Chapitre 6

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 En posant son premier pas dans le studio, le nouveau venu s'esclaffe et fait mine de vouloir repartir en courant : la chaleur infernale l'effraye. Avec un grand naturel, il retire son tee shirt et même son short, se retrouvant en simple boxer. Puis, à la vue de mon étonnement, il tente de se justifier avant de me saluer d'une bise : « Je fais comme chez moi, il ne faut pas y prêter attention. Avec Julien et Pietro, on est un peu comme une famille. On est déjà partis en vacances ensemble, plusieurs fois. Et comme on va sur des plages naturistes et qu'en plus ils m'ont surpris à deux reprises dans des situations très compromettantes... il n'y a plus du tout de pudeur entre nous. J'espère que ça ne te dérange pas. Je suis Alban, enchanté. Toi, on m'a dit que tu t'appelles Maxime et que, dixit Pietro, tu es tout à fait mon genre. Je pensais que c'était un piège mais pour une fois, je constate qu'il n'a pas menti. » La joue qu'il me tend est tout à fait humide, suite à sa pénible montée des escaliers, et j'observe que son torse lui aussi est ruisselant. Je me réjouis de m'être rhabillé avant qu'il apparaisse, car effectivement nous ne boxons pas dans la même catégorie : on sent un habitué des salles de sports, qui a le talent de développer ses muscles avec élégance et harmonie. Ses tablettes de chocolat, notamment, me laissent tout à fait songeur. J'ai du mal à réaliser qu'en trente secondes à peine il a retiré presque l'intégralité de ses vêtements et annoncé que je suis tout à fait son genre. Il y a une caméra cachée quelque part ? Depuis quand les Apollons débarquent à l'improviste et s'offrent à vous si directement ?

L'apéritif que nous partageons tous les quatre rend la situation plus troublante encore. Je me retrouve sur le canapé, collé au corps presque nu d'Alban, et l'écoute raconter ses déboires dans la maison de production de films documentaires où il a commencé il y a peu à travailler. Force est de constater que, non seulement il est beau comme un Dieu, mais a en plus une conversation intéressante et une personnalité entière. Comble de bon goût, il est d'une grande simplicité et semble se comporter comme s'il n'était pas conscient d'être une bombe capable de mettre n'importe qui à genoux devant lui d'un simple claquement de doigts. J'apprends au détour de nos échanges qu'il est un cousin éloigné de Pietro, et ne peux m'empêcher de jeter des regards discrets sur sa peau, particulièrement attirante. Sans que je sache si toute l'année elle est ainsi brune et légèrement brillante, ou si c'est l'effet de séances de bronzage sur une plage, il m'est facile d'imaginer mes mains glissant sur ses cuisses puissantes et presqu'imberbes.

L'idée de pouvoir vivre une aventure avec ce magnifique jeune homme semble me rendre nerveux. Moi qui habituellement sait très bien jouer les séducteurs lorsque quelqu'un me plaît, je me retrouve soudain pataud et quasiment muet. Les mots ont du mal à sortir de ma bouche, et j'ai l'impression de ne prononcer que des banalités. Et puis, les efforts de Pietro pour me mettre en valeur me rendent mal à l'aise. J'ai l'impression désagréable qu'on m'a placé de force un compagnon parfait entre les mains, et contre toute attente cela est désagréable. Pire encore, le fait qu'il me regarde régulièrement droit dans les yeux, ou qu'il m'écoute avec une attention soutenue lorsque je m'exprime me semble hors contexte. Comment peut-il montrer un tel intérêt pour moi, si nous nous connaissons à peine ? N'a-t-il pas besoin de me découvrir davantage avant de se montrer disposé à se jeter sur moi ? Depuis son arrivée, il bave en détaillant ma physionomie... C'est trop beau pour être vrai. Et pourquoi suis-je en train de me poser ce genre de questions au lieu de profiter de cette aubaine ? Je ne me reconnais pas. En temps normal, je serais déjà en train de caresser discrètement sa cuisse. Je ne suis pas du genre à laisser filer de telles opportunités...

Julien, assis sur une chaise à deux mètres de moi, semble avoir compris que je ne suis pas à l'aise. Il m'observe avec une certaine préoccupation, comme si le plan initial ne se déroulait pas comme prévu. Qu'attendaient-ils donc de moi, tous ? Qu'à peine ce prince charmant débarqué je me mette à mon tour en caleçon, puis que d'un geste décidé je lui offre un baiser langoureux ? Et ensuite, quoi d'autre ? Il aurait fallu lui faire l'amour devant tout le monde jusqu'à recevoir l'ovation de notre couple de spectateurs au moment de l'orgasme ? Tout ce petit jeu organisé à mes dépends me paraît déplacé. La vie et l'amour sont complexes. Ce n'est pas en réunissant ensemble deux garçons qui pourraient se plaire qu'on donne naissance à un couple passionné ou à une nuit endiablée. Dans cette histoire, on a oublié de me demander mon avis. Personne ne s'est soucié de savoir si j'avais envie, moi aussi, de participer à un épisode de Tournez Manèges.

Joli coeurWhere stories live. Discover now