Chapitre 6
« Pourquoi ? Parce que c'est si facile de se taire, de baisser les yeux, de sourire. Si simple de ne jamais réclamer, pinailler, trancher, râler, ronchonner. Faire la cruche, c'est se faire oublier. »
Tatiana de Rosnay
Source : Le voisin
Olivia et moi descendons enfin les marches pour rejoindre le « salon-discothèque », là où les « choses sérieuses » vont commencer. À ma grande surprise, les premiers invités sont déjà là, Olivia ayant engagé un réceptionniste afin de les accueillir, encore une extravagance de sa part, je suppose. Notre entrée ne passe pas inaperçue : les hommes nous dévisagent de la tête aux pied, comme si nous étions de petites friandises à dévorer.
Le DJ annonce déjà notre entrée :
— Bienvenue aux reines de la soirée, Olivia et Callista. C'est grâce à ces deux beautés que cette pendaison de crémaillère est si géniale !
Tout le monde nous applaudit. Olivia salue tous les invités avec un sourire ravi alors qu'à côté d'elle, je me fais toute petite et rougis, gênée par cet accueil beaucoup trop voyant à mon goût. Je ne connais pas la plupart des invités conviés à ma propre fête. Ça commence bien.
L'ambiance est déjà bien partie, le DJ diffusant des musiques à la fois modernes et entraînantes, comme dans une vraie boîte de nuit.
Un homme, brun aux yeux bruns, s'avance vers nous, un sourire ravageur dessiné sur ses lèvres. Olivia lui fait instantanément la bise. C'est peut-être l'une de ses anciennes conquêtes ?
Il s'avance vers moi et me fait également la bise, tout en jetant un coup d'œil furtif à l'intérieur de mon décolleté.
— Callie, je te présente Noah... un ami et Noah, voici Callie. Voilà, les présentations sont faites. Tu verras Callie, Noah est vraiment quelqu'un de super, beau-gosse, gentil, une vraie crème quoi. Dommage que ça n'ai pas marché entre nous. Bon les amis, ce n'est pas que je ne vous aime pas, mais j'ai repéré un vrai beau gosse qui m'a donné très très chaud mais alors très très très chaud là-bas, alors je vais vous laisser. Profitez -en pour faire connaissance, Noah va prendre soin de toi.
Olivia m'adresse un clin d'œil avant de me chuchoter à l'oreille :
— Tu ne lui mets pas de râteau, pas à lui hein ?
Je rétorque :
— Merci de me refourguer un de tes ex !
— C'est moi qui l'ai plaqué. Il était beaucoup trop gentil pour moi, et j'ai besoin qu'on me dise « non » parfois. Mais je t 'assure qu'il est vraiment super. Alors pas de râteau, hein ?
Sans que je n'ai eu le temps de lui répondre, Olivia se mord la lèvre inférieure de désir puis s'éloigne en direction d'un groupe de garçons plutôt mignons. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu 'elle ne perd pas une minute. Je ne pensais pas qu 'elle essaierais de me caser avec un de ses ex. C'est du joli. Je me sens dores et déjà mal à l'aise.
Noah me fixe d'un regard intense. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir lui dire ? Je dois tenir ma promesse envers Olivia, surtout après tout ce qu'elle a déjà fait pour moi. J'essaie de faire un effort et un pas vers lui en engageant la conversation la première.
— Elle est vraiment sympa cette soirée. Cette pendaison de crémaillère est assez originale et pas du tout traditionnelle, ça change de la raclette entre amis.
— C'est vrai, vous avez vraiment eu une bonne idée, Callista, c'est bien ça ? Mais tout le monde t'appelle Callie.
— À vrai dire, c'est Olivia qui a eu cette idée. J'ai juste suivi et accepté toutes ses extravagances.
Je souris, puis reprends la conversation.
— C'est Olivia qui a dû te dire que je m'appelais Callista, parce que devant moi elle a dit que je m'appelais Callie ?
— C'est ça.
Olivia avait prémédité son coup. Qu'est-ce qu'il sait encore de moi ? Je commande un verre de vodka redbull à l'un des nombreux serveurs qui courent dans tous les sens pour servir correctement les invités. Ils ont l'air débordés. L'alcool me donnera un peu de courage pour poursuivre cet échange avec Noah. Le serveur revient rapidement, avec plus de 10 verres sur son grand plateau. Je saisi le verre de vodka redbull et le bois d'un trait.
— Ah d'accord, en fait tu sais déjà tout de moi ?
Les yeux de Noah brûlent d'une flamme que je ne connais pas.
— On peut dire ça comme ça.
Je me renfrogne.
— Je pense que je n'ai plus aucun secret pour toi, alors. Olivia est vraiment très bavarde.
— Je suis certaine que tu en as encore et j'aimerais vraiment les découvrir.
Je saisi un second verre sur le plateau d'un des serveurs, pendant qu'il me fixe encore intensément.
Je me fige d'un coup. Pas à cause de Noah, mais par la faute de deux yeux bleus magnétiques bien reconnaissables qui me fixent d'un regard ardent derrière Noah.
C'est l'inconnu de l'agence immobilière et son regard ne me quitte pas une seule seconde. Il est avec un groupe d'amis, mais toute son attention est focalisée sur moi.
Je fond, je m'embrase, les deux en même temps. Je ne sais plus où je suis, ni où j'en suis. Mon corps réagit trop, beaucoup trop, à sa présence. Je détourne mes yeux de son regard plongeant, intimidée et surtout beaucoup trop nerveuse.
Un sourire satisfait se dessine sur ses lèvres délicieuses. Il est là, juste là. À croire que mon rêve était prémonitoire, ou alors, qui sait, qu'Olivia avait également prévu de me jouer ce tour.
Olivia revient vers Noah et moi, le sourire jusqu'aux oreilles et un beau blond aux yeux bruns à ses côtés.
— Alors ça va les petits loulous ?
Elle lève les sourcils.
— Ou qui sait les amoureux ? J'espère que tout se passe bien. Voilà David, que j'ai rencontré tout-à-l'heure, David, voici Callista, ma meilleure amie et colocataire, et Noah un... ami de longue date.
Je m'adresse au blond, qu'Olivia envisage sans nul doute de manger tout cru.
— Je t'emprunte Olivia deux minutes. Je te la rend, promis.
Je prends Olivia à part.
— Je rêve ou tu as prémédité ton coup ?
— Oh la la, tu ne vas pas m'en vouloir pour ça ! Bien sûr que j'ai un peu préparé mon coup avec Noah, je lui ai parlé de toi et je lui ai envoyé quelques photos de nous deux mais c'est tout.
Je la tourne par les épaules pour la mettre en face de l'inconnu aux yeux bleus délavés, qui ne cesse de me fixer.
— Et lui aussi, tu l'avais prémédité ?
Olivia, ahurie, fait des yeux ronds digne du plus beau merlan fris.
— Kilian Accosta, co— gérant avec son frère de l'entreprise familiale Accosta Compagny traitant avec celle de mon père et membre de la police scientifique à ses heures perdus, mon client de l'agence immobilière, présent à notre petite fête ?
— Oui, il faut bien le croire, comme tu peux le constater de tes propres yeux.
— Ce doit être l'ami d'un ami d'un ami. Tu vois, c'est loin d'être un junky. Je te jure que je suis la première étonnée qu'il soit ici. Ce play-boy te dévore des yeux, il n'a d'yeux que pour toi ma belle. Si tu veux mon avis, je suis certaine qu'il est venu exprès pour toi ... Tu le fait craquer...
Je secoue la tête, troublée par les propos
— N'importe quoi, il est juste venu parce que ses amis sont venus. Il doit me narguer parce que je lui ai mis un râteau à l'agence l'autre jour.
— Si tu le dis. Moi je lis juste dans ses yeux qu'il a très envie de faire plus ample connaissance avec toi, si tu vois ce que je veux dire...
Je secoue à nouveau la tête.
Nous rejoignons à nouveau les deux garçons, Noah et David.
« Kilian » me fixe toujours, puis s'éloigne avec son groupe d'amis.
J'ai chaud et j'ai besoin d'oxygène. Je vais aller manger quelque chose à la cuisine pour rassasier ma petite faim.
Du monde s'entasse dans la cuisine. Ce n'était pas une bonne idée pour prendre un brin d'oxygène, finalement. Je me faufile jusqu'au réfrigérateur afin de prendre quelque chose à grignoter. Je mange un pâté en croûte. Ça me suffira pour ce soir. Il y a beaucoup de monde dans la cuisine et je veux en ressortir rapidement.
Je passe du côté étroit de la cuisine afin de ressortir de la cuisine, là où il y a le moins de monde amassés en train de manger. Je sens alors un corps collé contre mes fesses qui ne se bouge pas pour me laisser passer. Il est assez dure à un endroit clé du corps d'un homme, je suppose donc qu'il s'agit d'un homme et qu'il a envie de moi...
Je tourne légèrement la tête vers l'arrière de mon corps pour voir à qui j'ai affaire.
J'aperçois alors des yeux bleus délavés qui me toisent.
Mon cœur bat si fort que je suis capable d'entendre ses palpitions. Mon souffle s'accélère. Je suis prise au piège, il est juste derrière moi et je suis incapable de reprendre mes esprits pour lui résister. Je suis également incapable de bouger tant je suis sous son emprise et, pourtant, je devrais fuir à toutes jambes.
Kilian chuchote doucement à mon oreille :
— Alors, tu as toujours envie de me mettre un râteau ?
Sa réflexion me fait frémir. Je réussi néanmoins à reprendre mes esprits tant bien que mal et à m'extirper de son emprise.
Kilian me regarde m'éloigner en affichant un sourire satisfait. Il doit bien se douter qu'il m'a fait l'effet escompté et doit tenir sa vengeance liée à mon refus de ses avances.
Je me rends à nouveau dans le salon, lieu siège de la fête. J'enchaîne les verres. Après toute cette émotion, j'en ai besoin, et pourtant je suis loin d'être comme ça habituellement. Je suis plutôt sage et je n'ai jamais eu la moindre « cuite ». Je sais que ce n'est pas bien, mais bon, je ne vais pas faire toute une histoire pour une première cuite.
L'alcool me désinhibe peu à peu.
Noah m'attire sur la piste de danse. Je refuse en secouant simplement la tête.
— Allez, Callie. Tu m'as invité avec Olivia, alors la moindre des choses serait au moins de m'accorder une danse !
Sous la coupe de l'alcool, je me trémousse sur la piste de danse. Noah s'approche de moi et je m'éloigne de lui tout en me déhanchant.
J'entends une voix dont je ne distingue pas l'appartenance et dont je me fiche royalement :
— Elle est vraiment chaude, en plus d'être belle, ta copine !
— Elle est chaude et bourrée, oui, mais ça ne fait rien, au moins elle s'éclate, Korentin !
Je m'éloigne encore jusqu'à quitter la piste de danse. J'ai besoin de me rafraîchir. Je rigole toute seule en titubant.
Encore un verre en passant, juste un. Plus rien n'existe : ni mon passé, ni l'accident, ni mon présent, ni cet homme qui me rend dingue. Rien d'autre, juste moi et mon état d'ébriété.
Dans le couloir, je renverse mon verre d'alcool sur le chemisier de quelqu'un, mais je m'en fiche totalement. Je m'esclaffe. Sauf que ce quelqu'un, c'est encore ce Kilian. À croire qu'il me suit partout où je vais. Je ris encore.
— Pardon, beau gosse !
— Tu aurais au moins pu faire attention ! Tu es totalement ivre !
— Pourquoi tu fais-ça ? Pourquoi tu t'intéresse autant à moi ? Pourquoi me fais-tu autant d'effet ? Si tu veux m'allumer, et bien, je t'annonce officiellement que tu as réussi ! Mais toi tu veux juste me pécho ! Si tu veux, je te l'enlève moi, ton chemisier, comme ça il n'y aura plus aucune trace d'alcool sur toi.
Je souris. Et merde, je n'ai plus envie de me poser de questions, ni d'attendre ses réponses.
Je me jette sur lui et l'embrasse, comme j'ai toujours eu envie de le faire. Je n'ai plus de peur, plus de crainte, plus rien, juste mon envie de lui. L'alcool me donne tout le courage dont j'ai besoin. Il ne me repousse pas et je poursuit mon assaut. Ses lèvres contre les miennes, sa langue se mélange ensuite à la mienne, je suis comme sur un nuage. Je suis vraiment heureuse dans cet élan passionné, je n'ai plus à faire semblant de l'être.
Sa bouche a un goût mentholé mélangé à un goût d'alcool, mais c'est plutôt agréable.
Je sens son érection tout contre mon bas-ventre, ce qui me donne encore plus envie de lui.
J'entreprends de défaire vigoureusement tous les boutons de sa chemise trempée d'alcool. Je veux sentir Kilian partout sur mon corps. Je sens les mains de Kilian s'insinuer doucement contre dans ma culotte et malaxer mes fesses. Ça ne me dérange pas, bien au contraire. Cela attise encore le feu présent en moi, cette étincelle que j'ai désormais l'impression d'avoir contenu bien trop longtemps. Il empoigne maintenant fermement mes fesses et m'attire contre lui. Sa proximité m'enivre encore un peu plus.
Je bascule dans un tourbillon de sensations que je n'ai jamais connu auparavant. Il n'y a plus que Kilian et moi, ainsi que cette avalanche de désir qui nous lie.
Je suis tout simplement avide de lui.