J'ai rejoint Sofia en début d'après-midi. Elle tenait absolument à me parler. Depuis le décès de son bébé, nous n'avons plus abordé le sujet. C'est un secret que nous partageons toutes les deux. Elle m'avait préparé à manger aussitôt arrivée, nous avons déjeuné. J'avais beaucoup d'appétit ces derniers temps. Je ne voulais pas me faire de faux espoirs. Ce n'est pas parce que je mange comme un glouton que j'attends un bébé. Mais après trois mois de mariage, c'était peut être le cas.
« Alors, dis-moi de quoi tu voulais parler.
- Amir est revenu me voir.
- Pourquoi ?
- Il dit qu'il regrette et qu'il veut qu'on réessaye.
- Toi, qu'est-ce que tu veux ?
- Je ne sais pas ce que je veux Azhar, je suis perdue. Pour moi c'était très simple, je me suis toujours dit que le jour où il reviendrait, je l'ignorerai. J'ai fait tout le contraire Azhar, je me sens bête et nulle.
- Tu es toujours amoureuse de lui ?
- Je suis toujours amoureuse de lui. Mais ça ne veut pas dire pour autant qu'on doit être ensemble. Il m'a abandonné lorsque j'avais le plus besoin de lui, j'ai perdu notre enfant. Je ne peux pas me remettre avec cet homme après tout ça ?
- Il n'y a que toi qui peut prendre cette décision Sofia. Si tu as l'impression de te salir en te remettant avec lui alors, ne le fait pas.
- Je vais y réfléchir, assez parlé de moi. Comment tu vas ? Mon frère ne te rend pas folle ?
- Non tout va bien, j'espère pouvoir passer mon permis bientôt.
- Ne t'en fais, il m'a fallu deux fois pour l'avoir tout ça à cause du stress. »
Nous avons continué à discuter avant qu'elle ne parte pour le cours d'arabe. Nous avons fait la moitié du trajet ensemble. Sur le chemin, je m'arrête pour faire des courses avant de retrouver Ibrahim à la maison. Il ne travaillait pas aujourd'hui et a râlé lorsque je suis partie. Pour une fois qu'il était à la maison, il voulait qu'on passe la journée au lit.
« Tu t'es souvenue de mon existence ? dit-il lorsque je rentre.
- Tu es un très mauvais comédien. Tu devais être sur ton jeu débile avec tes amis.
- Ce n'est pas parce que tu marques contre ton camp deux fois de suites, que Fifa est un jeu débile.
- Je ne t'entends plus !
- Viens, me dit-il en m'installant sur ses genoux. J'aurais préféré qu'on passe la journée a essayer de mettre un bébé en route.
- Tu n'es pas obligé de te servir de cette excuse pour ça.
- Une excuse ? Tu penses que je ne veux pas avoir d'enfant ?
- Tu parles de ça seulement quand tu as envie...Tu ne m'as jamais dit clairement ce que tu veux.
- Je veux cinq enfants.
- Autant ?
- Oui, je veux que nos enfants grandissent tous ensemble et qu'ils nous rendent fière.
- Je ne pense pas pouvoir accoucher cinq fois.
- Je vais redoubler d'effort pour en faire passer au moins deux d'un coup.
- Tu es bête ! dis-je en riant.
- Qu'est-ce que Sofia avait de plus intéressant à te dire que ce que moi j'avais prévu ?
- Des histoires de filles.
- Rien de grave ? dit-il d'un air soucieux.
- Non, dis-je en déposant un baisé sur ses lèvres. Rien de grave, ne t'inquiète pas. »
[...]
Aujourd'hui, mon patron est très étrange. Ce matin, il a tenu à ce que le chauffeur nous emmène Sania et moi jusqu'à l'école chose que nous faisons habituellement à pied. Ensuite, il m'a appelé toutes les cinq minutes pour savoir si nous étions bien arrivées. Lorsque Sania est enfin entrée en classe, j'ai dit au chauffeur de retourner à son travail. Je me suis installée au parc avec des viennoiseries lorsqu'une femme est venue s'installer près de moi. J'ai tout de suite été marquée par la ressemblance qu'il y avait entre nous. Elle avait les cheveux dorés comme moi. Alors que les miens sont ondulés, les siens sont lisses et brillants. Ses yeux étaient verts et sa peau aussi blanche que la mienne.
« Bonjour, me dit-elle d'une petite voix. Je suis désolée de vous déranger.
- Bonjour, vous ne me dérangez pas.
- Je sais que ça va paraître très bizarre, mais ça fait quelques jours que je vous suis.
- Vous me suivez ?!
- Attendez, n'ayez pas peur. Ne partez pas, vous êtes ma seule chance d'y arriver.
- Qui êtes-vous ?
- Je m'appelle Mélina, je suis la maman de Sania. »
Je comprends pourquoi Rayan a prétendu à plusieurs reprises qu'elle me ressemble. J'avais l'impression de me voir en plus coquète. Elle portait un jean et un pull en ce début de mois de juin. Il émane d'elle un charme, une douceur très naturelle. Mais je ne pouvais pas la croire simplement parce qu'elle me disait être la mère de Sania. Et puis, qu'est-ce qu'elle me voulait ?
« Je dois y aller, lui dis-je en rangeant mes affaires dans mon sac.
- S'il vous plaît, ne partez pas. Je sais que je n'aurais pas du m'approcher de vous ainsi. Tenez, me dit-elle en me tendant une photo. C'est la dernière photo que vous avons pris ensemble avant...Avant que je ne disparaisse.
- Je ne peux pas vous parler. Ce n'est pas contre vous mais, il y a une relation de confiance entre Rayan et moi. Je ne peux pas le trahir.
- Je vous demande quelques secondes. J'ai un rendez-vous mais, est-ce qu'on pourrait se voir un autre jour ?
- [...]
- Je vous en supplie. Rayan ne me laissera jamais m'approcher de ma fille.
- D'accord, donnez-moi votre numéro j'appellerai.
- Merci beaucoup. »
Je fais sans doute une erreur mais, je n'ai pas envie de laisser cette pauvre femme comme ça. Je suis retournée au travail puis en fin de journée, Sania est rentrée. Je pense que Rayan sait qu'elle est réapparue. C'est peut-être pour ça, qu'il est aussi méfiant.
IBRAHIM
L'eau du bain est parfaite ni trop chaude ni trop froide. Cette fois-ci, j'ai bien l'intention de l'entraîner là-dedans avec moi. Je l'appelle prétextant un mal de tête. Soucieuse et protectrice comme elle est, elle débarque dans la seconde qui suis. Lorsqu'elle comprend la supercherie je devine qu'elle hésite entre s'énerver ou rire.
« Tu m'as appelé pour ça ?
- Oui, viens avec moi.
- Ibrahim, je ne veux pas prendre de bain.
- Pourquoi ?
- Parce que je n'ai pas envie. »
Je me déshabille et l'incite à faire de même.
« Ferme les yeux, tu n'ouvres pas tant que je ne suis pas dans l'eau.
- Azhar je t'ai déjà vue nue.
- Ce n'est pas pareil. »
Déjà victorieux, je n'ai pas envie de la brusquer. Je ferme les yeux jusqu'à ce que je sente son dos s'appuyer contre mon torse. Elle pousse un soupir d'aise alors que je lui masse les omoplates.
« Il faut que tu te détendes.
- Tu penses que j'ai mal agis en lui disant que j'allais la revoir ?
- Tu n'as pas mal agi, tu es gentille.
- C'est-à-dire ?
- Je n'ai pas envie de te dire ce que j'aurai fait à ta place. Mais, ta réaction ne me surprend pas.
- J'ai peur de l'avoir mal jugée.
- Tu n'es pas aveugle Azhar. Si tu penses qu'elle vient avec de bonnes intention, suis ton instinct. Le fait que tu la rencontres demain ne veut rien dire. Surtout, ne t'engage dans rien et parle à l'autre.
- Il s'appel Rayan et c'est un homme bien. Vous pourriez devenir ami.
- Je n'ai pas besoin d'ami. Tu es déjà ma meilleure amie.
- Au fait, tu ne m'as pas dit ce que ton patron te voulait.
- Hassan réfléchit à quitter la boite et à se lancer. Un contact à lui venant des Émirats, veut s'expatrier en Europe. Il veut que je le suive.
- C'est une super nouvelle ! Elle se tourne pour me faire face, exposant ses seins couverts de mousse. Ibrahim, c'est ici que tu dois me regarder ! dit-elle en désignant ses yeux.
- Pardon, c'est plus fort que moi.
- Tu vas le faire ?
- Ce n'est qu'un projet pour le moment, j'y réfléchit.
- Tu n'as pas l'air emballé.
- Je n'ai pas encore assez d'expérience pour accepter. C'est risqué.
- Je ne m'y connais pas en immobilier mais je te connais toi. Tu es capable de le faire.
- Il faudra qu'on fasse attentions à nos dépenses pendant un long moment.
- Ibrahim, j'ai passé les cinq dernières années de ma vie dans un pays en ruine. L'argent n'est pas un souci. »
Parfois, j'oublie qu'elle vient de quitter un pays ravagé par la guerre. J'ai toujours voulu une femme forte à mes côtés, Azhar est forte et intelligente. Quand elle me regarde comme si j'étais le roi du monde, j'ai l'impression de pouvoir soulever des montagnes. Elle croit en moi comme personne avant ne l'a fait. Elle me pousse toujours plus loin et elle est incroyable.
« Je t'aime. »
Ses yeux s'écarquillent et mon regard s'embrase. Elle s'en remet à moi, elle compte sur moi et me fait confiance. J'espère être à la hauteur. Je dois être à la hauteur, parce qu'elle le mérite plus que n'importe qui.
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