Jeux de mains, jeux de vilains

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1891

Abelforth sourit à sa petite soeur, Ariana, qui lui fait signe depuis leur jardin. La jeune Ariana, six ans, peine à obtenir l'attention de ses grands frères. Ces derniers passent plus de temps à se chamailler et jouer ensemble à propos de Merlin et de dragons. En même temps, elle n'est qu'une jeune fille, comme ils disent. Boudant cet argument, dont elle ne comprend pas le sens, elle décide d'aller vivre ses propres aventures. Elle veut être comme Hélèna Poufsouffle. Kendra, sa mère, lui raconte pleins d'histoires à propos des quatre mages les plus puissants de leur temps, qui ont fondé sa future école, Poudlard.

Alors qu'elle s'éloigne à travers les prairies environnantes, elle rit en tournoyant sur elle-même, jouant avec les papillons. Elle s'émerveille devant le magnifique spectacle qu'offre Mère Nature en ce début d'été. Les fleurs des champs saturent l'air chaud d'odeurs tantôt sucrées, tantôt fanées. Les alentours grouillent de vie, les insectes sont partout, Ariana les trouve fascinants. Ils sont si petits ! Elle fait toujours attention à ne pas marcher sur les fourmis et pourrait passer des heures à les observer.

Quand elle arrive à l'orée du bois, elle ne voit presque plus la maison, mais ce n'est pas grave, elle sait comment rentrer de toute façon. Elle souhaite juste aller voir les poissons dans la petite rivière à côté. L'ombre des sous bois est rafraîchissante et les odeurs boisées et humides offrent de nouvelles sensations. Ariana continue son chemin jusqu'à la grosse pierre sur laquelle elle s'assoit à chaque fois. Elle aime venir là parfois et jouer avec l'eau. Elle retire ses sandales et glissent les pieds dans l'étendue limpide.

Elle souffle, un peu triste d'être encore toute seule. Peut-être qu'un jour, elle aura une amie, avec qui elle pourra partager son amour de la nature, peut-être même que ce sera une sorcière elle aussi et qu'elles iront à Poudlard ensemble ! Cette pensée lui réchauffe le coeur et elle sourit. Puisqu'elle est seule, elle peut bien faire un peu de magie. Elle s'amuse à faire jaillir l'eau de la rivière, comme une petite fontaine, fait naître quelques nénuphars aussitôt emportés par le courant doux.

Sa magie a toujours eu une affinité avec la nature, tout comme elle. Ariana est douce et sensible aux êtres qui l'entourent. Quand elle se concentre assez fort, des dizaines de fleurs poussent autour d'elle, parce qu'elle les adore plus que tout. Alors à nouveau, elle ferme les yeux et sourit en repensant aux jolis coquelicots rouges des champs, aux marguerites, aux pissenlits.

- Qu'est-ce que tu fais ?!

Elle sursaute et se tourne pour voir des garçons pas très loin. Ils sont plus âgés qu'elle, même plus qu'Albus. L'ont-ils vue faire de la magie ? Le plus grand est tout maigre et sec, un plus petit, bien bâti, porte une salopette en jean élimée et le dernier est rondouillet, les yeux à moitié cachés par sa gavroche. Ils la dévisagent, nerveux.

- Euh, j-je ...

- Tu n'es pas normale, ça ne pousse pas comme ça les fleurs !!

- ...

Elle ne sait pas quoi répondre, comment ça, pas normale ? Devant les visages incrédules qui semblent attendre une réponse de sa part, Ariana formule l'explication la plus logique à ses yeux

- J'aime beaucoup les fleurs.

Une lueur de peur traverse les yeux des enfants, alors c'était vrai les légendes que racontent les grands pour faire peur le soir ?! Les sorcières existent ?! Le plus vieux la pointe du doigt et lâche, telle une accusation,

- Tu es une sorcière ! Les gars, chopez-là, elle ne doit pas s'enfuir !

La petite se relève bien vite, abandonnant ses sandales et détale dans les bois. Avec un peu de chance elle arrivera à la maison avant que ...

- Aïe !

Ariana se retrouve au sol, un peu sonnée. L'un des garçons l'a plaquée à l'orée du bois. Les deux autres la toisent de toute leur hauteur. Leurs yeux n'expriment que la rage et le dégoût. C'est une sorcière, elle ressemble peut-être à une enfant comme les autres, mais elle est différente, dangereuse, possédée par le malin. Il faut lui apprendre qu'elle n'est qu'un monstre. Ariana panique, avant d'avoir pu crier pour appeler à l'aide, le plus proche d'elle, le garçon maigre lui flanque un bon coup de pied dans le ventre, chassant l'air de ses poumons.

Tant bien que mal, la petite fille tente de respirer, laborieusement. La douleur irradie à chaque inspiration. Mais ce n'est pas fini, celui qui la maintient au sol lui tire les cheveux pour relever son visage pour qu'elle puisse prendre une gifle qui lui fend la lèvre. La suite semble floue, les coups pleuvent sur le corps frêle de la jeune sorcière, au rythme des insultes, toutes plus atroces les unes que les autres. Elle ne sait combien de temps dure son calvaire. Mais quand enfin cela semble terminé, elle ne peut plus bouger.

- Tu n'es qu'un monstre, n'oublie jamais ça, sorcière !

Son corps tremblant peine à simplement reprendre son souffle. Ses yeux sont fermés, elle ne veut plus rien voir, de toute façon, tout son corps est douloureux. Elle entend les voyous rire et s'éloigner en se chahutant. Une tristesse profonde s'empare de son coeur, sa famille lui aurait menti ? Ils ne sont que des monstres et des êtres anormaux ? Les larmes inondent ses joues gonflées et rougies. Elle ne veut plus être un monstre, elle ne veut plus souffrir, plus jamais. L'air frais balayant son visage tuméfié est la dernière chose qu'elle ressent avant de sombrer dans l'inconscience.

- Marianne -

Calendrier de l'Avent 2021Où les histoires vivent. Découvrez maintenant