Consignes — À partir d'un choix d'images, créer un texte respectant ces critères :
- vous écrirez en point de vue interne (1re ou 3e personne, c'est vous qui voyez, mais en passant la narration par les perceptions d'un des personnages) ;
- vous utiliserez au moins deux formes de paroles rapportées différentes ;
- vous présenterez au moins deux styles différents (narration/personnage, par exemple) ;
- vous intégrerez une description subjective d'un lieu ou d'un personnage par le biais de votre personnage-narrateur ;
- vous ne dépasserez pas les 1000 mots (environ deux pages A4).
À vous de juger :
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— Qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que c'est ?
Depuis qu'elle a basculé de l'autre côté, Rosie n'ose pas ouvrir ses yeux. En équilibre sur le fil de son rêve, elle écoute les voix dans le vent. Des voix soufflantes, susurrantes, sifflantes. Presque le chant du vent dans les branches de la forêt qui l'entourait avant qu'elle bascule. Mais elle sent bien que quelque chose a changé dans la texture de l'air : elle perçoit comme une tension magique, l'imminence de l'aventure qui pétille sur sa peau, dans sa bouche, dans ses poumons — sur ses lèvres. Comme une formule magique prononcée malgré elle et qui sortirait toute seule.
Elle soulève doucement ses fines paupières sur deux agates ambrées qui luisent dans le noir, projetant un halo orangé sur la prairie qui l'entoure. L'herbe à ses pieds se balance doucement dans la brise, les fleurs bariolées piquetant le velours bleu comme autant d'étoiles scintillantes de rosée.
Elle a réussi !
Les pans de brume qui se pressent autour d'elle semblent tournoyer doucement à contre-courant, prenant par moments la forme de faciès monstrueux, reptiliens et pourtant rassurants.
Elle a trouvé la clairière aux esprits !
— Qu'est-ce que tu fiches ici, petite idiote ?!
Soudain, la voix cassante la fait tressauter, et elle manque de rompre le contact, mais son visage se crispe de concentration : elle s'accroche de ce côté. Elle a reconnu sa mère-grand. Celle qu'elle est venue consulter. Celle qui hante ses cauchemars depuis aussi longtemps qu'elle s'en souvient.
— Sale petite dévergondée ! Tu es encore sortie toute seule en ville ! Il fallait bien que ton sang se répande dans l'une ou l'autre des impasses sordides de la capitale, n'est-ce pas ! Je l'avais dit à ta mère de ne pas accueillir la semence faisandée de cet incapable de cueilleur de fleurs !
— Ça suffit, Mère-Grand ! Je n'ai pas beaucoup de temps, et je ne suis pas venue me faire sermonner par une vieille bique qui s'est fait dévorer au fond des bois lors d'un rendez-vous galant avec un bûcheron qu'elle ne connaissait même pas ! Je n'ai pas de leçon à recevoir de toi !
Les serpents de brume s'étranglent de rires retenus, des éclairs allumant le brouillard, mais la mère-grand se tait enfin, prête à écouter. Alors, sa petite fille lui raconte sa quête, le panier contenant les reliques sacrées qu'il lui faut acheminer à travers les terres noires du Gardien de la Lune Rouge... Voudra-t-elle bien la protéger des dangers qui la guettent ?
Un long moment, la fillette se tait sous son capuchon vermeil, écoutant le vent chuchoter à l'orée de sa conscience. S'il le faut, elle continuera seule, mais l'aide des Anciens lui serait précieuse. Probablement cruciale, même.
— Si cette vieille sorcière te refuse son assistance, je te secourrai, distingue-t-elle tout à coup dans le brouhaha croissant des souffles qui s'agitent de plus en plus, fouettant son visage blafard des mèches rousses échappées de sa capuche. Il ne sera pas dit qu'une Chevaucheuse de mondes aura sollicité l'aide des Anciens pour repartir seule affronter les forces de l'Ombre rouge !
Elle s'empêche de sourire, car elle a bien reconnu la petite voix de fausset de son Écho, seul à lui répondre depuis bien longtemps dans sa quête solitaire. Certes, il sera là... mais d'une aide aussi dérisoire que son immatérialité le lui permet. Un soutien moral, tout au plus, et ça n'a pas été si inutile par le passé...
Enfin, tout se tait dans la clairière. La sentence va tomber.