Depuis sa conversation avec Callum, Gabriel était de nouveau taciturne et renfermé. A nouveau, il s'isolait des autres. Et bien souvent, il s'énervait pour rien. Trop souvent même. De plus en plus, il était craint. Aileen voyait son mari s'éloigner d'elle, et cela la rendait de plus en plus triste. Elle ne comprenait pas ce changement d'humeur qui était apparu si soudainement chez lui.
Le seul moment de la journée où il semblait redevenir lui-même était la nuit. Alors ils partageaient leurs corps en parfaite harmonie. Mais, dès le lendemain matin, il redevenait froid et distant. Et Aileen se sentait blessée par cette attitude. Elle ne comprenait pas ce qu'elle avait bien pu faire de mal. L'avait-elle déçu, d'une manière ou d'une autre ? Elle l'ignorait. Mais elle comptait bien le découvrir. Et la seule personne qui pouvait l'aider, c'était celle qui connaissait le mieux Gabriel.
Callum.
C'est donc d'un pas ferme et décidé qu'elle se mit à sa recherche. Il fallait qu'elle comprenne. Il fallait qu'elle sache. Pourquoi se comportait-il comme ça ? Et est-ce que tout ça avait un lien avec cette Fiona? Quoi qu'il arrive, elle allait connaitre la vérité.
Elle finit par le trouver près des écuries. Cet homme l'impressionnait vraiment beaucoup. En toute circonstance, il restait calme et maitre de lui-même. Ses propos étaient toujours emprunts de sagesse, et il ne parlait jamais pour ne rien dire. Doté d'un physique avantageux, il savait en plus se montrer gentil avec tous. Toujours à l'écoute, et toujours de bon conseil. Ce qui en faisait un ami précieux. Sous bien des égards, il incarnait la perfection masculine. Moira avait vraiment beaucoup de chance de l'avoir rencontré.
Il était assit, le regard porté au loin, l'air songeur. Elle se décida à interrompre sa rêverie.
-Callum?
L'intéressé se retourna à l'entende de son prénom.
-Oui ? Oh Aileen, bonjour !
-Bonjour !
-Vous désiriez me parler ?
-Et bien...oui.
-Je vois. De Gabriel n'est-ce pas ? Et bien je vous écoute.
-Oui, de mon mari. Je...J'aimerais comprendre. Pourquoi est-il comme ça ? Et comment le faire redevenir comme avant ? Et qui...qui est Fiona?
Elle avait donc entendu parler de Fiona, pensa Callum. Et bien autant tout lui raconter maintenant.
-Asseyez-vous Aileen. Je vais vous dire ce que je sais, puisque de toute façon, vous connaissez l'existence de Fiona.
-Merci. J'ai besoin de réponses. Toute cette histoire est en train de me rendre folle.
-Je peux comprendre. Il est vrai que Gabriel est quelqu'un de compliqué.
Aileen ne répondit rien, mais elle était on ne peut plus d'accord avec lui.
-Donc, pour que vous puissiez comprendre un peu mieux son attitude, il faut que je commence par vous parler de Fiona.
-Oui...
-Fiona était femme de chambre au château. Et Gabriel en était amoureux fou. Il l'avait même demandée en mariage, et elle attendait un enfant.
-Et qu'est-elle devenue ?
-Elle serait morte. Bien que personnellement, j'en doute.
-Et pourquoi ça ?
-Et bien...on nous a dit qu'elle était morte en mettant son fils au monde. Mais personne n'a jamais vu son corps. Je pense plutôt qu'elle s'est enfuie.
-Mais pourquoi aurait-elle fait une chose pareille ?
-J'ai toujours pensé qu'elle ne voulait Gabriel que pour son rang. Et peut-être qu'elle a tout simplement rencontré quelqu'un de plus intéressant...
-Mais...et l'enfant ?
-Je doute qu'il soit celui de Gabriel. Je pense vraiment que Fiona...ne l'aimait pas comme elle le prétendait.
-Je vois. Et c'est pour ça qu'il est aussi froid ces derniers temps ?
-Il n'a jamais voulu admettre que j'avais raison. Il se croit responsable de sa mort, et je crois qu'il n'a jamais vraiment tourné la page.
En entendant ces mots, Aileen se sentit infiniment triste. Ainsi, elle avait visé juste. Son cœur appartenait tout simplement à une autre. Elle ne serait jamais pour lui qu'un objet de désir, qu'on prend et qu'on jette à sa guise.
-A quoi ressemblait-elle ?
-Je ne crois pas que...
-Je veux savoir Callum. J'ai besoin de le savoir.
-Elle était incroyablement belle. Elle avait de long cheveux châtains qui lui descendaient jusqu'à la taille. Elle était grande et fine, ce qui rendait chacun de ses gestes gracieux. Et elle avait de grands yeux gris.
Alors qu'il décrivait cette fameuse Fiona, Aileen dut étouffer un cri de stupeur. Non, ce n'était pas possible ! En un instant, tous ses espoirs venaient de se briser.
-Oh mon dieu...Callum...
-Qu'y a-t-il ?
-Fiona...elle...elle n'est pas morte. J'en suis certaine.
-Comment ?
-Lorsque je vivais à Kinloch, William avait une maitresse qui portait le même nom. Et elle correspond parfaitement à votre description. Je suis certaine que c'est elle !
-En êtes-vous vraiment sure ?
-Oui. Je n'oublierais jamais le visage de cette maudite femme. Et son air satisfait lorsque William m'infligeait ma punition. Mais comment Gabriel a-t-il pu s'éprendre d'une telle femme ?
-Je ne sais pas. Elle cachait très bien son jeu. C'est une fine manipulatrice.
-Il...Il faut lui dire. Il faut qu'il sache.
-Je suis d'accord. Je vais le lui annoncer.
-Non ! Il faut que ce soit moi.
-Soit. Gardez courage Aileen. Parfois, la lumière surgit lorsque l'obscurité parait infranchissable.
-J'espère que vous avez raison mon ami. Merci.
Le cœur plein de peine, Aileen partit à la recherche de son mari. Elle ne pouvait pas lui cacher cette vérité. Même si ça lui brisait le cœur.
-Gabriel!
-Oui ? répondit-il d'un ton morne et froid.
-Il faut que je te parle de quelque chose d'important.
-Tu es enceinte ? demanda le guerrier, avec une lueur d'intérêt dans les yeux.
-Non...ce n'est pas de cela qu'il s'agit.
Le regard du guerrier s'assombrit à nouveau. Aileen était certaine d'y avoir décelé de la déception. Le cœur serré, elle reprit la parole
-Je dois te parler...a propos de Fiona.
Gabriel entra alors dans une colère noire.
-Qui t'a parlé d'elle ? Je ne veux plus t'entendre prononcer ce nom tu m'entends ? Contente-toi de rester à ta place et de porter mes enfants, au lieu de te mêler des affaires des autres.
Ces paroles la frappèrent comme une gifle. Violentes. Glaciales. Amères. Elle n'aurait jamais cru qu'un jour, il serait capable de lui tenir de tels propos.
-Je vois...Je voulais juste te dire qu'elle...elle est en vie.
Juste après lui avoir annoncé, elle s'enfuit à toute jambe, les larmes aux yeux et la rage au cœur. Elle courut jusqu'à sa chambre et s'y enferma. Elle se jeta sur son lit, pleurant toutes les larmes de son corps.
Gabriel restait sonné par cette nouvelle. Fiona... En vie ? Peu à peu il réalisait. Son amour. En vie. Il fallait absolument qu'il la trouve ! Qu'il la voie ! Qu'il lui parle. Il fallait qu'il voie Callum. Tout de suite. Son corps semblait figé. Mais il finit cependant par bouger. Courant plus qu'il ne marchait, à la rechercher de son ami.
-Callum! Callum!
-Oui ?
-Aileen...Fiona...en vie...retrouver...
-Calme-toi. Fiona est en vie, je suis déjà au courant.
-Pourquoi ne m'as-tu rien dit ?
-Je viens moi-même de l'apprendre. Aileen tenait à te l'annoncer elle-même.
-Je...
-Tu vas partir la chercher ?
-Oui. Evidemment.
-Aileen m'a dit qu'elle était la maitresse de William à Kinloch. Tu devrais commencer par chercher de ce coté. Mais, laisses-moi te dire que tu te trompes. Tu fais le mauvais choix.
-Tu ne comprends pas ! C'est de Fiona qu'il s'agit ! Je dois y aller !
-Non, en effet je ne comprends pas. Comment toi, tu peux être aussi aveugle. Pars si tel est ton désir, mais ne t'attend pas à retrouver Aileen à ton retour. Si tu n'es pas capable de comprendre qu'elle a des sentiments pour toi, c'est ton problème. Mais dis-toi bien que si tu pars, plus rien ne sera comme avant entre vous.
Sur ces paroles, Callum tourna les talons. Il avait pour habitude de soutenir son laird, quoi qu'il fasse. Mais cette fois, il fallait qu'il comprenne son erreur. Avant qu'il ne soit trop tard.
Gabriel de son coté retourna à l'intérieur. Il fallait qu'il parle à sa femme. Il fallait qu'il lui explique son choix. Etrangement, l'idée de se séparer d'elle lui serrait le cœur. Même pour Fiona. Mais il ne reviendrait pas sur sa décision. Il serait dur s'il le fallait. Pour qu'elle comprenne. Pour qu'elle accepte. Priant pour ne pas faillir dans sa détermination, il entra dans la chambre, prêt à affronter le regard triste et plein de reproches d'Aileen.