J'appuie sur la pierre du briquet, m'offrant une belle flamme qui éclaire mon visage et embrase ma cigarette. J'inhale la fumée, la recrachant doucement, écoutant les propositions de Fred.
Ce mec est tellement minable, il n'a pas la valeur des choses, c'est un débutant. Riche, mais un débutant. L'être parfait à escroquer.
– Jay !
Une voix lointaine crie mon nom mais je ne suis pas sûr de l'avoir bien entendu. Je baisse le regard vers le jardin, personne.
– Tu as entendu ? Demandé-je pour être sûr que je ne suis pas fou.
– Entendu quoi ?
– Quelqu'un m'appeler.
– Non, pourquoi ?
Je balaye cette discussion d'un geste de la main et tire longuement sur ma cigarette, réfléchissant à quelques points essentiels pour l'arnaquer. Je pense que ça ne sera pas bien compliqué, il est seul pour gérer ses affaires et n'est pas du tout bon lorsqu'il s'agit de chiffres je crois qu'il n'a pas vraiment la notion de l'argent. Chaque centime est précieux.
– Pour ce meurtres organisé, tu m'en demandes beaucoup, Fred... si j'envoie un de mes hommes, ça va être compliqué...
– Comment ça ?
– Disons que chez moi, les meurtres organisés sont les missions les plus chères. Lorsqu'on nous demande ce genre de choses, les prix peuvent varier, selon l'endroit, l'espion que j'envoie et surtout qui il va tuer, tu comprends ?
– Tout à fait. Alors pour celui-ci, combien voudrais-tu ?
– Sachant que c'est en France, qu'il faut que j'assure sa protection étant donné qu'il va y avoir un déplacement d'armes etc, je ne peux pas accepter moins de huit mille.
– Huit mille...
– Et encore, en général je dis dix-mille mais comme c'est toi... surtout que je m'occuperai de Rose Peterson à l'avenir... gratuitement...
– C'est vrai, j'avais oublié pour Rose. Très bien, va pour dix-mille.
Il est tellement con, et naïf. Et imbécile.
– Marché conclu. On se reverra pour d'autres affaires. Je vais aller voir ce que fait ma Violet.
– Je vais descendre également.
Nous rentrons et rejoignons la salle principale. C'était plus facile que ce que je croyais. Nous avons parlé que d'une seule affaire pour le moment, et je l'ai déjà arnaqué de cinq mille livres. J'adore les cons de ce genre. Dix-mille euros un crime organisé... le jour ou quelqu'un me propose ce prix, je crois que je l'emplâtre.
Je balaye du regard la salle mais aucun trace de Violet. Merde... et si c'était vraiment elle qui m'appelait tout à l'heure ? Je n'ai pas réfléchi ni pensé à ça, j'étais trop absorbé par les affaires. Je sors en courant, bousculant des gens, pour arriver dans le jardin. J'entends au loin des voix, ça ne peut pas être ça, pas encore !
Fred arrive derrière moi mais je ne le calcule pas et me met à courir en dehors de la villa et là, sur le trottoir, je vois un gars parterre, et... un autre assis sur Violet entrain de la tabasser.
Merde. Les jumeaux.
Je me mets à courir aussi vite que je peux et je pousse Eliot, ce connard qui s'en prenait à Violet.
– Espèce de connard ! Hurlé-je sur lui en envoyant mon poing dans sa figure. Pourquoi t'en prendre à elle quand tu peux directement venir me voir, sale merde !
Je lui envoie un autre coup de poing qu'il contre et qu'il me renvoie mais que j'arrive à éviter. Il parvient à se lever, me tenant fermement et me plaquant sur le capot d'une voiture. Je jette vite fait un regard à Violet qui est au sol, du sang dégoulinant de sa tempe, le coup de tête qu'il vient de lui envoyer lui a été fatal. Merde, j'aurais dû lui dire de garder son arme. Quel con !
– Qu'est-ce qu'il y a, Jay ? J'ai touché un point sensible ? J'ai fait du mal à ta bien aimée ?
– Ferme ta gueule ! Répondis-je en lui envoyant un coup dans le ventre.
Il recule de quelques pas, se tenant l'estomac où j'ai pu frapper et me regarde, je pourrais le tuer maintenant s'il fallait mais je ne veux pas créer de dégâts pour faire mauvaise impression devant Fred. Surtout que je veux gagner à la loyale.
D'un coup, j'entends un bruit de canon, je me retourne surpris et je vois Fred, le bras levé dans la direction d'Eliot, et lui, s'effondre au sol.
– Je sais. Je ne l'ai eu que dans le bras, c'est fait exprès. On les laissera se démerder...
Fred me donne une tape dans le dos et je marche entre les trois corps au sol dont un, où je m'approche rapidement. Je sais qu'elle s'est battue, rien qu'à voir le frère d'Eliot au sol, ne bougeant pas, et la position dans laquelle il est, elle a dû envoyer un coup de pied bien placé. Elle sait viser, je ne mets pas en doute ses capacités. Eliot est bien trop fort, même pour moi, disons que nos forces sont à peu près à égalité, si je continuais de m'entraîner, je pourrais le battre, mais je me contente de ça pour le moment.
Je comprends donc qu'elle n'ait pas pu s'en sortir.
– Veux-tu la ramener pour la soigner ? Me propose gentiment Fred.
– Non, non merci. Je... je vais rentrer m'occuper d'elle.
Je ne dis plus un mot, me baisse pour porter Violet et enjambe les corps des jumeaux qui gisent au sol. Ils ne sont pas morts, et je me vengerai. Ça leur apprendra à vouloir jouer au plus malin.
J'allonge Violet sur la banquette arrière et me dépêche de rentrer. Pourquoi ça m'énerve autant qu'ils lui ont fait du mal ? Pourquoi ça me met hors de moi ? Et pourquoi ai-je envie de tout casser ?
Je tape violemment sur le volant et jette un rapide coup d'œil dans le rétro-viseur. Elle saigne au niveau de l'arcade sourcilière. Ce bâtard lui a donné un énorme coup de tête, au point qu'elle soit ouverte et qu'elle perdre connaissance. J'en ai vu des filles blessées et entrain de crever, des tas, et ça ne m'a jamais rien fait. Pourquoi ça devrait commencer aujourd'hui ? Je ne peux pas être le petit sensible de service qui prend soin des nanas, je ne changerai pas.
Je déboule dans la salon, Violet au bras et seul Kev est sur le canapé, l'ordinateur portable sur ses genoux.
– Wow, c'était une soirée, pas une mission... qu'est-ce qu'il s'est passé ?
– Elle est tombée sur les jumeaux.
– Merde... ils l'ont pas mal amoché à ce que je vois.
– Ouais, je le jure, la prochaine fois, je les éclate ! Crié-je en faisant les cent pas, la portant toujours sans ne trop y faire attention.
– Ne crie pas.
– Je n'étais pas avec elle à ce moment-là, si j'avais su que ces connards étaient de la soirée, jamais je n'aurais laissé Violet toute seule !
– Tu ne le savais pas, ça va aller elle va s'en remettre.
– Attends, tu crois que je me fais du souci pour elle ?
– Ouais, vraiment.
Il ne me regarde même pas quand il me parle, à croire que c'est une évidence.
– Enfin bon, reprend Kev, ils ne récupéreront pas l'argent, ça c'est sûr. Tu aurais pu les tuer vu que l'occasion se présentait.
– J'aurais pu mais je voulais le faire à la loyale.
– C'est-à-dire ?
– Elle a quand-même réussi à en mettre un à terre avant que j'arrive, je crois bien qu'elle lui a envoyé un coup de talon dans les couilles.
– Hmm. Excellent, j'imagine la douleur. Elle sait où frapper.
– Non, moi je ne veux pas imaginer, répondis-je en regardant la forme du talon de sa chaussure.
– Et sinon, t'as eu Fred ?
– Carrément. Un meurtre organisé à dix mille livres, tu as déjà vu ça ? Quel con.
Kev explose de rire et me tend sa main pour taper dans la mienne.
– T'es excellent, mon pote !
– Ouais, mais il faut faire gaffe, il est naïf mais ça ne sera pas vraiment facile car il me racontait que Rose Peterson a déjà essayé de l'escroquer.
– Quoi ?! Si cette pute fait foirer notre plan, je la bute !
– Ne crie pas, répété-je comme lui quelques minutes avant. Le jour viendra. Bon, je vais soigner Violet.
Il acquiesce et je me tourne pour me diriger vers les escaliers mais il m'interrompt en sifflant. Je soupire et descends les quelques marches que j'avais commencé à monter puis reviens face à lui.
– Quoi ?
– Elle te plaît, hein ?
– Qui ? Elle ? N'importe quoi.
Il ne me répond pas et me fait comprendre du regard qu'il ne me croit pas. Quel con, on dirait que cette fille me plaît ? Non. Pas du tout.
Je ne veux plus être attiré pas aucune fille, du moins, pas maintenant. C'est bien trop compliqué à gérer une relation, les filles sont chiantes et je ne me vois pas tenir une relation avec Violet, qui d'après moi, est bien la fille la plus chiante que je connaisse.
Dans le fond, ça la rend attirante parce qu'elle n'est pas comme les autres, elle n'est pas là pour profiter de mon fric et des soirées, elle est là pour bosser, elle n'a pas peur de moi, elle me parle comme-ci j'étais son collègue, comme-ci elle ne savait pas que je pourrais la tuer en un claquement de doigt... elle est... différente. Mais pas au point de me rendre dingue. Pourtant, c'est bizarre à penser mais, j'ai apprécié ce baiser tout à l'heure. Bien qu'il était pas sincère, c'était cool qu'elle joue ma copine le temps d'une soirée. Je crois bien que ça fait longtemps que je n'ai pas eu a mentir et a jouer le jeu comme cela, car j'adore faire ça.
Eh merde ! Cette fille n'a pas besoin de mon aide, elle s'en sort très bien toute seule, je ne peux pas être attirée par une espionne de la cambrousse. Et surtout il ne faut pas qu'avec Violet ça dérape. C'est qu'une simple employée, et pour moi, c'est une femme qui, si elle fait une connerie, je ne me priverai pas la foutre au sous-sol !
Mes pensées sont maintenant plus claires. Violet ne peut pas occuper mon esprit ainsi. Je m'arrête à à sa chambre et la dépose sur son lit mais elle pousse quelques gémissements de douleur. Pourquoi en tant normal ça m'aurait fait ni chaud, ni froid de la laisser dans cette galère, et là, rien ? Je me pose beaucoup trop de questions.
– Rah, puis merde !
Je reprends Violet dans mes bras et passe à ma chambre. Je la dépose délicatement sur mon lit et ferme la porte. Personne ne saura que je passe la moitié de mon temps avec cette fille ici, après tout, il ne se passe rien, je l'aide, c'est tout. Et ce n'est pas dans mes habitudes, je sais. Il ne faut juste pas que je devienne comme ça avec toutes les filles.
J'aimerais me foutre une gifle pour arrêter de penser à tout ça, de m'embrouiller l'esprit au sujet de Violet.
Je m'occupe de lui désinfecter la plaie qui n'est pas très profonde et lui fait un pansement. Elle va pouvoir dormir tranquillement et tant qu'elle dort, moi j'ai la paix. J'aime bien Violet au final, mais quand elle se la ferme.
Je n'ai même pas le temps de faire un pas de plus qu'elle murmure quelque chose que je ne parviens pas tout à fait à entendre mais je comprends qu'elle dit juste mon prénom.
– Jay...
– Chuuut... rendors-toi, t'es en sécurité.
– Il est quelle heure.. ?
– Rendors-toi, ça fait tout juste quinze minutes qu'on est rentré.
– Qu'est-ce qu'il s'est passé.. ? Murmure-t-elle, gardant ses yeux fermés.
Je me tourne et retire mon t-shirt en levant les yeux au ciel.
– C'était si calme... soupiré-je.
– Je t'emmerde, lâche-t-elle d'une voix encore endormie.
Elle ne me regarde même pas, ne s'excuse même pas. Je reste choqué. C'est une paire de couilles qu'elle a, c'est pas possible. Je me détends et ne dis rien tant je n'ai pas les mots.
Je pars rapidement à la douche puis m'installe dans le lit prenant soin de laisser « l'espace vital » de Violet.
Je me mets un peu à travailler sur la prochaine mission qui sera d'ailleurs celle de Violet et y passe au moins une bonne heure pour tout boucler. Ça devrait bien se passer, elle s'en sortira. Du moins... si elle se sent d'assurer la mission.
– Au fait Jay... murmure-t-elle en sortant de son sommeil. T'embrasses bien...
Elle se tourne dans le lit, laissant échapper quelques gémissements de douleurs et ne dit plus rien, se rendormant, je suppose.
Je la regarde pendant un moment, pourquoi vient-elle de dire ça ? Est-ce qu'elle dormait vraiment ? Trop bizarre. Cette fille est trop bizarre.
– Content que ça t'ai plu, répondis-je quelques minutes après, un sourire aux lèvres.
Je commence à prendre le sommeil, oubliant tout ce qu'il s'est passé ce soir. En tant normal j'aurais cherché une vengeance et envoyé des hommes achever es jumeaux mais ça peut attendre je suis bien trop fatigué.
– Jay... Jay, vire ta main de là, tu profites de moi !
Cette voix que j'entends au loin... qu'est-ce qu'elle peut être chiante. Je suis fatiguée, Violet laisse-moi...
– Eh mais t'es lourd ! Vire ta patte de ma cuisse ! Insiste-t-elle en me poussant.
Je me réveille d'un coup et remarque que j'étais presque collée à Violet dans mon sommeil. Putain, la galère...
– Quoi ? Répondis-je ignorant encore à moitié endormi.
– T'as profité de mon sommeil pour me toucher !? Fais gaffe à ce que tu vas répondre je vais te gifler !
Elle lève la main mais je lui attrape au vol et baille un bon coup puis soupire. Je regarde l'heure sur mon téléphone, je crois bien que je vais la pousser parterre si elle continue.
– T'es tout le temps comme ça ?
– Comme quoi ?
– Emmerdante.
– Oui, parce que tu m'emmerdes.
– Génial, parce que toi aussi.
– Cool. N'empêche que t'étais collée à moi !
Je me laisse tomber sur le lit, voulant me rendormir mais je sens qu'elle me fixe. Elle est assise en tailleur, les bras croisés et j'ouvre un œil pour voir ce qu'elle fait, elle me regarde bien.
– Tu veux une photo peut-être ?
– Non merci, te voir tous les jours me suffit.
– Bien, peux-tu me laisser me rendormir ?
– Nop. Tu dois m'expliquer tout ce qu'il faut pour la mission.
Je me redresse, et m'énerve.
– Violet, ferme-là, il est cinq heures du matin, maintenant tais-toi et rendors-toi.
– Je ne suis plus fatiguée rétorque-t-elle en souriant.
– Alors me fais pas chier et tais-toi ou je t'envoie au sous-sol.
Elle ne dit plus rien et je sens qu'elle allait répondre mais se la ferme. Voilà... c'est bien mieux, merci. Elle se rallonge et me tourne le dos. Encore mieux.