Le Tombeau des Géants - 1 - L...

By JoeCornellas

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Quand Dérycée, demi-fée et apprentie mage, tente d'invoquer un élémentaire de feu, elle ne se doute pas du fl... More

La table des prophéties
Trolly-Breuil
Les apprentis
Les androloups
Ruz
Le voyage du métamorphe
L'antre de l'arpenteur de rêves
La clef de Bélial
Le défi du cadet
Le borgne et l'archer
La harangue de l'Accompli
L'Arbre-songe
Rencontre avec Bélial
La tentation des runes
L'invocation
La nuit du diable
Un écart de trop
Le jugement des loups
Évasions oniriques
L'éveil de la malédiction
Le traître
La fuite de Fendhel
Myrdhin
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Capture
Beltane
Confidences
Le sauvage
Denez Hautemitre
Sauver ce qui peut l'être
L'accueil de Trolly-Breuil
Cornaline
Paolig
La robe elfique de Myrdhin
La danse de la changeline
Une danse avec le loup
Les derniers héritiers de Gereg Mainmorte
Le cinquième nom
La bête de Toullaëron
Naissance d'un loup-garou
Cendres

La brûlure

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By JoeCornellas

Le feu avait laissé des plaies longues à guérir, même avec des onguents alchimiques. Même avec l'intervention d'un ovate que Morwan était allé débusquer loin dans la forêt. Un homme au regard clair qui avait longuement examiné les jeunes blessés sans prononcer un mot.

Aidée par les remèdes des mages, Dérycée se régénérait dans un sommeil agité. Une jeune fille ordinaire aurait conservé des séquelles à vie : cicatrices au visage, plaques de chair flétrie à la place des cheveux. La peau ivoirine de la changeline refusait l'affront de la flamme. Comme une fleur assoiffée, elle buvait les pommades pour redéployer ses corolles satinées. Chaque fois qu'il changeait une compresse, Morwan s'émerveillait de la force de vie qui regagnait le terrain volé par les brûlures. Un mince duvet soyeux recouvrit peu à peu ses plaies au cuir chevelu. Des petites mèches aile de corbeau naquirent au milieu de ce qu'il restait de sa crinière argentée, désormais coupée court pour en permettre une repousse à peu près harmonieuse.

Elle garda longtemps le lit, couverte de cataplasmes, avant de retrouver la force de se lever, amaigrie, ses jambes la portant difficilement. Le souffle lui manquait pour profiter des premières journées de la belle saison.

Corusco aussi avait souffert. De cette triste expérience, il conserverait une balafre en travers de la tempe. Et ses cheveux, le long de cette cicatrice, ne repousseraient jamais. Dérycée se sentait atrocement coupable et, bien que son cadet ne lui reprochât rien, n'osait plus le regarder en face.

Dolfi s'en était mieux sorti : à peine quelques plaies superficielles.

L'incident avait brûlé Dérycée dans son esprit autant que dans sa chair. Ses nuits étaient désormais peuplées des regards de la créature de feu, puits de ténèbres ourlés de flammes qui la poursuivaient et l'engloutissaient. Les paroles du démon au sujet de son père et de sa mère tournaient dans sa tête, aiguillonnant sa curiosité et sa peur de retrouver un jour ce monstre sur sa route.

Dérycée savait que Dolfi avait tout raconté à Morwan. Son père était donc au courant de la libération du démon. Son absence de colère ou de remontrances perturbait la jeune fille.

Un matin, elle décida de rompre le silence qui les séparait.

— Est-ce là le prix de la magie, papa ?

Morwan haussa un sourcil.

— Quoi donc ?

— Les remords, les cauchemars... la peur.

— C'est un des prix à payer, oui. Avec ce type de sorcellerie, le coût est souvent élevé.

— Il va revenir ?

— Je n'en sais rien, souffla-t-il sans conviction.

Dérycée capta son inquiétude.

— C'est pour ça que tu ne nous enseignes pas la magie ?

Le mage parut surpris.

— Est-ce vraiment ce que tu crois ? Je veux dire... Tu penses que je ne vous enseigne pas la magie ?

Elle hésita. Morwan se massa le menton avant de réagir.

— Je vous ai appris tant de choses essentielles ! Tout ce qui vous permet de comprendre la magie. Ses liens avec le petit peuple, avec l'Autre Monde et les Fomoïres, avec les dieux. Je n'ai jamais souhaité faire de vous de simples jeteurs de sorts.

— Pourquoi ? Est-ce que c'est encore lié au...

— Aux dangers que cela représente ? Pas seulement. Mais tu as pu constater que mes craintes étaient fondées.

— Mais, si tu m'avais appris, je n'aurais pas commis l'erreur d'invoquer cette... créature. Et surtout, peut-être que j'aurais pu la contrôler ?

— Aucune chance, mon trésor. Tu n'as rien invoqué. Tu n'as fait que provoquer ce qui était inéluctable. Qui sait quelles erreurs plus graves tu aurais commises en pensant pouvoir la contrôler, en ressentant l'ivresse du mage ?

— L'ivresse du mage ?

— Un effet secondaire de l'usage immodéré de la magie. Certains sorciers ne s'en remettent jamais. J'en ai connu un...

Morwan parut songeur.

— Il y a autre chose... murmura Dérycée.

L'image du grimoire en partie brûlé trouvé dans la bibliothèque de Gan Raez lui revint en mémoire.

— ... la place du mage, ajouta-t-elle à voix basse.

Morwan tiqua.

— Qu'est-ce que tu as dit ?

La jeune fille se figea. Son père la scruta comme s'il cherchait à lire dans son esprit. Enfin, il se leva et, avant d'arriver à la porte, se retourna.

— Ce n'est pas « la place », fit-il sur un ton de reproche. Tu te trompes dans ta traduction. C'est « le rôle », dans le sens de « responsabilité ». La magie... est comme la nature. Elle a horreur du vide. Rien de ce que tu crées ou utilises n'apparaît ex nihilo, ma fille. L'énergie se déplace, et se compense. Voilà pourquoi, plus tu te sers de la magie, plus tu génères de... de l'anti-magie.

Morwan fit un geste de la main pour clore le sujet. Avant de sortir, il ajouta :

— Peu de mages en sont conscients. Mon maître, le vieux Gereg, m'avait chargé d'une étude sur le sujet. C'est une longue histoire, soupira-t-il. Repose-toi.

Sa réponse la laissa aux prises avec divers sentiments, entre inquiétude et curiosité.

Le lendemain, Dolfi lui apporta un parchemin roulé dans un tube de bois. Intriguée, la jeune fille le déroula et parcourut les lignes gravées en pattes de mouches. Il avait deviné son angoisse. Elle releva le nez avec un sourire triste.

— Un sort de contrôle élémentaire ?

— Ne le prends pas mal surtout ! se défendit le garçon, conscient que son geste pouvait être mal interprété. Je ne veux plus que tu cries la nuit pour échapper au souvenir de cette chose.

Dérycée contempla les symboles et formules ésotériques.

— C'est... gentil, parvint-elle à articuler.

— Apprends-le par cœur. Plus aucune créature de cette engeance ne pourra jamais te brûler à nouveau.

Elle lui sourit tristement. Dolfi n'avait pas compris à quelle créature ils avaient eu affaire, mais elle n'eut pas le courage de lui en révéler la nature. Autant lui laisser croire à un simple élémentaire de feu. Lui avouer qu'un démon se promenait désormais en liberté, par sa faute à elle, parce qu'elle n'avait pas daigné écouter les conseils avisés de son aîné, c'était au-dessus de ses forces. Elle regrettait tellement sa bêtise et, malgré elle, en voulait aussi à ce provocateur de Corusco pour tous les ennuis que son défi leur avait causés.

— Dis-moi, Dolfi...

— Oui ?

— Tu te souviens de l'inconnu qui nous a sortis de l'ermitage ?

L'apprenti contourna le lit pour s'asseoir à côté d'elle.

— Le beau tout nu ? ironisa-t-il.

— Euh... si tu veux, oui. N'en parlons plus.

Dolfi la taquina un peu, heureux de pouvoir la dérider.

— On en a parlé à Morwan. Je te dis pas les débats ésotériques qui ont suivi entre les maîtres. Chacun y allait de son interprétation, avec force références à des traités occultes...

Dolfi mima les postures et façons de parler de chacun des trois mages, remportant un sourire de la changeline pour son interprétation magistrale de Gan Raez.

— Une prrrrojection onirrrrique, selon l'Arpenteur... Un incarnat de divinité primaire, pour Harlinetuiz ! Un esprit féerique sauvage, d'après ton père.

— Et toi ? Tu en penses quoi ?

Le garçon haussa les épaules.

— J'en sais rien. J'en pense que tu as une bonne étoile qui veille sur toi.

Si seulement, songea la jeune fille en fermant les yeux.

— Merci Dolfi, murmura-t-elle.

Il lui caressa la main avec douceur.

— Si je croise notre sauvage dans les bois, je lui dirai que tu veux savoir son nom, fit-il avec un clin d'œil.

— Si tu retournes dans les bois, rapporte-moi des nouvelles de Ruz, surtout. Voilà des jours qu'on ne l'a pas revu.

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