Défi des 600

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Diarrabo, ma 600e abonnée, m'a honoré en acceptant de me soumettre un défi :

"Je souhaite que tu écrives sur la beauté de la diversité culturelle, sur sa richesse et sa complexité à travers l'histoire d'amour de deux êtres amoureux de races différentes et dont l'amour devient inaccessible par le seul fait de leur différence de couleur."


Evidemment, j'ai accepté, mais, évidemment, je n'en ai fait qu'à ma tête !


Alors ? Défi réussi ?


***


Mon Homme,


Je t'ai aimé, mon Homme.

Je t'ai aimé plus que quiconque en aurait pu être capable. Plus qu'une amie, plus qu'une amante, plus qu'une sœur.

Plus qu'une mère.

Je t'ai aimé autant que j'ai pu.

Aussi longtemps que j'ai pu.

Je ne peux plus.

J'ai tout aimé de toi : ton audace, ton impétuosité, ton ingéniosité, ta générosité, ta créativité, comme tu pouvais aimer, rire, pleurer, et toujours te relever, avancer, t'élever.

Tu as été pour moi une lumière dans le vide intersidéral, un foyer chaleureux dans le froid de l'espace, une porte ouverte par laquelle j'existais.

J'ai même aimé tes erreurs, ta violence, ta folie, ton arrogance, ta haine et ta barbarie. Oui, même ce profond abîme de ténèbres, je l'ai aimé. Car, toujours, dans la nuit insondable, dans le désespoir sans recours, tu allumais une lueur d'espérance, tu dressais le poing, tu relevais la tête et repartais de plus belle.

Comme je t'ai aimé, mon Homme, pour cet enthousiasme invincible que rien ne pouvait arrêter, pour ton incroyable capacité à résister, renaître et repousser la mort, pour ta faculté indomptable à transformer le pire en meilleur !

Je t'ai aimé dans toutes les phases de ta vie : jeune et timoré, mais si plein de curiosité et de persévérance, vigoureux et plein de rêves, toujours prêt à relever des défis, brillant et réfléchi, paré à surmonter les obstacles.

Je t'ai aimé dans toutes tes périodes chromatiques : nourrisson rose et plein d'amour, enfant solaire débordant de vie, adolescent vert et maladroit, rude et secret, bouillant et frissonnant.

Mais, désormais, je ne peux plus.

Maintenant, ton cœur est noir, sans cesse fermé aux autres, à la vie, au monde qui t'entoure. Depuis quand n'as-tu pas respiré mon parfum ? Combien de temps s'est écoulé depuis que tu as cueilli mes fleurs pour mieux les admirer ? Te rappelles-tu seulement la dernière fois où nous avons marché main dans la main au centre de l'univers ?

Non, je le sais. Tu es ton propre centre, à présent.

Ton front est rouge, aujourd'hui, car tu recherches en vain les hontes les plus vaines, les erreurs les plus crasses, les impasses les plus viles. Et tu n'affrontes plus l'indignité en toi. Tu ne rallumes plus la lueur de tes rêves. Tu n'es même plus une ombre tapie dans tes ombres.

Ton esprit est jauni par une bile amère, et tu ne vois même plus tout ce qu'enfin tu perds.

Je t'ai aimé, mon Homme, mais je ne peux plus t'aimer.

J'ai trop de bleus à l'âme, et j'ai bien trop pleuré. Partout mes larmes roulent sur les ruines que tu sèmes. Partout où mes bons soins t'offraient de beaux jardins, tu as tout piétiné, et sans aucun regret. J'ignore quel horizon t'accroche le regard, mais derrière toi la nuit s'installe à tout jamais, et chacun de tes pas enterre des promesses, achève des espoirs et détruit les possibles.

Nous sommes trop différents. Nous l'avons toujours été, évidemment, mais nos différences étaient pour nous une force, car par-dessus le gouffre de nos dissemblances, nos mains entrelacées abolissaient les distances.

A présent, tu te tiens juste au-dessus du vide, et quiconque voudrait encore te retenir tombera avec toi, souffrira et mourra.

J'ai trop perdu pour toi, trop enduré, trop sacrifié.

Mais tu n'étais pas pour moi.

J'aurais été tout pour toi, pourtant. J'ai été tout pour toi.

Avant.

Mais nos chemins en vain sont allés en complices, et je ne pourrai pas me montrer plus coupable.

Ta peau blanche et glacée a tout dénaturé de notre fabuleux destin.

Pour préserver le vert de mes restes de vie, pour préserver le bleu dans mes yeux desséchés, tu dois partir, et moi ne plus te retenir, ne plus te suivre.

Je t'ai aimé, mon Homme, mais tu ne m'aimes plus.

Ton cœur de papier-monnaie ne brûle plus que pour toi, incendiant sur ta route ce qui ne te sert pas.

Tu étais ma plus grande fierté ; tu resteras mon plus cuisant échec.

Je t'ai aimé, mon Homme, mais je ne t'aime plus.

Et tes pas sur mon sol devront bientôt se taire.

Adieu, mon Homme, mon amour.

Tu laisseras derrière toi des remords implacables, des hontes invincibles, des chagrins éternels.

J'espère seulement qu'après toi, dans mes larmes de veuve, la vie rejaillira pour repeupler mon monde de tout ce que tu as détruit.

Adieu.

Défis et autres accidents heureuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant