Gabriel se retourna pour faire face à celle qu'il pensait ne plus jamais revoir. Celle qu'il avait tant aimée. Celle qui avait failli lui faire commettre l'irréparable. Elle.
- Fiona...
- Mon dieu. Je n'aurais jamais pensé te revoir un jour.
- Ah non ? Peut-être parce que tu es supposée être morte ?
Elle éclata de rire à ces propos.
- Tu es encore plus naïf que je ne le pensais ! Tu y as vraiment cru alors ? Tu ne t'es jamais posé de questions ?
- Je t'aimais. A l'annonce de ta mort, j'étais détruit.
- Laisse-moi rire ! Tu n'étais rien ! Tu m'intéressais uniquement pour ton rang ! Mais il se trouve que j'ai trouvé mieux. Beaucoup mieux même !
- Tu m'en diras tant...et qui ?
- Il s'appelle William. Un homme qui a de l'ambition, lui. Et bien plus distrayant même !
- Tu...Tu me rends malade. Et mon fils ? Ou est-il ?
- Ton fils ? Mais ce n'était pas ton fils ! Pense-tu réellement que tu étais le seul ? J'ai bien souvent trouvé matière à m'occuper quand tu n'étais pas là ! Mon fils était blond à la naissance. Tout le portrait de son père. Tout le portrait de William.
Gabriel restait abasourdi. Ainsi, depuis tout ce temps, il se trompait. Ainsi, tout le monde avait deviné qui était vraiment Fiona. Tout le monde sauf lui. Pauvre imbécile.
- Je vois. Et bien, je n'ai plus rien à faire ici. Estime toi heureuse que je ne te tue pas sur le champs pour la trahison dont tu es coupable.
- Tu penses m'impressionner ? Il en faudrait bien plus. William, lui, sait se faire respecter. Tu aurais du voir comment il punissait la petite dinde a qui appartient Kinloch. Du grand spectacle ! Lui, c'est un homme au moins !
- Parce que maltraiter une femme est une preuve de grandeur selon-toi ? C'est bien dommage qu'il ne s'en soit jamais pris à toi. Tu le mérites pourtant plus que quiconque. J'espère bien ne plus jamais croiser ta route. Tu me donnes envie de vomir.
Et sans rien ajouter, il tourna les talons. Remontant en selle, il fit galoper son cheval le plus vite possible. Il voulait mettre un maximum de distance entre lui et cette...cette créature.
Arrivant dans une petite clairière une heure plus tard, il stoppa enfin sa course effrénée. Son cheval avait besoin de se reposer. Et lui, il avait besoin de réfléchir. De faire le tri. Vite. Et bien cette fois. Tout ce qu'il avait cru était donc faux. Et il ne s'était jamais rendu compte de rien. Pire encore, cette maudite femme avait pris part aux mauvais traitements d'Aileen. A cette pensée, il trembla de fureur. Nul doute qu'Aileen avait reconnu Fiona dans la description de Callum.
Mais bien sur ! C'est comme cela qu'elle avait pu savoir qu'elle était toujours en vie ! Et elle était venue le lui dire. Malgré le chagrin que ça lui causait. Malgré ce que cette garce lui avait infligé. Elle lui avait dit. Pensant à son bien à lui, avant le sien.
Si Gabriel regrettait son comportement vis-à-vis de sa femme juste avant de croiser Fiona, c'était encore pire maintenant. Il l'avait traitée comme une moins que rien. La rabaissant. La blessant. Ignorant ce qu'elle pouvait bien ressentir. Et il l'avait laissée seule, alors qu'il courrait pour retrouver cette vipère. Il fallait agir. Et vite.
Il devait se dépêcher de rentrer à Dunkeathe. Il devait tout expliquer à sa femme. Et surtout, il devait tout faire pour obtenir son pardon. Mais maintenant qu'il avait compris à quel point il l'aimait, il se battrait pour elle. Toute sa vie s'il le fallait, mais il lui rendrait le sourire. Décidant de ne plus perdre une minute, il remonta sur son cheval, et prit le long chemin qui le mènerait chez lui. Près d'elle.
Bien loin de là, Aileen s'éveillait péniblement. Elle se sentait terriblement fatiguée. Lorsqu'elle se redressa, elle se sentit de nouveau prise de vertiges. Et elle sentit une main qui la forçat à se rallonger. Tournant la tête, elle reconnut Moira.
- Moira? Mais...qu'est-ce que je fais là ?
- Vous avez fait un malaise hier. Ces derniers jours sans dormir ni manger ne vous ont pas fait de bien. Vous devez vous reposer et vous nourrir correctement. Ordre du médecin.
- Mais je vais bien voyons !
- Vous en avez peut-être l'impression parce que vous avez dormi longtemps, mais vous êtes encore faible.
- J'ai dormi combien de temps ?
- Presque deux jours.
- Tant que ça ?
- Oui. Callum et moi étions vraiment inquiets pour vous. Vous devez prendre soin de vous Aileen. De vous et du bébé.
Aileen se figea. Avait-elle bien entendu ? Un bébé ? Non, impossible. Elle se lança alors dans des tas de calculs. Ce n'était peut-être pas si impossible que ça tout compte fait. Craignant d'avoir mal compris, elle demanda à Moira de confirmer ce qu'elle pensait.
- Bébé ? Tu veux dire, un bébé ? Moi ? Je...Je suis enceinte ?
- Oui, vous allez avoir un bébé. lui répondit Moira avec un sourire.
- Mon dieu...Faites que je ne rêve pas...
Aileen pleurait. Mais pour la première fois depuis des jours, c'étaient des larmes de joie. Elle allait devenir maman. Un petit être grandissait en elle.
- Dans combien de temps ? demanda-t-elle à la femme de chambre
- A peu près 7 mois.
- Je...je n'en reviens pas. C'est si...
- C'est une merveilleuse nouvelle, c'est vrai.
Aileen caressait son ventre encore plat, et essayait déjà d'imaginer celui ou celle qui viendrait bientôt. L'enfant lui ressemblerait-il ? Ou plutôt à son père ? Son cœur se serra en pensant à son mari. Gabriel....
Reviendrait-il ? Et quand bien même il reviendrait, pourrait-elle lui pardonner ? Non, certainement pas. Il lui faudrait du temps. Beaucoup de temps avant de pouvoir lui faire confiance à nouveau. Il l'avait brisée. En quelques phrases. Et ce n'était pas possible d'effacer ses paroles. Ses regards. Qui lui avaient laissé une blessure indélébile. Et maintenant, que faire ?
Partir ? Rester ?
Mieux valait rester. Pour son enfant à naître. Au moins, elle serait en sécurité jusqu'à ce qu'il vienne au monde. Même si Gabriel revenait avec Fiona, Callum ne la laisserait pas sans aucun endroit où aller. Et puis, si jamais il revenait, fallait-il lui dire ? Ou bien se taire afin de le laisser libre de commencer sa nouvelle vie ? Elle n'en savait rien. Peut-être qu'il serait toujours tant d'y penser le jour de son retour. Cependant, elle ne voulait pas qu'il l'apprenne tant qu'elle n'avait pas décidé de lui en parler.
- Moira? appella-t-elle
- Oui ?
- S'il te plait...je voudrais que personne ne sache pour l'enfant. Je voudrais l'annoncer moi-même, quand le moment sera venu.
- Vous pouvez être tranquille, je n'en dirais rien sans votre permission. Et je sais que Callum saura aussi garder le silence.
- Merci. Je ne sais pas ce que je serais devenue sans vous. Je crois que vous vous êtes bien trouvés tous les deux. Les personnes formidables s'accordent parfaitement.
En prononçant ces mots, Aileen sourit à Moira. Son premier sourire depuis plus d'une semaine. Moira lui rendit son sourire, et lui présenta un petit plateau.
- Et maintenant, vous devez manger.
- Mais je n'ai pas faim !
- Parce que vous n'avez rien mangé depuis des jours. Mais ça reviendra quand vous aurez gouté. Et puis, le petit a surement faim, lui.
- Tu l'appelles déjà « le petit » ?
- Et bien...j'ai dans l'idée que ce sera un garçon. L'avenir me dira si je me trompe.
- Ça pourrait aussi être une fille. J'espère que non cependant.
- Pourquoi pas ?
- Gabriel me méprise suffisamment comme ça. Je ne voudrais pas qu'en plus, il me reproche de ne pas avoir eu un fils.
Moira ne répondit rien. Elle ne savait pas quoi répondre en vérité. Elle était persuadée que le seigneur de Dunkeathe serait heureux, quelque soit le sexe du bébé. Mais, elle savait aussi qu'il serait impossible de convaincre Aileen de cela, tant qu'elle avait perdu confiance en son mari.
Gabriel filait à toute allure. Et enfin, Dunkeathe était en vue. Accélérant d'avantage, il s'arrêta près des écuries, et après avoir laissé sa monture, épuisée par la chevauchée, il couru jusqu'à l'intérieur. Il fut arrêté en chemin par Callum, qui ne paraissait pas particulièrement étonné de le voir.
- Bonjour Gabriel.
- Désolé, je suis pressé, il faut que je...
- Non, attends, dit Callum en le retenant fermement par le bras.
- Mais que...
- Il faut que je te parle. C'est important alors tu va m'écouter.
Sentant que, s'il s'adressait à lui de la sorte, c'est qu'il devait vraiment avoir quelque chose de grave à lui dire, Gabriel se calma, et attendit que son ami reprenne la parole.
- Bien. Ce que je dois te dire concerne Aileen.
Le highlander commença à avoir peur.
- Et bien ? Mais parle !
- Elle ne va pas bien. Pas bien du tout. Tu constateras par toi-même. Mais, si tu veux mon avis, tu vas avoir du mal à te faire pardonner.
- J'y arriverai. Il le faut. J'ai compris mon erreur. Trop tard, mais j'ai compris. Je l'aime Callum!
- Je sais. Mais ça, elle n'est pas prête à l'entendre. Vas la voir, mais surtout ne la brusque pas. Elle n'a pas besoin de ça, surtout en ce moment.
- Qu'est ce que tu veux dire ?
- Elle a fait un malaise hier. Le médecin l'a examinée. Il lui faut du repos, pas d'émotions violentes, et une bonne alimentation. Pour le reste, c'est à elle de t'en parler.
Ainsi, c'était encore pire que ce qu'il avait craint. Il lui avait fait du mal, au point qu'elle en était physiquement éprouvée. Il fallait qu'il la voie. Maintenant. Tant pis si elle le rejetait, il devait s'assurer qu'elle allait bien. Et surtout, il devait savoir de quoi elle était supposée lui parler. Le cœur battant, il poussa la porte de sa chambre.