Meurtres en story (Wattys2022)

By DaRio98

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Le lycée Paul Eluard est un établissement plutôt calme habituellement. Pourtant, ce matin les élèves sont tou... More

Présentation
Chapitre 1
Cher journal - interlude 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Cher journal - Interlude 2
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Cher journal - interlude 3
Chapitre 11
Chapitre 12
Cher journal - interlude 4
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Cher journal - interlude 5
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Interlude 6
Epilogue

Chapitre 13

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By DaRio98

Sur le chemin du lycée, un peu en avance comme toujours, Théo réfléchissait. La situation était inédite à plus d'un titre.

Pour commencer, s'il était peut-être un peu tôt pour parler d'un tueur en série, il était évident qu'un assassin s'en prenait aux élèves de Paul Eluard. Il avait frappé hier à nouveau et en direct sur Instagram.

Léa avait assisté au live, bien entendu, et avait été traumatisée par ce qu'elle avait vu. Qui ne l'aurait pas été ? Et c'est là que venait le trouble de Théo. Parce qu'elle avait été sous le choc, Léa avait contacté plusieurs de ses camarades pendant la nuit. Elle avait eu beaucoup de mal à fermer l'œil à cause de l'agression. Parmi celles et ceux à qui elle avait envoyé des messages, elle s'était tournée vers Théo. Aux dernières nouvelles, ils n'étaient pas vraiment amis.

Certes, il avait découvert qu'il appréciait la jeune fille à tendance hyper active, mais il n'aurait pas parié sur le fait qu'ils se reparleraient avant longtemps. Avec la mort en direct d'Albane, ils avaient échangé toute la nuit ou presque. Cela avait commencé par l'agression, bien sûr, puis Théo avait vite fait en sorte de détourner le sujet pour apaiser Léa.

Par conséquent, la mort de leur camarade les avait rapprochés bien plus efficacement que Déborah qui était pourtant leur amie commune. C'était particulièrement glauque comme situation, avait pensé Théo en fermant les yeux pour s'endormir, vers quatre heures du matin. Il était allé jusqu'à imaginer une scène dans laquelle ses enfants lui demanderaient comment il avait rencontré sa mère.

— Une fille de notre lycée est morte étranglée et du coup on a compris qu'on se plaisait, avait-il répondu en pensées.

D'un autre côté, se rappela-t-il en franchissant le grand portail, ils étaient encore loin de former un couple. Pour ce qui était d'avoir des enfants, il y avait encore une petite marge.

L'ambiance dans le sas le ramena immédiatement une semaine en arrière, à la mort de Lenny. La différence était cependant de taille, réalisa-t-il. La dernière fois, on parlait avant tout d'un accident ridicule, incluant un chat. Cette fois, il s'agissait d'un meurtre, sans le moindre doute.

Les élèves étaient presque tous penchés sur leurs smartphones. Ils devaient rejouer en boucle la story de Make Up Albane. Théo ne l'avait pas regardée, il n'était pas parmi ses abonnés et se refusait à jouer les voyeurs. Par ailleurs, Léa lui avait décrite par le détail, c'était presque comme s'il l'avait vue.

Contrairement à la semaine précédente, cette fois, il y avait de nombreux élèves en pleurs. Des filles principalement. Elles ne devaient pas connaître le personnage, pensa Théo avec un sourire ironique. Il avait déjà entendu quelques histoires sur l'influenceuse super star du lycée, mais sa dernière humiliation ayant eu pour cible Déborah, il la jugeait encore plus sévèrement à présent. Encore une élève qu'il ne regretterait pas, pensa-t-il lorsque la main de Saïd s'écrasa sur son épaule.

— Wesh ! lâcha-t-il en faisant sursauter Théo. T'as entendu ce qu'il s'est passé cette nuit, au parc aux alouettes ?

Théo poussa la double porte du sas pour déboucher face au bâtiment A.

— Je ne vois pas comment j'aurais pu rater ça, tout le monde est au courant.

— J'ai entendu dire que les cours de la matinée sont tous annulés.

— T'es sérieux ? s'étonna Théo. Genre, quand Lenny meurt, chacun continue sa vie, mais pour Albane, on fait une journée de deuil ?

Saïd s'esclaffa.

— Déjà, c'est que la matinée, mais en plus c'est même pas sûr, précisa-t-il. J'ai entendu dire, mais j'ai rien vu sur Pronote.

Dans le préau du bâtiment A, ils rejoignirent Gabriel qui confirma qu'il avait lui aussi saisi que les cours seraient annulés.

Théo allait se plaindre de nouveau lorsque Léa apparut dans son champ de vision. Pour la première fois, en la voyant auprès d'Iris, son cœur accéléra brutalement et il sentit une gêne dans sa gorge. Ce fut étrange et si soudain qu'il ne sut comment réagir. Cela n'aurait pas été bien grave si elle avait continué son chemin, comme elle le faisait si souvent, mais elle décida de s'arrêter à leur hauteur. Elle plaqua un baiser sur la joue de Théo en le remerciant à nouveau de lui avoir tenu compagnie la nuit dernière. Les regards des deux garçons l'interrogèrent silencieusement, mais sans aucune discrétion et il resta bloqué une seconde de trop.

— Allez pas vous imaginer des trucs, bandes de pervers ! grogna Léa, faussement vexée. On a causé en MP, OK !

— J'ai rien dit, moi, se défendit Gabriel.

Léa leva les yeux au ciel et le sujet fut évacué, contrairement à la gêne de Théo.

— Vous avez entendu que les cours sont banalisés jusqu'à dix heures ? demanda Léa ensuite.

Saïd se plaignit que ce ne soit pas toute la matinée, comme il l'avait compris au départ.

— Faut pas exagérer non plus, calma Iris de sa voix calme.

Contrairement à Léa, Iris était du genre parfaitement posée, un peu comme Déborah. Théo s'était toujours étonné que ces deux filles s'entendent si bien avec la pile électrique qu'était Léa. Les mystères des relations humaines.

— Mais pourquoi ils annulent les cours, au juste ? interrogea Gabriel.

— Y a un genre de réunion de crise des profs, en fait, répondit Iris.

Elle était déléguée de sa classe, ce qui lui donnait un temps d'avance concernant de nombreuses informations, selon Léa.

— J'imagine que ça a un rapport avec Albane, quand même, non ? demanda à son tour Théo. Et nous, on est censé faire quoi, pendant ce temps-là ?

Il eut soudain comme une illumination et tourna sur lui-même à la recherche de son amie, manifestement absente.

— Elle est où Débo ?

— Bah dis donc ! sursauta Léa. Je croyais que c'était ta meilleure amie et tu remarques seulement maintenant qu'elle est pas là.

Théo se passa de répondre, mais ne put réprimer la grimace de désapprobation qui lui tordit la bouche.

— Elle est quelque part dans la cour avec notre cher Nathan, voyons.

— Oh...

Il dirigea un regard désappointé vers Gabriel. Il semblait que les choses se soient finalement accélérées entre Déborah et Nathan. Au grand dam de Gabriel qui resta digne et n'eut aucune réaction visible. Théo n'insista pas sur le sujet.

— Vous croyez qu'ils vont fermer le lycée ? proposa-t-il.

— Franchement, ça ne serait pas une bonne idée, déclara Léa.

Elle expliqua que sa mère lui avait refait la leçon, le matin même, pour tenter de la convaincre d'arrêter les réseaux sociaux.

— Comme si c'était ça le problème ! grinça-t-elle. Fermer le lycée, ça serait vachement plus efficace.

— Je ne vois pas bien en quoi, contra Iris, soutenu par Saïd. Les meurtres n'ont pas lieux ici, pour l'instant.

Léa ne trouva rien à redire à cet argument et se repencha sur son téléphone portable. D'un rapide coup d'œil, Théo confirma qu'elle était sur Instagram à nouveau.

— Tu espères trouver le coupable ? demanda-t-il moqueur.

— Tu rigoles, mais c'est possible ! sourit-elle. Regarde le nombre de story qui parlent d'Albane ce matin ! Y a même déjà un hashtag spécial.

— Sérieux ? s'étonna Gabriel.

— #Meurtreenstory ! ajouta-t-elle en montrant son écran avec le nombre de posts possédant ce mot clé.

— Waouh ! se contenta de lâcher Saïd.

— N'empêche que c'est pas comme ça que tu vas trouver le coupable, souffla Théo.

— Je suis sûre que c'est Ambre.

Iris avait à peine chuchoté sa réponse et tous les regards se tournèrent vers la métisse. Elle ne pouvait pas en rester là, déclara ensuite Léa. Iris n'eut pas à se faire prier pour développer son point de vue. Selon elle, il était de notoriété publique qu'Ambre en avait après Lenny qui était de toute façon un sale type.

— Oui, on sait, tu l'as déjà dit, coupa Léa impatiente.

— Laisse-moi finir, poursuivit Iris.

Ambre n'avait toujours pas remis un pied au lycée et, d'ailleurs, personne ne l'avait revue depuis l'accident de Lenny. Et il semblait, en plus, qu'elle avait aussi eu un accrochage avec Albane, il y a peu.

— Elle avait donc des comptes à régler avec elle aussi, conclut Iris.

— Ouais, admit Théo.

— Mais si j'ai bien suivi, intervint Saïd, la moitié du lycée avait des comptes à régler avec elle, non ?

Léa pouffa.

— La moitié, faut pas abuser, mais un certain pourcentage quand même, c'est clair !

— C'est pas assez pour l'accuser, déclara Gabriel, à son tour.

— En tout cas, reprit Léa, sans lâcher son écran des yeux, tout le monde est d'accord pour dire qu'il y a un tueur en série qui rôde et s'en prend aux élèves du lycée.

— Je ne suis pas sûr que pour deux, on parle de meurtrier en série, contra Gabriel. En plus, personne ne sait si c'était un meurtre, en ce qui concerne Lenny. C'était peut-être vraiment un accident. Je crois que la police cherche toujours.

— Ah ouais ? s'étonna Iris. C'est long !

— Je sais pas si c'était un meurtre vraiment, éluda Léa, mais en tout cas, ils sont tous les deux morts en direct en story. C'est plus qu'une coïncidence, à mon avis. D'ailleurs, y en a qui parlent carrément d'un justicier.

— Hein ?

Iris demanda plus d'explications et Léa en profita pour fanfaronner. Instagram avait finalement un côté pratique, chantonna-t-elle d'un air supérieur. Selon elle et son fil d'actualité, le hashtag le plus souvent lié aux posts concernant Albane était #Justiceenstory.

— T'es sérieuse ? s'écria Iris. Genre, les gens s'imaginent que le tueur fait ça pour rendre la justice ?

— Tu pensais bien que c'était une vengeance d'Ambre, confirma Théo. Pourquoi pas ?

— Déjà parce qu'Albane avait quand même pas mal de soutien, officiellement, répondit Iris. Je veux dire, elle avait vingt-mille followers, non ? Ils doivent tous être au courant qu'elle est morte maintenant.

— Oui, confirma Léa, mais je ne suis pas abonnée à eux, je suis abonnée aux élèves du lycée seulement, et eux, ils la connaissent pour de vrai. Ils savent que c'était pas une fille si cool que ça.

— En tout cas, s'entêta Iris, si c'est une question de justice, je persiste que le meilleur suspect, c'est Ambre.

— J'espère que t'as raison, en fait, dit Léa. Ça voudrait dire qu'elle agit par vengeance et j'aurais rien à craindre. Parce que là, je rigole avec vous, mais en vrai, je suis en panique.

Il y eut un silence et les regards se firent plus tristes. Personne n'était complètement rassuré, déduisit Théo. Il tenta tout de même de la rassurer en posant une main sur son épaule et lui adressant un sourire.

— T'inquiète, tout le monde t'aime, toi, fit-il en la fixant droit dans les yeux. Personne n'a rien à te reprocher.

Elle pouffa en repoussant sa main et Théo fit de son mieux pour ne pas le prendre trop mal.

— Bien tenté, mais je suis sûre qu'il doit y avoir des gens qui ne m'aiment pas, déclara-t-elle avec le plus grand sérieux. On a tous un ennemi quelque part.

— C'est vrai, renchérit Gabriel. Mais je doute que tes ennemis et ceux de Lenny ou Albane soient les mêmes.

— Grave ! soupira Iris avec un sourire.

Léa remercia ses camarades d'essayer de lui remonter le moral, mais déclara qu'elle ne serait vraiment tranquille que lorsque le coupable aurait été appréhendé.

— J'en fais mon affaire, proclama Iris, le plus sérieusement du monde.

Les trois garçons éclatèrent de rire en même temps et elle les fusilla du regard à tour de rôle.

— Vous croyez qu'une fille ne peut pas résoudre une enquête ? s'emporta-t-elle.

— Je crois qu'une lycéenne ne peut pas résoudre ce genre d'affaire, en fait, corrigea Saïd. T'es pas vraiment Enola Holmes, il me semble.

Un nouveau silence s'installa alors dans le groupe et Iris plissa les yeux pour dévisager Saïd avec un air de soupçon.

— Dis-moi, t'étais où hier soir, vers vingt-deux heures ?

Si le reste du petit groupe s'esclaffa de cette déclaration, Saïd ouvrit de grands yeux ronds avant de se voir contraint de répondre par la métisse, manifestement très sérieuse.

Non seulement, il était chez lui, devant Netflix avec sa sœur, précisa-t-il, mais il habitait à plus de dix kilomètres du lieu du crime et il n'avait aucun moyen de transport.

— T'es vraiment pas près de trouver le coupable, se moqua-t-il ensuite.

— Mouais, maugréa Iris. 

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