La légende des deux royaumes...

By Miss-Laure

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" Lorsque la Lumière sombrera et que l'Obscurité périra Le doute et la peur apparaitront. En ces... More

Chapitre 1 - Partie 1
Chapitre 1 - Partie 2
Chapitre 2 - Partie 1
Chapitre 2 - Partie 2
Chapitre 3 - Partie 1
Chapitre 3 - Partie 2
Chapitre 3 - Partie 3
Chapitre 4 - Partie 1
Chapitre 4 - Partie 2
Chapitre 5 - Partie 1
Chapitre 5 - Partie 2
Chapitre 6 - Partie 1
Chapitre 6 - Partie 2
Chapitre 7 - Partie 1
Chapitre 7 - Partie 2
Chapitre 8 - Partie 1
Chapitre 8 - Partie 2
Chapitre 9 - Partie 1
Chapitre 9 - Partie 2
Chapitre 10 - Partie 1
Chapitre 10 - Partie 2
Chapitre 11 - Partie 1
Chapitre 11 - partie 2
Chapitre 12 - Partie 1
Chapitre 12 - Partie 2
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15 - Partie 1
Chapitre 15 - Partie 2
Chapitre 16 - Partie 1
Chapitre 16 - Partie 2
Chapitre 17 - Partie 1
Chapitre 17 - Partie 2
Chapitre 18
Chapitre 19 - partie 1
Chapitre 19 - Partie 2
Chapitre 20 - Partie 1
Chapitre 20 - Partie 2
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Épilogue de la 1ère partie
Blabla
Chapitre 1 - Partie 1
Chapitre 1 - Partie 2
Chapitre 2 - Partie 1
Chapitre 2 - Partie 2
Chapitre 3 - Partie 1
Chapitre 3 - Partie 2
Chapitre 4 - Partie 1
Chapitre 4 - Partie 2
Chapitre 5 - Partie 1
Chapitre 5 - Partie 2
Chapitre 6
Chapitre 7 - Partie 1
Chapitre 7 - Partie 2
Chapitre 8 - Partie 1
Chapitre 8 - Partie 2
Chapitre 9 - Partie 1
Chapitre 9 - Partie 2
Chapitre 10 - Partie 1
Nouvelles
C'est parti !
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Epilogue
Blabla de fin

Chapitre 10 - Partie 2

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By Miss-Laure

De son côté, Inwë était allongée mais ne parvenait pas à s'endormir. Elle tournait le dos aux autres mais les entendait converser sans parvenir à comprendre ce qu'ils disaient. Elle se sentait étrange d'avoir invité ces hommes à pénétrer dans ce lieu, qui se trouvait être le plus intime de toute sa vie. L'endroit où William et elle s'étaient avoués leurs sentiments pour la première fois et aimés à l'endroit même où elle était allongée. En caressant la pierre de ses doigts, elle revoyait leurs élans passionnés, comme si la roche les réservait en elle pour se nourrir. Ce lieu abreuvait d'amour et au lieu de se sentir apaisée, Inwë se sentait gênée. Elle savait que c'était dû à la présence de Gabriel. C'était comme si elle trahissait la mémoire de l'homme qu'elle avait aimé et qu'au fond d'elle, elle aimait encore.

Mais supposer cela, signifiait qu'elle accordait à Gabriel une importance toute particulière. La jeune femme avait de plus en plus de mal à lui en vouloir pour la mort de son ancien amant. Elle se sentait terrorisée à cette idée et c'était pour cette raison qu'elle avait coupé contact avec son patient. La Fille de la Lune luttait contre cette part d'elle-même qui s'intéressait de bien trop près à ce grand brun mystérieux qui semblait la percer à jour.

Inwë finit par perdre sa lutte contre le sommeil et s'endormit. Cependant, elle eut une nuit agitée peuplée de cauchemars et de souvenirs. Le pire moment arriva quand elle revécut la mort de William.

Elle se vit avec son ancien amant marcher le long du couloir. Elle hurla, gesticula autours d'eux deux pour les prévenir de faire demi-tour, mais ils ne l'entendirent pas. Elle revit les assassins se précipiter sur eux. La même douleur qu'autrefois lui vrilla la nuque et elle se vit s'effondrer à demi consciente.

Mais cette fois-ci, au lieu de sombrer, elle assista à la scène.

Elle hurla comme elle avait voulu hurler quand William se prit le carreau d'arbalète. Il vacilla sous le choc, la flèche fichée dans son flanc, pourtant il ne céda pas. Il ramassa une épée et se posta devant elle pour la protéger. Les deux hommes à terre, qu'il avait assommé, se relevèrent et avancèrent prêts à en découdre. Ahanant, le jeune homme fit de grands moulinets des bras avec son arme pour tenir ses adversaires à distance. Geste désespéré, il faiblissait à vue d'œil. Mais les deux mercenaires attendaient qu'il s'épuise sans risquer leur vie.

Soudain, William se prit une seconde flèche, cette fois-ci dans l'abdomen. Instantanément, il s'effondra au sol, dans un râle de douleur. Elle se précipita sur lui, en vain.

Inwë vit sortir un homme, avec son arbalète, d'un coin sombre du couloir. Sans se rendre compte, elle cessa de respirer jusqu'à ce qu'elle aperçoive son visage. Cet homme était un illustre inconnu, un des mercenaires de la bande. Pendant un instant, elle s'était sentie effrayée à l'idée de voir surgir Gabriel.

Elle n'aurait pas supporté de le savoir véritable assassin de William, celui qui l'avait achevé de ses mains. Elle savait pourtant qu'il se cachait non loin, elle l'avait entraperçu à l'époque. C'était même la raison de cette haine si profonde envers lui qui l'avait habitée si longtemps.

Les trois mercenaires se penchèrent sur William, qui tremblait de douleur. Ils se moquèrent de lui et le frappèrent dans les côtes. Inwë cherchait par tous les moyens de les faire cesser, sans succès. Elle finit même par les supplier à genoux, le visage ravagé de larmes. Un des hommes, le nez ensanglanté se pencha vers lui. Avec un plaisir sadique, l'homme tourna un des carreaux, laissant William échapper un cri de douleur. Finalement, le mercenaire s'approcha de la jeune femme inerte et se pencha à ses côtés pour lui caresser la joue. Inwë frémit de dégoût face à ce contact répugnant.

— Si tu la touches encore une fois, tu le regretteras toute ta vie, réussit à cracher William avec difficulté.

Le jeune homme essaya de se mettre debout, en vain. Un de ses bourreaux posa son pied sur son épaule et le repoussa à terre. William ne put lutter contre cette emprise qui le clouait au sol et abandonna. Il passa donc aux menaces, superflues dans son état. L'homme s'en amusa avant de se détourner de lui, pour faire à nouveau face à la jeune femme allongée au sol qui ne bougeait toujours pas.

Inwë, qui n'avait aucunement souvenir de ce moment-là, écarquilla les yeux d'effroi. Tout comme dans le regard de son ancien amant, on pouvait lire l'impuissance et la douleur. Mais la Fille de la Lune vit un homme s'approcher d'eux.

Jamais elle n'aurait cru être soulagée de voir Gabriel arriver à cet instant. Les trois hommes se tournèrent à peine à son arrivée et dès qu'ils le reconnurent, ils retournèrent à leurs occupations.

— Je vous conseille de la lâcher immédiatement, ordonna Gabriel une fois arrivé à leur hauteur.

— Je prélève mon dû, répliqua l'homme grassement.

— Vous avez été payé plus qu'il ne fallait et si j'en juge par vos camarades morts, vous le serez encore plus après avoir récupéré leur part. La femme doit être livrée en bonne santé, ne lui faites pas de mal, déclara-t-il de sa voix  froide.

— Justement, je lui fais du bien, railla le mercenaire avec une voix qui fit frémir Inwë.

Gabriel se pencha sur lui pour l'attraper par le col et le faire remonter face à lui.

— Ecoute-moi bien, je vais le reformuler autrement. Tu vas faire exactement ce que je te dis, sinon je t'embroche toi et tes copains. Vous allez repartir très vite et oublier tout ce qui vient de se passer et à mon tour, j'omettrai, peut-être, ce que tu t'apprêtais à faire. Connaissant Finwë, il vaut mieux.

Le ton de la voix était froid, sec, implacable. La jeune femme frémit en l'entendant. A cet instant, Gabriel était bien plus dangereux que les trois hommes réunis, qui le sentirent. Les deux mercenaires qui se tenaient à l'écart s'éloignèrent rapidement et le second de Finwë relâcha le troisième qui ne demanda pas son reste et déguerpit.

Gabriel se pencha vers Inwë endormie et lui pris le pouls pour s'assurer qu'elle vivait encore. Rassuré, il se tourna vers William.

— Merci, lui dit ce dernier. Je mets mon orgueil de côté, elle aura assez de choses pénibles à vivre sans compter ça en plus. Je t'en suis reconnaissant, Gabriel.

Ce dernier hocha la tête sans rien dire.

— Puis-je te demander une faveur ? Je vais mourir dans peu de temps, articula-t-il avec un peu plus de difficulté. J'aimerai lui dire adieu. Peux-tu m'aider à approcher d'elle ?

L'homme de main de Finwë le fixa un instant, comme partagé, hésitant sur ce qu'il devait faire. Finalement, il avança vers William et l'aida délicatement à se mettre aux côtés de son aimée.

Le jeune homme tendit la main vers la joue de la femme en grimaçant. Il utilisait ses dernières forces pour se tenir près d'elle, une flaque de sang l'encadrait et son teint, tellement blafard, qu'il en était presque translucide. Avec une respiration difficile, il prit la parole d'une voix éraillée et laborieuse.

— Adieu mon amour, prends soin de toi et de notre enfant, fit-il en lui caressant la joue avant d'éclater en sanglots. Je suis désolé, je t'abandonne. J'ai honte de te laisser dans cette situation. Je me hais de t'abandonner sans défense. Mais vis, je t'en supplie vis, implora-t-il en y mettant toute son énergie. Ne te laisse pas faire. Bats-toi mon amour, sauve notre enfant et pars le plus loin possible. Je t'aime.

Inwë assistait à la scène, des larmes ruisselant le long de ses joues et les mains sur sa bouche pour s'empêcher de sangloter. Comme si elle voulait faire le moins de bruit possible pour ne pas troubler la scène qui se déroulait sous ses yeux. Même si celle-ci n'était qu'un mirage du passé, inflexible. Des spasmes couraient le long de son corps recroquevillé dans un coin.

Elle vit William se pencher sur elle avec difficulté pour l'embrasser, tandis que Gabriel s'éloignait un peu dans le couloir. Alors que William se rallongeait sur le dos en toussant douloureusement, Inwë se mit à quatre pattes et s'approcha de lui. Elle passa à côté d'elle-même et s'observa un instant. Elle paraissait si jeune, comme si une vie les séparait désormais. Elle avait grandement changé depuis cette époque qui lui paraissait si lointaine. Aujourd'hui, elle était une femme différente. La personne que William lui implorait d'être refaisait surface. Elle s'élevait de nouveau, prête à se battre.

Alors la jeune femme se pencha sur son ancien amant et lui murmura à l'oreille.

— Je vais être forte. Crois-moi ! Tu vas être impressionné, je vais me battre. Je vais faire trembler Finwë dans sa suffisance et je le regarderai mourir. Je vais vivre, fit-elle un peu plus fort, se convaincant elle-même. Il ne m'enfermera plus, je te le promets. Pars en paix, William. Je t'aime.

Les dernières paroles ne furent que battement d'air contre la bouche du mourant. Elle y déposa un dernier baiser virtuel qui paraissait réel à ses yeux. William tourna son regard dans le sien un fragment de seconde et un léger sourire naquit sur ses lèvres alors que son dernier souffle s'en échappait. En un instant, il fut immobile.

Inwë lui caressa les cheveux, puis elle entendit des pas approcher. Gabriel revenait, avec deux hommes prêts à transporter le cadavre de William. Il fut surpris de voir cet air apaisé sur son visage. Il fronça les sourcils, incapable de comprendre et donna l'ordre aux serviteurs de le ramasser et d'ensuite se débarrasser des cadavres des mercenaires. Quant à lui, il prit la jeune femme, toujours inconsciente, qui remua un peu à son contact. La Fille de la Lune en profita pour se glisser à ses côtés et de murmurer à l'oreille :

— Sois forte, courage.

Puis elle regarda Gabriel l'emmener au loin.

Inwë se réveilla en sursaut, le visage baigné de larmes et un sanglot, prêt à éclater, au fond de sa gorge. D'un geste vif, elle chassa toute trace de pleurs sur ses joues humides. Elle renifla un bon coup et expira lentement l'air de ses poumons pour se calmer. Autour d'elle, seuls les bruits de légers ronflements de la part d'Elio et la respiration bruyante d'Erid venaient troubler le silence. Même le feu mourant s'était tu.

Pourtant, la jeune femme avait besoin de changer d'air et de penser à autre chose. Elle attrapa sa couverture, s'emmitoufla à l'intérieur et se dirigea vers le fond de la grotte. Là, contournant les hauts rochers, elle fit face à la brèche dans la paroi montagneuse. La jeune femme s'assit précautionneusement au rebord, laissant ses jambes pendre dans un vide de plusieurs dizaines de mètres. Face à elle et grâce à la nuit sans nuage et la Lune presque pleine, elle put faire face à l'étendue des Plaines du Soleil, sa terre, et à la voute étoilée où trônaient ses ancêtres. Devant cette vision, Inwë ne pouvait que se sentir apaisée. Sa place se trouvait là, entre terre et ciel. Petit maillon d'une chaîne immense.

Comment avait-elle fait pour oublier la beauté de tout cela ? Inwë resta là à contempler le ciel longtemps encore. Bientôt, les étoiles s'éteignirent une à une, laissant place au jour et la Lune partie se coucher, tandis que le Soleil se levait derrière la montagne, éclairant l'étendue d'or. L'été n'était plus très loin et déjà le temps était doux, tiède malgré l'air frais de la grotte.

La Fille de la Lune entendit s'activer au cœur de l'antre mais ne bougea pas, profitant de la solitude encore un instant. Elle entendit des pas s'approcher et s'arrêter dans son dos, puis Elio apparut dans son champ de vision périphérique. Le jeune homme s'assit à ses côtés, observant à son tour l'immensité des Plaines.

— J'aime cette vue, expliqua Inwë en prenant la parole. Je m'y sens chez moi, rien qu'en les observant.

— Ça t'appartient.

Le Prince de Somgysaï avait encore les cheveux en désordre de sa nuit passée et avait la voix rauque matinale. Chose accentuée depuis l'accident lors de leur voyage d'aller.

— Je me sens d'autant plus responsable de ces terres depuis que je suis Reine, en effet. Mais j'aime l'idée d'être la gardienne de ces lieux. Comment vas-tu ?

— Je me sens bien, je crois, fit-il hésitant. Pas encore inquiet de ce qui va arriver, mais j'y pense, oui.

— Ne t'inquiète pas. Je ne permettrai pas qu'il t'arrive quoique ce soit. En tout cas, je suis heureuse de t'avoir à mes côtés pour ce combat.

— Je serai là pour toi, à chaque fois.

Inwë fut peinée de voir cet air, un peu douloureux, sur le visage du jeune homme. Elle percevait quelque chose qu'elle n'avait pas compris jusque-là et se sentit embarrassée.

Elio, qui se trouvait là à ses côtés, était celui venu la chercher, la ramener à la vie. Tant de choses accomplies. Il semblait nourrir à son égard des sentiments forts et une certaine admiration qu'elle n'avait ni désirée, ni instaurée. Sa proximité avec lui semblait couper Elio des occupations de son âge. Elle lui reprochait de ne pas vivre sa vie de jeune adulte, comme il se devait, sans jamais avoir imaginé qu'elle en était la cause. Inwë se promit de lui laisser plus de liberté, d'agir moins égoïstement et de le pousser dans des affaires plus en adéquation avec sa jeunesse.

— Allons voir notre patient. Avec un peu de chance, une infection éclaire l'a emporté durant la nuit. Je plaisante, ajouta-t-elle en riant sous le regard effaré d'Elio. Ça m'embêterait de le voir mort alors que j'ai mis tant d'effort à le soigner.

— Ta bonté d'âme m'effraie.

A l'intérieur, Gabriel se redressait pour s'assoir et Erid assis en tailleur, sa couverture sur les épaules, fixait immobile les cendres du feu. Il ne remua pas d'un pouce lorsqu'Inwë et Elio s'activèrent autour de lui, la première pour récupérer les soins du blessé, le second pour préparer le petit-déjeuner.

— Que fait-il ? finit par s'enquérir le jeune prince.

— Je pense qu'il essaie d'allumer un nouveau feu uniquement grâce à la volonté de son esprit.

— Le feu est éteint, commenta Erid.

— Jolie déduction, s'amusa Inwë.

— Nous sommes dans une grotte, il fait froid, il y a des courants d'air, j'ai passé la nuit à dormir sur de la pierre glaciale et le feu est éteint.

— Rallume-le, rétorqua la jeune femme comme si ce n'était pas une évidence.

— Qui a eu l'idée de nous emmener ici ?

— Je vois qu'on est de bonne humeur.

— Toujours lorsqu'il a passé une mauvaise nuit et qu'il n'est pas encore tout à fait réveillé, intervint Gabriel pour expliquer. Dans ces cas-là, mieux vaut le laisser tranquille, ça prend un petit moment pour qu'il se mette en route correctement. Il était déjà ainsi petit.

— Comment vas-tu ce matin ? questionna-t-elle. Tu as encore des douleurs ?

— C'est encore un peu lancinant par moments, mais rien à voir avec ce que j'ai ressenti avant que tu me soignes, rien à voir non plus avec la douleur qui aurait persisté des jours durant... Je dois te remercier pour cela, fit gravement Gabriel.

— Je crois que je t'en devais bien une, après tout. Tu m'as sauvé la vie et il semblerait que ce ne soit pas la seule chose que tu ais fait pour moi, ajouta la jeune femme plus pour elle-même. Je suis d'ailleurs désolée de ne pas avoir pu mieux faire.

En retirant le pansement, elle vit que la cicatrice était encore rouge et boursouflée, mais elle était propre et la jeune femme en fut rassurée.

— Que veux-tu dire par là ?

— D'habitude, il ne reste presque pas de trace de cicatrice quand je soigne quelqu'un dont la blessure est encore ouverte, j'ignore ce qui m'a bloquée cette fois.

Pendant ce temps, elle avait récupéré un peu de pommade qu'elle étalait sur la blessure de Gabriel.

— Je ne parlais pas de cela. Peu m'importe d'avoir une nouvelle cicatrice et de souffrir un peu. C'est l'autre partie de ta phrase qui m'intéresse.

— Oh... fit Inwë avant de baisser la tête et de se concentrer sur ses gestes. Cette nuit, je me suis souvenue de tout ce qu'il s'est passé au moment de la mort de William. Je ne devais pas être totalement inconsciente ou alors c'est parce que je t'ai soigné, je ne sais pas. Enfin, je crois que je te dois de ne pas avoir subi plus d'outrage, finit-elle par lâcher complètement détachée.

Gabriel stoppa sa main en posant la sienne par-dessus. Inwë ne broncha pas et ne la retira pas non plus.

— Il m'a remercié également. Je venais de causer son assassinat et il m'a dit merci.

— Je sais.

— Cette fois-là, je me suis demandé si j'avais bien fait. La réponse est non. Tu étais sa seule préoccupation, j'ai su qu'il n'aurait rien fait pour ne pas te mettre plus en danger. La vérité, c'est que Finwë te voulait, peu importe les moyens d'y arriver. Il voulait la Fille de la Lune pour lui seul. Je ne l'ai compris que plus tard et j'ai minimisé l'importance de cette information. Je suis vraiment désolé de tout cela, de ce que tu as enduré par ma faute.

Sa voix était torturée, pleine de remords et de regrets.

— Je sais.

— Ce que je t'ai dit, je le pense vraiment. Je t'ai vu lutter toutes ces années, même lorsque tu allais mal. Pas une seconde tu n'as cessé de te battre, me rappelant ainsi mon geste, affirma-t-il en regardant la jeune femme pour lui assurer sa sincérité. Je croyais être un homme droit, pourtant j'étais entaché et tu me le remémorais sans cesse. J'avais autant d'admiration que de haine pour toi et je me suis méfié sans cesse, plutôt que de me faire face. J'étais un homme mort qui pensait qu'il était plus facile de continuer de vivre en se laissant porter par le courant. Tu es arrivée et tu n'as jamais cessé de lutter.

Gabriel n'était pas un homme à avouer ses faiblesses, ses erreurs et c'était émouvant de l'écouter le faire.

— J'ai commencé à me poser des questions en te voyant et même Finwë paraissait plus humain à tes côtés, reprit-il. Tu as le don d'éclairer les gens dans l'obscurité. Tu m'as ramené mon frère, tu m'as ramené à la vie, alors ne me remercie de rien, je ne le mérite pas. Ce que j'ai fait là, je te le devais, fit-il en appuyant sa paume contre ses doigts qui se trouvaient toujours sur la blessure. Mais pas seulement. Je ne t'aurais pas laissé te faire tuer sans réagir, je ne le pouvais tout simplement pas.

Inwë retira sa main et s'écarta.

— Si tu veux te promener ailleurs qu'ici, emmène Erid avec toi, put-elle seulement dire avant de s'éloigner.

***

La journée finissait de s'étirer avec langueur. Comme l'extérieur n'était pas sûr, il fallait monter une petite expédition pour sortir, au cas où les brigands seraient à leur poursuite. Les provisions de nourriture emportées serviraient à Erid, lors de son attente avant de les rejoindre.

Ce dernier partit donc chasser en compagnie d'Inwë, tandis qu'Elio tint compagnie à Gabriel. Mais dans les deux situations, chacun resta silencieux, dans ses pensées.

Erid respectait le silence de son amie, se doutant du cours de sa réflexion, tandis que les siennes s'envolaient bien au-delà de ces montagnes. Il se trouvait à la frontière du monde familier dans lequel il séjournait depuis si longtemps. Même s'il se sentait prêt, il allait franchir un immense cap et son cœur revenait vers la Forêt des Songes, retenu par sa fille adoptive. Il s'inquiétait pour Luna et paradoxalement, elle le poussait à avancer.

Gabriel n'avait pas supporté bien longtemps de devoir rester allongé toute la journée, bien vite il partit explorer la grotte seul, balayant l'avis d'Inwë. Pourtant, celle-ci ne quittait pas son esprit. Elle l'attirait irrésistiblement, comme l'homme l'était par la Lune sans jamais pouvoir l'atteindre. Il sentait que cette attraction était partagée, même si Inwë se la refusait. Il ferait tout pour l'approcher doucement sans l'effrayer, même si ce n'était que pure folie.

Ils allaient affronter Finwë d'ici quelques jours et son esprit n'aurait pas dû être perturbé par une femme. Et pas n'importe laquelle, celle sur qui reposait le plan, l'épouse de son ancien ami.

Mais il ne pouvait lutter contre l'attirance qu'il éprouvait pour elle. Il s'en était vraiment rendu compte après son combat contre elle. Si, depuis son arrivée dans la Forêt des Songes, il avait tenté de se montrer sympathique à son égard, il était resté réservé. Le combat avait changé la donne. Ses barrières s'étaient effondrées, le révélant à lui-même. Il s'était heurté à un mur d'émotion pure, incarné par Inwë et n'avait pu l'abattre.

Depuis, il se sentait libre et reconnaissant. Les émotions et sentiments d'Inwë l'intéressaient, il voulait l'aider, l'épauler. Encore fallait-il qu'elle accepte de baisser sa garde et pour cela, il ne voyait qu'une solution, lui tenir tête gentiment et briser sa carapace. Il sentait qu'elle commençait déjà à lâcher prise.

En temps normal, il n'aurait jamais insisté ainsi, mais il savait que c'était important pour eux deux. Lui aussi avait besoin d'elle.

Finalement, l'occasion se présenta le soir-même. Après un dîner peu bavard, la jeune femme se leva, arguant qu'elle allait se changer les idées en se baignant dans le lac souterrain. Après qu'elle eut disparu dans les escaliers de pierre, Gabriel se décida à la suivre.

Elio et Erid le regardèrent s'éloigner en silence, puis finalement, le second demanda au premier :

— Ça va aller ?

— Je ferai avec, répondit le jeune prince tristement. Mais nous ne pouvons pas dire que nous ne nous y attendions pas.

Erid lui sourit affectueusement, se mettant à sa place. Lui aussi, autrefois, avait aimé une femme sans retour et ironie du sort, celle-ci aussi avait préféré son frère. Avec le recul, il savait qu'il n'avait eu pour elle qu'un amour d'adolescent, découvrant ses sentiments. S'il s'en amusait à présent, à l'époque, il avait éprouvé de vifs regrets. Pour Elio, c'était la même chose.

Inwë s'était précipitée en bas sans vraiment réfléchir. Elle avait passé la journée à songer aux paroles de Gabriel pour finalement arriver à une conclusion qui l'effrayait. Et rester face à lui au dîner l'avait sincèrement éprouvée, donc elle avait fui sans demander son reste.

Face à l'étendue limpide, illuminée de doré par le soleil couchant qui s'engouffrait dans la brèche de la paroi, elle quitta ses vêtements promptement, les jetant dans un coin et plongea, rompant la quiétude de l'étendue diaphane. Elle remonta à la surface de l'eau gelée en respirant rapidement et fit quelques brasses pour ne pas s'engourdir avant de revenir vers le bord. Inwë vit Gabriel arriver non loin du bord, alors elle s'enfonça à nouveau dans les profondeurs pour lui échapper.

Le froid lui piquait la peau, compressait ses poumons qui bientôt la brulèrent  à cause du manque d'oxygène. Finalement, il se tenait là, toujours au bord, les bras croisés contre son torse, il la fixait, patient.

— J'ai cru devoir plonger pour te remonter à la surface, déclara-t-il amusé.

— Qu'est-ce que tu fais là ?

Inwë lui tourna le dos et nagea à l'opposé de lui.

— Nous devons parler.

— Je n'en ai pas envie !

— Je m'en doute et pourtant, je vais t'attendre ici jusqu'à ce que tu sortes de là. A toi de voir si tu veux finir gelée ou non.

La Fille de la Lune soupira avant de, finalement, faire demi-tour et regagner le bord

— Te sauver la vie ne te donne pas le droit de me persécuter.

Gabriel rit doucement, ce qui l'agaça encore plus.

— Pourrais-tu, s'il-te-plaît, me donner mes vêtements ?

Gabriel regarda autour de lui, puis s'aperçut qu'ils trempaient à moitié dans l'eau.

— Je crains que tu ne puisses pas les mettre, ils sont trempés.

— Parce que tu penses que je suis quoi, à ton avis ?

— Attends, déclara-t-il avant de quitter sa tunique, non sans faire une petite grimace de douleur. Tiens.

Il lui tendit son vêtement. Cette image se télescopa avec le souvenir de William en ce même lieu, presque dans la même situation, si bien qu'elle resta perdue un moment. Il parut le remarquer

— Ça va aller ? demanda-t-il, soucieux.

La jeune femme revint à elle et sortit du bassin alors qu'il se tournait galamment pour lui laisser l'intimité nécessaire pour se vêtir.

— En fait, non, ça ne va pas, finit par dire la jeune femme, alors qu'elle finissait d'enfiler la tunique.

Gabriel se retourna face à elle pour l'écouter. Inwë retroussait les manches, trop grandes pour elle. S'arrêtant alors qu'elle avait à moitié remonté la seconde, elle s'exclama :

— Il y a quelques semaines, je te détestais et c'était très bien ! Je devrais continuer à te haïr, mais voilà que tu reconnais tes erreurs et que tu te repentis. Tu as balayé vingt années de ta vie d'un geste. Je t'ai encore plus détesté pour ça. Pourtant je t'envie d'arriver si facilement à faire ce que je suis incapable d'accomplir. Tu es là, face à moi, parfaitement en paix avec toi-même et plein de compréhension pour moi, ajouta-t-elle alors que des sanglots naissaient dans sa voix. C'est effrayant. Et pour finir, tu manques de te faire tuer pour me sauver la vie ! Comment pourrais-je te détester alors que je le devrais ? Je me hais pour cette lâcheté et pourtant je sens qu'il faut que je tourne la page. Je suis terrorisée.

Gabriel, qui l'avait écoutée attentivement, sans intervenir, la laissant déblatérer ce qu'elle avait sur le cœur, s'approcha d'elle lentement. Il fixait du regard la jeune femme qui ne pouvait plus retenir ses pleurs. D'un geste du pouce, il effaça les traces de chagrin du visage d'Inwë et déposa sa paume contre sa joue jusqu'à ce qu'elle se calme et le regarda enfin. Il lui sourit avant de prendre sa main. Il l'entraîna un peu plus loin, longeant le bord du lac souterrain, jusqu'à arriver contre la paroi de la grotte. Inwë n'était jamais venue jusqu'ici et remarqua une brèche assez grande pour les laisser passer de profil. Sans lui lâcher la main, Gabriel s'y engouffra. La Fille de la Lune le suivit et ils grimpèrent des rochers pendant une ou deux minutes. Finalement, elle sentit un courant d'air tiède et, dans un dernier mouvement, Gabriel l'aida à se hisser dehors. Ils se trouvaient au sommet de la grotte, derrière eux, la Forêt des Songes s'étendait et face à eux, les Plaines du Soleil à perte de vue. La nuit tombait sans qu'un nuage ne couvre la voute céleste.

— Je ne connaissais pas ce passage, finit par dire Inwë. C'est magnifique.

— Je l'ai découvert cet après-midi.

Face à ce spectacle, la jeune femme se rasséréna. Gabriel la sentit se détendre et de sa main toujours dans la sienne, il la tourna face à lui. Inwë se laissa faire, l'observant encore avec retenue. Elle lui sourit et l'expression de l'homme changea. Gabriel la tira vers lui et la serra dans ses bras. Ils restèrent un moment l'un contre l'autre, sans bouger. Ce contact était un choc pour tous les deux. L'idée de puiser du réconfort l'un dans l'autre était une plaisanterie du destin. Mais ils avaient fini par se trouver.

Ils finirent par s'assoir, l'un contre l'autre. Gabriel n'avait pas lâché la main d'Inwë qui avait posé sa tête contre son épaule. Elle l'écoutait respirer calmement et cela l'apaisait. La Lune était basse sur l'horizon et un air tiède enjôlait ses cheveux encore humides. Ils restèrent ainsi un long moment, sans avoir besoin de parler ou bouger. Ils apprivoisaient l'idée de leur proximité.

Finalement, impulsivement, Inwë dégagea sa main de celle de Gabriel. Elle chercha à tâtons la marque sur son épaule, jusqu'à ce qu'elle sente à nouveau la cicatrice boursoufflée sous ses doigts. Sans réfléchir, elle posa sa paume contre et sentit la chaleur familière de son don crépiter. Alors elle lui ouvrit son esprit et en quelques secondes, il ne resta plus aucune trace de blessure.

Puis elle retrouva sa place contre lui. Gabriel se figea un moment avant de l'embrasser sur la tempe.

— Merci, lui souffla-t-il.

Et la jeune femme sut qu'il ne parlait pas uniquement de la guérison.

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