Jessica
Je crois que j'en suis encore toute retournée. Je plie mes jambes en tailleur, me laissant aller contre le dos du canapé.
Je préfère regarder la boîte de mouchoirs qui se tient fièrement sur le bord de la table basse pour le moment plutôt que lui.
Le fait qu'il me raconte le pourquoi du comment m'allège d'un certain poids. Non, je n'étais pas maudite pour le rencontrer dans ce bar ce soir-là. Il le savait. Et quelque part, un peu de ma culpabilité s'envole.
- Et bien, demande-moi quelque chose..
Péniblement, je relève les yeux vers lui et je renifle une nouvelle fois, avant d'acquiescer de haut en bas. Le problème, c'est que je ne sais pas par où commencer, j'ai tellement d'interrogations que j'en oublierai forcément.
- Qui est Marie ?
Je me pince les lèvres, j'aurais du réfléchir un peu plus. Je me sens rougir et me racle la gorge pour masquer ma gêne.
- Jess, il soupire, on est censé parler de nous.
Je ne dis rien, me contentant de le fusiller du regard avec l'espoir qu'il réponde.
- Bon, comme tu voudras.
Il se racle la gorge, se grattant d'un revers de main sa barbe naissante.
- Marie, c'est un peu ce que pour toi est Jonathan. Je suis venue pour la première fois à Melbourne avant ma rentrée en terminale tandis que mon frère et toi rentriez en seconde. Je suis tombé amoureux de cet endroit, de toute cette simplicité qui était pour moi un luxe, vu la vie que je menais en France. Et c'est là que je l'ai rencontré. Elle était comme moi, une fille avec un passé, un peu casse-cou, aux nombreux problèmes et absolument magnifique.
Je l'observe sourire et je ne peux empêcher ma mâchoire de se serrer. Je suis définitivement jalouse.
- Je suis tombé amoureux d'elle, ou en y réfléchissant de l'image qu'elle renvoyait. Mannequin, avec de l'argent et je le répète, une vie similaire à la mienne avec des parents qui n'avait d'yeux que pour le second.
Je me sens soudainement triste pour lui, et presque pour elle. Mes parents n'ont jamais fait de différence entre Louis et moi mais je sais que j'aurais été abattu si ça avait été le cas.
- Mais, qu'est-ce qui s'est passé ?
Je dois le savoir, cette histoire semble idyllique : deux coeurs à la dérive qui se retrouvent. Lol. Pourtant, je me souviens que Jon ne l'aimait pas car elle faisait « tourner son frère en bourrique ».
Elle m'a trompé.
Mes yeux s'écarquillent automatiquement.
Oh, Jessica, il rigole, ne sois pas si surprise, tu n'es pas la seule à avoir été trompé sur cette terre.
Sa remarque fait mouche, et je baisse les yeux vers le bas. Il n'a pas tord. J'ai eu tendance à prendre ma situation pour une honte, une exception alors que, malheureusement, aujourd'hui c'est presque une banalité.
- Dès que je l'ai appris, il reprend, j'ai pris le premier avion pour Paris, voulant m'éloigner le plus possible d'elle. Et c'est là, que nous nous sommes rencontrés.
Mon regard accroche à nouveau le sien et je lui rend le sourire qu'il m'offre.
- Et.. tu es revenue pour elle ?
Je sais, c'est idiot. Je n'ai pas à le savoir. À part me faire du mal alors que cela ne le devrait pas, ça ne va rien m'apporter.
- Non. Je l'ai retrouvé en arrivant ici, avec des excuses semblables à celle qu'à du te servir Jonathan. Mais si je suis partie, c'est pour te fuir. Juste toi.
Je gigote nerveusement sur place, mal-à-l'aise que tout soit de ma faute.
- Tu as une autre question ?
Il élude la question de Marie, et je crois que c'est tant mieux. Je ne veux pas savoir où elle est en ce moment-même, encore moins si elle vit ici.
- Comment tu as su que je venais en Australie ?
C'est une interrogation plus qu'importante vu la réponse vague à laquelle j'ai eu droit un peu plus tôt.
- Élisabeth m'a appelé.
Je serre les dents. Je crois que je la déteste. Non j'en suis sûre. C'est peut-être l'une des plus grandes preuves d'amitié qu'elle m'ait donnée, me permettant de le voir une dernière fois. Mais c'est tellement douloureux.
- Elle m'a dit que tu venais ici pour ton enterrement de vie de jeune fille. Et je l'ai supplié de te laisser me voir. Elle savait pourquoi elle m'appelait, elle savait que je comptais pour toi et que l'on avait besoin de ce dernier entre-vu. Je lui ai dit où je travaillais et quand. Mais la rencontre ne devait pas avoir lieu aujourd'hui.
J'assimile l'ensemble des informations, acquiesçant en hochant doucement la tête de haut en bas. Elle a fait tout ça dans mon dos, en sachant pertinemment que venir ici en enterrement de vie de jeune fille n'avait rien d'anodin.
- Je le savais, il souffle, au fond de moi j'étais persuadé que l'on ne pouvait pas se quitter dans cette douche. Ce qu'il y a entre nous, c'est..
- Pourquoi est-ce que tu es parti de la chambre d'hôtel, ce matin-là ?
Je ne veux pas le laisser continuer dans cet élan de sentiments. C'est au-dessus de mes forces. Je crois que c'est l'ultime question, la plus importante de toute. Une fois encore, un semblant de sourire lui traverse le visage et je me sens obligée de fixer un point imaginaire.
- J'ai reçu un appel de Jon. Parfait timing, hein ? Il m'a demandé où tu étais. Et c'est à ce moment-là que je me suis rendu compte de la connerie que je venais de faire, aussi belle soit-elle. Alors, j'ai paniqué. Je me suis rhabillé, partant à toute vitesse avant que tu ne sortes de la douche. Mais juste avant, j'ai pris le soin de t'écrire la petite phrase qui avait tout déclenché avant de payer la chambre et de demander à l'accueil que l'on t'apporte des vêtements.
J'essuie d'un revers de main l'énième larme qui vient de m'échapper. Je m'étais faite des tas d'idées, la plus probable étant que je n'étais rien d'autre qu'une vulgaire prostituée pour lui. Et il vient de tout envoyer valser. Encore une fois, mes préjugés étaient faux, et malgré les erreurs qu'il a pu faire, il est resté quelqu'un de « bien », jusqu'au bout.
- Puis j'ai retrouvé Jonathan qui était mort d'inquiétude. Je l'ai rassuré avec des mensonges, n'ayant pas le courage de lui dire la vérité. Je lui ai dit que tu étais une fille bien et il m'a répondu que tu étais la femme de sa vie, malgré le fait qu'il est.. quelques travers avec le sexe opposé. Et c'est avec une idée tordue qu'il s'est dit que c'était le bon timing pour pouvoir t'épouser. Moi, je trouvais ça complètement con et déplacé mais qui étais-je pour lui dire une chose pareille alors que je venais de coucher avec toi ?
Il marque une pause pour se racler la gorge, visiblement ému.
- La bague de notre grand-mère, c'est moi qui l'ai gardé. L'emportant avec moi dès mon premier voyage en Australie, simplement pour l'énerver sachant pertinemment qu'il serait le premier à se marier. Si il ne te l'a pas donné, ça n'avait rien à voir avec son amour pour toi mais avec ma mesquinerie.
Je le remercie silencieusement d'avoir dit la vérité, il n'était pas obligé.
- Je ne vais pas m'excuser pour cette nuit que nous avons passé ensemble, ni pour tous nos écarts. J'ai aimé ce qui s'est passé entre nous Jessica et m'excuser serait un énième mensonge. La seule chose pour laquelle je te demande pardon, c'est pour avoir craché tout mon venin sur ton histoire avec Jonathan, tout ça parce-que j'étais jaloux de lui.
Nous restons un petit moment à simplement nous observer. Chacun d'un côté de la table basse. Est-ce que j'ai d'autres questions ? Oui, sûrement. Mais est-ce que j'ai besoin de savoir tout ça ? Il a répondu aux seules choses que j'avais vraiment besoin et en savoir d'avantage me rendra peut-être encore plus fébrile et perdue. Tout ce que je sais, c'est que je vais épouser Jonathan et que cela, ça ne changera pas.
Alors, il ne me, nous reste plus qu'une dernière chose à faire.
Doucement, je déplie mes jambes, afin de me relever. Puis, les yeux rempilent de larmes je le rejoins, m'asseyant à califourchon sur lui. Je fais taire ma conscience, je sais très bien que c'est une mauvaise chose mais au point où j'en suis, ça ne pourra pas être pire.
Il évite mon regard et de mes mains tremblantes, je saisis son visage pour plonger mes yeux qui sont aussi embrumés que les siens.
- Ne m'évite pas, je soupire, c'est notre dernière fois.
Et c'est avec un dernier sourire esquissé, qu'il finit par rompre notre distance, pour poser ses lèvres contre les miennes.