Les Secrets du Lidinium

By lirakelm

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Esmée ne souhaitait qu'une chose : devenir médecin et soigner la maladie mentale qui frappe sa mère. Se retro... More

Chapitre 1 : Esmée
Chapitre 3 : le grand départ
Chapitre 4 : Aaron
Chapitre 5 : Stop
Chapitre 6 : Amnésie
Chapitre 7 : la tour
Chapitre 8 : L'interrogatoire

Chapitre 2 : le lidinium

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By lirakelm

L'usine est ultra sécurisée. Mon badge visiteur ne devrait pouvoir m'emmener que dans les lieux publics : exposition, toilettes, extérieurs et cafétéria. Il s'auto-détruira à la fin de la journée, nous a prévenu le guide. Pas moyen de le garder, même pour s'en faire un souvenir. Pourtant, je ne sais si c'est dû à ma propre bêtise ou à une faille dans le système mais après un quart d'heure de déambulation, je dois me rendre à l'évidence : je suis perdue. L'usine est un vrai labyrinthe et je me perds dans des couloirs où je ne devrais pas me trouver. À un moment où un autre, j'ai dû, sans m'en rendre compte, passer un sas de sécurité resté ouvert sans avoir à badger. Je suis certaine que je n'ai rien à faire ici mais je suis impuissante. Plus j'essaie de revenir sur mes pas, plus je m'enfonce dans les profondeurs de l'usine. J'ai un très mauvais sens de l'orientation dans les bâtiments. Les couloirs se ressemblent tous et j'ai l'impression de tourner en rond. Il règne un silence angoissant. Mes pas résonnent dans mon crâne bien que je sois certaine que la moquette au sol étouffe tous sons qu'ils pourraient produire. À moins que ce soit les battements de mon cœur Je ne croise personne. En plein week-end, les employés ne sont pas nombreux à travailler. L'effervescence des étages supérieurs où se trouve la direction et l'équipe de communication a disparu. J'essaye de garder mon calme mais à mesure que j'avance, un sentiment de panique m'envahit. Je ne trouve aucun escalier pour monter et j'ai le sentiment de descendre sans arrêt. Mes yeux balaient couloirs après couloirs sans trouver aucune indication. La lumière naturelle se fait de moins en moins présente et seule la lueur aseptisée des lampes de luminothérapies éclaire mon passage. Je sens la crise d'angoisse monter. Tient donc, je ne la connaissais pas cette phobie. Jusqu'à maintenant, seule la foule me faisait cet effet. Je n'ai pas envie d'avoir des problèmes ni d'en causer à mes parents. Est-ce que quelqu'un viendra me chercher si je m'assois au milieu du couloir et me met à pleurer ? Je dois me faire violence pour continuer à avancer.

Mon téléphone. Je le sors de la poche de ma veste avec fébrilité mais rien ne répond : mon message de détresse adressé à mon père reste dans la boîte d'envoi. Pas de réseau. Aucun signal GPS. J'aurais dû m'en douter avec le niveau de protection. Je n'ai pas d'autre choix que de me débrouiller seule, alors je continue et l'usine m'avale un peu plus.

Au détour d'un couloir, enfin une anomalie. Devant moi, une porte est ouverte. Jusqu'ici, toutes étaient closes. Je m'approche dans l'espoir de trouver quelqu'un derrière qui pourra m'indiquer mon chemin. Même une personne chargée du ménage, en train de planifier les tâches des robots me serait d'un grand secours, elles connaissent souvent mieux les locaux que les employés, mais je suis vite déçue : la salle de réunion est vide. Tant pis, je ne vais pas rester sur le pas de la porte. J'entre.

Une grande table ronde de bois clair est placée au centre, entourée de dizaines de petites chaises aux coussins molletonnés de velours vert. Les murs sont d'un blanc éclatant mais la moquette grise au sol fait triste mine par son usure. Les meubles sont dépareillés. Je ne suis pas une experte en décoration mais cette pièce serait sans doute universellement admise comme étant laide. Poussée par la curiosité, j'entre malgré l'interdiction faite aux visiteurs de pénétrer d'autres pièces que celles dédiées à l'exposition. Je sais déjà que je ne suis pas dans un endroit auquel je devrais avoir accès et je n'en peux plus de cette litanie sans fin de couloirs similaires. Je sens déjà la crise d'angoisse refluer. Je vais passer quelques minutes ici avant de repartir. J'espère trouver un plan même si c'est celui de l'évacuation incendie. J'espère qu'il me donnera au moins la vague idée de l'endroit où je me trouve. Des dossiers sont disposés sur les étagères et indiquent en lettres capitales : ENVIRONNEMENT, INVESTISSEMENTS, EPARGNE, ...

Je me fais la réflexion que rien de tout cela n'est très palpitant. Je saisis une pochette au hasard. Le dossier est aussi léger que s'il était vide. Pourtant, il est gonflé, son ventre sans doute rempli de documents. Je l'ouvre et y découvre un gros morceau de lidinium effet polystyrène. Tous les autres dossiers sont semblables. Ma curiosité me fait oublier ma détresse. Pourquoi mettre ainsi de faux dossiers dans des étagères ? Est-ce que cette pièce n'est qu'un décor ? Pourquoi l'avoir choisi aussi moche ? Je m'imagine tous les scénarii possibles : une salle de réunion pour recevoir des visiteurs importants ? Sans doute pas, elle serait plus jolie si c'était le cas. La salle  rentrerait plutôt dans la catégorie fonctionnelle que prestige malgré les chaises et la grande table en bois. Une salle de réunion pour les employés ? Sans doute mais cela n'explique toujours pas la présence de faux dossiers. Peut-être que c'est une salle utilisée par la communication pour filmer des vidéos promotionnelles ?

Je n'ai pas de meilleure explication et suis un peu décontenancée. J'en oublie de chercher le plan. Je m'assois au bout de la table, dans un grand fauteuil de cuir brun. Il est si moelleux que je m'y enfonce d'une bonne dizaine de centimètres. Mes nerfs se relâchent. Je ne suis plus aussi angoissée et j'ai maintenant l'impression d'être l'héroïne d'un film, prête à vivre une aventure excitante. Si je n'avais pas voulu être médecin pour aider Maman, j'aurais sans doute suivi une carrière de chef d'entreprise comme Papa. Facile de m'imaginer ainsi, en bout de table, à diriger, à trancher les décisions, à donner des ordres.

Je prends appuie sur l'accoudoir pour me redresser mais j'ai à peine posé ma main que je la retire. La surface est couverte d'une matière poisseuse qui me laisse une tache brunâtre sur la paume de ma main. Je ne peux m'empêcher de me dire que ça ressemble à du sang. Du sang sec, qui aurait pu sécher pendant des jours mais du sang quand même. Mes cheveux se hérissent sur ma nuque et je frotte ma paume contre ma cuisse pour faire disparaître l'horrible texture dans les fibres de mon jean.

Tout cela est trop étrange. Mon enthousiasme est déjà retombé comme un soufflet et j'ai un mauvais pressentiment. Rester dans cette pièce ne m'apportera rien si ce n'est des ennuies. Je m'apprête à sortir lorsque j'entends des voix dans le couloir. Je me fige par instinct le temps d'analyser le son. Les propriétaires de ces voix sont encore loin. Elles me parviennent comme dans un écho mais je les localise dans le couloir : une pièce vide et longiligne où une seule pièce est ouverte, celle dans laquelle je me trouve. Je commence à paniquer. Aucun moyen de savoir s'ils vont se contenter de passer ou si cette salle ouverte est leur destination.

Je me retourne, prête à tout pour me sortir de ce mauvais pas, même me jeter dans une poubelle s'il le faut. Le nombre de cachettes est limité. Mon cerveau tourne au ralenti et mes jambes de cotons refusent d'avancer. J'ai l'impression d'être dans un cauchemar. À l'extérieur, les voix se rapprochent en se disputant. J'ai chaud comme si je sortais d'une étuve. Je sue et mon corps ce couvre de chair de poule.

Armoire, sous la table, derrière l'étagère ? S'ils me trouvent ici, que vais-je pouvoir leur dire ? Puis-je prendre un dossier sous mon bras et sortir comme si de rien n'était ? Ma tête de bébé ne convaincra personne que je travaille ici. Ils appelleront la sécurité. Je n'ai aucune envie d'aller m'expliquer avec les agents que j'ai pu voir dans le grand hall. La pensée de mes parents envahit mon esprit. J'imagine déjà la honte de mon père et l'incompréhension de ma mère. Que vais-je pouvoir dire à papa ? Encore une fois, je vais passer pour une sotte devant lui alors que j'ai si envie qu'il comprenne que je ne suis plus un enfant, qu'il peut me parler à moi. Qu'il peut trouver en moi l'adulte qu'il ne peut pas trouver en Maman, du moins le temps que je trouve un remède. Mon père ne va jamais y croire avec ce genre de comportement. Je le visualise déjà m'expliquant des choses que je sais déjà : la société Lidil@nd n'est pas n'importe quelle entreprise. Elle est célèbre dans le monde entier pour la qualité de son lidinium. Personne ne sait comment a été modifiée la recette originale. Dans les premières années de son succès, les affaires d'espionnage se sont multipliées. Toutes les entreprises ont engagé des agents pour infiltrer le système et découvrir l'ingrédient ou le processus de fabrication qui faisait toute la différence. En me disant tout cela, il aura le sentiment de se répéter et il aura raison. Mon père m'a parlé des mesures de sécurité drastiques quand je lui ai demandé s'il était possible de faire mon stage de fin de collège chez eux. Dans un premier temps, l'usine est devenue une sorte de bunker avec codes pour ouvrir chaque porte, dossiers verrouillés par empreintes digitales, perquisitions régulières des employés, interrogations, fouilles. Ce système n'a duré qu'un temps. Toutes ces mesures étaient trop contraignantes et freinaient la production. Alors, en accord avec le gouvernement, les employés de l'usine ont eu interdiction de quitter leur emploi et chaque embauche est contrôlée par les services secrets. Bien sûr, tout cela ne me revient que maintenant ! Je sens une boule de stress se former dans mon ventre. Ma situation est bien plus grave qu'une simple jeune fille égarée. Si quelqu'un me trouve ici, on pourrait penser que je suis une espionne. Je n'ai pas le choix, il faut que je me cache si je ne veux pas finir ma vie en prison. Les voix se rapprochent. J'entends même des pas à présent.

J'ai l'impression qu'une décharge me parcourt des pieds à la tête et je me reprends. En un instant, je sors et j'empile les dossiers factices sur la table comme s'ils s'était toujours trouvé là et me glisse dans la petite armoire vide le cœur battant au moment où les possesseurs des deux voix entrent dans la pièce.

« ...un peu plus de 4 milliards d'euros. C'est ce que va coûter l'arrêt du processus à l'entreprise sur l'année. J'ai tout consigné dans le dossier, comme demandé. Evidemment, certains calculs sont basés sur des estimations. Ce n'est pas une science exacte mais j'ai détaillé toute ma méthodologie en annexe. »

Cette voix est jeune, je pense. Est-ce qu'il s'agit d'un stagiaire ? J'espère qu'il ne dira rien d'intéressant. Moins j'en saurais, mieux je me porterais si jamais je suis attrapée. De la sueur commence déjà à couler le long de mon dos. J'ose à peine respirer.

« Super travail. C'est top. Je vais montrer tout ça au patron. »

Deux hommes donc. Le ton paternaliste du second et la voix plus âgée me disent que ce doit être le supérieur du premier. Cela va dans le sens de mon idée qu'il s'agit d'un stagiaire. Il n'aura sans doute rien de confidentiel à dire.

« Merci. Quand est-ce que le processus sera arrêté ? Je pourrais remettre à jour le document une fois que j'aurais la date exacte. »

J'ai l'impression que mon épiderme est en feu et que je vais m'étouffer dans ma propre salive car j'ai si peur de faire du bruit que je m'empêche de déglutir. Je suis la conversation. Je n'ai rien d'autre à faire recroquevillée dans mon armoire.

« Il n'est pas question d'arrêter le processus pour le moment.

Comment ça ? »

Le ton utilisé n'est pas celui d'un stagiaire cette fois. La question a été posée d'un ton très choqué comme s'il ne pouvait pas croire à la réponse du deuxième homme.

« Pourquoi ce rapport alors ? »

C'est toujours le stagiaire ou du moins celui qui en a la voix qui a posé la question. L'autre n'a pas répondu à sa première question.

« Le patron n'envisage pas encore l'arrêt du processus. Il voulait simplement connaître le coût de l'opération si cela devenait impossible de faire autrement. »

Il a l'air gêné par sa propre réponse, du moins c'est ce que je perçois dans l'affaissement de son ton en fin de phrase et ses quelques hésitations.

« Je ne suis pas certain que vous compreniez la situation, reprend l'autre en essayant visiblement de rester poli malgré son agacement. Vous devriez lire la deuxième partie. Je détaille les conséquences du processus avec une chronologie précise. Notamment dans cinq semaines, les tremblements de terre atteindront une nouvelle...

— Merci, coupe le deuxième. Je connais bien les conséquences. J'ai lu le rapport. Ce sera tout. »

L'autre ne se laisse pas congédier ainsi.

« Vous n'allez pas cesser les transferts d'explosifs ? »

Son ton témoigne de son incrédulité. J'entends quelques pas à l'extérieur du petit meuble de rangement. Est-ce le plus jeune qui se rapproche pour exiger une réponse à sa question ou est-ce le plus vieux qui fuit pour ne pas avoir à y répondre ? Je ne peux rien voir. Il me faut des explications. La curiosité qui me sert les tripes me semble plus douloureuse que cette pointe qui commence à me percer le coup à cause de ma mauvaise position.

« Ce n'est pas prévu pour le moment mais vos recherches seront prises en compte dans la suite des évènements. »

Je suis dans une position très inconfortable mais je gigotte dans ma cachette pour les observer par l'interstice entre les deux portes. L'un est jeune, grand, et fait les cent pas. Il ressemble à une version plus jeune de l'un de mes professeurs : cheveux, costume, peau, tout s'inscrit dans une teinte qui va de beige à marron clair. Trop vieux pour être stagiaire. Sa voix fait plus jeune que son physique. L'autre est plus vieux, assis sur l'une des chaises. Il est très charismatique. On le croirait sorti d'une série télévisée : teint hâlé, cheveux parfaitement coupés. Mon père aurait parié sur un commercial mais après ce que je viens d'entendre, je ne sais plus quoi penser. Il recule un peu dans sa chaise lorsque le plus jeune vient à nouveau se poster devant lui.

« Si vous avez lu le rapport, vous savez qu'il va y avoir des morts.

— Ne vous inquiétez pas pour ça. Vous avez très bien fait votre travail. Rien de tout cela ne retombera sur vous. Je peux vous l'assurer. »

Sourire de publicité pour dentifrice pour agrémenté sa phrase. Encore une fois, ce n'est pas la réponse que le plus jeune attendait. Il écarquille les yeux. Ils n'ont pas l'air de se comprendre. Comme si chacun parlait une langue dans laquelle les mots étaient les mêmes que l'autre mais avaient un autre sens.

« Je ne peux pas garder ça pour moi. Je ne serai pas votre complice. »

À chaque fois que j'ai l'impression de comprendre, la réalité m'échappe. De quoi peuvent-ils bien parler ? Qu'est-ce qui pourra bien causer des morts ? La matière première du Lidinium ne souffre d'aucun enjeu d'accessibilité. On m'a expliqué plusieurs fois la formule chimique derrière ce prodige mais ce que j'ai retenu, c'est l'explication qu'on donne aux enfants la première fois qu'ils posent la question : le lidinium est fabriqué grâce à la pollution. C'est un moyen de décarboner la planète et de ne pas répéter l'horrible période qui a duré trois siècles, pendant laquelle les êtres humains ont failli disparaître du fait de leur propre bêtise. Pourquoi y'aurait-il des morts ? Lidil@nd est l'une des entreprises les plus riches au monde. Je ne vois pas ce qu'elle ne serait pas en mesure de faire pour se tirer des difficultés, même de la pire des situation.

« Tout ce que nous demandons, c'est du temps. Vous vous en faîtes trop.

— Si vous attendez d'avoir une nouvelle recette ou un autre moyen de vous débarrasser des déchets sans les envoyer sous la croûte terrestre, il sera trop tard. »

Parle-t-il du procédé secret ? Si c'est le cas, je suis morte. J'en sais trop pour qu'ils me laissent partir. S'ils me découvrent ici et maintenant, ma vie est finie. Adieu les études de médecine, je n'aurais d'autre choix que d'intégrer Lidil@nd s'ils ont la bonté d'âme de me laisser sortir leurs poubelles pour le reste de ma vie, sans m'envoyer en prison pour la même durée. J'ai la tête qui tourne. Il faut que j'arrive à respirer normalement si je ne veux pas m'évanouir. J'oublie quelques instants l'échange qui se déroule en dehors de ma cachette. J'ai dû regarder une ou deux vidéos de méditation dans ma vie. À présent, il faut que je fasse en sorte que ces cinq minutes perdues sur le net me soient utiles. Inspire. Expire. Ce n'est pas plus compliqué que ça. Dehors, ils sont trop occupés à s'invectiver pour m'entendre. D'ailleurs, le ton monte. C'est le moment où jamais. Je déglutis et inspire le plus doucement possible. Puis, j'expire par la bouche. Les étoiles qui dansaient devant mes yeux disparaissent. Je me sens plus calme. Relativisons la situation. Pour le moment, personne ne sait que je me trouve ici. Je suis bien cachée dans une pièce qui ne sert sans doute à rien d'autre que de se réunir. Personne ne viendra chercher dans cette armoire un dossier rempli d'un bloc de polystyrène. Par ailleurs, j'ai peut-être la chance incroyable d'en apprendre plus sur le secret de Lidil@nd. Combien de personnes peuvent-elles se targuer d'une telle opportunité dans leur vie ? Elles doivent se compter sur les doigts d'une main en dehors des employés de la société. Avec ce calme relatif, je peux reprendre mon écoute.

« Deux ans que vous cherchez, vous n'avez rien trouvé. Corrompre tous les sismologues de la planète vous achètera un peu de temps mais les chercheurs du millénaire dernier ont mis des dizaines d'années à trouver la solution. Vous pensez faire mieux en quelques mois ? Quand quelqu'un se rendra compte de ce qu'il se passe, il faudra rendre des comptes. »

J'ai l'impression d'assister à une pièce de théâtre. C'est sans doute lié au fait que le plus vieux joue un rôle. Je n'ai aucun doute là-dessus. Il ne participe pas à la conversation. Pendant plusieurs minutes, il laisse mon jeune prof dérouler son réquisitoire et se contente de relancer chaque fois que l'autre termine ses tirades. Je le vois regarder de temps à autre son téléphone portable qu'il tient contre sa cuisse comme un adolescent qui s'en servirait pendant un cours ou vers la porte, le tout avec nervosité. Je comprends qu'il ne cherche pas à convaincre son interlocuteur, mais à gagner du temps. La question étant de savoir en attendant quoi ? Ou qui ? La fragile tranquillité que m'offre ma cachette s'envole. Tout ce que j'espère c'est que ces deux là et ceux qui les rejoindront sans doute dans peu de temps partent au plus vite pour me laisser filer et retrouver mes parents.

« Si mes calculs sont exacts, continue le plus jeune qui n'a toujours pas compris que son interlocuteur n'en a rien à fiche de lui. Notre temps ce compte en semaines avant qu'il ne soit trop tard pour revenir en arrière. Vous n'aurez jamais trouvé de solution d'ici là. »

Un signal résonne dans la pièce, une sorte d'alarme qui doit venir du plafond. En tout cas l'appareil émetteur n'est pas visible de ma cachette. Le plus vieux pousse un soupir de soulagement. Je devine que c'était le signal qu'il attendait. Je me contorsionne pour voir le visage du "prof" qui est sorti de mon champ de vision restreint.

« Je suis désolé »

C'est le plus vieux qui a pris la parole. Il plaque maintenant un faux sourire agaçant sur son visage. Il me donne envie de lui donner des baffes pour le lui enlever. Le plus jeune s'arrête enfin de parler et fronce les sourcils. Quel imbécile. S'il avait cessé de s'écouter parler pour vérifier la qualité de son raisonnement à mesure qu'il le déroulait, il aurait remarqué que l'autre daignait à peine l'écouter. La compréhension, la résignation et enfin la rage se succèdent sur son visage. Je n'ai jamais vu quelqu'un exprimer tant de choses si différentes en si peu de temps. Sans attendre, il se jette sur le plus vieux. Je ne vois plus rien et par réflexe, je manque d'ouvrir la porte mais je me retiens de justesse. J'ai beau me tordre le cou à m'en faire un torticolis, je ne vois rien. Je perçois des bruits de vêtements froissés suivis d'un craquement sinistre. Le plus jeune se relève et traverse la pièce en courant, entrant puis sortant quelques instants plus tard de mon champ de vision. J'espère qu'il va s'enfuir. Il a beau être un peu stupide ou du moins naïf, il me semble bien plus sympathique que l'autre. Je vois un pied à terre de l'autre côté de la pièce. Il bouge. Le prof a dû bien l'amocher pour qu'il ne se relève pas dans l'instant mais pas assez pour l'assommer.

À mon plus grand désespoir, le plus jeune n'a pas le temps d'atteindre la porte. Il est arrêté en pleine course. Je l'entends s'effondrer avant que ses pas n'aient pu le mener plus loin. Je n'entends plus rien, pas même la respiration des deux personnes qui se trouvent dans la même pièce que moi. D'ailleurs, je n'entends pas ma propre respiration. Je me rends compte que c'est parce que je retiens mon souffle. J'attends la suite des évènements qui ne tardent pas à se produire. Trois tintements métalliques brisent le silence de cathédrale comme si un clou rebondissait sur la moquette. L'objet s'arrête au pied de mon armoire, cylindrique, se terminant en ogive...

Une balle.

Mes cheveux se dressent sur ma nuque, je prends une respiration laborieuse et ouvre des yeux ronds de stupeur lorsque je comprends ce qu'il vient de se produire. Un coup de feu sous silencieux.

Lorsque je reprends assez mes esprits pour arrêter de fixer l'intérieur de l'armoire et regarder à nouveau par l'interstice, le jeune homme est étendu sur le sol de l'autre côté de la table. Je vois ses pieds se tortiller. Il tente de ramper pour s'éloigner de ses agresseurs mais il n'y a nulle part où aller. Derrière, l'autre commence à s'agiter lui aussi. Une équipe en combinaison noire envahit la salle de réunion. Mes yeux se brouillent de larmes. Je ne sais pas pourquoi je pleure. Pourtant je ne suis pas triste. C'est la terreur qui les fait couler. Je prie pour que personne ne me trouve. Ce n'est plus le choix de ma profession que je risque de perdre mais ma vie. Je serre mes poings à m'en faire rentrer les ongles dans les paumes. Mon cœur tambourine si fort dans ma poitrine que je suis persuadée que dehors ils peuvent l'entendre.

Une fois la salle remplie de monde, tout se passe très vite. Une voix inconnue prend la parole :

« Vous deux, vous ramenez l'appât dans la salle principale et vous vous occupez de son nez cassé. Evitez les couloirs fréquentés ! Je préviens le directeur que l'affaire est réglée. Il voudra voir le corps lui-même. N'oubliez pas de prévenir l'équipe de nettoyage. Elle va être contente : on a épargné la moquette cette fois. »

Ils répartissent le travail comme leur chef le leur a ordonné. Ils ne prennent pas le temps d'achever le plus jeune et sortent en le laissant agoniser.

Je dois sortir mais j'ai si peur que je ne peux plus bouger. Mes jambes sont tétanisées à force de rester dans la même position. Je suis à moitié aveuglée par mes larmes mais je suis glacée à l'idée que l'un d'eux reviennent alors que je suis en train de faire du bruit. Je frisonne car ma peau et couverte de sueur. J'attends encore un peu.

Dehors, j'entends la respiration laborieuse du plus jeune alors que la mienne reste bloquée dans ma gorge. Si je reste, le directeur et l'équipe de nettoyage risquent d'arriver et de me trouver. C'est cette idée qui me décide enfin à sortir. Je m'extirpe avec difficulté de l'armoire. Mes muscles endoloris par la position ne sont pas aussi souples que lorsque je suis entrée. J'ai envie de courir pour fuir au plus vite mais je retiens mon instinct et m'approche du mourant qui gît dans une mare de sang. J'ai beau avoir envie de faire médecine, pour le moment je n'avais jamais vu autant de sang de ma vie. J'ai l'impression qu'il en a plus que la moyenne.

Je m'approche encore. Il écarquille les yeux de surprise lorsqu'il me voit mais ne dit rien. Il économise ses dernières forces. Il n'est pas mort sur le coup mais n'en est plus très loin. Je ne sais pas ce qui est le pire. Ses lèvres sont foncées. Il a l'air d'un fantôme déjà. Par réflexe, je m'agenouille et examine sa blessure comme je l'aurais fait pour un cas pratique lors d'un de mes cours mais je ne peux rien voir. Je n'ai jamais étudié les blessures par balle. Ce n'est pas comme si cela arrivait souvent. Peut-être que comme le port d'arme est interdit, cela n'arrive même plus en principe. Il y a du sang partout, plus selon moi qu'un être humain peut en contenir. Voilà l'explication pour la couleur grise délavée de la moquette : lorsque l'entreprise a besoin de se débarrasser de quelqu'un ce devait être toujours ici. Malgré mon entraînement, j'ai envie de vomir. Au moment où je m'approche encore pour venir m'agenouiller près de mon patient, je marche dans la flaque qui s'est formée et le bruit spongieux m'arrache à nouveau un haut-le-cœur. Je vide le contenu de mon estomac sur le côté de la table. Désolée l'équipe de nettoyage mais vous n'êtes sans doute plus à ça près. Je ne me préoccupe pas de cet indice de ma présence que je laisse. Sans doute penseront-ils que c'est le mourant qui a vidé le contenu de son estomac à cause de la douleur.

Je me tourne à nouveau vers lui. Il me faut un diagnostic. Il a l'air de rassembler ses dernières forces.

« Fuis, réussit-il à articuler. Ils vont revenir. »

Ma tête bouge toute seule pour acquiescer mais moi je ne fais pas un seul mouvement vers la sortie. Je plaque plutôt mes mains contre la plaie pour arrêter le flot de sang. C'est une hémorragie. Voilà le terme technique que l'on m'a appris. Ici, c'est une hémorragie externe. Dans un sens, c'est plus simple. Mon patient doit me trouver stupide, avec tout le sang qu'il a déjà perdu, ce n'est pas mon pauvre point de compression qui va le sauver. Il a les yeux et les cheveux clairs. Un fantôme ensanglanté me fait face. La seule preuve qu'il est toujours vivant est qu'il continue d'essayer de me parler alors que je ne l'écoute pas.

« Tu as entendu la conversation ? »

J'opine à nouveau mais le regrette tout de suite. Est-ce dangereux pour moi de dire ce que je sais ? J'ai un léger mouvement de recul mais je me ressaisis à temps. De toute façon, il sera mort dans quelques minutes au rythme. Le danger ne vient pas de lui.

« Je ne suis pas sûre d'avoir tout compris. »

Il prend une longue inspiration, ponctuée d'une quinte de toux et essaye de me résumer la situation en aussi peu de mots que possibles. Il commence en m'expliquant que l'usine produit le meilleur lidinium du monde mais que les déchets liés à cette fabrication sont envoyés sous la croûte terrestre pour exploser sans être détectés. C'est la façon dont Lidil@nd procède pour que les espions ne puissent pas étudier leurs procédés de fabrication.

« Les explosions perturbent l'activité magmatique et vont causer des tremblements de terre, des éruptions, des tsunamis..., continue-t-il. Il faut que quelqu'un donne l'alerte pour arrêter l'utilisation de ce procédé. »

Ses explications sont très claires mais j'ai l'agaçante sensation d'être stupide car mon cerveau refuse d'enregistrer ces données. Je comprends sans comprendre car enfin c'est tout bonnement inconcevable ! Comment une grande entreprise comme Lidil@nde pourrait-elle avoir un comportement aussi irresponsable. Je sens la colère monter en moi. C'est la même que lorsque je ne comprends pas un exercice de mathématiques et que je me rends compte que c'est parce qu'il y a une erreur dans l'énoncé qui le rend impossible à réaliser. Je ne comprends pas et c'est injuste car ce n'est pas de ma faute. J'entends ce qu'il me dit mais n'arrive pas à y croire. Et cette odeur qui me prend à la gorge...

Je me rends compte avec horreur que c'est celle du sang. Le liquide écarlate couvre mes mains. J'ai pris garde à ne pas poser mon genou contre le sol et je suis dans une position très difficile à tenir pour continuer à compresser la plaie. Mon patient me regarde et je comprends avec effroi qu'il est en train de me confier la mission de prévenir tout le monde de ce soi-disant plan machiavélique de Lidil@nd. Je sens une décharge électrique me parcourir la colonne vertébrale.

« Je ne peux pas faire ça ! Comment ? Je n'ai que dix-sept ans... Et puis, vous êtes sûr ? »

Il réagit au moment où je mets en doute sa parole. Sa tête se relève mais retombe aussitôt. Les yeux exorbités, il a l'air prêt à me sauter à la gorge. Je bredouille, lui fait comprendre comme je peux que je le crois mais que je ne peux pas faire ce qu'il me demande. Je me perds dans mes justifications. La vraie raison de mon refus est que j'ai la trouille alors je préfère mettre en doute ce que je viens d'entendre. Je me rends soudain compte que je veux partir d'ici, retrouver mes parents et oublier toute cette histoire. S'il me raconte tout, ma conscience risque de me pousser à faire quelque chose. Il faut que je l'arrête...

Mais il continue de m'expliquer. Il m'interrompt dans mon baragouin d'excuses.

« Tape un grand coup. Si un site internet publie cette information personne ne la croira et tu seras éliminée par les services de Lidil@nd en quelques heures. En revanche, si c'est un journal important, certaines personnes vérifieront. Tu comprends ce que je veux dire ? Dans tous les cas tu te mets en danger mais si des gens vérifient que tu dis vrai, le gouvernement pourra te protéger. »

Il a un ton pédagogue, comme s'il avait l'habitude de parler à des enfants. J'ai toujours l'impression d'avoir devant moi l'un de mes professeurs. Ce sentiment ne dure qu'un temps. Ses yeux se ferment tout seuls et il ne parvient plus à s'arracher à la torpeur qui l'envahit. Je le vois frissonner de douleur et la locution latine Primum non nocere me revient en tête. C'est la première chose que l'on apprend en cours de soin : en premier, ne pas nuire. Alors j'ôte mes mains de sa plaie. Avec tout le sang qu'il a perdu, je lui fais plus de mal que de bien. Il vaut mieux le laisser partir sans lui causer plus de douleur. C'est sans doute égoïste mais je n'envisage à aucun moment d'aller lui chercher du secours. Pourquoi faire ? Pour qu'une fois sauvé, il soit à nouveau attaqué par la même équipe qui a déjà tenté de le liquider une première fois et que je me fasse tuer moi aussi par la même occasion. Si tant est que j'arrive à le sauver dans un premier temps, ce qui est loin d'être crédible ! Il faudrait que je le porte jusqu'aux secours alors qu'il pèse bien plus lourd que moi. Je ne suis pas capable de trouver comment retourner sur mes pas alors une salle médicale dans un endroit pareil. Autant chercher une aiguille dans une meule de foin.

Avant qu'il ne s'endorme pour toujours, j'ai essayé d'aligner une phrase correcte pour dire que je refusais sa mission mais à part quelques syllabes inintelligibles, je n'ai rien réussi à faire sortir de ma bouche.

« Prends garde à qui tu révèleras cette information. Ne fais confiance à personne. »

C'est sa dernière recommandation. Son corps se crispe dans un spasme de douleur.

« Est-ce qu'il y a quelque chose que je puisse faire ? »

J'ai envie de préciser « à la place ».

« Si un jour tu en as l'occasion, n'hésite pas à coller un bon coup de pied à Marc là où... »

Il ne termine pas sa phrase. Ses pensées doivent être confuses. Il me parle d'une personne que je ne connais pas. J'imagine que Marc était le plus vieux.

« C'est promis. »

Il a précisé « si un jour tu le croises ». Comme j'ai peu de chance de le croiser, cette promesse ne m'engage pas à grand-chose. Je vais sans doute avoir assez de raisons de culpabiliser pour ne pas m'en ajouter plus que nécessaire.

Plongée dans mes pensées, je ne me rends pas tout de suite compte que le jeune homme à mes pieds ne bouge plus. Lorsque je pose mon regard à nouveau sur lui, il est mort. Je suis si figée et pâle que j'ai l'air aussi morte que lui.

Une décharge me traverse le corps et je saute sur mes pieds. Le directeur doit venir vérifier l'identité de sa victime. Je ne peux pas rester ici ! Je chancelle jusqu'à la porte mais avant de partir, mon regard tombe sur le dossier resté sur la table. Sur un coup de tête, sans savoir trop pourquoi je l'attrape et le glisse dans mon dos sous mon T-shirt et mon pull.

À vrai dire, je n'ai qu'un vague souvenir de ce qu'il se passe ensuite. Ce que je sais, c'est qu'au détour d'un couloir, je trouve des toilettes. Réservés au personnel ou non, je m'en fiche. J'y entre et me jette vers les lavabos comme une folle. Je frotte mes mains à m'en arracher la peau pour me débarrasser du sang qui les tâches. Assise sur les toilettes, j'en profite pour pleurer un bon coup. Toutes ces réactions physiques ne sont qu'une question d'hormones. Pleurer va me permettre d'aller mieux. Un coup d'eau froide sur mon visage pour faire disparaître les traces de maquillage que ma mère m'a forcé à mettre et qui a coulé et je suis prête à me sortir de cette galère. J'hésite à abandonner le dossier que j'ai pris dans la salle. Si je veux oublier toute cette histoire, le mieux serait de l'abandonner dans la poubelle. Pour une raison qui m'échappe, je ne peux m'y résoudre. Je le loge à nouveau dans sa cachette, dans mon dos, directement contre ma peau. Ensuite, je me fie au bruit pour retrouver un espace habité et je finis après ce qui me semble plusieurs heures de déambulation à déboucher sur le hall d'entrée. À présent que je suis à nouveau dans la zone publique, le plus difficile est fait. Plus personne ne risque de me tomber dessus pour me traiter d'espionne. Je sens une première partie de moi se détendre à cette idée que je suis en sécurité. Mes parents me retrouvent par hasard alors qu'ils sont en route vers la septième exposition. Je n'ai rien vu de la visite. Mon frère m'accueille avec un visage renfrogné : il vient de découvrir que la crème glacée ne sort pas de sa future console. Je n'ai pas le cœur à rire de ma propre blague.

« Tout va bien ? »

Mon père me dévisage. Il est bien trop intelligent. C'est comme si j'étais un livre ouvert police 24. J'hésite mais je ne dis rien. Sa seule présence me rassure, nulle besoin de lui en dire plus. Pendant que je marchais, j'ai eu le temps de réfléchir. Pas question de mettre mes parents au courant. Il y a peu de chance qu'ils me croient mais si c'est le cas, mon père ferait un véritable scandale et se mettrait lui et toute notre famille en danger.

J'essaye de coller un sourire sur mon visage pour le rassurer mais je n'y parviens qu'à moitié. Les dernières expositions se succèdent mais je n'y prête aucune attention. Je jette à peine un regard au miroir futuriste que je voulais tant voir. Tant pis pour Maman, je ne suis pas en mesure de l'aider à convaincre papa de faire son acquisition. Le guide, un homme trop enjoué pour être réel, a pourtant fait tout son possible pour maintenir l'animation. Il a bien vu que je n'écoutais rien et que je contaminais par ma mauvaise humeur toutes les personnes qui passaient à côté de moi. Pas de chance pour lui, sa seule idée a été de me faire participer à une activité. Bien mal lui en prit.

« Vous, jeune fille ! » m'apostrophe-t-il.

Il a une voix qu'il doit penser amusante. Tout ce que je lui sers en réponse, c'est une soupe à la grimace mais ça n'a pas l'air de le gêner et me voilà appelée sur la scène. Seul point positif de cette histoire : ma mère rayonne de fierté.

« Vous allez m'aider à faire le tirage au sort pour désigner les gagnants du grand jeu de la visite ! Etes-vous prête ?

— Oui.

— Parfait, mais au fait, comment vous appelez-vous ?

— Esmée.

— Excellent Esmée alors c'est parti ! Tirez un papier, mais surtout ne trichez pas ! »

Il me fait un clin d'œil entendu. Je remonte les commissures de mes lèvres. Pas assez pour sourire mais l'effet est suffisant pour que le public arrête de penser que je vais pleurer ou vomir à tout moment. Déjà, je ne me souviens plus de ce qu'on attend de moi. Tout le monde me regarde. Je fais un violent effort de mémoire et tire un papier dans l'immense chapeau haut de forme que tient le guide. Je le tends au présentateur mais il m'esquive d'un bond et me fourre le micro sous le nez. Je n'ai pas d'autre choix que de lire une quinzaine de noms que je suis sûre d'écorcher. Mon nouvel ami continue de me sourire mais il doit bien se rendre compte que malgré tous ses efforts, il ne parviendra pas à me faire sourire. Résigné, il me libère.

Ma mère insiste pour me repoudrer le nez et sort sa trousse à maquillage de son sac à main. Elle doit penser que c'est moi la présentatrice maintenant et que l'expérience va se répéter. Je la laisse faire parce que ça me fait du bien de sentir qu'elle s'occupe de moi. Elle a beau ne rien comprendre, elle reste ma maman. Je suis certaine qu'elle sent instinctivement que j'ai besoin d'elle même si ça se traduit par un pinceau à moitié dans l'œil et un apport de mascara précipité.

Dans mon malheur, j'ai au moins obtenu un goodies bien utile : un sac en tissu brodé du blason de la société dans lequel je fourre le dossier que j'ai récupéré pour ne plus avoir à rester perpétuellement droite pour le cacher sous mon pull.

La visite prend fin. Je marche comme un robot et m'affale dans la voiture. Pendant les heures que dure le voyage de retour, j'essaye de dormir sans y parvenir. C'est à ce moment que j'ai les premiers flashs de ce qu'il s'est passé. Je vois les événements comme si j'y étais à nouveau et me retrouve couverte de sueur. J'ai aussi l'impression que l'odeur du sang est partout sur moi. Je ne rêve que d'une chose : prendre une douche et mettre des vêtements propres. Mes parents et mon frère regardent un nouveau film. J'en profite pour pleurer en silence. Ils ont l'air si heureux de leur visite. Jamais je ne pourrais les mettre en danger. Il ne me reste qu'une possibilité : oublier toute cette histoire de dingues. 

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