finissons avant vous, Alhyx viendra vous aider, pendant que je monterai la garde.

Alhyx s'apprêtait à ajouter quelque chose mais son frère darda son regard translucide dans le sien.

— Ne commence pas à tout modifier, nous n'avons pas le temps pour ça. Faîtes ce que je dis, affirma-t-il avant qu'elle n'ouvre la bouche.

Elio sentit la jeune femme se renfrogner, mais elle acquiesça toutefois. Le Prince de Somgysaï rabattit sa capuche sur sa tête et dégaina son épée à son tour. Arhys et Alhyx s'engagèrent dans le couloir, il les suivit quelques pas en arrière. D'un pas souple et assuré, il les vit s'approcher rapidement.

En face, le temps que l'on comprenne qu'il ne s'agissait pas des leurs et qu'on les attaquait, de dégainer son arme, les trois furent presque sur eux. Elio aperçut Kaarl dans le tas, prêt avant tous les autres.

Les jumeaux, ouvrant le chemin, réussirent à se diriger jusqu'au couloir des cellules. Elio, donnant des coups lui aussi, réussi à écarter un homme de sa route.

— Allez-y, fit Arhys, tandis qu'il bloquait l'entrée du couloir avec sa sœur.

Elio s'y engouffra précipitamment tandis que ses amis repartirent au combat. Alhyx était encore plus habitée par la folie sanguinaire qu'auparavant et Arhys surveillait ses arrières.

Le binôme fonctionnait parfaitement et quand Kaarl le remarqua, il envoya rapidement les trois derniers soldats en vie sur le plus grand pour s'occuper de l'autre lui-même. Il sentait la hargne s'échapper du combattant et, avec un rictus mauvais, il plongea dans la bataille.

Alhyx parut surprise du changement de ton, les gardes jusque-là s'étaient montrés moins virulents. Elle prit le temps de l'observer rapidement et compris qu'elle avait affaire à leur chef. Un sourire de plaisir étira ses lèvres sous son voile, mais il ne parvint pas jusqu'à ses yeux qui restèrent glaciales.

Alhyx attaqua la première une nouvelle fois et l'homme para ses coups avec simplicité. Enfin quelqu'un à sa hauteur. Elle était une machine de guerre, malheureusement trop souvent guidée par ses émotions lorsqu'un adversaire la contrariait. Elle aurait pu être la guerrière absolue si elle avait accepté de lâcher prise. Mais elle considérait cela comme une faiblesse, sans se rendre compte qu'elle s'enchaînait elle-même.

Kaarl s'en rendit compte et s'en servit. Il rit de chacune de ses attaques, semblant les parer avec plus de simplicité qu'il en éprouvait réellement. S'enfermant dans une colère noire, elle fit de plus en plus d'erreurs face aux provocations du chef des gardes. Kaarl saisit la première occasion qu'il put et d'un mouvement souple, il s'avança vers elle et d'un coup de pommeau, il frappa sa main armée de toutes ses forces.

Alhyx lâcha son sabre dans un cri de douleur et il profita de son étourdissement passager pour lui balancer son poing libre dans la figure. Il plaqua son corps contre le sien, ainsi que sa lame contre sa gorge et il lui tira le voile du visage. Se rendant compte qu'il s'agissait d'une femme, il arracha le tissu avec violence. Il vit quelques mèches rousses tomber devant les yeux de la femme. Agrippant son chignon en arrière, il lui releva la tête.

— Crois-moi, chérie, lâcha-t-il à son oreille, provoquant un frisson de dégout chez la jeune femme. Ça me fend le cœur d'achever une aussi jolie femme que toi.

Il pressa la lame contre sa gorge, laissant un mince filet de sang couler. Une main massive s'abattit sur son épaule, le faisant ployer. Puis il se sentit soulevé. Il tenta bien de s'accrocher à la femme, qui fit quelques pas avec lui, avant de voler plus loin. Le géant lui tomba dessus et d'une voix glaciale, il le menaça :

— Si tu veux te débarrasser de moi, n'envoie pas tes chiens, ça a été ta première erreur. La seconde a été de lui faire du mal. Tu viens de signer ton arrêt de mort.

Kaarl n'était pas un homme impressionnable, il avait grandi à la dure dans les montagnes. On lui avait appris l'obéissance à coups de bâtons. Pourtant, à cet instant, face à cet homme, la peur le saisit.

— Vas-y, tremble, reprit Arhys d'une voix sans émotion.

— Laisse-le moi, fit la voix d'Alhyx dans son dos.

Elle était encore secouée d'avoir frôlé la mort si facilement. Mais elle reprenait peu à peu consistance.

— Laisse-le-moi, affirma-t-elle plus fort alors que son frère n'avait pas bougé.

Finalement, le regard d'Arhys se détourna de Kaarl pour observer sa sœur. Sa chevelure, à moitié défaite et son air perdu le convainquirent. Elle avait besoin de ça pour se sentir à nouveau en confiance.

— Dommage, murmura-t-il à Kaarl avant de lui balancer son immense poing dans la figure.

Le chef de la garde se sentit partir quelques instants avant de revenir à lui. Il crut qu'on lui avait déboité la mâchoire et une douleur l'empêchait de déglutir. Lorsqu'il ouvrit à nouveau les yeux, Alhyx était sur lui, son cimeterre sur sa gorge.

— Crois-moi, chéri, reprit-elle avec un rictus mauvais. Ça me ravit le cœur d'ôter ta misérable vie.

Kaarl voulut dire quelque chose, mais ses paroles se perdirent dans sa gorge, Alhyx avait appuyé sur sa lame sans la moindre hésitation. Il mourut en quelques instants, mais la jeune femme resta là à maintenir enfoncé son sabre, le regard gelé. Son frère s'approcha d'elle doucement et la releva du bout des bras, il se pencha ensuite pour récupérer l'arme, la nettoya et lui tendit. Elle la récupéra et la glissa dans son fourreau. Arhys prit sa sœur quelques secondes dans ses bras avant de l'écarter de lui.

— Va aider Elio, dépêche-toi, fit-il d'une voix douce.

Sa bête, réveillée lorsqu'il avait vu sa sœur dans les bras de cette pourriture, s'était assoupie quelques instants à la vue de la détresse de sa jumelle. Mais elle reviendrait bientôt et il voulait être seul à ce moment-là pour la contrôler. Pour une fois, Alhyx ne chercha pas à négocier, elle ramassa son voile pour essuyer le sang de sa gorge et s'éloigna dans le couloir.

A l'intersection, elle appela Elio pour savoir de quel côté il se trouvait. Sa voix vint de la gauche et elle pénétra dans l'embranchement. Elle le vit dans une des cellules et s'approcha de lui. Il s'occupait d'un homme, allongé sur une table, le visage boursouflé, couvert d'ecchymoses et de sang. Son torse était entaillé, ses doigts disloqués. Mais la pire blessure était probablement son genou gauche complètement éclaté, les os étaient à nu.

Elio, qui l'avait détaché, ne savait visiblement pas comment s'y prendre pour le soulever sans l'achever. Alhyx fut bouleversée face à cette atrocité. C'était une guerrière confirmée, donner la mort ne l'effrayait pas. Pourtant, ceci n'était pas humain. Elle se prit à regretter d'avoir achevé Kaarl aussi simplement. Il aurait mérité qu'Arhys s'occupe de lui.

L'homme était tellement mal en point qu'elle songea à l'achever sur place pour abréger ses souffrances. C'était certainement ce qu'elle aurait fait si elle avait été en pleine possession de ses moyens, mais son affrontement avec le chef de la garde l'avait ébranlée plus que de raison.

— Il est comme un frère pour moi, déclara Elio, les larmes aux yeux en se tournant vers elle.

Imaginer Arhys et Meij à sa place la rendit presque folle. Elle allait se battre pour que cet Erid vive. Elle approcha de lui hésitante, et, soulevant sa jambe, elle l'entoura de son voile pour la protéger. Erid lâcha un râle de douleur.

— Nous allons vous transporter, ça va faire très mal, mais je vous ordonne de rester en vie, fit-elle avec son air autoritaire qui ne tolérait aucune contrariété.

A l'écoute de cette voix féminine, Erid tourna faiblement la tête vers elle et entrouvrit les yeux. Dans un rictus qui se voulait un sourire il réussit à dire d'une voix rauque et grinçante :

— Pour vous, je pourrais promettre n'importe quoi.

Alhyx vit qu'Elio se détendait et lui lança un regard interrogateur.

— Cela veut dire qu'il est encore lui-même et conscient, fit-il soulagé.

N'en demandant pas plus, Alhyx prit son bras sous son épaule et l'assista, Elio en fit de même de l'autre côté. Erid lâcha un cri de douleur à briser le cœur. Finalement, ils réussirent à le soulever et l'entraîner dans le couloir. Ils débouchèrent sur la salle du début. Arhys était en train de nettoyer sa lame, aux pieds de trois nouveaux cadavres. Il semblait plus refermé sur lui-même que jamais et quand il vit l'état du blessé, ses yeux s'étrécirent plus encore.

— Donnez-le-moi, je vais le transporter.

Il s'approcha d'eux et prit Erid dans ses bras.

— Vous allez ouvrir la marche et tuer tout ce qui se pointe, je ne pourrai pas me défendre.

Elio et Alhyx approuvèrent. Le jeune homme attrapa un casque et le lança à sa camarade pour qu'elle se camoufle le visage. Elle regarda l'objet en grimaçant, mais accepta de le porter, puis ouvrit la marche. Ensuite vinrent Arhys et Erid. Elio protégea leurs arrières.

Sur le chemin du retour, ils ne croisèrent que peu de gardes, mais Elio se battit avec toute sa volonté, n'hésitant plus à tuer. La vision de son ami annihilait ses principes. Quand enfin ils arrivèrent à la porte des remparts, Géron les accueillit avec effarement quand il vit Erid.

Arhys, qui ne s'était pas plaint une seule fois du poids du blessé, mais dont on commençait à sentir la crispation nerveuse, demanda toutefois des nouvelles de la rébellion.

— Tout a été pris en main, le rassura Géron. Ici nous avons arrêté trois nouvelles troupes et j'ai reçu des nouvelles de la porte principale. Ils sont encore en situation de force, les gardes ne sont pas parvenus à les déloger. D'autres hommes grossissent les rangs, désormais.

Apparemment satisfait, Arhys hocha la tête et tous les trois se dirigèrent vers le bateau de Meij. Hâtant un peu plus le pas, le teint d'Erid était de plus ne plus inquiétant, à mesure qu'ils avançaient.

Une fois sur le pont, Meij leur fit face les bras croisés, le regard dur.

— Je sais que nous t'avons désobéi délibérément, fit Alhyx lui faisant face. Mais si nous ne l'avions pas fait, cet homme serait mort, alors je ne regrette rien. Tu pourras ma châtier, je te jure que je me plaindrai pas, mais laisses-le se faire soigner avant.

L'aîné parut surpris de la fougue de sa sœur qu'il en oublia son plaidoyer pour les culpabiliser de lui avoir désobéi. Il s'écarta sous le regard tout aussi étonné d'Arhys et Elio.

— Solal est déjà là en bas dans ma cabine, fit Meij en s'écartant. J'ai pensé qu'il serait utile.

Signifiant par-là qu'il les avait cautionnés malgré leur désobéissance, Alhyx lui fit un petit sourire avant de s'engouffrer dans le bateau, les autres à sa suite.

***

Dans la chambre d'Inwë, l'ambiance était calme. Nora et Luna s'étaient tout de suite adoptées, les deux cousines se ressemblaient énormément avec leurs chevelures blondes. Assises dans un coin, la fille de Mina apprenait à sa nouvelle amie comment communiquer avec Keiran en utilisant les gestes. L'adolescent accroupi un peu plus loin les surveillait, protecteur. On voyait bien que la situation lui rappelait de pénibles souvenirs, réveillant son traumatisme passé. Cependant, il veillait à le montrer le moins possible.

Dans le fauteuil près du balcon, Julyne berçait Nolann dans ses bras, tandis que Mina s'occupait de son dernier né, sur le lit d'Inwë. Geosef, quant à lui, s'était installé sur le siège de la coiffeuse et ne bougeait pas.

Tous étaient tendus, à l'affut du moindre bruit. La porte fenêtre était restée ouverte et les rideaux tirés. Parfois, un son venait d'au-delà du palais, preuve d'une agitation dans la cité. Mina se crispait à chaque fois et Keiran lui lançait un regard perdu avant de se concentrer à nouveau sur les fillettes.

La tension insoutenable leur sciait les nerfs. Mina se leva pour se dégourdir les jambes, puis elle retourna s'assoir sur le lit. Julyne la regarda avec un petit sourire rassurant. Toutes les deux ne s'étaient presque pas parlées, pourtant elles reconnaissaient en l'autre un soutien sans faille. Geosef les rassurait. Le voir si stoïque, sans qu'aucune angoisse ne traverse son visage, les tranquillisait avec bienveillance.

Alyse, de son côté, lorsque Finwë lui avait demandé de patienter dans ses appartements, s'était exécutée, sentant le vent tourner en sa faveur. Puis, quand elle s'était retrouvée seule, elle avait fini par s'ennuyer. Loin d'être idiote, elle avait compris qu'Inwë avait trahi son époux pour s'allier avec le royaume voisin. Jamais Alyse n'aurait fait une chose aussi stupide. Mais elle se rassurait en se disant que bientôt elle trônerait à la place de cette maudite femme.

Cependant, une de ses paroles tournait dans sa tête, encore et encore. Finwë aurait dû l'épouser. Et il lui avait préféré une femme aux origines obscures qui n'avait pour elle rien d'autre qu'un antique statut oublié depuis des générations.

Rongée par une curiosité malsaine, elle voulut se rendre à ses appartements. Après tout, c'était la panique, personne n'entrerait ici avant des heures, on ne remarquerait pas sa fouille et elle avait désespérément besoin de comprendre. Alors, délicatement, elle entrouvrit la porte mitoyenne, s'assurant que personne ne se trouvait de l'autre côté. A pas de loup, elle avança dans le grand salon qu'elle connaissait déjà et quand elle pénétra dans le salon privé, elle se figea net en entendant des voix venir de la chambre. Elle commença à faire demi-tour avant de revenir sur ses pas. Les voix étaient féminines et l'une d'entre elles appartenait très distinctement à Inwë. Aucun doute à avoir sur la question. Trop curieuse de savoir ce que la traîtresse faisait ici, elle revint sur ses pas.

Alors qu'elle était presque arrivée jusqu'à la porte, elle entendit celle de l'appartement se refermer et quelqu'un s'approcher. Prise de panique à l'idée de se faire attraper en mauvaise posture, elle courut se réfugier derrière un canapé en tremblant, priant pour que la semi obscurité ne la trahisse pas. Réussissant toutefois à voir qui approchait, elle se rendit compte qu'il s'agissait seulement de Geosef. Elle le vit faire face à une Inwë surprise qui le fit tout de même entrer avant de repousser la porte. Mais cette fois, elle resta entrebâillée.

Au bout d'un instant, après que ses tremblements aient disparus, elle se releva discrètement et s'approcha. Elle resta interdite face à la conversation qui se déroulait de l'autre côté. Alors qu'Inwë était censée avoir perdu toute sa famille, elle présentait à Geosef les femmes et les enfants en tant que tels. Pire, elle introduisit l'une des fillettes comme sa propre fille.

En l'entrapercevant un instant, elle vit que l'enfant était assez grande pour avoir été mise au monde avant le mariage, quoiqu'elle se souvenait de la disparition d'Inwë quelques temps après les noces. Peut-être que la fillette était née à ce moment-là, des rumeurs avaient circulées à l'époque mais Finwë les avaient toutes étouffées. Il était hors de question que cette traitresse puisse vivre avec son enfant. Pas après tout ce qu'elle avait sacrifié.

Un instinct de survie s'éveilla en Alyse. Elle était certaine que ces informations intéresseraient son amant lors de son retour et elle les lui donnerait sur un plateau d'argent pour assoir un peu plus sa place. Alors, elle s'éloigna discrètement pour retourner dans les appartements de Finwë afin de l'attendre pour lui donner la nouvelle.

Mais plus elle patientait, plus elle avait peur que la famille d'Inwë change d'endroit, qu'elle ne les retrouve plus et qu'elle n'ait plus rien à offrir à Finwë. Prenant sa décision, elle se dirigea vers l'entrée des appartements du roi. De nouveaux gardes étaient en faction et elle les somma d'entrer. Ils étaient quatre à pénétrer l'endroit. Une fois qu'ils furent à l'intérieur, elle leur expliqua la situation. Elle ne voulait pas ôter les vies, mais les faire prisonniers en attendant le retour de Finwë pour qu'il décide que faire d'eux. Acquiesçant, les gardes la précédèrent dans la place et entrèrent dans la chambre d'Inwë, envahissant l'espace.

Terrorisés, tous sursautèrent à l'intérieur et personne n'eut la présence d'esprit de bouger. Les soldats les rassemblèrent au milieu de la pièce. Nolann se mit à pleurer, ce qui réveilla son petit frère qui s'agita à son tour. Mina et Julyne ne montrèrent pas leur angoisse pour rassurer les enfants. Keiran s'étaient emmuré dans des souvenirs lointains et les deux fillettes avaient des larmes au bord des yeux.

Geosef tentait tant bien que mal de comprendre et calmer la situation, mais une gifle d'un des gardes le fit tomber à terre. Lorsqu'il se releva avec difficulté, Alyse entra dans la pièce.

— C'est elle, déclara-t-elle en désignant la première fillette blonde devant elle.

Un des gardes l'attrapa, la laissant pousser un cri et se débattre, mais la bâillonnant de sa main, il la serra contre lui pour qu'elle cesse de bouger.

— Si vous touchez à un seul de ses cheveux, lâcha Mina en déposant son nouveau-né dans les bras du vieil homme, je vous jure que je vous tue.

Trouvant visiblement la remarque amusante, Alyse s'approcha d'elle en riant.

— Vraiment ? Et comment comptez-vous vous y prendre ? demanda-t-elle, arrogante.

— Ecoute-moi bien. Si tu lui touches ne serait-ce qu'un de ses cheveux, je te jure que je te tuerai de mes propres mains, cracha Mina avant de lui décrocher une gifle monumentale.

Pâlissant sous le choc et l'affront, Alyse porta une main à sa joue. Les trois gardes inoccupés s'avancèrent vers Mina, menaçants. Mais dans l'agitation, Keiran avait récupéré l'épée d'Inwë et vint se placer devant sa mère d'adoption, la mâchoire crispée et le regard dur. Bien évidemment, il n'effraya pas les gardes, mais ils cessèrent d'avancer. Alyse, en revanche, ne semblait pas heureuse de la tournure des évènements. Elle s'approcha de Keiran.

— Lâche ça, petit. Tout ce que je veux, c'est la gamine d'Inwë. Et si vous vous tenez bien, alors il ne lui arrivera rien.

Malheureusement pour Alyse, elle s'était trompée d'enfant. Le garde avait récupéré Nora à la place de Luna. Julyne s'approcha de sa fille adoptive avec l'aide de Geosef, pour la soustraire de leur vue du mieux qu'ils purent.

Ne sachant pas quoi faire, Mina posa la main sur l'épaule de son aîné pour qu'il abaisse son arme. Cependant, Luna échappa à la protection de sa mère adoptive et du vieil homme et se plaça devant eux avant de déclarer d'une petite voix :

— C'est pas elle, la fille d'Inwë.

Alyse suspendit son geste et se tourna vers la fillette. Mais Julyne qui avait toujours Nolann sanglotant dans un bras, s'écartait déjà d'elle entrainant avec elle Luna.

— Qu'est-ce que tu as dit ?

— C'est moi la fille d'Inwë, fit la blondinette d'une toute petite voix.

Alyse fronça les sourcils, les deux gamines se ressemblaient tellement qu'il pouvait bien s'agir de la vérité, comme d'une ruse. Elle s'apprêtait à sommer un des gardes de venir la récupérer quand tout s'accéléra. Mina attrapa l'épée de mains de Keiran et vint menacer Alyse avec. Dans un mouvement souple, un homme surgit de derrière les rideaux du balcon pour se mettre entre eux et les soldats, les protégeant.

— Faîtes un pas de plus, touchez ma fille et je l'égorge, s'exclama Mina dans une colère monstre.

L'homme tourna un instant la tête vers elle avant de recentrer son attention sur les gardes. Il s'agissait de Samios et Mina soupira soulagée.

Il était venu dès qu'Inwë le lui avait demandé. Malheureusement, Alyse était intervenue bien trop tôt et il n'avait pas voulu pénétrer l'endroit et risquer la vie de qui que ce soit. Il avait attendu derrière le rideau, espionnant et guettant le meilleur moment pour intervenir.

Mina tira Alyse vers elle et passa la lame sous sa gorge, appuyant fort, jusqu'à ce que la maîtresse du Roi ne puisse plus déglutir sans danger.

— Faîtes ce qu'elle vous dit, somma cette dernière. Libérez la petite.

Mais les gardes ne semblaient pas décidés.

— Par le Soleil ! Qui vous paie ? questionna Alyse proche de l'hystérie. Qui vous exécutera pour ne pas m'avoir laissé la vie sauve ?

A cet instant, Nora décida pour eux. Elle mordit la main de son ravisseur qui relâcha un peu son étreinte sous la surprise et la petite en profita pour ruer, tentant de s'échapper. Voyant là qu'il courrait à sa perte s'il la gardait plus longtemps, il la jeta au loin. Nora tomba à terre. Comme Mina ne pouvait bouger, Julyne déposa Nolann qui s'agrippait à elle dans les bras de Keiran et vint remplacer son amie, récupérant son arme et la laissant plaquée contre la gorge d'Alyse. Mina se précipita vers sa fille encore à terre et la berça contre elle, consolant sa peine et sa douleur.

— Bien, fit Samios en prenant les choses en main. Peut-on trouver quelque chose pour les attacher ?

Geosef acquiesça, disparut un instant, toujours le bébé entre les bras et revint avec une corde. Il boitait et semblait vraiment mal en point si bien que Samios n'eut pas le cœur de lui demander de l'aider et l'envoya s'asseoir. Il se tourna vers Mina qui s'occupait de sa fille, puis se tourna vers la seconde femme. Il fut surpris de reconnaître la personne du bateau qu'il avait observée un peu plus tôt.

— Pouvez-vous les attacher ? Amenez Alyse ici.

Il sortit un poignard pour qu'elle puisse couper la corde, tandis qu'elle avançait vers lui avec la prisonnière. Il garda la maîtresse du Roi auprès de lui alors que Julyne commençait à ligoter les gardes d'après ses directives.

Pendant ce temps, Alyse resta stoïque semblant prendre conscience de la situation qu'elle avait déclenché et qui s'était soldée par un désastre.

— N'hésitez pas à serrer, surtout.

La jeune femme approuva et s'exécuta. Une fois qu'ils furent attachés et bâillonnés dans la penderie, Samios s'occupa lui-même d'Alyse avant de vérifier les attaches des soldats, mais la jeune femme avait fait du bon travail.

— Vous êtes Julyne, n'est-ce pas ?

Il l'avait déduit lorsqu'il avait compris que la petite fille était Luna.

— C'est exact, fit-elle avec un sourire encore intimidé des événements passés.

— Je suis Samios. Vous avez fait du bon travail avec ces nœuds, je pourrai certainement vous engager comme moussaillon sur un de mes navires.

La plaisanterie eut l'air de faire son effet puisque le visage de Julyne se détendit un peu.

— J'ai aussi entendu parler de vous.

Puis elle se tourna vers Luna qui se tenait aux côtés de Keiran et observait, inquiète, Nora. Mais la petite allait bien et elle se ressaisissait. Mina abandonna un moment le lit et s'approcha d'Alyse, prête à la frapper, mais Julyne se tint à ses côtés au cas où.

— Vous avez de la chance qu'elle n'ait rien. Vous en prendre à des enfants et pour qui ? Pour une ordure qui ne vous considère absolument pas ? Vous êtes pathétique, vous ne valez rien, lui asséna-t-elle alors que Julyne lui posait la main sur l'épaule.

Mina se détourna d'Alyse, dégoûtée et se rendit auprès de Geosef s'enquérir de son état et récupérer son bébé. Julyne la rejoignit et Samios la regarda s'approcher de Luna pour la prendre dans ses bras. Lui resta auprès des gardes pour les surveiller. Au bout d'un moment, il vit Keiran le rejoindre, l'autre épée à la main. Samios ne lui dit rien, mais passa le bras sur l'épaule de l'enfant et l'attira contre lui.

***

Sans comprendre ce qui se passait, Inwë vit Lysianna sortir une dague de sa manche et l'apposer contre sa propre poitrine. Elle poussa un cri, s'avançant vers elle, lui demandant d'éloigner sa main armée du reste de son corps. Mais Lysianna n'en fit rien. Bien qu'elle suspendit son geste, l'arme resta collée contre elle.

Paniquée, Inwë regarda autour d'elle. Rien ni personne aux alentours ne pourrait l'aider. Elles se trouvaient à l'écart de tout, sur une rive de la Rivière aux Mille Reflets. Pour quelles raisons Lysianna l'avait attirée ici ? Pour qu'elle ne puisse pas intervenir ou qu'elle empêche son geste ? Sans comprendre, elle ne pourrait pas l'aider, alors elle lui posa la question.

— Lysianna, pourquoi vous m'avez entrainée ici avec vous si c'est pour vous infliger la mort ? Expliquez-moi, implora-t-elle.

Lysianna posa sur elle son regard bienveillant, totalement surréaliste dans la situation présente. Cela ne rassura pas Inwë, bien au contraire. Par la Lune, elle semblait si déterminée et sereine face à son choix. Cependant, elle prit la parole.

— Je fais ce que je dois faire.

— Ne me dîtes pas que vous agissez ainsi parce que vous l'avez vu dans l'une de vos visions.

— Si, affirma la Fille du Soleil d'une voix douce mais néanmoins ferme. J'ai eu cette vision il y a bien longtemps. Bien avant de vous rencontrer, je n'étais encore qu'une jeune femme. Depuis cette époque j'ai grandi et mûri. Chacune de mes visions s'est réalisée et pour le mieux. Il est écrit que je dois mourir aujourd'hui. Tel est mon destin.

— Arrêtez avec ce destin. Je n'en peux plus. Vous pouvez changer les choses. Vous le pouvez. Vous êtes maîtresse de vos propres choix.

— Et c'est pour cette raison que je m'exécute.

Face à un tel fanatisme, Inwë enrageait de ne pouvoir convaincre Lysianna. Elle ne pourrait lui faire entendre raison.

— Je vous soignerai. Si vous le faites, je vous guérirai et si vous recommencez, je vous rétablirai jusqu'à ce que vous abandonniez cette idée.

— Vous n'en avez pas le pouvoir. Vous ne pourrez rien me faire si je décide du contraire. Je suis l'autre partie de votre don, vous n'y arriverez pas.

— Alors vous abandonneriez votre fils pour une vision ?

Des larmes de rage et d'impuissance perlaient au coin des yeux de la Fille de la Lune.

— Au contraire. Tout ce que je fais est pour mon fils. Si cela signifie que je dois me tuer, je le fais. Si pour cela des gens que j'aime doivent eux aussi mourir, alors je n'aurai aucun scrupule. Elio est la raison qui gouverne ma vie.

Inwë ne sut que répondre. Qu'aurait-elle fait si, pour que sa fille vive, elle doive mourir ? Non. Elle aurait lutté le plus longtemps possible pour qu'elles deux survivent et n'aurait cédé que s'il n'y avait pas eu d'autres possibilités.

— Je dois m'excuser auprès de vous pour une action que j'ai commise autrefois.

En disant ceci, Lysianna lui avait dévoilé le manche de son poignard. Exactement le même que le sien, remarqua Inwë. Ce qui signifiait, exactement le même que celui qu'avait porté un mercenaire qui avait voulu assassiner William il y avait si longtemps de cela. Le premier homme qu'elle avait tué. Comprenant que cela signifiait que Lysianna était l'investigatrice de cette tentative d'assassinat, les yeux d'Inwë s'écarquillèrent d'effroi. Alors qu'elle s'apprêtait à fustiger Lysianna, cette dernière reprit la parole.

— Je savais qu'il ne vous arriverait rien, ni à William, ni à vous. Mais je devais le faire pour qu'il vous soit redevable, qu'il vous fasse confiance et se confie à vous. Sans cela il ne se serait jamais ouvert et j'avais besoin de vous et votre don pour soigner mon fils, tout comme j'ai besoin de vous aujourd'hui. Je suis désolée de vous avoir attirée à nous ainsi.

Inwë s'en moquait. Elle avait failli y laisser sa peau et William également. Lysianna avait raison de dire qu'il s'agissait d'un élément déclencheur. C'était celui de leur vraie rencontre et de leur implication à tous les deux dans l'histoire... Et de la mort de William.

— Vous avez sacrifié votre propre frère. Il est mort parce que vous l'avez plongé dans cette histoire.

— Non. William a fait ses propres choix, je ne l'ai jamais influencé. Il avait décidé d'affronté son frère quoiqu'il arrive. J'ai juste bouleversé votre relation et ne me dîtes pas que vous le regrettez. Si je ne l'avais pas fait, il ne se serait jamais confié à vous et vous ne l'auriez pas accompagné. Mon fils serait mort sans que vous ayez pu le soigner.

Inwë était sincèrement en colère contre Lysianna. Mais elle se rendit compte que c'était vrai. Si William ne s'était pas ouvert à elle, ils auraient probablement pris deux chemins différents. Ils n'auraient jamais connu l'amour et Luna ne serait pas là aujourd'hui. Elle n'aurait jamais rencontré Elio, ne l'aurait pas sauvé.

Pouvait-elle comprendre qu'une mère fasse tout pour son enfant ? En grande partie, oui. Mais ça ne voulait pas dire qu'elle acceptait d'avoir été manipulée.

— Nous sommes maudites, déclara Lysianna. Nos dons nous maudissent parce qu'ils ne nous laissent pas le choix. J'ai toujours été dirigée par ces visions et vous par votre compassion qui vous interdit de fuir et d'abandonner votre peuple aux mains d'un tyran. Nous aurions pu avoir des vies si simples, j'en suis certaine.

Inwë ne sut que dire. Que répondait-on à une femme qui savait depuis longtemps le jour de sa mort et qu'elle s'ôterait la vie. A cet instant, elle était résignée.

— J'ai rencontré votre grand-mère autrefois. Elle s'est toujours battue pour ne pas suivre le chemin que le destin avait tracé pour elle. Pourtant, elle a fini par choisir cette voie, nous impliquant ainsi, vous et moi. De toutes, elle m'a affirmé qu'il s'agissait de la meilleure. Alors, à défaut d'avoir confiance en moi, ayez foi en elle.

Inwë songea qu'elle aurait aimé que Grand'ma Nora lui confie cela à elle, qu'elle lui explique à quoi s'attendre. Mais Lysianna avait raison sur un point, elle croyait au bon jugement de sa grand-mère. Si cette dernière avait presque lutté toute sa vie contre cet héritage, et qu'elle avait fini par lui transmettre, c'était pour de bonnes raisons. Les yeux baignés de larmes, elle releva la tête pour croiser le regard de Lysianna :

— Vous y êtes vraiment obligée ?

La Reine de Somgysaï hocha positivement la tête.

— Alors je resterai à vos côtés jusqu'à la fin, se résigna-t-elle.

— Merci.

Son regard, incertain pour la première fois, secoua Inwë. Mais sans avoir le temps d'ajouter quelque chose à nouveau, La Fille du Soleil enfonça le poignard en elle. Se précipitant, Inwë amortit sa chute et tomba avec elle à terre. Elle ramena Lysianna contre elle, l'installant confortablement contre son buste.

— Vous avez promis, balbutia la Fille du Soleil.

— Laissez-moi au moins atténuer votre douleur.

— D'accord.

Posant ses mains autour de son visage, Inwë s'exécuta.

— Pourquoi avez-vous amené Luna avec vous ?

— Je l'ai vu, répondit simplement Lysianna.

La Fille de la Lune accepta cette non-réponse dans un petit rire désabusé et même Lysianna sourit.

— Je suis désolée de vous avoir fait venir ici, parvint difficilement à dire Lysianna tandis que la vie la quittait petit à petit.

— Ce n'est rien.

— Je ne pouvais pas le demander à Elio, il n'aurait pas compris et le faire dans les bras de mon Fenhrir était au-dessus de mes forces.

Une quinte de toux la fit grimacer, mais elle reprit quand même.

— Elio doit hériter de ce don. Acceptez de l'héberger le temps qu'il faudra et de lui transmettre.

Alors qu'Inwë allait se récrier, expliquant qu'elle ne comprenait pas sa décision suite à ces dernières paroles, Lysianna recommença à parler après une pause.

— Son avenir en dépend et son bonheur également, ainsi que celui de votre fille.

Inwë ferma la bouche. La rouvrit, puis la referma à nouveau. Elle était complètement perdue.

— Acceptez au moins de l'accueillir en vous, fit Lysianna, de plus en plus exsangue après une nouvelle quinte de toux. Recevez-les et vous prendrez vous-même la décision de lui transmettre ou non. Accordez-moi cela. Je ne sais pas si je le mérite, mais accordez-moi cela.

Inwë regarda la Fille du Soleil et son image se superposa avec celle de Grand'ma Nora. La suite relèverait de son choix.

Elle tendit les mains et attrapa celles de Lysianna. Cette dernière, voyant ses dernières forces l'abandonner, ferma les yeux pour se concentrer. Elle happa Inwë qui, comme autrefois, sentit des générations de femmes s'écouler en elle. Elle remonta ainsi jusqu'à Lyssa, la première Fille du Soleil. Alors qu'elle sombrait à son tour, elle crut entendre la voix de Lysianna résonner en elle. Battez-vous, Inwë. Jurez-moi de vous battre...

La jeune femme resta un long moment inconsciente, absorbant tous ces nouveaux souvenirs. Puis elle revint petit à petit à elle. Elle était allongée par terre, Lysianna toujours contre elle.

Se redressant tant bien que mal, elle s'assit en serrant sa tête dans ses mains et se mit à pleurer. Peut-être un peu pour la mort de sa comparse, mais aussi contre le destin qui semblait se montrer cruel. Contre la peine d'Elio quand elle lui annoncerait le décès de sa mère et pour sa propre fille, qui un jour vivrai peut-être la même aventure. Jusque-là, elle aurait certifié ne jamais transmettre son don à sa fille et elle pleurait la perte de ses convictions.

Elle prit le temps de laisser ses larmes se tarir d'elles-mêmes, puis elle se releva difficilement sur ses deux jambes. Elle ôta la dague des entrailles Lysianna et essuya ses joues. Elle défit la cape de ses épaules et la recouvrit.

A cet instant, l'aube se levait et qu'importe ce que cela augurait, Inwë se promit que Finwë mourrait avant la fin de cette journée. Oh oui ! Elle allait se battre.



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Alors on entre dans la bonne ambiance et le décompte des morts. Et je vous prie de bien vous rappeler que vous m'avez demandé cette fin héhé.

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