ELIT

By illana_ca

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2102. Pour de mystérieuses raisons, l'ONU décide de lancer un programme pilote nommé ELIT approuvé par une tr... More

Avant-propos.
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Le mot de la fin.

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By illana_ca

Tobin fut réveillé par le son insupportable de quelqu'un qui frappait contre le mur de sa cellule. Il s'extirpa de son sommeil agité, il s'était endormi à peine quelques heures auparavant. La personne lui infligeant ce supplice lui apparaissait comme une silhouette floue, dupliquée en trois. Le jeune homme se frotta les yeux pour se réveiller complètement. Sa vision se régula et il comprit que les trois silhouettes n'étaient pas une seule et même personnes mais Tilya et ses sbires.

- Tu me foutras jamais la paix, toi, grogna-t-il.

Elle fit un signe aux deux gros bras qui avaient l'air d'exister dans le seul but de répondre à ses ordres.

Les deux garçons s'approchèrent et soulevèrent Tobin de son lit. Ils l'amenèrent jusqu'à Tilya sans le laisser toucher le sol. Tobin secoua les jambes et affirma en même temps :

- C'est bon ! C'est bon, je peux marcher.

Mais ils ne l'écoutèrent pas et attendirent d'être à la hauteur de leur leadeuse pour le lâcher. Tobin retomba sur ses pieds brutalement et se balança pour ne pas perdre l'équilibre.

L'instant d'après, Tilya lui saisissait les épaules et le forçait à faire demi-tour. Dans son dos, il entendit le bruit d'une fermeture qu'on ouvrait d'un coup sec. L'attelle glissa de son bras et Tilya la jeta sur son lit. Tobin se retourna et la dévisagea, perplexe. À quoi jouait-elle ?

- Fais des petits mouvements avec ton épaule et suis-nous, lui ordonna-t-elle.

Elle sortit la première de la cellule et l'une des brutes poussa Tobin pour le forcer à avancer. Il concéda, n'étant pas en position de refuser quoi que ce soit. Sur le chemin, il jeta un coup d'œil à son épaule meurtrie en-dessous son tee-shirt. Elle était couverte d'une large ecchymose qui ne s'arrêtait qu'à la moitié du bras.

Il était heureux d'avoir été dans le coma pendant tout ce temps et n'avoir rien ressenti. Il bougea ses deux épaules et malgré quelques douleurs, il se sentait bien.

- Qu'est-ce que j'ai fait ? questionna-t-il.

L'un des seconds de Tilya derrière lui le poussa.

- Pas dé questionnes, affirma-t-il dans ce qui semblait être son meilleur accent anglais.

Mais Tobin lui pardonna la prononciation, il n'aurait pas été fier s'il s'était retrouvé au milieu d'adolescent ne parlant que chinois.

Il continua d'avancer, observant les murs autour de lui, c'était une partie du Bunker qu'il n'avait pas encore visitée (ce qui était presque normal puisqu'il n'y avait passé que quelques heures). Mais l'endroit était beaucoup moins propre que les autres couloirs, poussiéreux, plus froid, c'était sûrement un lieu dans lequel personne ne se rendait souvent.

Ils débouchèrent enfin sur un hall largement plus spacieux que tout ce qu'il avait vu jusqu'à présent. Le plafond se trouvait à plus de cinq mètres de haut et la pièce ne semblait jamais se terminer. Il n'y avait aucun meuble pour étouffer la sensation d'immensité.

Au milieu, un groupe de quatre ou cinq participants s'était réunis en cercle et semblait observer quelque chose au sol. Tilya s'arrêta, se retourna et désigna du pouce la vaste paroi qui se dressait face à eux.

- Tu vois ça, lui dit-elle, c'est l'entrée. On en est sûr, c'est dans cet endroit qu'on s'est tous réveillé. Pendant plusieurs semaines, on s'est dit que ça pouvait aussi être la sortie, mais les personnes qui s'y connaissait un peu en mécanisme et informatique - c'est-à-dire juste une fille, Taji - nous a dit qu'on pouvait l'ouvrir que de l'extérieur.

Tobin acquiesça, il ne savait pas pourquoi elle lui racontait tout cela mais il imaginait que toute information était bonne à prendre.

Ils reprirent leur marche vers le groupe qui se trouvait à une trentaine de mètres. Tilya continua :

- L'entrée ne s'est jamais ouverte, on présume que c'est arrivé une fois, pour nous placer ici, mais depuis, rien. Jusqu'à ce soir. Des équipes patrouillent la nuit, c'est Téo qui nous a prévenu, il a dit que des panneaux s'étaient à peine écartés, juste de quoi passer un homme avant de se refermer. Et maintenant, on se retrouve coincé avec une bouche de plus à nourrir et toujours pas de sortie.

Tobin fronça les sourcils, totalement perdu. Ils s'étaient considérablement rapprochés et il pouvait apercevoir au milieu du groupe une silhouette assise. Autour de lui, personne ne semblait se préoccuper de savoir si le nouveau (ou la nouvelle, d'où il était il ne pouvait pas encore juger) allait bien. Ils se contentaient de l'observer.

- D'accord, mais qu'est-ce que ça a à voir avec moi ? interrogea-t-il.

Il s'attendait à une nouvelle pression de la part des gardes du corps de Tilya mais ceux-ci ne firent rien.

- Votre programme est le seul incomplet, soit c'est un total inconnu, soit il y a une infime chance qu'il fasse partie de vos participants perdus.

En apercevant la fille à la tête du Bunker arriver, les autres s'écartèrent. Tobin accéléra le pas et bouscula Tilya sans se préoccuper des conséquences que cela pouvait avoir. Il s'avança vers la personne assise, inquiet.

C'était Timothy.

Il n'était pas en bon état, il avait perdu ses lunettes et son tee-shirt était troué au niveau de son avant-bras. Il fixait le sol, le visage fermé. Tobin s'agenouilla, à cet instant, il se moquait de tous les doutes qu'il avait eus sur lui, Timothy était mal en point et il ne pouvait pas le laisser seul dans cet état.

- Tim, l'appela-t-il calmement, Tim ça va ?

Le garçon releva la tête lentement. Quand leur deux regards se croisèrent, Timothy entoura le cou de Tobin d'un geste rapide et se serra contre lui. Le jeune homme se retourna et accorda un regard à Tilya traduisant son incompréhension.

Tobin essaya de se défaire de l'emprise de Timothy mais ce dernier ne voulait pas le lâcher. Il se releva d'un geste doux et contrôlé et parvint à mettre le génie de l'informatique sur ses pieds. Il le défit de son cou mais Tobin garda ses mains sur les épaules de son ami pour le rassurer.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? interrogea-t-il. Tim, qu'est-ce qu'ils t'ont fait ?

Le garçon ne répondit pas. Tobin se tourna vers Tilya :

- On devrait lui laisser un peu de temps.

Contre toute attente, elle acquiesça, compréhensive. Tobin passa un bras de Timothy autour de son cou pour l'aider à avancer. Tilya indiqua aux membres qui devaient faire partie de l'équipe de patrouille de se disperser et elle se plaça de l'autre côté du garçon.

Ils traversèrent le hall et reprirent les petits couloirs pour emmener Timothy jusqu'à l'hôpital afin de le pourvoir d'une chambre au calme.

- C'est quoi son talent ? questionna Tilya alors qu'ils faisaient de leur mieux pour empêcher le génie de tomber.

- Hum... commença Tobin qui était préoccupé par l'état de son ami, c'est un hacker. Je dirais même le meilleur.

Le visage de la jeune fille s'illumina, aussitôt, elle déclara :

- Dès qu'il sera sur pieds, on le transmettra à la salle du système, je suis sûre que c'est pour qu'on trouve la sortie qu'on nous l'a envoyé.

Tobin sourit tristement, il ne partageait pas son idée. D'après ce qu'il avait compris - de ses conversations avec Eoghan, du rêve qu'il avait fait - Timothy avait à peu près le même rôle que lui : il travaillait pour ELIT de manière très exclusive. C'était d'ailleurs probablement pour cela qu'il n'était pas arrivé dans le Bunker en même temps que tous les autres.

Sifrey ne se serait pas débarrasser d'un de ses meilleurs éléments sans raisons graves. Il se promit de trouver un moyen d'interroger Timothy, seul.

Ils le déposèrent dans l'ancienne chambre d'hôpital de Tobin. Le garçon se laissa faire et ils sortirent de la chambre, lui accordant du temps pour lui. Dans le couloir, Tobin se planta sur ses pieds, face aux brutes sous les ordres de Tilya. Il tendit même les mains, s'attendant à être raccompagné violemment à sa cellule.

- Je ne vais pas te remettre en prison, l'informa Tilya.

Il se retourna d'un geste vif et la dévisagea, perplexe. Cette fille avait l'art de changer d'avis. Elle l'avait d'abord apprécié, puis traîné jusqu'à son lit par la peau du cou, apprécié de nouveau et enfin fait emprisonner avant de lever cette punition.

- Je te donne une seconde chance, continua-t-elle. Mais tu dois savoir qu'ici, tout le monde travaille, on a tous un poste. Je vais te mettre à la patrouille, pour être sûre que les autres t'aient à l'œil.

- Ça me va, répliqua Tobin, trop content de ne pas croupir entre quatre murs.

Elle donna un ordre en espagnol aux deux garçons et le plus grand fit signe à Tobin de le suivre.

Ils le menèrent jusqu'à un dortoir collectif. On referma la porte derrière lui et le jeune homme se retrouva contraint de trouver un lit vide dans l'obscurité totale. Il attendit que Tic et Tac soient partis et ouvrit légèrement la porte, de quoi laisser passer un rayon de lumière. La trentaine de participants présents dans le dortoir étaient profondément endormis. Il trouva un lit vide dans la seconde rangée, mémorisa l'itinéraire et referma la porte.

Après s'être cogné dans plusieurs meubles, il parvint enfin jusqu'à son lit. Il ne dormit pas, pas assez fatigué mais patienta jusqu'à l'heure du réveil. Quand les premiers participants se levèrent, il suivit le mouvement, décidé à ne plus jamais se faire remarquer au Bunker.

Tobin était certain que Tilya avait demandé aux membres de la patrouille de lui en faire baver. Celle-ci était principalement composée de participants du groupe 2 (probablement parce qu'il fallait bien leur trouver une place... Mais Tobin n'exprima pas cette pensée à voix haute).

Son rôle consistait simplement à marcher dans les couloirs, toute la journée ou toute la nuit lorsqu'il était de garde. Il ne comprenait même pas l'utilité de cette patrouille, aucune menace extérieure ne risquait de les attaquer puisqu'ils n'avaient aucun contact avec le monde réel. Le seul moment d'action qu'il avait connu était quand un participant japonais avait essayé de voler dans les réserves de nourritures. Le reste n'était que du spectacle.

Les membres de la patrouille vivaient à l'écart, le rythme chronométré du Bunker ne s'appliquait pas à eux, ils avaient leur propre dortoir, mangeaient avant tout le monde et possédaient une salle spéciale avec du matériel de sport. Tobin imagina qu'ELIT avait aménagé cette salle dans cet unique objectif. Le jeune homme n'avait pas pu parler à Tabatha en une semaine (du moins, ce qu'il imaginait être une semaine).

Le seul avantage à tenir ce poste était qu'il avait appris à connaître tous les recoins de l'endroit. Le Bunker possédait même une piscine, mais l'endroit était interdit pour des soucis de sécurité.

Dès qu'il avait du temps libre, il passait voir Timothy, toujours enfermé dans sa chambre d'hôpital et son mutisme. Il n'avait pas ouvert la bouche depuis son arrivée. Tobin s'inquiétait de plus en plus pour lui mais il n'osait pas lui demander des précisions, de peur de le perdre définitivement.

Ce soir-là, le jeune homme était de garde. Il détestait ces nuits, étant obligé de rester éveillé pour rien, il ne comprenait même pas pourquoi elles avaient été mises en place ; il ne fallait pas s'y méprendre, il ne se passait rien dans le Bunker. Les participants étaient partis se coucher trois heures auparavant. Tobin faisait des tours en compagnie de Téo, un français et un des seuls participants avec qui il avait réussi à sympathiser.

- Eh Téo, l'appela-t-on.

Les deux patrouilleurs se retournèrent et Tallal, le responsable de la division fit signe au français de le rejoindre. Téo accorda un regard coupable à Tobin.

- Vas-y, lui conseilla-t-il, je vais me débrouiller seul.

Ce n'était pas la première fois qu'on lui arrachait ses compagnons de patrouille, il savait qu'il n'était pas particulièrement apprécié et les autres trouvait un certain plaisir à lui rendre la vie dure.

Téo rejoignit le reste du groupe qui allait sûrement retourner en salle d'entraînement pour s'amuser et Tobin resta seul dans les couloirs. Il marcha quelques minutes en silence avant d'apercevoir un détail anormal dans le décor. La porte menant à la piscine était ouverte.

Pensant enfin trouver un peu d'action et devoir disputer quelques participants rebelles, il entra et se dirigea vers une silhouette assise sur le rebord de la piscine les pieds dans l'eau.

- Eh ! Tu n'as pas le droit d'être là ! cria-t-il sans être certain que la personne pouvait le comprendre.

La fille - puisque c'en était une - se retourna et il reconnut Tilya.

- Oh, c'est toi, remarqua-t-il.

Il s'approcha et s'assit à ses côtés en tailleur pour éviter de tremper son pantalon. Tilya l'observa quelques secondes avant de reporter son regard sur l'eau.

- Contente de voir que tu prends ton travail à cœur, dit-elle.

Tobin sourit.

- Ouais... Non, en fait, je déteste ça, c'est un vrai cadeau empoisonné que tu m'as fait.

- C'est le seul moyen que j'ai trouvé pour te garder sous contrôle, expliqua la chef.

Le jeune homme fronça les sourcils, il n'avait pas le sentiment de devoir être contrôlé, au contraire, il se trouvait plutôt docile.

Comme devinant ses pensées, Tilya ajouta :

- Je sais que tu penses que tu n'es plus sous l'emprise d'ELIT, mais tu dois comprendre mes doutes : tu as avoué que tu avais travaillé avec eux, tu as avoué que tu connaissais leurs secrets.

- Donc si je comprends bien, résuma Tobin, tu es du côté de la Contre-ELIT.

Elle secoua la tête, battant des jambes dans l'eau en même temps.

- Je suis du côté des participants.

Tobin l'interrogea du regard, elle s'expliqua :

- On a été enlevé de nos familles, séquestré parfois pendant des années, drogué et tout ça dans quel but ? Devenir de bons petits soldats dociles qui diraient "Amen" à tout ce que font les directeurs. C'est pas juste. On nous a jamais demandé notre avis. C'est ça mon but, je veux pas attendre qu'ELIT vienne nous chercher pour faire je-ne-sais-quoi, je veux sortir d'ici et rendre sa liberté à toutes les personnes présentes. Je suis du côté des participants.

Le jeune homme acquiesça, impressionné. Posés de cette manière, les faits étaient encore plus révoltants. Il devait accorder ce point à Tilya, dans l'histoire, c'était aux côtés des participants qu'il fallait se battre.

- J'ai peut-être un moyen de t'aider à trouver la sortie, dit Tobin.

Elle le regarda à la fois surprise mais heureuse. D'un signe de la main, elle lui indiqua d'approfondir.

- Quand on passe des heures à patrouiller seul, commença-t-il, on a du temps pour réfléchir. Et je me suis longtemps repasser cette histoire de double personnalité. J'en suis parvenu à la conclusion que si ELIT est parvenu à me créer une autre personnalité, pourquoi est-ce qu'il en aurait pas fait une de plus ?

Tilya fronça les sourcils.

- Je vois pas où tu veux en venir, annonça-t-elle.

- ELIT m'a confié des secrets, on est d'accord ? Dont peut-être la sortie de ce Bunker. Mais je suis juste conscient que je les possède, sans y avoir accès. Et si je n'y avais pas accès simplement parce qu'ils sont stockés sur une autre personnalité ? Un autre moi qui est... endormi.

La jeune fille ne répondit pas immédiatement, elle détourna de nouveau son regard sur l'eau pour repasser les paroles de Tobin. Après un temps, elle formula :

- C'est possible, ça serait extrêmement tordu mais c'est possible. Mais comment tu veux retrouver l'accès à cette troisième personnalité ?

- La manière dont je dois m'y prendre, rétorqua l'adolescent, aucune idée, mais on a quelqu'un ici qui peut avoir des informations : Timothy.

- Il ne parle pas, lui rappela la leadeuse.

- Il va parler.

Tobin pensait ce qu'il disait : il allait trouver un moyen de faire sortir Timothy de son silence, c'était leur seul espoir de liberté pour le moment. Après un long blanc presque intimidant, Tobin tenta de diriger la conversation vers un sujet plus frivole :

- Au fait, qu'est-ce que tu fais là ? questionna-t-il avec une pointe d'insolence. C'est interdit, même pour la chef !

- C'est un endroit... relaxant, trouva-t-elle pour seul argument.

Il secoua la tête en pinçant les lèvres.

- Je suis vraiment désolé, mais il va falloir que je neutralise les rebelles, c'est mon devoir.

Sans lui laisser le temps de comprendre ce qui lui arrivait, il poussa Tilya dans l'eau, toute habillée. Elle coula pendant quelques secondes avant de remonter à la surface, passant ses mains sur son visage.

- Je vais te tuer ! cria-t-elle sans parvenir à dissimuler son sourire.

- Tu vois, là c'est marrant parce que je regarde ton visage et je vois que tu n'es pas du tout en train de mentir et je me dis que je devrais peut-être commencer à cou...

Il n'eut pas le temps de finir la fin de sa phrase, Tilya avait nagé jusqu'à lui et attrapé son poignet. Elle le tira et sans se débattre, Tobin bascula dans l'eau à son tour.

**

Cléo n'avait qu'une seule envie : s'enfuir. Cela faisait plus d'un mois que Io et lui étaient coincés dans le bâtiment d'ELIT Beauté. À chaque fois qu'ils faisaient une requête à Paula, la directrice du programme, elle trouvait le moyen de les faire rester un peu plus longtemps. Cléo en avait marre d'être manipulé, mais dès qu'il se retrouvait face à cette énigmatique femme, il était sous le charme et finissait toujours par accepter de prolonger son séjour de quelques jours.

Le seul point positif était Airla, il ne s'était pas rendu compte à quel point son ancienne vie lui avait manquée. Il avait été tellement obnubilé par le fait de retrouver son meilleur ami qu'il en avait oublié tout ce qu'il avait laissé derrière lui. Les membres du programme Beauté n'étaient pas drogués, il ne savait pas pourquoi, Airla et lui passaient donc beaucoup de temps à se rappeler les derniers mois qu'ils avaient passés ensemble.

Io ne sortait quasiment jamais de la chambre qu'on lui avait accordée, elle avait même fait quelques tentatives de fuite, sans jamais réussir. Désormais, Paula se méfiait d'elle et ne la laissait se promener librement qu'à l'heure des repas. Cléo imagina que l'arrangement convenait aux deux.

Il était vingt-trois heures quand le jeune homme frappa à sa porte. Il n'obtint aucune réponse, pourtant, il entendait que de l'autre côté, Io bougeait. Il toqua de nouveau en précisant :

- C'est Cléo.

Comme elle ne l'autorisa pas à entrer, il s'accorda lui-même ce droit et pénétra dans la chambre.

Le parquet et les murs étaient tapissés de feuilles de papier, Cléo fronça les sourcils, se demandant comment elle avait fait pour s'en procurer autant à l'heure où la déforestation était gravement punie par la loi.

Io était à genoux sur son lit et lisait ce qu'elle avait écrit sur ce pan.

- Ça va ? s'inquiéta Cléo.

- Ferme la porte ! lui ordonna la jeune femme, catégorique.

Il obéit et baissa les yeux, l'écriture de Io était indéchiffrable.

- Qu'est-ce que tu fais ? l'interrogea-t-il.

Elle descendit de son lit dans un soupir et se laissa tomber sur une chaise.

- Cléo, l'appela-t-elle, comme pour lui faire la morale, tu ne t'es jamais posé de questions sur tout ça ?

- Si, là tout de suite je m'en pose une : c'est quoi ce bordel que tu nous as fait ?

Io lui accorda un regard noir.

- Non, je veux dire sur cet endroit. ELIT Beauté ! Pourquoi on aurait besoin d'une branche consacrée à la beauté ? Il y a forcément une raison.

- Et c'est ce que tu essayes de trouver, devina-t-il en faisant le tour de la pièce du regard.

Elle hocha la tête.

- Et qu'est-ce tu as trouvé ?

- RIEN ! hurla-t-elle. Je ne vois pas le rapport. Mais je crois savoir où chercher. ELIT possède une grande archive virtuelle avec les données sur tous les participants, Timothy m'y avait donné accès il y a quelques années. Si on peut savoir qui sont ces personnes, ça serait pas grand chose, mais ça serait un début.

- Je t'accompagnerai pas dans ton délire de hors-la-loi, l'informa Cléo.

- Toi, fais ce que tu veux mais j'ai besoin de ta petite amie.

Cléo eut une moue surprise, il lui fallut un instant avant de comprendre qu'elle parlait d'Airla.

Aussitôt, le jeune homme secoua la tête et se défendit :

- Quoi ? C'est pas ma petite amie !

Io leva les yeux au ciel.

- Je suis beaucoup de choses, dit-elle, mais je ne suis pas aveugle. Et à voir votre complicité, je dirais que vous vous êtes fréquentés avant ELIT. Dis-moi, tu ne m'avais pas dit que c'était la fille sur laquelle Tobin fantasmait depuis des années ?

Cléo passa sa main derrière sa nuque, gêné. Lui qui avait d'habitude réponse à tout se retrouvait subitement silencieux. Io enfonça le clou :

- Si, c'estbien ce que tu m'avais dit, tu es un très mauvais meilleur ami.

Comment t'as fait pour lui mentir pendant tout ce temps sans qu'il

ne le remarque ?

- Quand on vit dans le mensonge, comment peut-on reconnaître la vérité ? proposa Cléo pour dissimuler sa culpabilité.

- Oh, très fin, très philosophique. Alors, tu vas m'aider ? demanda Io dans un sourire faux.

Le jeune homme prit une longue inspiration avant d'acquiescer : il en avait marre d'être manipulé par les femmes de cet établissement.

Par il ne savait quel moyen, il avait réussi à convaincre Airla de les mener en pleine nuit jusqu'à la salle de contrôle. ELIT Beauté n'était pas aussi contrôlé que le programme principal. Une vingtaine de personnes à peine travaillait dans l'établissement et rentrait chez eux en fin de journée. Les portes n'étaient pas verrouillées, probablement parce que les participants de ce programme n'en avait rien à faire de leur dossier d'archives.

Alors qu'ils pénétraient dans la salle sombre aux multiples écrans d'ordinateur, Cléo observa Airla et se rendit compte qu'Io avait eu raison : il était un affreux meilleur ami. Les deux adolescents avaient commencé à se fréquenter l'été précédent et Cléo avait toujours été conscient de la situation délicate dans laquelle il se mettait. Mais il n'avait jamais mis fin à leur relation pour autant.

Io alluma un écran et la lumière soudaine extirpa Cléo de ses pensées.

- Qu'est-ce que vous voulez savoir exactement ? les interrogea Airla.

- Tu peux partir, merci, dit Io pour seule réponse.

Airla se tourna vers Cléo et haussa les sourcils, silencieusement, il lui indiqua que cela ne servait à rien de s'énerver : Io était sur les nerfs, personne ne pouvait rien y faire.

Airla déposa un baiser sur la joue du jeune homme et s'éclipsa, laissant les deux participants d'ELIT seuls entourés de machines.

- Je vais essayer de faire comme Timothy, mais les chances que ce soit le même chemin sont infi... Je retire ce que j'ai dit.

Une liste de noms apparut sur l'écran. Io cliqua sur un au hasard et un fichier complet relatant toutes les caractéristiques d'un participant du programme Beauté s'afficha.

Io la lut très rapidement et avant même que Cléo n'ait le temps de terminer, elle pointa une ligne. Elle indiquait "Membre attribué : Eena."

Cléo vit le voile de tristesse qui passa sur le visage d'Io. Sa sœur devait lui manquer, au moins quand elles étaient à ELIT, elle pouvait la voir tous les jour.

- Ça signifie quoi ? s'enquit-elle.

Cléo haussa les épaules, elle ouvrit un autre fichier : celui d'une fille. À la même ligne, la même appellation revenait, mais cette fois-ci avec un nom différent : "Membre attribué : Eoghan."

Ils passèrent ainsi en registre tous les fichiers et trouvèrent à chaque fois, associé à un membre du programme ELIT, un participant de la branche Beauté. Quand ce fut au tour d'Airla, Cléo retint son souffle. Il lut la ligne : "Membre attribué : Tobin." Il n'avait amais été jaloux de son meilleur ami auparavant ; pour une raison stupide, il l'était désormais.

Io éteignit l'ordinateur d'une simple pression sur un bouton et se leva pour quitter la pièce.

- C'est tout ? l'interrogea le jeune homme.

- Ouais, je crois que j'ai compris.

Il haussa les épaules et la suivit, Io était intelligente, il lui faisait confiance, si elle pensait avoir, compris les chances qu'elle ait raison n'étaient pas loin de cent pour cent.

Une fois dans les couloirs, Io jeta un coup d'œil autour d'elle pour s'assurer qu'aucune oreille indiscrète ne traînait dans les parages.

- Ils forment des couples, affirma-t-elle et Cléo fronça les sourcils. Ils forment des couples : un beau, un talentueux.

- Et pourquoi ?

- Pour faire des enfants ! rétorqua-t-elle d'un ton méprisant.

- Excuse-moi si c'est pas la première chose qui pourrait me venir à l'esprit. Désolé mais je pense que tu tires des conclusions un peu trop hâtives.

Io soupira, ne supportant pas de ne pas être soutenue.

- On s'en va, finit-elle par ordonner. Cette nuit, maintenant.

- Pour retourner dans la forêt ? Non merci.

Ils avaient mis presque une semaine à se remettre physiquement de leur séjour dans les bois, même s'il avait très envie de quitter cet endroit, il ne voulait pas retourner une minute de plus dans cette forêt.

- On vole une voiture, proposa Io. Ils en ont en réserve deux étages plus bas.

- Rien que ça ! Et d'ailleurs comment tu sais ça ? T'es vraiment une fouine.

Elle sembla le prendre pour un compliment.

Cléo soupira et concéda dans un mouvement de tête :

- D'accord, mais on emmène Airla.

Io émit un bruit dédaigneux, tout en roulant ses yeux dans leur orbite. Elle finit par accepter d'un revers de la main. Les deux participants se séparèrent et décidèrent de se donner rendez-vous dans la grande salle du bâtiment cinq minutes plus tard.

Cléo accourut jusqu'à la chambre particulière d'Airla. La porte était déverrouillée, elle ne dormait pas encore et attendait sur une chaise, un livre à la main.

- Vous avez trouvé ? questionna-t-elle.

- Tu dois venir avec nous, on s'en va, dit-il sans apporter de réponse.

Elle leva un sourcil, surprise par cette attitude aussi pressé.

- Je peux pas, répliqua-t-elle, je dois rester ici, j'ai signé un contrat.

- Un contrat ? De quoi tu parles ? Prends tes affaires et suis-moi, s'il te plaît...

Elle secoua la tête et le cœur de Cléo se serra.

- Le contrat qui place mes parents en sécurité, je participe et en échange, Sifrey vaccine mes parents. Mais pars, toi ! Vas-y !

Cléo la dévisagea, il n'avait jamais été aussi confus de toute sa vie, tous ces mots, ce n'était qu'un charabia.

Avec un certain remord, il referma la porte de la chambre d'Airla, n'insistant pas plus, il rejoignit le rez-de-chaussée où Io l'attendait déjà. Quand elle remarqua qu'il était seul, elle ne dit rien et il lui en fut reconnaissant. Ils descendirent jusqu'au sous-sol et volèrent la voiture. Ou plutôt, Io vola la voiture pendant que Cléo de son côté, n'avait fait que regarder, envahi par une vague d'émotions désagréables. Ils s'échappèrent d'ELIT Beauté cette nuit-là mais Cléo n'en ressentit aucune joie.

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