Jusqu'à ce que tout disparais...

By legacystories

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May pense être une ado ordinaire. Elle pense que rêver de créatures d'ombre et de poussière est normal. Et el... More

✨Avant propos d'une sorcière
✨Prologue
✨Première Partie
✨Chapitre 1 - De bonbons et d'un mal de ventre
✨Chapitre 2 - De cauchemars et de souterrains
✨Chapitre 3 - D'une déesse et d'une blague
✨Chapitre 4 - D'une tartine et d'une voix
✨Chapitre 5 - D'un arbre et de larmes
✨Chapitre 6 - D'un chiffre et d'un secret
✨Chapitre 7 - D'une fiole et d'une sortie shopping
✨Chapitre 8 - D'orphelins et d'espionnage
✨Chapitre 9 - D'un songe et de portraits
✨Chapitre 10 - D'un professeur et d'une alarme
✨Chapitre 11 - D'une devise et d'une ampoule
✨Chapitre 12 - De lumière et d'un rendez-vous
✨Chapitre 13 - De paillettes et d'une tempête
✨Chapitre 14 - D'une chute et d'un soleil rouge
✨Chapitre 15 - D'une mission et d'un problème
✨Chapitre 16 - De combats et d'attirance
✨Chapitre 17 - D'aiguilles et de souvenirs
✨Chapitre 18 - D'une porte et d'une convalescence
✨Chapitre 19 - D'astres personnifiés et d'un monde
✨Chapitre 20 - De danse et de destruction
✨Chapitre 20,5 - De questions et de chagrin
✨Deuxième Partie
✨Chapitre 21 - D'une toile et de voleurs
✨Chapitre 22 - De labyrinthes et de chasseurs
✨Chapitre 23 - De magie et d'un plan
✨Chapitre 24 - D'éclairs et d'une bulle
✨Chapitre 25 - De serpents et d'un nuage de Lune
✨Chapitre 26 - De neige et de cadeaux
✨Chapitre 27 - De création et d'un temple
✨Chapitre 28 - De prières et de sens
✨Chapitre 29 - De semoule et de liberté
✨Chapitre 30 - De fard à paupières vert sapin et d'ivresse
✨Chapitre 31 - D'une vieille amie et de gourmandises
✨Chapitre 32 - D'un meurtre et de rumeurs
✨Chapitre 33 - De courage et de mort
✨Chapitre 34 - D'une épitaphe et d'indifférence
✨Chapitre 35 - De confidences et de philosophie
✨Chapitre 36 - De conneries et d'abandons
✨Chapitre 37 - De trahison et d'un courant d'air
✨Chapitre 38 - D'origines et d'une dernière danse
✨Chapitre 39 - De rires et d'un au revoir
✨Chapitre 40 - De lévitation et de chaleur
✨Chapitre 40,5 - D'une veillée et de santé
✨Troisième Partie
✨Chapitre 41 - De chocolat et de survie
✨Chapitre 42 - D'échecs et d'arc-en-ciels
✨Chapitre 43 - D'une épidémie et d'une pierre précieuse
✨Chapitre 44 - D'un accident et d'un grand-frère
✨Chapitre 45 - De moqueries et d'un câlin
✨Chapitre 46 - D'au-delà et de phares
✨Chapitre 47 - D'un lever de soleil et d'une noyade
✨Chapitre 48 - D'une croissance inattendue et de révélations
✨Chapitre 49 - D'orientation et d'un spectacle
✨Chapitre 50 - D'un océan sombre et de grandes personnes
✨Chapitre 51 - D'un intrus et de voix
✨Chapitre 52 - De Sphrothys et de plongeons
✨Chapitre 53 - D'un onguent embarrassant et de vision
✨Chapitre 54 - D'une tribu et d'un surnom
✨Chapitre 55 - D'une traductrice et d'un frère
✨Chapitre 56 - De repos et de retrouvailles explosives
✨Chapitre 56,5 - De satisfaction et d'un bain éternel
✨Chapitre 58 - D'un royaume et d'une histoire
✨Épilogue
Bonus #1 - D'une Grande Prêtresse et d'escalators
Bonus #2 - D'une autrice et de confiance
Jusqu'à ce que le Soleil réduise tout en cendres

✨Chapitre 57 - D'effets indésirables et d'une délivrance

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By legacystories

— Thomas ! hurla Zed. Par tous les dieux, Thomas ! Non !

Charly avait cessé de rire. Son cerveau ramolli avait dû comprendre que quelque chose ne tournait pas rond. Il se précipita vers moi, écarta Thomas d'un geste de la main et me prit par les épaules.

— Qu'est-ce que tu ressens May ? me demanda-t-il alarmé.

Ma tête me tournait, je me sentais flotter et tout à coup j'avais très sommeil. Mais je n'avais pas envie de parler. Non, dormir était vraiment très tentant.

— Les symptômes de la pierre de Soteria, murmura Charly consterné.

Je ne comprenais pas un traître mot de ce qu'il racontait mais réussis tout de même à capter qu'il avait lu dans mes pensées. C'est que cet outil se révélait utile après tout... Le garçon sourit à moitié.

— C'est pas le moment de déconner May. Il faut que tu restes avec nous.

Je tendis l'oreille et déduisis des bruits de pas précipités et des voix, qu'un vaste remue-ménage prenait place autour de moi. Des formes, des gens se mouvaient et échangeaient dans un dialecte auquel je ne prêtai même pas attention. Près de moi, Ethel parlait beaucoup et très fort à quelqu'un que j'imaginais être Zed.

— Tu devais l'en empêcher ! Tu me l'avais promis !

Rectification : elle ne parlait pas fort, elle criait... en pleurant. Ne mélangeons pas tout.

— Ce matin, elle était encore dans mon sac... Je l'ai pas lâchée une seconde ! Je comprends pas... J'ai failli.

— Je n'aurais jamais dû te faire confiance ! continuait mon amie sur le même ton.

Je ne savais pas ce qui lui prenait mais elle était drôlement remontée.

Une deuxième personne s'accroupit à côté de moi. Mes yeux se fermaient tous seuls mais j'aurai pu reconnaître cette chevelure noir corbeau même les yeux fermés. Cela avait-il un sens ? Et puis à quoi bon donner du sens, lorsqu'on avait sommeil ?

— Elle délire, informa Charly à Zed.

— Pas du tout, me défendis-je d'une voix pâteuse qui n'avait de pâte que le nom.

— Tu peux m'expliquer ce bordel ?! s'alarma Charly. À qui est reliée la pierre ? Ne me dis pas que c'est... Si c'est à Soleil Levant, je te préviens, je pète un câble ! s'énerva-t-il. Elle va devenir son pantin ! Mourir ? Tu rigoles ?

J'émis une sorte de rire. Ce qu'il disait était drôle. En lisant dans les pensées de Zed, Charly avait une conversation à lui tout seul. Mais j'avais terriblement sommeil.

— Non May ! me détrompa Charly.

Il cria si fort qu'il me fit sursauter et mes yeux s'ouvrirent tous grands.

— T'as pas sommeil, reprit mon ami. T'as pas du tout sommeil. T'es en pleine forme. Ne te laisse pas avoir. Le sommeil est méchant. Si tu le laisses te prendre, il va te faire du mal, beaucoup de mal.

— Il est pas très convainquant ton discours, lui fit remarquer Zed.

— T'as mieux ? le défia Charly.

— May, écoute, m'interpela Zed comme si j'avais une chance que mes oreilles n'écoutent pas.

Ce n'étaient pas des interrupteurs, elles n'avaient pas de fonction on/off... Mes oreilles, elles faisaient le boulot tout le temps, elles.

— Elle t'écoute, lui confirma Charly.

— Parce que Thomas t'as touchée avec la pierre, la Grande Prêtresse sait où tu te trouves. Elle te veut pour réaliser le sort qui guérira le peuple du C.I.S.I. Oui, parce qu'une épidémie s'est répandue dans les souterrains. Et le seul remède est un sort qui demande ton sang. En grande quantité. Elle veut ta peau. Tu ne peux pas échapper à la pierre mais tu peux échapper à son appel. Dans ce cas, tu resteras liée à la Grande Prêtresse mais elle ne pourra pas t'utiliser comme elle l'envisage. Ne te laissa pas abattre. Tes capacités sont énormes, ton pouvoir est exceptionnel et la Lune est là pour t'aider. Tu es forte, je le sais. Tu es plus forte que nous tous...

Charly se racla la gorge en signe de désapprobation. J'étais blessée. Zed me disait pleins de trucs sympas – à part ce qui concernait mon sang et la Grande Prêtresse, parce que ça, c'était pas cool – et Charly se la ramenait pour rappeler que môsieur était plus fort que tout le monde, que môsieur était porté par le soleil, que môsieur ci et ça, sauf que môsieur était bourré. Alors chut. Oui, chut, j'avais sommeil. Je n'avais qu'une envie : dormir jusqu'au bout des temps. Dormir jusqu'à ce que tout disparaisse avec moi !

— On sait que tu veux dormir bordel ! s'exclama Charly, hors de lui, totalement paniqué.

Môsieur perdait son self-control.

— Mais on te dit de ne PAS dormir ! continua-t-il. Ouvre tes yeux ! Lutte ! Bats-toi !

Et sans prévenir, il me donna une claque.

— Qu'est-ce que tu fous ? s'écria Zed.

— Bah j'essaie de la ranimer. Elle est encore lucide, y'a de l'espoir. Mais il faut faire quelque chose.

— Tu te rends compte que tu viens de la gifler ?!

— Écoute, Dez, on réglera nos comptes plus tard. Là, on s'occupe de May.

Je me sentais bien. Et puis tout à coup, je ne me sentis plus bien. J'avais ressenti comme un « clic » à l'intérieur de mon corps. Bientôt, j'eus l'impression qu'un étau se resserrait autour de moi. Je tentai de me débattre mais l'étau agrandissait la pression qu'il exerçait sur moi, il l'agrandissait encore et encore. Je n'allais plus pouvoir respirer. Panique.

Un flash m'électrifia. Le souvenir d'un cours avec Mme Kletter où j'avais ressenti la même chose jaillit de ma mémoire embrumée. J'avais peur, je n'avais plus envie de dormir, je devais faire quelque chose. À tout prix.

« Évidemment que tu vas survivre », m'avait dit Zed pendant l'affaire Guillaume. Je me répétai cette phrase en boucle, de toutes mes forces, alarmée et désespérée.

Mes poings se crispèrent, mes yeux aussi. J'avais l'impression de contracter tous mes membres, tout mon corps. Des larmes coulèrent le long de mes joues. L'étrange sensation que me procura le liquide eut le don de me redonner des forces. L'étau se fissura, je poussai ma volonté dans ses retranchements les plus extrêmes pour pouvoir en tirer le plus possible, il craqua, puis éclata en des millions de cristaux fins et tranchants.

Leur dispersion me délivra.

Respirant d'une manière nouvelle, je pris sans retenue plusieurs goulées d'air dans mes poumons et posai mes mains à plat dans l'herbe fraîche. Je sentis battre contre mes paumes la pulsation de la terre, du sol, la pulsation de la vie. Puis, tout à coup, mes yeux s'ouvrirent d'eux-mêmes.

Mue par une force invisible, je me redressai en position assise et me relevai sans effort, d'une seule impulsion. Mes mouvements étaient fluides, je percevais tout différemment. Les sons étaient occultés, les images brouillées. Ce qui se passait autour de moi devint imperceptible. En même temps, j'avais l'impression de découvrir des choses qui me paraissaient jusqu'alors trop infimes pour mériter mon attention.

Je ressentais mon pouvoir, ma propre magie, mon énergie, circuler dans mes veines.

Je réalisai alors que je me faisais face. Comme s'il s'agissait d'un reflet dans l'air, je m'observai, intimidée. Mes pouvoirs étaient débloqués, je m'étais transformée sans même m'en rendre compte. Une silhouette longiligne, des habits usés, des cheveux bruns aux longueurs inégales et des yeux... Des yeux verts dont l'intensité aurait pu transpercer la glace. Ma silhouette.

J'observai mon visage. Le long de mes joues, les larmes continuaient leur course lente, obéissant aux lois de la gravité. Mais ces larmes n'étaient pas transparentes, ni salées. Ces larmes-ci étaient faites d'une substance plus épaisse, comme de la lave, d'un noir plus sombre que les ténèbres. L'image que le reflet me renvoyait était terrifiante. Ce visage faisait peur.

Mon visage.

Une partie de moi n'y croyait pas, n'admettait pas qu'il m'appartienne, qu'il soit le mien. Pourtant elle se trompait. J'étais bien celle que le reflet me renvoyait. Que l'air me faisait ressentir. Que l'univers avait créée.

— Elle a réussi, souffla Charly, resté à genou dans l'herbe. Elle a vaincu l'appel de la pierre.

Je tentai de percevoir plus de sons, plus d'images et redevins lucide pour un instant.

— Qu'est-ce que ça veut dire ? chuchota Spoty sur le même ton.

— Qu'elle est bien la plus puissante de tous... répondit Zed à voix haute.

Je sentais son sourire dans sa voix. Contre toute attente, Charly acquiesça.

— Mais qu'on ne peut plus avoir de contrôle sur ce qui va se passer... ajouta-t-il.

— Il reste de l'espoir, souffla Ethel. Mais il faut la laisser se remettre d'abord.

— Comment tu sais ça toi ? demanda Zed.

La sorcière ne répondit pas.

La plaine était silencieuse. Je contemplais mon reflet. J'étais la seule à le voir et je le savais. La brise fraîche de la nuit me caressait la peau, me faisait prendre encore plus conscience de mon corps, de l'espace qu'il incarnait, de la vie et de l'énergie qu'il contenait. Je me sentais grande, je me sentais forte et plus que tout, indestructible.

Je me sentais entière.

Comme cette fois, quelques jours après mon arrivée au C.I.S.I, lorsque je m'étais transformée pendant l'attaque des Tériatomes. J'avais ressenti la même chose. Mais je n'avais pu lui trouver de nom, je n'avais pu comprendre. Là, je comprenais et j'appréciai. J'évoluais, mon corps se sublimait pour me faire devenir ce que je devais être, la fille du Soleil et du Néant, la Lune.

Tandis que le temps semblait s'être interrompu pour me laisser le loisir d'observer celle que je devenais, un sifflement continu perça l'atmosphère jusqu'à nous englober tous. Je ne cherchai pas à comprendre ce qu'il se passait, mais les autres, autour de moi, s'agitèrent. Il y eut plusieurs cris des nomades, des interpellations entre mes amis, eux qui avaient eu le courage de traverser le Sauvage pour venir me chercher. Je ressentis dans l'air une présence nouvelle, une énergie puissante et insaisissable, quelque chose d'ancestral, de respectable.

— Préparez-vous à vous défendre ! hurla une voix masculine. Ethel, emporte-là dans la montagne ! Fais ce que tu avais prévu ! Zed, Spoty, Lumia, aidez-moi, il faut pas qu'ils accèdent à elle. Salavenn, j'ai besoin de tous les valides ! Qu'ils viennent nous aider aussi ! Tout le monde ! Il n'y a que comme ça qu'on a une chance de les avoir !

Je restais debout, devant mon reflet, à ressentir cette énergie qui me procurait une aise confortable et un sentiment de puissance divin. J'étais aveugle à ce qui se produisait autour de moi, mais j'entendais tout.

— Ils sont super nombreux ! cria quelqu'un.

Mon image m'hypnotisait.

— Comment on va faire ?

— Porteurs de Mars, amplifiez mon bouclier ! Porteurs de Mercure, illuminez la plaine pour les faire fuir ! Porteurs de Saturne, envoûtez-les, attirez-les vers la forêt, vers le lac d'Uranus ! Porteurs de Neptune, à combien est évaluée la menace ?

Bruits de pas dans tous les sens.

— Beaucoup trop pour être évaluée ! cria quelqu'un en retour. C'est comme si le Néant tout entier était descendu sur nous !

Déflagrations dans l'air.

— Que les dieux nous protègent !

Déchirure des tympans. Chutes, cris.

— Par le Soleil et par la Lune, on n'a jamais rien vu de tel !

Mon reflet se brouilla. Un sourire timide étira ses lèvres pâles. Mon cœur se serra. Je ne voulais pas qu'il m'abandonne. Je ne voulais pas me retrouver seule. L'image vacilla encore quelques instants, puis disparut. La réalité me sauta au visage. Je sortis de ma sorte de transe brutalement et tombai nez-à-nez avec le champ de bataille dans lequel tous ces sorciers, des dizaines et des dizaines, se démenaient comme des forcenés, contre–

— Les Voleurs sont beaucoup plus coriaces que d'habitude...

— C'est ma faute !

Une masse grisâtre, informe, énorme, nous faisait face.

— Il est trop tard pour regretter ! Trifoïs ablas catrum ! Et que les dieux nous soutiennent.

Des arcs de lumière jaillissaient de tous les côtés, de toutes les couleurs.

Splendide.

Je ne savais que faire. J'éprouvais une sensation de vide infini qui me donnait l'impression d'étouffer et une attraction irrésistible pour cette énergie curieuse et dévastatrice qui avait infiltré l'air. Elle était pleine. Elle me nourrirait. J'avais envie de la rejoindre. J'avais envie de m'y fondre. J'avais envie de m'y perdre.

Ethel posa sa main sur mon épaule.

— Tant que nous serons ensemble, ma belle, tout ira bien. Mais si l'on vient à être séparées...

Une dizaine de Voleurs parvint à s'approcher de nous. J'avançai d'un pas, puis d'un autre et ainsi de suite vers ces créatures si repoussantes, fascinée, et me détachai de l'emprise de mon amie.

— May ! hurla-t-elle, prise au dépourvu.

Elle me rattrapa et posa cette fois-ci ses deux mains sur mes épaules. Elle m'agrippa si fort que même avec toute ma bonne volonté, j'aurais eu du mal à m'en défaire.

Fille de la Lune... La voix sortie d'outre-tombe m'effraya d'abord. Elle était dans ma tête. J'étais la seule à l'entendre, comme j'avais été la seule à voir mon reflet... Je réalisai avec un certain dégoût que j'avais toujours cru être entourée, toujours cru être soutenue mais qu'au bout du compte, je franchissais toujours toutes les épreuves, seule.

Personne ne ressentait les choses comme je les ressentais, pas même Ethel, pas même Charly. La solitude que je ressentais à cet instant était immense, foudroyante. Elle me plongea dans une sorte d'état second.

Fille de la Lune, nous t'attendons... Tu dois nous guider... Je n'eus plus qu'une envie : suivre mon instinct. Suivre ce que mon corps me dictait, ce que mon sang me dictait, ce que mon énergie me dictait. J'arrive ! hurla en retour mon esprit.

Je me laissai aller, emporter, me dématérialisai et me retrouvai entourée de Voleurs, loin des bras désapprobateurs d'Ethel, loin des ordres de Charly, loin de ceux pour qui j'avais cru représenter autre chose qu'un outil.

Tous avaient voulu m'utiliser. Aucun n'avait pensé à ce que je pouvais bien vouloir, à ce que je pouvais bien ressentir ni éprouver, à ce qu'au plus profond de moi, je pouvais désirer.

J'étais lasse, j'étais vidée de tout, et au-delà, de tout désir de comprendre. Je voulais seulement me laisser aller. Et pour preuve, je ne réagis pas lorsque la voix dans ma tête, me susurra qu'elle m'emmenait avec ses comparses dans le repaire de leur maître. Je ne réagis pas non plus lorsque mes amis, qui m'avaient trahie, que je ne pouvais même pas appeler comme tels tant ils m'étaient étrangers, tentèrent de me récupérer, de se frayer un chemin jusqu'à moi parmi les Voleurs.

Je ne réagis pas lorsque Charly me cria que je me trompais, que mes amis m'aimaient, qu'ils me soutenaient, qu'ils affronteraient tout pour et avec moi. Les Voleurs, plus hargneux que jamais, les repoussaient sans ménagement à force de cris et de substances gazeuses qu'ils leur lançaient et qui les faisaient trébucher puis tomber face contre terre, comme endormis.

Juste avant que les créatures de l'Esprit Vengeur ne m'enjoignent à les suivre dans les airs jusqu'au repaire de leur maître, j'eus le temps, entre les brumes des Voleurs, de distinguer mes anciens amis, plus désespérés que jamais. Zed se débattait furieusement, sa carrure et son charisme resplendissaient sous l'éclat de la Lune, toujours plus grosse.

Il n'abandonnait pas. Il n'abandonnerait jamais, je le savais.

La Lune englobait à ce moment-là le quart du ciel, mais je ne m'en préoccupais pas plus que ça.

Ethel était entourée de Voleurs, des larmes plein le visage. Des larmes scintillantes, pures. Elle semblait abattue. Je ne l'avais jamais vue ainsi. Mais c'est la vue de Charly qui faillit ébranler mes résolutions, ma détermination, mon aspiration. À terre, son visage était déformé en un horrible cri. Le bras tendu vers moi, comme s'il avait une chance de m'attraper, il semblait réaliser quelque chose d'irréel. Il semblait combattre une force qui m'était invisible.

Je détournai les yeux de ce spectacle pitoyable et m'élançai vers mon destin. Un souffle m'enleva au sol et je flottai dans les airs, entourée de Voleurs, éclairée par la Lune immense.

À sa lumière, je vis les créatures du Néant sous un nouveau jour. Je leur trouvai une beauté étrange. Une délicatesse que l'on ne trouve que dans les souvenirs oubliés. Une tristesse qui n'existe que dans les objets abandonnés. Une force, union de cette beauté, de cette délicatesse et de cette tristesse. Notre cortège funeste était une résurrection.

L'air frais m'anesthésiait, me vivifiait, me procurait une joie nouvelle. Le temps du vol, j'oubliai et redécouvris tout ce qu'il y avait à découvrir et à oublier.

_______________________________

*publication : 26/04/18, dernière mise à jour : 29/12/18*

Wouaaah... Vous vous êtes envolés, vous ? Parce que moi oui, je crois... xD

Vous avez en média la version finale de ma peinture !

Bon alors ce n'est pas pour vous frustrer, mais vous devez vous douter que nous approchons dangereusement de la fin... *rit de sa blague nulle et s'échappe en courant*

La suite est pour bientôt...

Bisous ! :3

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