Chapitre 5: Son départ

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Ça y est. C'est aujourd'hui. Quoi déjà? Rien. Non, ce n'est pas rien qui va se passer, rien c'est ce que j'aimerais qu'il se passe. Notre routine, notre quotidien, nos habitudes, nos repères, tout va être chambouler. Aujourd'hui est le jour où Rewayn nous quitte. Aujourd'hui est le jour où une partie de notre petite famille est arrachée.

Personne ne le dit, personne n'a changé d'attitude. Tout le monde fait comme si rien était, comme si ce n'était pas la journée la plus grave depuis notre arrivée au couvent. Nous avions 4 ans. Maintenant nous en avons 16. 12 ans ce sont écoulés et nous nous sommes soudés. De six petits garçons tristes d'être séparé de nos parents nous sommes devenus six frères de cœurs qui sont tristes que d'être séparé les uns des autres. Ce n'est pas une grande évolution, sauf que cette séparation là, cette fois là, nous sommes assez vieux pour nous en souvenir clairement. Si le souvenir douloureux de notre famille biologique s'est estompées comme un mirage dans le lointain, le souvenir de celle du couvent ne disparaitra jamais.

Durant les cours de l'avant-midi les professeurs sont gentils et ne nous donnent presque rien à faire. Erreur, nous voudrions le contraire. Nous voudrions plonger corps et âme dans des problèmes compliqués ou des vers sans fin difficilement analysable pour arrêter de penser à ce qui arrivera d'une minute à l'autre. Au lieu de cela les enseignants nous condamnent à y songer sans cesse comme un chien tournant sur lui-même pour attraper sa queue. Que de souffrance en ce jour. Pourquoi nous faire attendre la fin de la journée? Pourquoi ne pas faire ça d'un coups sec, comme lorsqu'on retire un pensement?

Nous sommes vendredi, mais personne ne se montre joyeux à l'idée d'avoir enfin la liberté dans quelque heures. Au premier abord tout est normal, mais lorsque tu es le nez dedans tout les jour tu voit que personne n'est totalement pareil à d'habitude. Yen de cri pas victoire à l'avance après chaque cour. Julio ne dresse pas une liste interminable de film et série d'animation qu'il désir écouter durant nos deux jours de liberté. Rewayn ne demande pas quelle température il fera pour évaluer s'il réussira a nous faire sortir pour jouer dehors. Sano ne réprimande pas les autres lorsqu'ils baillent sans retenue ou poussent des soupirs profond au visage des professeurs. Samaël a la tête dans les nuages au lieu de l'avoir dans un livre. Et finalement, je ne compte pas les secondes jusqu'à la dernière cloche avant que je puisse aller me prélasser dans un bon bain chaud trois heures durant.

Lorsque tu t'aperçoit de ces changement c'est comme si l'air avait un goût différent sur la langue, comme si le temps filait à la fois plus vite et plus lentement que la normal. Dans mes oreilles tout est à la fois trop silencieux et trop bruyant. Devant mes yeux tout est trop flou et trop clair. Tout les contacts avec Rewayn sont trop long et trop court. Tout est... trop. Ou pas assez. Ou justement trop assez. Tout est trop différent et trop habituel. Lorsqu'arrive la fin des cours personne ne bouge.

- Aller les enfants, dit doucement la professeure. Pourquoi n'iriez vous pas aider Rewayn à faire ses bagages?

Yen se lève brusquement et fait un pas pour cracher une insulte, mais Sano est là pour lui attraper le poignet et plaquer une main sur sa bouche. Nous nous levons aussi et sortons.

Dans le dortoir on trouve deux grosses valises. Nous les apportons dans la chambre de notre ami et commençons par remplir la première avec tout ses vêtements. L'ambiance est si lourde que l'on dirait un enterrement, pourtant l'adolescent ne meurt pas. Il va vivre une vie à l'air libre. Une vie... libre. Pourtant cette liberté nous effraie, comme si nous étions quelque solution trop fragile pour vivre hors de la coquille protectrice d'un flacon de verre.

La deuxième valise est pour ses effets personnels. Il n'y en a pas beaucoup, nous le laissons les prendre lui-même.

Rewayn commence par prendre sa figurine de princesse Diana dans La belle et la grenouille qu'il a reçu le Noël de nos 7 ans. Je me rappel de sa joie lorsqu'il l'a déballée, c'est son personnage de Disney préféré. Il se dirige après vers sa table de chevet et ouvre le tiroir pour prendre un album photo. En le voyant Julio éclate en sanglot, car il a reconnu le livre. C'est dans celui-ci qu'est compilé toutes les photographies de nous, autant séparément qu'ensemble. Les larmes me montent au yeux aussi lorsqu'il pose l'album dans sa valise. Ensuite il prend une couverture et quelques autres objets, mais je ne vois plus rien. Ma vision est brouillée.

Sano l'aide à fermer les valises et Samaël les transportent avec eux dans le couloir vitré. Yen marche derrière eux les poings crispés et je ferme la marche avec Julio serré contre moi. On se déplace dans les corridors du bâtiment principale en un cortège funèbre que les autres élèves s'écartent pour laisser passer. Ils baissent le regard et se prennent les mains, mais je sais qu'ils ne comprennent pas vraiment ce qui se passe.

Une part de moi veux aller les voir, les accuser, leur dire de ne pas faire semblant de comprendre notre souffrance, mais à la place je caresse les cheveux de Julio qui pleure toujours.

Nous rencontrons notre professeur de français qui nous mène dans une section dans laquelle nous n'avons jamais mit les pieds: l'entrée. C'est un grand hall au plafond cathédrale. Je ne retiens pas plus de détail car je le vois près de la porte permettant de sortir.

Toma Mcleed nous attend avec ses cheveux brun plaqués vers l'arrière dans un manteau beige descendant jusqu'à ses genoux.

- Bonjour, dit-il en nous souriant. Je m'appel Toma, ravi de vous voir enfin. Rewayn m'a parler de vous.

Il tend la main, mais seulement Sano réussit à se secouer de sa stupeur pour la serrer poliment.

- Laissez moi prendre les valises, fait gentiment l'alpha.

On les lui laisse et serrons notre ami une dernière fois. Julio s'accroche à son chandail en sanglotant. Finalement Samaël et Sano le décrochent doucement.

- Tu vas nous manquer, marmonne Yen qui n'aime pas montrer ses émotions.

- On va pouvoir se revoir lorsque vous sortirez, répond l'adolescent avec la voix enrouée.

Il nous sourit pour la dernière fois et commence à reculer avant de se tourner et marcher derrière l'homme. Le professeur reste en retrait et nous laisse pleurer dans le hall vide.

ABO: OmégaWhere stories live. Discover now