[9] La boîte de Pandore.

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☾ JEUDI 20 H 53 / JOUR 48

Deux journées. Il m'ignore depuis quarante-huit heures. Mardi, il n'est pas revenu en cours après avoir porté son masque de colère. J'ai le même. Sous ce masque, peu importe quelles émotions s'y trouvent, la souffrance est toujours le résultat. Je sais que je l'ai blessé et il m'ignore pour cela. Il vient en cours quand il le souhaite et je ne semble plus apparaître dans ses yeux depuis mardi. Il m'évite et m'ignore. Ce n'est pas facilement supportable. On ne s'est jamais adressé la parole au lycée. Il ne vient pas souvent, seulement aux cours qui lui plaisent le plus et lorsqu'il est là, il ne dit rien et je ne saurais aller vers lui sans savoir si je le peux réellement. Ce qui me bloque ? Une étrange routine. Chaque jour depuis notre deal, on ne se voit et se parle qu'au Bestial Club et je m'y suis fait. Lui parler, là, au lycée, devient curieusement difficile. Je perds ma voix alors que je sais que rien ne m'empêche de lui adresser la parole. D'autant que je garde une peur fortement liée à Hanahaki. Celle de me faire froidement rejeter, ce que je sais inévitable.

J'ai porté mes pas, hier midi, jusqu'au Bestial Club malgré sa menace de ne pas m'y rendre. Chemin habituel, mais rien n'était aussi appréciable. Je savais qu'une fois là-bas j'allais forcément me prendre un mur. Restait à savoir de quelle forme il pouvait s'agir. Pour le coup, il avait la réelle forme d'un mur, ou pourrais-je dire : d'un verrou. La porte du Bestial Club était verrouillée contrairement à d'habitude. Je n'ai pas pu ouvrir et je savais qu'il se trouvait à l'intérieur puisque Cadavre s'y trouvait, d'autant qu'à travers la vitre, je le voyais allongé sur le ring, seul, m'ignorant complètement. Il ne veut pas de mes excuses. Il ne veut pas me voir et il ne veut pas me parler. Alors je suis confronté, depuis mardi, à sa colère, son mutisme et sa fierté.

En toute naïveté, j'ai pensé : une absence pour une ignorance. Alors j'y suis retourné ce midi, pensant que la porte serait ouverte, pensant qu'en terme de blessures échangées nous aurions été quittes. Et naïf, je ne l'avais pas été depuis de nombreuses années. Je ne me souviens pas l'avoir été un jour. Et pourtant, aujourd'hui, l'espoir m'a piégé. J'ai été naïf face à cet enfoiré. La porte était fermée. Encore. Et il était là. Enfermé dans sa colère froide, son mutisme infernal et sa fierté puérile. D'autant que là où se trouve Cadavre, Sunflower n'est jamais loin.

Conséquemment, j'en ai parlé à la Binocle. Le connaissant mieux que moi, j'ai pensé qu'elle aurait une idée pour me venir en aide. Évidemment j'ai hésité à lui demander de l'aide. La tristesse et l'inquiétude vis-à-vis de cette madame Reiss la rongent un peu plus chaque jour, mais je me suis tout de même tourné vers elle, ce qui au final l'a ravi et lui a permis de trouver le courage de parler à Sunflower de l'accident dont il ne sait toujours rien. Lorsque je lui ai parlé, elle a souri en disant qu'il était aussi fière et têtu lorsqu'ils se sont rencontrés, quelques années auparavant. Un constat devant lequel j'ai dû me plier : elle le connaît bien mieux que moi et sera certainement toujours celle en qui il aura le plus confiance.

Aussi, j'ai appris que la Binocle possède une certaine philosophie. A un problème, toujours une solution. Et je suis d'avis à dire qu'à la suite d'une solution, il y aura toujours un autre problème. Advienne que pourra. La solution à mon problème reflète dans l'espoir qu'il ouvrira la porte du Bestial Club ce soir. D'après elle, il y passe le plus clair de son temps à peindre et y étudier. Appréciant la présence de Cadavre qui loge en ces lieux ainsi que le silence de cet endroit. Elle m'a certifié qu'avec elle à mes côtés, devant la porte vitrée du Bestial Club, il ouvrirait forcément. Je me garde la naïveté de croire en cela et me prépare déjà à me prendre son ignorance dans le visage. La Binocle n'a fait que me proposé de l'accompagner pour qu'elle puisse lui parler de l'orphelinat, ajoutant par ailleurs que ma présence l'aiderait à trouver le courage de tout lui avouer. Quant à moi, je profiterai de ce moment pour enfin pouvoir le voir et l'empêcher de me fermer la porte au nez. Une sorte de piège peu plaisant, mais il ne me donne pas vraiment le choix.

SUNFLOWEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant