L'enfant de la Jungle

By ChildoftheJungle

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Un petit se réveille dans les pattes de sa mère. Dans la nuit, des créatures ont hurlé à l'astre nocturne. Qu... More

I
II
III
4 - L'autre
Interlude, avant la Partie II : Sur l'auteur
V
VI - L'humain
VII - L'arbre-monde 🌳
VIII - La feuille qui a vu le jour
10 - L'Autre
Interlude, avant la Partie III : Derrière le Roman
° XI : L'arène et la forêt de kelp °
° XII : La caverne des amphibiens °
° XIII : Pourquoi les crânes troués ne sentent-ils pas le sang ? °
° XIV : L'éthique amphibienne °
° XV : L'amphibien °
° XVI : La surface °
17 - Fusion de l'autre en soi
Interlude final - Identité et valeur

IX - La communion des racines

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By ChildoftheJungle

   Je me jette d'une branche à une autre, accompagnant Sélène, pour sa communion aux racines. Les lueurs violacées du couché drapent encore ce ciel d'aurore nocturne.

   — Je ne savais pas que ça me prendrait tout hier pour redescendre de l'arbre-monde.

   — Je sais.

   — Je m'en veux d'avoir raté ta dernière nuit dans ton corps.

   — T'en vouloir, pourquoi ? Tu as fait ce qui est Bien, en ramenant la feuille à cet humain.

   Elle ne...

   On glisse le long d'une immense feuille verte, jusqu'à poser pieds au sol. Aux abords du ruisseau qui jaillit et entoure l'arbre-monde. Tous les corps d'elfes du village sont, pour la première fois, les pieds sur la terre. Ils longent et entourent le ruisseau. Ils contemplent Sélène qui glisse son pied dans l'eau.

   Je ne peux pas l'accompagner plus loin.

   J'espère que les elfes ne vont pas encore tous se dire que c'est la faute du petit d'humain qu'elle est en retard...

   Je sens mon ami sanglier se frotter contre ma jambe droite.

   Sélène s'immerge dans la brume du mycélium. Elle atteint les rivages de l'ilot et s'enfonce pieds-nus sur la mousse verte, gorgée de rosée vespérale. Elle disparaît derrière une racine saillante, recouverte de fougères et de grappes de glycines bioluminescentes. Et réapparait de l'autre côté, non loin d'un hydne hérisson. Elle pose sa paume sur l'écorce de l'arbre-monde, avant de se coucher en son ruisseau, la nuque posée aux premiers enfoncements de la source et au creux de l'arbre-monde, ses cheveux devant s'entremêler aux racines. Ses yeux peuvent sûrement voir jusqu'au fond du tunnel, creusé dans le tronc.

   Je me demande ce qu'elle y voit...

*

   Elle se relève.

   C'est terminé. Elle a l'habitude de glisser dans et hors de son écorce. Cette fois-ci, c'est juste pour l'éternité. Elle fait de l'arbre-monde sa demeure.

   Une nuit, elle m'a dit : "S'incarner, c'est comme être un champignon qui fructifie, et, se désincarner, c'est comme se résorber dans le grand tout du mycète". Mais je ne sais pas ce que ça fait d'être un champignon, alors en être un qui fructifie et se résorbe, encore moins.

   Son pied glisse dans l'eau. Son corps s'éloigne de plus en plus de son esprit, à mesure qu'elle traverse les ondes du ruisseau. Elle me tend la main et je la tire sur la terre ferme.

   — Y a déjà eu des esprits qui se sont éloignés de leur arbre-monde ?

   — Les esprits-aventuriers. Certains de cette communauté vont jusqu'à traverser le fleuve et rejoindre la mangrove d'en face, pour voltiger entre les pattes des palétuviers.

   La mangrove d'en face...

   C'est loin ça ?

   On s'entraide, pour grimper l'épaisse feuille. Le sanglier nous regarde, interloqué. On parvient à se tirer jusqu'en haut de ce mont vert et, de feuille en feuille, atteindre la première branche. On passe de l'une à l'autre, en direction des rivages de cabanes, tandis que notre ami détale pour monter le colimaçon et nous rejoindre au plus vite. Je vois Hemingway, sur la terrasse.

   — T'es forte en magie élémentaire ? Tu connais un sort pour que je puisse respirer sous l'eau ?

   — Ce n'est pas de la magie élémentaire... mais oui, c'est un des sorts originels.

   Elle s'arrête sur une branche et je la rejoins. Mon regard se fixe sur sa pupille, il s'y reflète la mienne, à l'infini, fixé sur mon propre regard. Sa main se pose sur mon torse. Je sens une étrange vibration, du bas de ma nuque jusqu'aux abords de la mâchoire et jusqu'aux profondeurs de mes poumons. Elle m'a guérie de l'eau.

   Je ne suis plus mortel face à cet élément.

   Sélène repart aussitôt. Elle rejoint la terrasse, alors que je suis encore là, à me toucher le cou pour comprendre ce qui s'est passé. Je sens comme de faibles rayures de porosité, mais rien qui ne puisse être visible.

   Je rejoins Hemingway, Sélène et le sanglier, content d'être arrivé avant moi.

   — Je rentre chez les humains, après ça, entends-je avant que mes pieds s'écrasent sur la terrasse.

   Suivant Hemingway, l'on fait le tour de l'anneau ouvert que forme le village, jusqu'à son bout. Là où les cabanes cèdent le passage au ruisseau voyageur de l'arbre-monde. De notre extrémité, on peut voir, au loin et entre les arbres et les feuilles grasses, les toits de pailles des premières cabanes de l'autre rive, de l'autre extrémité de l'anneau.

   — C'est ici, gamin.

   La dernière maison de la terrasse centrale. Elle est faite de l'arbre même qui la soutient, avec une de ces habiletés.

   Ça, c'est de la magie élémentaire.

   A l'intérieur décoré de géodes d'améthyste, je reconnais l'elfe qui parlait à Hemingway, lorsque je l'ai rencontré.

   — Nous aussi, nous souhaiterions te poser une question, petit des grands singes.

   Je regarde Sélène. Elle sait par ses pensées, comme eux par les siennes.

   De quelle question parlent-iels ?

   — Là-haut, dans les feuillages de l'Arbre-Monde, as-tu vu un ermite ?

   — Non.

Le regard de l'elfe semble s'oublier. Iels réfléchissent.

   — Y'as-tu vu les Rivages entre les ténèbres et la lumière ? Peut-être sentie ou entendu quelque chose ?

   — J'ai... j'ai entendu une sorte de chuchotement. De voix silencieuse. Mais ça n'avait l'air ni réel, ni présent.

   — La parole insonore ?

Ses pupilles se fixent sur les miennes.

   — Je ne sais pas. De qui est-ce la voix ? Demandé-je.

   — L'on pense, du Cerf Blanc. Mais toi, es-tu toujours ton toi ?

   — Dans quel sens ?

   — Te sens-tu toujours la même personne ? Dans les Arbres-Mondes, il y a des champignons anthroposymbiotiques, ils peuvent altérer l'identité et la volonté, parfois autant même qu'une fusion.

    Est-ce que je me sens toujours moi-même ? C'est une étrange question.

   — C'est surtout des parasites de l'esprit ! Grommelle Hemingway.

   — Quoiqu'il en soit, nous devons bien au petit de localiser son origine, se parle-t-elle à elle-même.

   Elle se dirige vers un bac surélevé, à terre rouge, et pose ses doigts sur la volve d'un champignon poussant sur l'écorce du mur. Elle le retire et le pose au centre du désert incarnat.

   — Dessines-y ce qui t'entoure. Retranscris l'espace qui t'encercles sur cette terre.

   Je m'attèle à la tâche. Tout autout du champignon, je grave des sillons et structure cette carte d'une seule volonté, ne laissant inchangé que les vastes limites de jungles inexplorées.

   Une fois achevé, l'elfe chuchote un court chant et dans son souffle, le mycélium prend racine et se dessine un chemin.

   — C'est celui de tes déplacements passés. Il remonte jusqu'à ton origine.

   Il cesse à l'Ouest, loin dans l'inconnu. Chez les humains.

   — Hemingway, je veux rentrer avec toi.

   — Arrête, gamin, qui t'as dit que j'accepterais.

   — Je ferais en sorte de ne rien te coûter.

   Il me toise.

   — D'accord.

   — C'est Bien, tu fais des choses gratuitement, à présent, remarque l'elfe.

   — Pas gratuit, au plaisir de faire plaisir.

   Sur ces mots, il tire légèrement sur la tête d'ours qui lui sert de capuche, comme pour lui faire une discrète révérence.

   — Allez, on y va.

   — J'aimerais aller voir le Lapin Blanc, une dernière fois, avant de partir.

   — Vas-y, mais revient vite, parce que je ne t'attends pas et ils n'ont pas de cloches dans leurs villages pour te donner l'heure.

   Leurs heures humaines, j'ai du mal avec cette façon de compter le temps. Je ne comprends pas pourquoi ils veulent découper le jour et la nuit, le sommeil et l'éveil, surtout aussi précisément et systématiquement. Qu'importe, il faut juste que je sois revenu avant un truc.

   — C'est quoi cette histoire de lapin blanc ? Entends-je Hemingway demander derrière moi, alors que je sors de la demeure de l'elfe.

   — Il le poursuit depuis qu'on le connait. On estime que c'est un résidu de quand il était gorille, Sélène ne nous en as pas partagé davantage.

   Je m'en vais et rejoins la liane démesurée que j'ai trouvée et accrochée de la terrasse du soleil levant jusqu'à un arbre, plus proche des rivages de sable. J'arrache un morceau à une autre liane en chemin et l'utilise pour glisser le long de celle qui me supporte, sans me brûler les mains.

   Je traverse comme un esprit l'océan de la jungle, fendant ses feuillages en deux et jaillissant hors de l'ombre de l'arbre-monde. Je continue à pied. J'aperçois les premières lueurs de sable et d'eau. Je cours, jusqu'à ces rivages et je m'écroule sur sa plage.

   Le sable est doux, le vent salé.

   Le Lapin Blanc est là.

   Mon plus ancien ami.

   Je me repose sur un petit mont ensablé, rogné par les herbes, et l'admire, entourée par cette grande baie.

   — Tu penses qu'un soir je trouverais mon nom ?

   Aucune réponse ne se fait ouïr. Mais j'entends quelque chose d'autre. Comme quelque chose qui glisserait hors de l'eau, de ses flots et de son obscurité.

   J'entends comme un frémissement d'écailles.

   Je sens une odeur.

   Cette odeur.

   Je me sens...  

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