Trois mois se sont écoulés, et je ne vais pas vraiment mieux.
Trois mois que ça dure.
Trois mois.
Je suis insociable au lycée, je suis bien trop méchante avec mes parents, il n'y a que pendant les appels avec Tyler que je vais bien.
Je suis une vraie catastrophe, je ne me comprends plus... j'aimerais pouvoir expliquer ce qu'il m'arrive, ce que je fais de ma vie, mais... je ne le sais pas moi-même. Tyler me manque. Rosie, John me manque. Ma vie d'avant me manque.
Je n'arrive pas à m'intégrer dans mon lycée, tout simplement parce que d'une part, je n'en ai pas envie, et de l'autre, car je ne montre aucun intérêt envers personne. Je déprime tellement que je n'ai aucune envie de parler.
Avant, j'avais cette étiquette de l'intello, maintenant, j'ai celle de la « bizarre ».
Au début, quelques garçons me sifflaient, en disant « pas mal la petite nouvelle », ce à quoi je répondais dés doigt d'honneur.
Je pense sincèrement qu'ils le méritaient, mais du coup, tous les garçons ont l'air de me prendre pour une fille qui ne s'intéresse pas à eux. Ou qui est lesbienne, après tout, je suis certaine que c'est ce qu'il doivent se dire, pour ne pas blesser leur ego.
Les filles elles, sont un peu trop pestes à mon goût, alors je les évite, et elles m'évite, ce qui me plait beaucoup.
Pour le reste des filles, elles sont sûrement très gentilles et tout ça, mais... étant donner que je n'ai aucun amis ici, que je ne réponds pas vraiment quand on me parle, et que je rêvasse toujours, que ce soit dans la cours ou pendant les cours, on me prend pour une insociable qui déteste la société.
Tant mieux.
Je ne souhaite pas m'habituer à la vie d'ici, à ce lycée, à ma maison.
Je souhaite partir, au plus vite.
J'y arriverais, je trouverais une solution.
C'est pourquoi, je ne veux pas apprécier cet endroit. D'ailleurs, je n'ai défait aucun carton chez moi. Mon bureau n'est même pas monté, j'ai interdit de nombreuses fois mon père de le faire lorsqu'il venait les bras chargés d'outils. Mon dressing est vide, mon tapis est toujours roulés et emballé. Les tiroirs de ma table de nuit sont vides, et tous mes cartons sont plus ou moins ouverts, notamment ceux des vêtements, puisque j'en ai besoin. D'autres sont toujours bien fermes, scotchés. Des bouquins sont éparpillés partout, car j'ai beaucoup lu. J'ai encore des cartons rempli, débordant de livres que je ne veux pas ranger dans mon énorme bibliothèque, montée pour le coup, mais tristement vide.
Je l'ai dit: je ne veux pas m'installer. Ce n'est pas chez moi, je ne veux pas, je l'accepte pas.
Et s'il le faut, je fuguerai, dangereux ou pas.
Ma seule réticence est que je décevrait mon père, je l'inquièterait et l'énerverait sûrement, et ce n'est pas mon désir.
Cependant, ici, je ne serais jamais chez moi.
J'ai tout de même passé quelques coups de fils à mes amis:
Rosie a un copain, Carl, et elle a l'air vraiment amoureuse. Je suis contente pour elle. John a pris 4kg tellement il stress pour son bac, et que le stress le fait manger.
Au contraire, moi j'en ai perdu environ 6...
Mais j'ai trouvé un défouloir, qui est courir.
Et aussi la musculation.
Bon, pas grand-chose hein, je ne veux pas un corps musclé affreux. Juste de jolies formes.
Mon anniversaire est le 25 juillet, donc bientôt. Tyler a eu 18 ans la semaine dernière, mais ne les a fêté qu'avec sa famille.
Je lui ai envoyé une lettre et une chemise de marque par colis, avec quelques photos de moi, récentes et d'autres, de mon enfance, juste pour qu'il m'ait avec lui, pas loin...
Lui non plus ne va pas très bien...
Je lui manque aussi, il s'est beaucoup isolé.
Mais mon père l'appelle régulièrement, et aucun des deux ne veulent me dire ce qu'ils se disent. Cela me frustre, je trouve ça vraiment étrange qu'ils se téléphone aussi souvent, et qu'aucun des deux ne veulent m'en parler... M'enfin.
Je découvre mes résultats de bac aujourd'hui. Si je l'ai, mon père a prévu une surprise. J'espère vraiment que la surprise sera Tyler...Je n'en veux pas d'autre, je me fiche pas mal de tous les cadeaux du monde, de tout le matériel, de tout l'argent, je m'en fiche. Je veux l'homme que j'aime, c'est tout.
Avec ma mère, qui, je vois pour la première fois avec un air surexcité à la limite de l'enfantillage, et mon père, qui est plutôt très confiant, et qui sourit déjà, comme s'il savait la réponse.
_Clairement, ma puce, me dit-il dans l'oreille alors que nous approchons des tableaux d'affichage dans la cours, je sais que tu l'as, c'est certain.
Je veux juste être sûr que c'est avec mention très bien. Ou bien, peut-importe.
Mais je sais déjà que ma toi ma fille, l'as. J'ai donné vie à la plus intelligente des petites brunettes de ton genre! Fini t'il, me frottant la tête comme lorsque j'avais cinq ans.
Je ris doucement, heureuse d'avoir un père comme lui, malgré tout. J'ai quand même de la chance. Si j'avais eu le même genre de père qu'est ma mère... bon, je l'aurais aimé tout aussi fort que j'aime ma mère, mais je pense que je n'aurais pas vécu aussi bien; et que je n'aurais pas été suffisamment soutenue lors des moments difficiles! M'enfin...
Nous regardons les prénoms affichés, cherchant le mien.
Soudain, ma mère hurle de joie, suivie de mon père qui me saute dessus.
Je suppose qu'ils ont vu mon prénom, et que j'ai donc le bac. Je souris.
N'empêche, c'est vraiment... spécial de voir ma mère réagir comme ça... je n'avais jamais vu ça avec elle! Mais j'en suis si contente, c'est vraiment précieux pour moi, le peu de fierté qu'elle peut me donner, le peu d'amour qu'elle peux me montrer, ça me fait toujours un grand, très grand bien.
_Mention très bien! Je suis fière de toi ma fille! Me dit ma mère, toute heureuse.
_Merci, maman...
_Moi aussi je suis fier comme un coq! Je vais pouvoir m'en venter au près de mes collègues, et dire que j'ai la fille la plus intelligente du monde!
Pour la première fois depuis longtemps, j'éclate de rire. « Fier comme un coq », décidément, celui-là...
_Je t'interdis de faire ça papa! Dis-je, amusée. Tu vas énerver tout le monde, surtout s'il y a des jaloux!
_M'en fou! Réplique t'il, tel un gamin.
Ma mère lève les yeux au ciel, mais sourit tout de même, amusée par son mari.
J'aime cette image. J'aime cette partie de ma vie. Je suis heureuse, heureuse d'être avec mes deux parents pour ce moment spécial d'une vie, d'avoir un papa super cool qui est complètement fier de moi, et d'avoir ma mère, qui, pour une fois, se laisse aller, et me félicite.
_Eh bien...ta surprise t'attends à la maison, me dit mon père, tapant sur mon épaule.
Je cours donc à la voiture, soudainement excitée à l'idée d'avoir cette surprise.
Nous rentrons, et je me précipite, ouvrant chaque porte de chaque pièce, afin de trouver cette surprise. Je dois avouer qu'au fond de moi, j'espère sincèrement avoir raison, j'espère profondément que cette surprise est Tyler et qu'il m'attend, caché ici quelque part.
Mais... je ne trouve rien.
Rien.
Pas de Tyler, personne.
Rien.
Je reviens, beaucoup moins enjouée, dans le salon, et interroge mon père du regard. Il comprend ou je veux en venir, et me dit:
_Tiens. Il me tend une enveloppe que j'ouvre à la hâte. Mon coeur loupe un battement, et les larmes me montent aux yeux. Je lui saute dans les bras lorsque je découvre le billet d'avion pour le Nord. Ce n'est pas tout.
Comme tu le sais, Tyler et moi avons beaucoup parlé.
Il a eu 18 ans et vient d'emménager dans son propre appartement. Quoi? Mais pourquoi ne m'a t-il rien dit?? Et, comme tu as eu ton bac, que tu as bientôt la majorité...Tu peux aller habiter avec lui MAIS cri t-il avant que je ne lui saute dessus, à deux conditions.
_Lesquelles?! demandais-je, complètement euphorique.
_Que tu poursuives tes études, donc que tu ailles à l'université de sa ville, et que tu viennes nous voir régulièrement. Parce que mine de rien, même si ta têtue de mère ne voudra jamais l'avouer, tu vas lui manquer, et à moi aussi. Tu as le papa le plus cool de la terre! Je ris, amusée par son narcissisme.
_Bien-sûr! Mon dieu merci! Merci merci merci! Je les embrasse des centaines de fois, même ma mère, qui se laisse faire, et sourit aussi. Je n'oublierais jamais ça...
_Ha comme il est bon de te voir enfin sourire, vraiment heureuse! S'écrit mon père, me serrant dans ses bras, si fort que je manque d'air. Ma fifilleeeeee, elle grandit et va quitter le nid...
Papa sera triste ma chérie, tu le sais?
Je ris, affirmant d'un hochement de tête.
_Il a raison, c'est tout de suite plus joyeux de te voir sourire. J'en avais marre de te voir en dépression! Me dit ma mère, chassant l'air d'un revers de main plutôt hautin. Ha, la voila de retour! Tout ça pour un garçon en plus... ronchonne t'elle, bien plus bas, mais assez fort pour que je l'entende.
Je décide de ne pas répondre, mi-amusée de voir qu'elle ne changera jamais, et mi-déçue qu'elle ait déjà repris sa casquette de mère sévère.
J'appelle ensuite le petit cachottier de Tyler, qui me confirme que ce n'est pas une blague, et que je pars bien demain.
D'ailleurs, je n'ai jamais le temps de me préparer aux départs! C'est dingue ça... bon, avouons que je ne vais pas m'en plaindre, cette fois.
Je prépares donc mes affaires, et transmet la bonne nouvelle à mes amis par SMS, qui m'ont tous deux répondu, fous de joie.
*le lendemain *
Je récupère ma valise, puis pars vers la sortie.
J'espère que je vais vite trouver Tyler.
Je suis si heureuse, je n'arrive même pas à y croire.
Je cherche dans la foule, puis le vois, et tout de suite, juste à cette vision, mon cœur s'affole.
Il était déjà fou auparavant, tellement j'étais stressée à l'idée de revoir mon petit-ami, tellement j'avais hâte, aussi. Mais la, c'est bien pire, et bien plus agréable.
Il court vers moi, et je saute dans ses bras, des larmes de joie aux yeux.
Je respire longuement son odeur, et il me serre à m'en briser les os.
J'en avais tant rêvé: mes bras, autour de sa nuque, mon visage enfoui dans son cou, ses mains sur ma taille...
Nous nous détachons, puis, enfin, collons nos lèvres dans un véritable baiser passionné, tendre et plein d'amour.
Un du genre a vous retourner les boyaux, à vous faire éclater des étincelles dans l'estomac, à vous faire trembler de bonheur.
_Tu m'as tant manqué mon cœur...me chuchote t-il en collant son front au mien.
_On ne se sépare plus maintenant, plus jamais.
On va la vivre notre histoire!
Oui, on va la vivre.