[11] Le Vrai Amour.

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VENDREDI 06 H 20 / JOUR 56

Je pose ma main lourdement sur cet appareil infernal en maudissant Antoine Redier, horloger et premier inventeur du réveil mécanique, et j'ouvre les yeux doucement avant de soupirer d'une longue journée qui pointe le bout de son nez. Toutefois, contrairement aux longues journées précédentes que j'ai déjà vécues, un étrange bien-être me parcours le corps des pieds à la tête, allant jusqu'à remonter mes lèvres dans ce geste que l'on appelle le sourire. Mes yeux peu matinaux, se portent sur mon portable, non pour apercevoir l'heure, mais pour voir que notre appel d'hier a été coupé ce matin, une petite demie heure avant que le réveil fou ne se mette à sonner. Son portable n'avait peut-être plus de batterie. C'est une hypothèse. Une autre serait que c'est à l'heure à laquelle il se lève. Je le lui demanderai. En bref, c'est l'esprit léger, accompagné de ce bien-être qui ne me quitte pas que je me lève et m'en vais dans la salle-d'eau.

Sous l'eau chaude et agréable de la douche, j'éternise ce court moment agréable en me disant que j'aimerais le voir aujourd'hui. J'espère qu'il sera au lycée pour les cours de ce matin. Cependant, au-delà d'un enthousiasme singulier à mettre les pieds rapidement au lycée pour le voir, je suis pourvu d'une appréhension désagréable. Quelle sera sa réaction lorsqu'il me verra ? Quelle sera la mienne ? Doit-on s'en tenir à ce que l'on est d'ordinaire au lycée, ou peut-on faire plus ? Est-ce que cela le dérangerait que l'on nous vois ensemble ? En a-t-il parlé à la Binocle ? J'ai bien envie de le voir, mais les questions sont toujours présentes. Je réfléchis trop. Il réfléchit plus encore. Cette addition, Toi + Moi, sera compliquée au départ. Je suis pourtant certain que l'on peut se remettre à cela. Reste à savoir si ses doutes ne l'ont pas emportés loin de moi. Loin de notre Toi + Moi.

Est-ce que tout le monde s'emmerde avec ce genre d'interrogations foireuses ? Comme : comment vais-je lui dire bonjour ? Vais-je le faire au moins ? La politesse n'est pas dans mes habitudes, avec lui, encore moins. Ceci dit, je me demande si je vais l'embrasser lorsque je le verrai. Ou si je ne fais rien. Si simplement, je lui envoie un salut bref et gênant, ou si je me jette dans ses bras. Simplement le regarder ? L'ignorer ? Je ne vais certainement pas l'ignorer. Je ne sais pas quoi faire et je me sens profondément ridicule en me posant ce genre de questions. Si je veux quelque chose, je m'en empare. C'est ainsi que je vis depuis toujours. Néanmoins, il s'agit de Sunflower et je ne veux pas qu'il souffre davantage par mon comportement qui est déjà bien trop égoïste à son goût. J'essaie de penser à lui, mais est-ce une bonne idée ? Ne devrais-je pas restreindre aussi un peu mon coeur ? Me poser ce genre de questions me fait parvenir des illusions si évidentes que je m'insulte sans avoir besoin de son aide.

Je sors de la douche. Je me sèche et me vêtis. Allant dans la cuisine pour me préparer un thé et de quoi grignoter rapidement avant de partir, je continue de penser à lui. Seulement lui. C'est inhabituel. Les matins de cours, je pense scolaire et j'essaie de me mettre dans l'ambiance. Les cours de la journée, les interros qui viendront, ma confiance plus ou moins acquise vis à vis de mes compétences et mes connaissances scolaires. Je repense à tout cela pour me concentrer sur la journée qui se prépare. Et aujourd'hui, je ne l'ai pas encore fait. A la place, Sunflower est dans ma tête. Je m'arrache presque les cheveux de frustration parce que je me demande comment je vais bonjour à mon petit-

Non. Il ne l'est pas.

(Kuchel) T'es en retard.

- Quoi ?!

Je me retourne et vois l'heure. Impossible !

- Merde !

Ma mère se met à rire.

(Kuchel) Tu passeras le bonjour à Sunflower.

Là est tout le problème.

SUNFLOWEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant