La légende des deux royaumes...

By Miss-Laure

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" Lorsque la Lumière sombrera et que l'Obscurité périra Le doute et la peur apparaitront. En ces... More

Chapitre 1 - Partie 1
Chapitre 1 - Partie 2
Chapitre 2 - Partie 1
Chapitre 2 - Partie 2
Chapitre 3 - Partie 1
Chapitre 3 - Partie 2
Chapitre 3 - Partie 3
Chapitre 4 - Partie 1
Chapitre 4 - Partie 2
Chapitre 5 - Partie 1
Chapitre 5 - Partie 2
Chapitre 6 - Partie 1
Chapitre 6 - Partie 2
Chapitre 7 - Partie 1
Chapitre 7 - Partie 2
Chapitre 8 - Partie 1
Chapitre 8 - Partie 2
Chapitre 9 - Partie 1
Chapitre 9 - Partie 2
Chapitre 10 - Partie 1
Chapitre 10 - Partie 2
Chapitre 11 - Partie 1
Chapitre 11 - partie 2
Chapitre 12 - Partie 1
Chapitre 12 - Partie 2
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15 - Partie 1
Chapitre 15 - Partie 2
Chapitre 16 - Partie 1
Chapitre 16 - Partie 2
Chapitre 17 - Partie 1
Chapitre 17 - Partie 2
Chapitre 18
Chapitre 19 - partie 1
Chapitre 19 - Partie 2
Chapitre 20 - Partie 1
Chapitre 20 - Partie 2
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Épilogue de la 1ère partie
Blabla
Chapitre 1 - Partie 1
Chapitre 1 - Partie 2
Chapitre 2 - Partie 1
Chapitre 2 - Partie 2
Chapitre 3 - Partie 1
Chapitre 3 - Partie 2
Chapitre 4 - Partie 1
Chapitre 4 - Partie 2
Chapitre 5 - Partie 1
Chapitre 5 - Partie 2
Chapitre 6
Chapitre 7 - Partie 1
Chapitre 7 - Partie 2
Chapitre 8 - Partie 1
Chapitre 8 - Partie 2
Chapitre 9 - Partie 1
Chapitre 9 - Partie 2
Chapitre 10 - Partie 1
Chapitre 10 - Partie 2
Nouvelles
C'est parti !
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Epilogue
Blabla de fin

Chapitre 14

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By Miss-Laure

Inwë écouta son époux quitter sa chambre, le dos tourné, faisant semblant d'être assoupie. Finwë exultait depuis l'arrivée de Meij et les promesses de conquête que cela augurait. S'il avait la moindre preuve quant à son rôle, Inwë savait qu'elle ne ferait pas long feu sur cette terre. Peu importe qu'il éprouvait de l'affection pour elle ou non, si on lui prouvait qu'elle cherchait à ruiner ses plans, il la ferait exécuter sur la place publique.

Elle avait risqué gros, un peu plus tôt dans la soirée, en adressant ses doutes à Meij. Restait à savoir s'il l'écouterait ou en ferait mention à Finwë. Elle allait devoir se montrer très prudente dans les jours à venir.

Chassant ces idées de sa tête pour la nuit, la Fille de la Lune se releva, enfila un long déshabillé et se rendit sur son balcon pour profiter de l'air tiède. Le ciel nuageux laissait toutefois filer la Lune croissante. Elle apercevait les lumières de la ville, des tavernes, certainement, qui ne fermaient jamais, ou des boulangers, déjà à l'œuvre dans leurs fourneaux pour livrer du pain dès les premières lueurs.

Inwë perçut une silhouette en contrebas qui se déplaçait dans son jardin et elle sourit en la reconnaissant. Pieds nus, elle descendit et rejoignit l'herbe tendre et douce sous ses pas. Il s'agissait de Gabriel. Elle ignorait la raison de sa présence mais elle était heureuse qu'il soit là.

Assis sur le banc au pied du saule pleureur, il fixait le petit étang devant lui. Inwë vint s'asseoir à ses côtés.

— Qu'es-tu venu faire ici ?

— J'avais besoin de calme et de réflexion, je tournais en rond à l'intérieur.

— Tu veux que je te laisse ?

— Non, tu peux rester, lui dit-il d'une voix douce en se tournant vers elle.

Il passa son bras par-dessus son épaule et la rapprochant de lui. Elle posa la tête contre son épaule. Ils restèrent un long moment à ne rien dire, puis finalement Inwë reprit la parole.

— Tu n'aimes pas vivre ici, n'est-ce pas ? Tu préfères être en dehors de ces murs et voyager...

— Aller où je veux, pour moi, c'est la liberté. J'aime partir sans savoir où mes pas me conduisent ni ce que je vais découvrir. Même lorsque que j'étais plus jeune, j'aimais partir et explorer le monde au-delà des marais.

— Comment était ta vie là-bas ?

Cette nuit, il avait besoin de parler. Gabriel n'était pas d'un naturel bavard, alors Inwë était ravie de voir qu'il se confiait à elle et était même touchée de cette marque de confiance.

— Calme et simple. C'était une vie parfaite, en tout cas pour moi. Pourtant, j'avais déjà cette envie de partir toujours plus loin, le monde que je connaissais ne me suffisait pas. Mais c'était une belle vie.

— Comment était ta femme ?

— Elle avait les mêmes cheveux flamboyant qu'Alhyx. Cendhra était une femme merveilleuse, si douce. Elle m'a donné une fille magnifique.

— Je suis désolée que Finwë t'ait pris tout ça. C'est tellement injuste.

— Le plus drôle dans tout ça, c'est que j'avais fini par me dire que ça faisait partie de la vie. Je continuais à vivre et je le remerciais de m'avoir offert la possibilité d'avancer.

— Finwë arrive facilement à promettre des choses tant qu'elles sont dans son intérêt !

— Il m'a conduit jusqu'à toi et tu m'as conduit jusqu'à mon frère. Je suis très content de t'avoir trouvée, même si ça a pris du temps.

— Oh, fit Inwë émue et gênée à la fois de recevoir cette déclaration sincère. Eh bien, je suppose qu'il ne faudra pas oublier de le remercier pour ça avant de l'achever.

Gabriel, lâcha un petit rire avant de continuer à la regarder en souriant. Quelques gouttes cliquetèrent à la surface de l'eau avant qu'un véritable déluge ne s'abatte. Ils n'étaient pas totalement abrités par l'épais feuillage du saule, aussi se précipitèrent-ils contre le tronc en riant afin de se protéger plus efficacement de la pluie. Inwë avait eu le temps de voir ses cheveux mouillés et sa tenue aussi. A présent, sa peau humide sous la légère brise la faisait frissonner. Gabriel, avec ses mains chaudes, lui frictionna délicatement les épaules, puis les bras avant de la serrer contre lui pour lui transmettre un peu de chaleur.

La jeune femme releva son regard dans l'étendue cyan des yeux Gabriel. Tous les deux restèrent ainsi à s'observer un temps infini puis Gabriel s'empara de sa bouche. Il prit ses lèvres avec impatience et exigence, comme s'il souhaitait lui montrer l'étendue et la complexité des sentiments qu'il ressentait pour elle. Inwë frissonna devant la multitude des émotions qu'elle ressentait pour cet homme. Son corps s'embrasait malgré elle et elle adorait ça.

— Si tu veux m'interrompre, c'est maintenant, grogna-t-il contre elle.

— Jamais.

Dans un grondement, il l'embrassa encore plus passionnément. Elle s'agrippa à lui, enroulant ses jambes autour de sa taille. Ecartant les couches de vêtements qui les empêchaient de se fondre l'un dans l'autre, Gabriel parvint à faire un avec la Fille de la Lune.

Tous les deux poussèrent un murmure de plaisir, étouffé par leurs lèvres scellées dans un baiser qui se fit plus passionné encore. Leurs corps dansèrent sur la symphonie des gouttes de pluie qui les laissa tous deux tremblants l'un contre l'autre.

Leur relation venait de se sceller dans quelque chose de plus profond, de plus absolu et l'un comme l'autre en était bouleversé. Ils ne s'attendaient pas à une telle intensité, une telle fulgurance.

Pantelants, Inwë toujours dans les bras de Gabriel, ils s'assirent sur le banc en pierre. Nul ne parla, ils n'en avaient pas besoin à cet instant. Ils restèrent là jusqu'à ce que le jour laisse apparaître ses premières lueurs.

Ils finirent par se séparer et Inwë regagna ses appartements. Lorsqu'elle se glissa sous ses draps, elle se sentit enveloppée d'un bien-être absolu et pour la première fois depuis très longtemps, elle plongea dans le sommeil, le sourire aux lèvres.

Il fallut trois jours à Meij pour déclarer que certaines clauses de leur traité ne le satisfaisaient plus. Il l'avait écoutée finalement. C'était miraculeux.

Assis dans un fauteuil, Inwë à ses côtés et Gabriel non loin derrière, Finwë fit part de son incompréhension. Ils se trouvaient tous dans le grand salon du roi et une partie des Seigneurs était présente.

Visiblement, Finwë s'était attendu à une autre réponse et son épouse se garda bien de manifester la moindre émotion. Elle sentit Gabriel passer non loin d'elle pour se mêler aux seigneurs rester debout, un peu plus loin. Il s'approcha d'Elio, ralentit à peine, puis le contourna. Le jeune prince avait dû lui remettre un billet l'informant de quelques détails qu'il aurait pu entendre ici et là. Personne ne sembla avoir vu le manège, Finwë moins que quiconque tant il cherchait à comprendre ce revirement de situation.

— Je ne comprends pas. Je croyais que nous avions trouvé un accord.

Mais Inwë sentait dans sa voix une grande tension, il était dans une colère noire.

— Ne vous inquiétez pas, intervint Arhys. Nous avons toujours le désir d'unir nos deux royaumes. Cependant, après réflexion, certains points nous paraissent un peu obscurs ou dérangeants et nous avons besoin de réfléchir encore un peu à ce que cela implique. Nous vous ferons parvenir un nouveau traité plus en accord avec ce que nous souhaitons. Si malheureusement, cela ne vous plait pas, alors nous nous trouverons certainement dans une impasse. Mais cela ne changera rien à l'amitié que nous vous portons.

Il s'était exprimé d'une voix grave, mais très douce et calme, ce qui contrastait avec son physique de géant mais qui, finalement était en parfaite adéquation avec l'image qu'il renvoyait. Tout en lui semblait posé, réfléchi, presque en retrait. Ses paroles, diplomatiques, combinées à son magnétisme animal, fit que personne ne remit ses propos en doute, même Finwë sembla légèrement radouci. Inwë comprit pourquoi il était la seule personne à pouvoir calmer sa sœur. Il aurait pu stopper net un ours enragé rien que d'un seul regard.

— Nous préférons être certains de partir sur des bases saines et sans le moindre doute pour nos rapports à venir, c'est préférable pour nous tous, ajouta Meij bienveillant.

On voyait là qu'il cherchait à désensibiliser la situation. Il souriait, imposant délicatement mais sûrement son avis. Seule Alhyx gardait sa mine renfrognée, dont elle paraissait se départir uniquement pour laisser place à la colère. De voir une telle différence entre les jumeaux impressionnait Inwë. Cependant, la jeune femme ne pouvait s'empêcher de penser qu'Arhys bridait sa véritable nature, alors que sa sœur la laissait éclater au grand jour, et ça ne le rendait pas moins inquiétant pour autant, bien au contraire.

— Je comprends, finit par dire Finwë, cédant momentanément à ses interlocuteurs.

En vérité, il n'avait pas vraiment le choix. Après cela, l'entrevue ne s'attarda pas vraiment.

Lorsque Meij et sa suite, accompagnés d'Elio, quittèrent la salle, Finwë chassa les Seigneurs également. Il rejoignit son salon privé suivi de sa femme et Gabriel. Une fois la porte bien refermée derrière eux, il se tourna vers ses deux interlocuteurs.

— Je ne comprends pas ce qui vient de se passer. Qui peut m'expliquer pourquoi, après des mois et des mois de négociations, leur venue ici, ils finissent par refuser, alors qu'ils connaissaient les points du traité ? Quel est leur but ?

Ainsi donc, Finwë pouvait perdre patience. Fascinant, se prit à songer Inwë. Il semblait inquiété, pour la première fois. Cela n'augurait rien de bon. Il allait se montrer encore plus suspicieux, encore plus mauvais. Inwë allait devoir être plus prudente, sa marge de manœuvre s'amenuisait un peu plus. D'ailleurs, cela ne tarda pas. Le Roi se tourna vers elle, le regard sombre.

— De quoi avez-vous parlé l'autre soir, au bal, lorsque vous vous êtes éloigné tous les deux.

— Du château, de la cité et du royaume. Pour qui me prends-tu, enfin ! Je ne lui ai rien dit susceptible de vous faire du tort, et quand bien même je l'aurais souhaité, sa sœur est intervenue si rapidement que je n'en aurais pas eu le temps. Je suppose que, comme vous, elle se méfiait de moi. Mais je ne suis pas la raison de tous tes maux, désolée, lâcha-t-elle l'affrontant du regard.

— Et Erid, peux-tu jurer de lui ? Après tout que savons-nous réellement sur lui ?

— Ah non ! Tu as choisi de le mettre à leur service, ne me reproche rien. Ça suffit, reprit-elle d'une voix plus calme. Nous n'y sommes pour rien. Ils ont changé d'avis et choisi d'attendre encore un peu. Sois patient durant quelques jours et s'ils ne reviennent pas sur leur pas par eux-mêmes, nous ferons tout pour les convaincre.

Finwë sembla se calmer un peu et la jeune femme se demanda si de tels accès de colère lui arrivaient régulièrement. Gabriel n'était pas tellement bavard quant au rôle qu'il occupait à ses côtés, mais ce genre de situation avait certainement dû lui arriver plus d'une fois. Ce qui voulait dire qu'on lui devait beaucoup sans le savoir.

D'ailleurs, elle vit Finwë se tourner vers lui et l'interroger du regard.

— Je n'ai rien entendu qui présageait une telle réponse, j'ai été tout aussi étonné. J'en ai parlé avec Erid, mais il m'a certifié qu'il n'en savait rien. Je le crois, ajouta-t-il sachant que son avis était d'or.

— Il se passe des choses étranges ces derniers temps, ne put s'empêcher d'ajouter Finwë. Il se prépare quelque chose, je peux le sentir. Entre ça et la révolte qui gronde en ville...

— Je t'avais dit de me traiter les habitants, lui fit Inwë. Tes gardes continuent de les provoquer.

— Mes gardes font leur travail. D'ailleurs, ils ont arrêté un des chefs de file, tu le savais ? demanda-t-il à Gabriel.

— Jusque-là, nous ne sommes sûrs de rien. Ils n'ont eu aucune preuve et les interrogatoires n'ont rien donné.

— Allons-y.

— Moi aussi ? s'enquit Inwë surprise.

— Bien sûr, affirma Finwë en l'attrapant par la taille. Toi aussi.

— Tu ne me feras jamais confiance, n'est-ce pas ?

— Certainement pas, non. Les choses sont trop étranges depuis ton retour, reste à savoir si tu me mens ou non. Peut-être que tu es sincère et que tout ceci est une vaste coïncidence, mais j'en doute. Malgré tout, je veux bien faire un effort pour toi. Ne le prend pas trop personnellement, ma chère, ajouta-t-il en lui déposant un baiser sur la tempe. C'est ainsi que j'ai survécu jusqu'à ce jour. Finalement, ça ne m'a pas trop mal réussi.

Inwë contracta les mâchoires et lui offrit un maigre sourire. Dire qu'elle croyait l'avoir un peu convaincu... Jamais elle ne pourrait faire une telle chose et pire, plus l'échéance approchait, plus il se montrait suspicieux. La jeune femme espérait que Fenhrir et ses armées arrivent bien vite, car elle ne pourrait brider les instincts de Finwë encore bien longtemps.

Elle se prépara au choc de la vision d'Erid mal en point, mais dès qu'elle entra dans les geôles, une odeur fétide lui remonta jusqu'au nez, s'infiltrant dans son corps et compressant ses entrailles. Courageusement, elle serra les dents et continua à avancer. Kaarl la regardait, amusé, prenant un malin plaisir à la voir évoluer dans cet univers souillé de corps déchirés, d'esprits détruits, ne tenant plus que par on ne savait quel miracle.

La Fille de la Lune savait ce qu'il se passait en ce lieu, mais jamais elle n'avait pu faire en sorte que cela cesse. Telles étaient les méthodes de Finwë. Cependant, de voir ces personnes décharnées, accrochées à des chaînes le regard morne et n'attendant plus que de mourir, lui brisa le cœur et percuta son âme. L'endroit, moite, maintenait l'odeur rance des chairs en décomposition. Au loin, des cris d'agonie se firent entendre.

Inwë frissonna, retint ses larmes. Un haut le cœur la pris, mais elle ravala sa bile, laissant un goût amer dans sa bouche. Ne pas donner cette satisfaction à Finwë. La tête haute, mais le regard empli de détresse, elle continua d'avancer. Ils arrivèrent près d'une cellule dont les barreaux permettaient à quiconque d'assister à des scènes d'atroces souffrances. Un homme était attaché sur une planche et Inwë s'aperçut, avec grand mal, qu'il s'agissait d'Erid. Finwë l'empêcha de reculer, agrippant son coude droit, il tourna son regard satisfait vers elle.

La Fille de la Lune sentit non loin d'elle, dans son dos, la présence de Gabriel et s'obligea à se calmer. Pour lui également, ce devait être un calvaire. Elle garda le regard fixe, bien droit vers son ami mal en point.

Sa barbe lui mangeait le visage, tout comme ses cheveux crasseux lui cachaient les yeux. De la terre et du sang séché maculaient les moindres recoins de sa peau nue. Il ne portait plus que sa chemise, tombant en lambeaux sur son torse et ses cuisses. Son corps était strié de marbrures sanguinolentes, ce devait être un miracle si aucune de ses blessures ne s'était infectée. Ceci dit, la jeune femme soupçonnait ses tortionnaires de prendre soin de lui pour faire durer le plaisir plus longtemps. Mais le pire de tout était cette blessure hideuse que formait son genou déjà atteint. Les gardiens avaient dû voir là son point faible et en avaient profité encore et encore. Il semblait disloqué et brûlé, une vraie immondice.

Elle sentit une boule de chagrin se former dans sa gorge. Comment faisait Erid pour se maintenir en vie et pourquoi n'avait-elle rien fait pour le sortir de là ? Et Gabriel, comment réagissait-il en voyant son frère ainsi et ne pouvant rien faire ? Elle se lamentait sur elle-même mais cela devait être tellement plus dur pour lui. Pour lui et pour Erid, elle allait tenir bon.

Tandis que Kaarl s'avançait près de sa victime, un fouet dans une main et ce qui semblait être un écarteur dans l'autre, elle lui lança avec force :

— Si vous touchez ne serait-ce qu'à un de ses cheveux en ma présence, je vous jure que je vous tue.

L'homme se tourna vers elle en haussant les sourcils avant qu'un rictus mauvais et amusé lui barre le visage. Puis il se détourna d'elle, comme si ces paroles ne valaient rien pour lui. Finwë resserra son étreinte et l'obligea à se tourner vers lui. Il dardait sur elle un regard intransigeant et effrayant, il ne s'amusait plus du tout. Au contraire, il était tendu, attendant des réponses de sa part.

— Je me moque de ce que tu crois, cracha-t-elle furieuse en s'extirpant de sa poigne. Ce qui se passe ici est indigne de tout être humain normalement constitué. C'est barbare, immoral et je me désole de voir où tu en es arrivé, encore plus que je me désole de ne rien pouvoir faire pour que cela s'arrête. Tu me rends complice de tes immondices. Ne me demande pas en plus de regarder un homme se faire torturer sous mes yeux. C'est hors de question ! Tu voulais connaître mes limites, les voici.

Elle était furieuse, hors d'elle, ses mains étaient serrées et ses articulations exsangues. Elle désirait lui mettre son poing dans la figure de façon si intense qu'elle préféra se détourner de lui. Hors de lui également, Finwë l'attrapa et la plaqua contre les barreaux de la cellule qu'elle heurta dans un bruit sourd.

— Est-ce que tu complotes contre moi ? l'interrogea-t-il d'une voix si sourde et si basse qu'elle seule put l'entendre.

— Tu ne me fais pas confiance, alors en quoi ma réponse t'importerait-elle ? lui rétorqua-t-elle le regard noir, à quelques centimètres de son visage.

Elle sentit que Kaarl s'était approché d'eux en toute discrétion, de l'autre côté des barreaux, prêt à intervenir si on lui demandait. Gabriel en fit de même. Inwë le voyait désormais dans son champ de vision et si son visage n'exprimait aucune émotion, elle sentait qu'il bouillonnait à l'intérieur, pour son frère, pour elle et pour tout ce que Finwë lui avait fait endurer durant toutes ces années.

La situation était tendue à l'extrême et si Inwë ne faisait rien pour la calmer, cela finirait probablement dans un bain de sang.

— Me trahis-tu ?

— Tu m'as déjà posé cette question. Ma réponse reste et restera inchangée, encore et encore. Mais ça, fit-elle en faisant un léger signe de la tête vers l'arrière et Erid. Ça, c'est au-dessus de mes forces. Jamais je ne le cautionnerai.

Sans la lâcher du regard, Finwë finit par desserrer son étreinte et la Fille de la Lune s'écarta de lui. Tous les trois la fixaient encore, Kaarl, déçu, Finwë, pleins de doutes et Gabriel, indéchiffrable mais elle savait ce qu'il pensait. Elle se tourna vers Erid et durant une fraction de seconde, elle vit son regard brillant la fixer avant qu'il ne tourne la tête. Un poids se leva de son cœur. Peu importe ce qu'il avait subi et la souffrance qui devait l'habiter, il y avait toujours une part de ce Erid qu'elle connaissait. Et cette part venait d'assister à un affront contre ses bourreaux, lui rendant espoir. Erid était fort mentalement, ses années dans la Forêt des Songes avaient forgé sa volonté. Il ne cèderait pas jusqu'à ce qu'on le libère. Elle allait prier Ninnië et Lyssa, la Lune et les étoiles, même le Soleil pour que cela arrive le plus rapidement possible. « Faîtes-le parler » fut la dernière chose qu'elle entendit en s'éloignant d'un pas hâtif.

***

Geosef approchait des soixante-dix ans. Il était entré au service au château dans sa treizième année, d'abords comme garçon de cuisine, puis comme garçon de salle. Il avait ensuite dirigé les cuisines et les domestiques qui y étaient reliés pour finir intendant et ce, depuis vingt-cinq années. Ce château était sa demeure, bien plus que celle de quelconques rois. Il en avait vu défiler quatre, en comptant Finwë.

Et si quiconque lui avait demandé son avis, alors il aurait pu lui dire que les temps étaient troublés, que de graves choses se préparaient. En période de complot, il aurait pu mettre un nom sur chaque traître. Il connaissait toutes les manigances contre son roi. Mais, s'il avait été fidèle au grand-père et au père, il ne l'était pas envers Finwë, comme il ne l'avait pas été envers Danector, son oncle. Non, c'était un fervent défenseur d'Inwë.

Il s'était attaché à la jeune femme dès son arrivée, bien plus digne de gouverner selon lui. Même si la petite s'était un peu perdue en chemin, elle reprenait du poil de la bête et selon lui, son rapprochement avec Gabriel n'y était pas pour rien. Deux jeunes gens bien, il aurait pu l'affirmer.

Lui-même, s'il ne s'était jamais marié et n'avait pas eu d'enfants, avait connu l'amour plusieurs fois et la dernière laissait en lui une marque indélébile. Nora, la précédente Fille de la Lune, la grand-mère d'Inwë, l'amour d'une vie.

Leur histoire avait duré six ans, du jour de son arrivée au château jusqu'à sa fuite avec le petit prince William, Adanaël à l'époque. Ils ne s'étaient plus jamais revus mais son cœur gardait à jamais le souvenir d'elle. Le château était désormais son travail, sa demeure, sa vie.

Ce jour-là, l'air était électrique, tout allait basculer d'un instant à l'autre, il le sentait. Il espérait juste que le changement serait bénéfique. En milieu d'après-midi, Gabriel vint à lui et lui prouva qu'il avait vu juste. Il lui glissa cinq mots à voix basse et continua son chemin.

Geosef abandonna ce qu'il faisait, fila dans les cuisines et avant de se diriger vers les appartements d'Inwë. Les deux soldats qui gardaient sa porte le laissèrent entrer. Il était la seule personne à pouvoir pénétrer les lieux depuis l'altercation entre Inwë et son époux, il y avait quatre jours de cela.

A l'intérieur, il alla au salon personnel de la reine. Elle y était assise dans un fauteuil, les jambes repliées sous elle en lisant un livre. Quand elle le vit entrer, un sourire naquit sur ses lèvres.

— Geosef, vous êtes mon rayon de soleil, le saviez-vous ? lança-t-elle à la cantonade.

Il resta très digne, mais son cœur fondit et il ne put empêcher un sourire de naître sur ses lèvres.

La jeune femme était assignée dans ses appartements. Ce faisant, Finwë s'assurait qu'ainsi, elle ne le trahirait pas. Inwë avait accepté sa peine sans trop broncher sachant que bientôt, elle disparaîtrait. Et c'était le moment.

— Il faut partir, lui déclara Geosef en déposant le plateau sur la table habituelle. Fenhrir arrive.

La jeune femme se redressa d'un bond, claqua son livre, l'abandonna sur le fauteuil puis se précipita dans sa chambre, extirpa un sac de sous ses robes et le jeta sur son épaule. Elle se tourna vers Geosef et le serra fort dans ses bras.

— Merci pour tout, lui fit-elle doucement. A très bientôt.

Le vieil homme sourit et lui embrassa le front, geste d'affection qu'il s'autorisa au vu de la gravité de la situation.

— Filez, dit-il en la poussant.

La jeune femme sortit sur son balcon et descendit dans ses jardins en courant pour rejoindre le mur.

Quand elle eut disparu de sa vue, Geosef se rendit vers la porte et la mine inquiète, il déclara aux gardes :

— La Reine n'est plus dans ses appartements.

Pénétrant rapidement, les deux hommes fouillèrent en vain la place et alors qu'ils repartaient bredouilles, Finwë entra furieux dans la pièce, suivit de Gabriel qui savait que la Fille de la Lune ne se trouvait déjà plus là.

***

Elio assistait à l'agitation qui régnait sur le port. Samios était venu l'avertir de l'arrivée des bateaux de son père et le jeune homme était venu immédiatement pour le voir de ses propres yeux. Le vent tourbillonnait autour de lui mais moins que les marins de Meij qui semblaient saisit par une soudaine fièvre. Ils paraissaient préparer un départ imminent, ce qui ne lui plaisait pas du tout.

Se détournant des quais et se faufilant entre les hommes en activité, Elio se dirigea sur le navire de Meij. Ici aussi, on pouvait voir des marins en effervescence s'agitant de toute part, rangeant une corde à un endroit, installant un tonneau à un autre, grimpant aux mas pour déplier les voiles quand le moment serait annoncé. Au milieu de tous, comme un roc face à la tempête, se tenaient Meij, Alhyx et Arhys, observant la bonne œuvre de leurs hommes. Elio s'approcha d'eux après s'être fait heurté plusieurs fois par des marins inattentifs à sa présence.

— Puis-je vous parler, Altesse ? s'enquit-il poliment.

Meij le considéra un instant, puis d'un geste de la main, l'invita à le suivre jusque dans sa cabine pour plus de tranquillité. Les jumeaux les avaient suivis, comme s'ils comprenaient l'importance des paroles à venir du jeune Prince de Somgysaï.

Un autre homme d'un âge moyen avec de longs cheveux gris se tenait là, mais Meij ne le fit pas partir. Malgré le fait qu'il soit anxieux face à ces personnes, il réussit à garder une voix posée. Elio lâcha d'une traite ce qu'il avait à dire.

— Je me dois d'être honnête avec vous. Je vous ai caché la personne que je suis. A mon corps défendant, Finwë ne devait pas l'apprendre. Je suis Elio, fils de Lysianna, Fille du Soleil, et de Fenhrir, reine et roi de Somgysaï. Si je suis ici aujourd'hui, c'est pour préparer ce qui est en train de se produire, expliqua-t-il humblement. Finwë ignore tout de moi et je remercie le Ciel pour cela, sinon je n'aurais pu connaître personnellement votre peuple. Je bénis ces quelques jours passés à votre service. Vous êtes des personnes de valeur et honnêtes, c'est pour cela que j'ai une faveur à vous demander. Ne jugez pas ce continent sur ce que vous voyez en ce moment. Mon peuple est un peuple de paix et pourtant, il prend les armes aujourd'hui, reniant sa nature, pour affronter un homme sans honneur qui a pillé ses propres terres pour devenir roi et qui a tué sa famille pour ce faire. Aujourd'hui, la Fille de la Lune, d'autres personnes à ses côtés, ainsi que les miens, essaient de rendre leur dignité à nos terres. Alors s'il-vous-plaît, déclara-t-il passionné à Meij. Ne nous méjugez pas. Attendez de voir ce qui arrive et si, à ce moment-là, vous n'estimez toujours pas que nous vous soyons dignes, alors vous serez libre de partir comme bon vous semble.

Alhyx le toisa d'un air carnassier, n'appréciant visiblement pas de s'être fait en partie dupée par le jeune homme. Arhys resta totalement impénétrable à la moindre réaction, seul Meij semblait pensif. En vérité, ce dernier appréciait le jeune homme. Sur le peu qu'il en avait connu, il l'avait trouvé droit, honnête et travailleur, des qualités qu'il appréciait.

Alors que la situation n'était pas à son avantage, le fait qu'il vienne en personne lui révéler sa véritable nature ne le rendait que plus admirable. Meij ne percevait pas de fausseté en lui et avait l'habitude de se fier en son jugement. Il se tourna vers l'homme aux cheveux gris qui lui fit un imperceptible signe de tête, appuyant son avis.

Alhyx le perçut également et se rembrunit. Elle n'aimait pas les mensonges et les faux-semblants, ce qui la mettait généralement en colère. Et chaque fois que la jeune femme se fâchait, elle perdait toute lucidité. Ce qui ne n'aidait pas son frère en ce cas, pas plus qu'Arhys qui resta immobile. Finalement, Meij décida de se fier à son propre jugement et prit la parole, l'air très sérieux.

— Nous n'interviendrons pas dans ce qui va se passer. Nous ne prendrons pas parti.

— Quoi ? s'emporta Alhyx, mais un regard de son aîné la fit taire.

— Et si nous nous sentons agressés, nous partirons.

— Mon peuple veillera à ce qu'il ne vous arrive rien, promis Elio solennellement.

Meij acquiesça en souriant.

— Très bien, je vais parler à mes hommes. Soyez certain que si nous restons en ce moment-même, c'est grâce à vous, jeune prince. Et à personne d'autre.

Ce faisant, le Roi posait sur les épaules d'Elio une responsabilité nouvelle quant à leur sécurité. Il voulait être sûr qu'il ne prenne pas sa prise de risque sans aucun sérieux. Mais Elio n'était pas du genre à faire des propositions en l'air, il hocha gravement la tête, pleinement conscient qu'agissant comment il l'avait fait, il n'était plus un simple jeune homme mais le représentant de son royaume.

Les deux hommes se donnèrent une poignée de main, sellant ici leur accord.



____________________

C'est le début de la fin les amis, les ennuis et la baston vont pas tarder à commencer. En tout cas, les choses vont bouger.

Sinon ça va, le début de chapitre vous a plu ? héhé

Dans le prochain, Finwë sera pas franchement ravi et c'est bien fait pour lui !

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