#12 - Quatrième lettre

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Victor

Je la regarde encore interdit devant ses propos. Non mais c'est quoi son problème ? Vouloir à tout prix que j'ai des sentiments pour l'inconnu lui apportera quoi ?

— A moi rien, mais à toi plein de chose.

— Tu lis dans mes pensées ou quoi ?

— Je te signal que ton visage est un livre ouvert mon cher. Donc facile de deviner ce à quoi tu pensais, rétorque t-elle comme si tout était normal.

— A soit sérieuse s'il te plaît.

Elle se redresse et s'assoit en tailleur en face de moi, l'air tout à fait neutre et des yeux bleu comme la glace. A cette instant elle pourrait me faire presque peur si je ne la connaissais pas. Elle paraît si déterminé et si sûre d'elle. J'aimerais avoir au minimum un quart de son assurance.

— Ecoute moi bien. Tu lui parles, tu te sens proche de cette personne, elle te confie des choses que personnes ne devraient savoir, elle te fait confiance, elle n'a pas l'air d'aller bien et pourtant elle essaye de te rassurer sans vraiment connaître ta réaction vu qu'elle ne te connait pas plus que ça...

— Mais...

— Pas de mais Vic, tu dois m'écouter. (je baisse la tête et me triture les ongles, j'ai l'impression d'être un gamin que l'on dispute). Continue de lui parler, continue d'approfondir votre relation. Même si tu ne sais pas qui tu as en face de toi fait le. Tant pis si ça ne fonctionne pas, mais tu pourras peut-être lui sauver la vie.

Je hoche distraitement la tête. Que veut-elle que je réponde face à cela. Elle m'attrape le menton de sa main droite avec une extrême délicatesse et me sonde de ses yeux aux cils vertigineux et pourtant si naturels.

— Maintenant tu vas prendre en compte ce que je dis, reprend-elle. Je suis persuadée que ce n'est pas un hasard qui t'as mis sur la route de ce carnet...

— Toi et le destin, je souffle doucement.

— Tu veux que j'abandonne ? Tu es partie pour là.

— Bien sûr que non A, mais je n'arrive pas à comprendre.

— N'essaye pas et laisse toi guider par tes émotions, je te l'ai dit y'a à peine dix minutes.

— Bon c'est d'accord.

— D'accord de quoi ?

— Je vais faire un effort et continuer ce que j'avais commencé. Maintenant si tu veux bien m'excuser, j'ai une lettre à écrire.

— Si tu insistes. Je peux dormir ?

— Fait comme chez toi ma belle. (Je me dirige vers mon bureau, pose le carnet, sort un stylo et m'apprête à écrire quand je me tourne une nouvelle fois vers mon amie). Au fait, comment ce fait-il que tu ais su que c'était pour moi le carnet et pas quelqu'un d'autre ? Enfin... Je veux dire que c'est étrange que nous soyons deux inconnu et que pourtant notre support d'écriture arrive à bonne destination. Non ?

— Je te l'ai déjà dit. Quelqu'un me l'a passé me disant de te le donner. Je n'ai pas d'autres explications. Je suis désolée.

— C'est quand même étrange.

— J'irais mener mon enquête demain si tu le veux. En attendant je te souhaite une bonne nuit. Bisous loulou.

Je sens qu'elle n'est pas sincère mais je ne dis rien. C'est le genre de personne que tu peux embêter des heures mais qui ne cédera jamais.

— Après mon chéri, V et Vic c'est loulou ? je pouffe.

— Ouais ben ça rime...

— Je te taquine, bonne nuit ma chérie.

Et je me repositionne face à mon bureau pour me plonger dans la prochaine lettre. La quatrième exactement. A moi de faire le prochain pas de danse, si seulement je savais sur quel pied danser...

Cher.e inconnu.e, ta précédente lettre m'a un peu retourné.e et secoué.e je te l'avoue. Je pensais pas que tu allais mal de ce que j'ai put lire. Pour te changer les idées et j'espère que ça fonctionnera je vais te parler de moi. Un moi que je ne connais pas très bien, un moi qui me semble étranger, un moi qui est enfoui dans mon être, et pourtant (pour reprendre ton expression ;-)) j'ai l'impression que ce moi attend de se manifester depuis des années mais que je le bloque (je sais c'est incompréhensible). Ma meilleure amie me fait souvent la remarque que quand je parle c'est plus pour moi que pour les autres et que de ce fait, personne ne me comprend. Enfin bref. Tout ça pour dire que je vais essayer de te parler avec mon coeur en profondeur. Je ne suis pas doué.e pour ça en temps normal... Pendant que j'y pense, tu à une écriture très poétique et magnifique. Ta dernière lettre était vraiment émouvante et touchante. Je n'ai pas de frère ou de soeur. Ton père te bat, le miens est partie il y a trois ans. Mais je croit qu'il trompait déjà ma mère avant. C'est horrible d'être deux à se parler et que nous ayons, les deux, un problème avec notre paternel. Je ne lui parle plus depuis, sa seule présence est la pension qu'il nous verse. Ma mère reste ma seule famille. Elle est tout pour moi. Je ne connais pas mes grands-parents et ça ne me fait rien. Je ne ressens aucun manque car ma mère est présente à chaque instant et pour tout. Ma meilleure amie est un peu loufoque mais tellement drôle. Elle est aussi très franche et sérieuse quand elle le souhaite. Je peux lui dire tout ce qui me passe par la tête, elle le comprendra. J'ai un autre ami, mais notre relation est moins importante à mes yeux. C'est le chaud et le froid tout en étant un feu qui ne cesse de s'embraser. C'est bizarre de décrire une amitié de cette manière mais j'aime faire des métaphores. D'ailleurs elle me fait aussi penser à toi. Tu te décrit comme quelqu'un qui n'a rien pour lui, comme si tu ne méritais pas de vivre, comme si tu étais de trop alors que tes mots crient le contraire. Ils ont la présence que tu ne cesses de refouler, ils ont l'audace que tu caches, ils ont quelque chose de touchant et de personnel même quand tu essayes de paraître détaché. J'aime bien apprendre à te connaître derrière ses pages, sans visage et sans physique. Tu avais raison, une enveloppe corporelle ne veut rien dire, c'est l'âme qui nous définit. Je ne sais pas si tu trouves cela forcément intéressant. Pour parler de mes sentiments je ne sais pas vraiment quoi te dire. Je suis une personne plutôt réservée, je suis comme toi, je fais de la boxe mais pour ma part c'est par passion. J'aime ça mais pas mon coach, je le déteste, si tu savais... Mais bon, c'est le meilleur à ce qu'il paraît donc je passe outre ses réflexions et me fixe sur son enseignement. Je t'ai déjà dit que j'aimais le sport mais pas lequel donc maintenant c'est fait :-). J'aurais tellement de chose à te confier ou juste à balancer sans but. Mais je m'arrête là et attend ta réponse sinon ce sera trop long, genre monologue. Je te fais des bisous et j'espère sincèrement que tu iras mieux.

Je referme le carnet sans vraiment réfléchir à ce que je viens d'écrire. Je ne peux pas dire si c'est intéressant ou complètement con mais je n'ai rien à perdre. Un sourire en coin se dessine sur mes lèvres. Peut-être que A a raison. Et si c'est vrai ? Et si j'étais capable de m'attacher à quelqu'un dont je ne connais que ses souffrances ? Et si j'étais capable de m'attacher à quelqu'un du même sexe ? Et si j'étais capable de tomber amoureux ? Et si finalement je me voilais la face ? Et si finalement ma meilleure amie disait vrai ? Et si...

Non. Stop. Je dois me reposer, rien de tout cela n'est logique et ne me correspond.

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T'en penses quoi de ce nouveau chapitre ? Tu aimes la tournure des évènements ? Tu crois que c'est quoi le fond de la pensée d'A ? Comment vois-tu l'évolution de Vic et de ses potentiels sentiments ?
J'arrête de te poser des questions maintenant c'est à toi de le faire et de me donner tes théories pour la suite.
Gros bisous je retourne écrire en attendant ton message **3

Lui, moi et ce carnet (EDITÉ)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant