Muscat, Dentelle et Crucifix

By NicolasRaviere

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Oubliez donc ce que vous savez sur les vampires ou n'en faites pas grand cas : ils ne sont pas si cruels, mai... More

Prologue
Aux Frontières du Crépuscule
Les Promesses du Cercueil
La Maison qui Pue
Blaireaux Vampires
Quelle Noce feras-tu ?
Fans Perdus
Le Train-train de l'Epouvante
L'Arène des Vampires
Laisse-moi Rentrer
Les Stats de Vampire
Sale M...
Anus Dracula
Bled
L'Engeance Carnivore
Les Lèvres bougent
Discussion par Cercueil interposé
Nous sommes L'Ennui
Cérémonie Cinglante
Les Flics, c'est cheap
Lit Vide
L'Intestin de Babette
La Piscine a des Yeux
Le Bal de l'Empire
La Bêtamorphose
Entretien d'un Vampire
Les Chroniques de l'Empire
Un Vice par-delà la Lumière
Génération Vendue
L'Ennui Déchiré
Vampire en toute Inimité
Je suis ton Nombre
INLAND VAMPIRE

Rod Trip

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By NicolasRaviere

Nous descendîmes en momies puantes au Manoir d'Outre Mer, sans aucune frénésie, ce qui peut sembler véreux. Il ne s'agissait guère que d'un bal organisé entre notre honneur, et en l'honneur des nouvelles recrues de toute la région, une région diablement éloignée de toute étendue d'eau salée. Nous serions une centaine, accompagnés de nos maîtres. Les vampires ne drainaient pas autant la foule que ces satanés zombies : nous étions loin de la prolifération, malgré des chairs tout aussi pourries. Mais, avant cela, nos maîtres nous enlèveraient nos bandelettes afin que nous puissions prendre le grand bain de purification, que j'imaginais tout à fait immonde : je me revoyais plonger dans cette mare à cadavres, laquelle me poursuivait jusque dans mes cauchemars ! J'y voyais ma famille toute entière, ainsi que Babette, délestés de leurs membres, flottant comme des morceaux de bœufs dans un Bo Bun à la fois gluant et peu appétissant.


Nous portions, sur nos bandelettes, des costumes d'autrefois légèrement modernisés, afin de ne pas trop faire vieille époque, des étoffes synthétiques toujours mais beaucoup moins de dentelle : après la colère noire de mamie, difficile de lui en subtiliser davantage. Je lui ai emprunté un vieux napperon qui trainait, lequel pendouillait légèrement de ma poche de veste pour un effet pas franchement ébouriffant, mais diablement original. Babette désapprouvait, elle faisait sa mine renfrognée des plus mauvais jours : je ne savais pas ce qu'elle avait, elle était aussi sèche qu'une professeur d'Allemand, aussi froide qu'une nonne ménopausée, muette comme une tombe sans épitaphe. Pas un sourire, rien ! Elle répondait à mes questions de façon expéditive, sur un ton que je trouvais presque agressif. Je mettais cette antipathie furtive sur le coup des bandelettes : c'est vrai que nous étions à prendre avec des pincettes ainsi emmitouflés, étouffant dans la puanteur et quelques résidus de démangeaisons qui éclataient parfois sur nos peaux comme des boutons de moustiques. Se coltiner le voyage avec elle était un réel supplice.


Manifestant mon besoin d'uriner, nous nous arrêtâmes sur une aire d'autoroute assez sordide, plongée dans une obscurité inquiétante, ce genre d'endroit un tantinet coupe gorge avec, comme seul décor, un lampadaire, une table pour pique-niquer et des toilettes, éclairées elles aussi par lumière capricieuse, épileptique, manquant de rendre l'âme. Aucun point de vente, le désert. Un petit bois, à quelques mètres, n'invitait pas à la promenade. Je voyais deux ombres masculines s'y faufiler puis, contre un tronc d'arbre, l'une d'elles s'arcbouta en gémissant tandis que la second ne se fit pas prier pour la... sodomiser. La sodomiser ! Je n'avais pas la berlue ! Mon odeur, sans doute repoussante vu les regards désapprobateurs que j'ai collectés en mettant le pied dehors, ne semblait pas les déranger, pas plus que les effluves tout aussi agréables qui émanaient des toilettes turques, parfumant délicieusement l'air. Afin que ces deux hommes ne me remarquent pas, je me glissai furtivement dans les toilettes pour handicapés, bien plus humaines. Une précaution valant mieux que zéro, je m'y enfermai à l'aide de ce verrou poisseux, décryptant tout en urinant un monde de petites annonces toutes plus sordides les unes que les autres, un véritable sanctuaire en l'honneur de la gaudriole et de la débauche. Il m'était de nouveau possible de rire sans souffrir mais je préférais étouffer mes réactions, afin de ne pas trop attirer l'attention sur moi.

Malgré cette distraction d'un goût fort douteux, je n'aimais pas l'ambiance de ce lieu. En l'espace d'une semaine, j'étais devenu méfiant, peureux : une vraie lopette ! Mais pas au point de palper une tige, à part la mienne peut-être, mais je n'osai imaginer à quoi elle pouvait ressembler ainsi congestionnée. En effet, j'évitai soigneusement de la regarder lorsque je la sortais, le temps de vider ma vessie.

Je m'apprêtais à prendre la poudre d'escampette quand j'eus, pour la énième fois, la peur de ma vie : un homme haut de deux mètres se tenait devant moi, à peine la porte ouverte. Il me dévisagea d'un œil circonspect, puis, tout en me fixant avec une assiduité suspecte, il me gratifia d'un sourire à coller les miquettes, retroussant ses lèvres fines d'une façon fort curieuse plusieurs fois, comme s'il formait un crachat. Il me dit bonjour, s'excusa, puis disparu dans ce petit sanctuaire, me laissant derrière la porte, le cœur battant, soufflant enfin.

C'est là que je vis cette choses assez curieuse : l'ombre enculante se retira de l'ombre enfilée puis - un cauchemar n'arrive jamais seul - se transforma en boule, déploya ses ailes et fondit sur la tête de la victime sans couvre chef. Le sexe toujours turgide, celle-ci tournait sur elle-même, à la façon d'un derviche tourneur qui aurait confondu l'eau et la vodka, agitant les bras comme une Miranda sous acide. J'observais tranquillement ce massacre quand je sentis, sur mon épaule, une main puissante, comme un étau, ravivant mes blessures. C'était Lui. Le monstre, fraichement sorti des toilettes !


« Tu cherches quelque chose, petit ? me demanda-t-il d'une voix caverneuse, tel un ogre s'adressant à un enfant perdu, avant de le dévorer.

- Non, bredouillai-je, peu rassuré, j'allais... partir.

- Tu es sûr que tu ne veux pas rester avec moi ? insista-t-il, d'une voix toujours plus sombre. »


Comment dire non sans vexer un tel colosse alors qu'il vous écrase de sa main calleuse ? Comment dire non sans risquer de provoquer son courroux ? Comment dire non sans... trépasser ?


« Ma copine m'attend, elle... elle va s'inquiéter si je ne reviens pas.

- Dommage, on se serait bien amusé toi et moi. J'aime beaucoup ton odeur. Elle est excitante ! Ta copine... elle a de la chance. Je parie que tu as bon goût. »


Ce type était vraisemblablement malade : comment pouvait-il aimer cet odeur mortifère, mélange de camembert et d'excrément ? Il ne pouvait être que dérangé ! Inquiet, je l'imaginais du genre à s'être échappé d'un asile non loin d'ici le soir même, patrouillant dans la nuit froide et obscure afin de trouver une victime, comme dans un navet échoué dans les tréfonds du box orifice or, j'avais donné dans le nanar : que ce soit le gore, le fantastique, le slasher et j'en passe. Il me semblait avoir tout vécu, l'espace d'une nuit à faire pleurer Catherine Lara. Bref, il n'était pas question de croupir ici ! Je m'apprêtais donc à prendre les jambes à mon cou, bien qu'elles fussent ankylosées, quand une autre main se posa sur moi. Je sentis un corps contre le mien, une chaleur m'envahir tout entier. C'était une sensation particulière ; elle me rassurait et me charmait tout à la fois. C'était Bertrand, Bertrand qui venait me sauver, sans doute heureux d'avoir le ventre plein et les bourses vides :


« Aristide, que fais-tu là ?

- J'étais venu pisser, je m'apprêtais à partir rejoindre Babette quand cet homme m'a abordé.

-Ah, ce cher Sigismond, il fait partie des nôtres lui aussi, tu ne crains rien. Nous sommes parties chasser ensemble.

- Chasser ? (Chasser quoi au juste ? Je n'osais guère formuler la question autrement sans paraître vulgaire).

- Il faut bien se nourrir, si tu vois ce que je veux dire....Tu te demandes peut-être pourquoi ici ? Entre nous, c'est le meilleur spot pour chasser. C'est plus sûr : il fait nuit, l'endroit est abandonné. Personne ne peut entendre les victimes crier... et puis ça permet aussi de se faire plaisir, si tu vois ce que je veux dire... Je te conseille vivement de garder ce tuyau en tête, quand tu deviendras un prédateur. »


Je comprenais tout à fait ce qu'il voulait dire, pour l'avoir vu.


« Tu t'appelles comment, me demanda ce croisement de Hulk et de Shrek dont j'avais déjà oublié le nom aussi insolite qu'immonde et qui, visiblement, ne lâchait pas l'affaire.

- Il s'appelle Aristide et c'est mon pupille, répondit sèchement Bertrand. Pas touche !

- On peut échanger si tu veux.

- Tu sais bien que ce n'est pas possible.

- Tu peux me le prêter quand même et je te prête Sullivan.

- Tu changeras donc jamais. Non, il ne viendra vers toi que s'il en a envie. Je ne prête pas mes garçons.

- Il en aura envie, je te le garantis, me dit-il l'œil torve, qu'il appuya d'un clin d'œil qui me fit froid dans le dos. »


Bertrand n'osa pas objecter quoi que ce soit à ce qui s'apparentait à une menace mais il jeta un regard désapprobateur à cette armoire à glace qui se contentait d'afficher un sourire narquois. Je regrettai soudain d'avoir soulagé ma vessie et retournai vers Babette en prenant soin de m'éclipser non sans politesse, tandis qu'ils se toisaient sans me répondre. Babette, qui en avait profité pour changer la musique au profit d'un hard un poil trop saturé à mon goût, fulmina.


« T'en as mis du temps. T'as dû enlever ton bandage pour chier ?

- Je te remercie de t'inquiéter mais non, d'ailleurs je n'ai pas déféqué de la semaine et toi ?

- Heureuse de le savoir, vraiment ! Je n'ai pas envie de répondre à cette question. Il est temps de reprendre la route. »


Cette fermeté, ce ton glaçant, ne m'enchantait pas ; d'ordinaire Babette n'avait aucun problème à partager avec moi l'état de son côlon. Première fissure dans une amitié quasiment aussi longue que nos vies, et qui n'était pas censé souffrir de l'éternité qui nous était promise ? Au fil des kilomètres, dans le vacarme assourdissant de cette musique stressante, le vrombissement continuel du moteur, s'était installée une ambiance des plus glaciale. Fort heureusement, après trois quarts d'heure, nous arrivâmes aux portes de la bâtisse, splendide en son écrin de verdure moiré, non loin d'une forêt sacrément dense. Comme un air de déjà-vu ! N'était-ce pas... inquiétant ? Un portail aux pics acérés, gardés par une légion de gargouilles aux airs affables, nous séparait de cette dernière étape vers la transformation. Nous étions loin de nous douter que nous finirions exposés, là encore, à la haine véhémente de vampires millénaires. 

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