Balcon d'Aure

Aure: J'ai perdu foi en l'être humain depuis bien longtemps

Aure fixait la silhouette adossée au balcon depuis déjà dix minutes. On pourrait croire, d'un point de vue extérieur, que c'était une sorte de stalkeuse pas du tout discrète. C'est quand elle vit qu'il commençait à se parler à lui-même qu'elle se disait qu'effectivement, ce gars était bizarre.

C'était de la mauvaise foi pure et dure, elle le savait. Elle-même le faisait, mais elle le trouvait quand même louche.

Elle sortit de sa contemplation quand elle sentit un bras se poser lourdement sur son épaule, la faisant sursauter au passage. Elle détestait les contacts physiques. On avait des bouches qui permettaient de communiquer, c'était suffisant ! Pourquoi fallait-il forcément se toucher ? Elle tourna lentement sa tête, déjà agacée de la conversation qui n'avait même pas débuté.

Sans grand étonnement, elle tomba nez à nez avec un gars complètement bourré. Tandis qu'elle s'attendait à voir sortir de sa bouche une suite de mots incompréhensibles, elle eut l'agréable surprise de voir son tee-shirt se teindre de vomi.

Merci, c'est aimable. Pensa-t-elle.

Avant de tuer du regard l'individu qui venait, dans le plus grand des calmes, de vider son estomac sur sa personne.

Elle perdit foi en l'humanité au moment où elle entendit des hurlements féminins censés montrer leur dégoût – bien qu'elle trouvait que ça ressemblait plus à une pièce de théâtre de mauvaise facture – et la moitié des garçons acclamaient leur héros de la soirée. Ok. Ne plus faire de fête, c'était définitif.

Malgré les cris de gorille en rûte, elle distingua au-dessus du brouhaha un « Tim ». C'est en levant le regard, qu'elle tomba sur le garçon du balcon qui s'avançait en bousculant la plupart des invités comme un footballeur américain. Ça y est, c'était clair et net, l'univers était contre elle.

Il fallait forcément que l'autre gland de Tim connaisse « Monsieur je parle tout seul ». C'est en s'approchant, faisant preuve d'aucune délicatesse, qu'il demanda :

- Ça va ?

- Ouais, ouais. S'agaça-t-elle en regardant son haut, et en étant à deux doigts de balancer la canette de bière dans la gueule de la blonde devant elle, qui gloussait comme une dinde depuis tout à l'heure.

Un moment de flottement s'installa avant qu'il réponde :

- En fait, je demandais à mon frère... Mais content d'apprendre que tu ailles bien aussi.

Elle ne savait plus si c'était dans la pouf d'en face ou dans sa gueule qu'elle avait envie d'envoyer le projectile. Puis, le dilemme prit fin quand le fameux Tim porta ses mains à sa bouche. Il n'en fallut pas plus pour que les deux comprennent, et qu'Aure prenne le garçon par le col pour l'emmener le plus rapidement aux toilettes.

Les deux se tenaient derrière lui avec comme fond sonore la musique, et comme bruit principal le gars qui vidait tout l'alcool ingurgité.

Elle avait eu le temps de partir, de se changer que le gars était encore en train de se vider. À cette allure, elle pouvait partir faire le tour du monde qu'il aurait encore la tête dans la cuvette.

C'est quand elle vit la dinde blonde arriver près des toilettes, visiblement avec une envie pressante, qu'Aure s'est dit que finalement, il y avait quelque chose de positif dans cette histoire.

- Bien fait pour ta gueule. Connasse !